D’un (bon) plan à l’autre
En 1974, la France est en retard en matière de déploiement du réseau télécom. A l’époque, il s’agit de permettre aux Français et aux entreprises de téléphoner ; le gouvernement de l’époque constate ce retard par rapport à ses voisins et l’international, alors que la France faisait initialement office de pionnier, avec le premier appel passé en 1879, 3 ans après l’invention de Bell aux Etats-Unis. Un plan « rattrapage » est donc lancé dans cet objectif par le gouvernement de l’époque. Quatre ans après, le dix millionième abonné est raccordé.
Désormais, c’est un autre plan qui nous mobilise : le Plan France Très Haut Débit. En permettant le raccordement de tous à la fibre, lui-aussi constitue une révolution pour la connectivité des Français et la modernisation de nos entreprises. Nous sommes à un moment clé de ce grand projet, avec quatre enjeux majeurs pour que son achèvement soit exemplaire :
- Finaliser la complétude des déploiements,
- Passer du « raccordable » au « raccordé » à la fibre,
- Assurer la fermeture du réseau cuivre historique dans de bonnes conditions,
- Veiller sur les conditions d’exploitation des réseaux d’initiative publique.
Tout ceci doit en outre se faire avec un niveau de qualité à la hauteur des attentes des Français ! La dernière édition de l’observatoire de l’Arcep révèle que l’amélioration de la qualité, perceptible sur la majorité des réseaux, semble se confirmer. C’est une bonne nouvelle, mais il reste encore beaucoup à faire : les efforts de la filière doivent être maintenus.
Complétude : une recommandation pour éclairer le marché
Comme l’Arcep s’y était engagée, elle a publié en avril dernier une recommandation relative à la mise en œuvre de l’obligation de complétude des déploiements FttH, afin donner de la visibilité aux opérateurs quant à nos attentes en matière de complétude. Des clarifications sont apportées sur la notion de refus et blocages ne relevant pas de la responsabilité de l’opérateur d’infrastructure, la notion de gel commercial… Le respect de ces bonnes pratiques permettra de vérifier le respect des obligations de complétude.
Passer du raccordable au raccordé : des rappels et un nouveau dispositif
Si l’opérateur d’infrastructure est responsable de la réalisation des raccordements complexes sur le domaine public, le passage du statut de « raccordable » à « raccordé » échoue parfois, du fait de travaux de génie civil à faire sur le domaine privé. L’Arcep se réjouit de la publication par le gouvernement du dispositif expérimental de soutien aux ménages pour les travaux de raccordement en zone privative, pour les locaux inclus dans les lots 1 et 2 de fermeture du réseau cuivre.
Conditions d’exploitation des RIP : dites-nous tout
Pour apporter de la transparence sur les conditions d’exploitation des RIP et éclairer les discussions sur les enjeux relatifs à leurs modèles économiques, l’Arcep a lancé en juillet 2025 une large consultation sur les conditions économiques du maintien en conditions opérationnelles des réseaux en fibre optique en zone d’initiative publique. Nous invitons les opérateurs d’infrastructure à nous transmettre des informations sur les coûts relatifs à l’exploitation de leurs réseaux, il s’agit là d’une étape essentielle ! Sur cette base, nous serons en mesure de partager un modèle de référence des coûts, afin de faciliter le renouvellement des délégations de service public et les négociations entre acteurs.
Fermeture du cuivre : l’étape clé de janvier 2026
En 2022, Orange a présenté son plan de fermeture du réseau historique en cuivre ; c’est un chantier structurant pour l’ensemble de la filière et pour les Français. En janvier 2025, un premier lot a été fermé techniquement, avec succès : l’engagement de tous, opérateurs et collectivités a permis cette réussite. En janvier prochain, environ 880 000 locaux seront fermés techniquement. Une priorité pour l’Arcep dans ce cadre : la migration des entreprises, qui doit être particulièrement anticipée. Autre étape importante en janvier prochain : la fermeture commerciale du réseau de 90% des communes représentant 70% des lignes cuivre. L’enjeu principal est la finalisation des déploiements en amont de cette échéance. En cela, cette étape et plus généralement le plan de fermeture du cuivre, marquera le succès de la fibre.
Des réseaux mobiles également en transition
En matière de réseaux mobiles, deux challenges sont devant nous : réaliser la fermeture des réseaux 2G et 3G dans de bonnes conditions et assurer l’équité d’accès dans tous les territoires, y compris ultramarins.
Les opérateurs ont choisi de fermer progressivement les réseaux mobiles 2G et 3G, ouverts dans les années 1990, à partir de fin 2026. Cette tendance mondiale est motivée par la réduction des équipements actifs sur les réseaux les plus anciens, la meilleure efficacité énergétique des réseaux 4G et 5G et aussi le renforcement de la sécurité des réseaux et. Les obligations des opérateurs étant attachées aux fréquences et non à la technologie, la fermeture des réseaux 2G et 3G ne devrait pas avoir d’incidence sur la couverture des réseaux mobiles. L’enjeu réside surtout sur la migration des équipements 2G ou 3G, non compatibles avec la 4G ou la 5G. Afin d’en suivre l’évolution, l’Arcep a enrichi son observatoire de suivi des cartes SIM : au 2ème trimestre 2025, il reste 5,9 millions de cartes SIM dans des terminaux compatibles uniquement « 2G » et «3G/2G ». L’Arcep est particulièrement attentive aux actions mises en œuvre par les opérateurs auprès de leurs clients pour les sensibiliser à l’arrêt à venir des technologies 2G et 3G, pour proposer des offres adaptées à leurs besoins et, le cas échéant, les accompagner dans les actions nécessaires pour anticiper cet arrêt.
Par ailleurs, pour renforcer la disponibilité de la 4G et de la 5G dans les outremers, l’Arcep a procédé à de nombreuses attributions de fréquences en 2024 et 2025 : plus de 30 décisions. Les opérateurs disposent donc d’un patrimoine de spectre qui devrait leur permettre d’accroitre significativement la couverture mobile et la qualité de service dans les territoires ultramarins.
Au-delà de la connectivité : l’enjeu de l’accès aux données et au cloud
Penser l’aménagement numérique du territoire, c’est aussi penser l’accès au cloud et aux données, pour les collectivités et les entreprises. C’est à partir de nombreux échanges avec les acteurs que nous avons mis en consultation publique ce qui nous semblent être les bonnes pratiques à mettre en œuvre par les fournisseurs en matière d’interopérabilité et la portabilité du cloud. L’objectif est d’ouvrir le marché, de le rendre plus concurrentiel, en facilitant le changement de fournisseur ou le développement des environnements multi-cloud. Nous défendrons cette approche auprès de la Commission européenne, afin de l’aider à mettre rapidement en œuvre les dispositifs du Data Act dont elle est responsable depuis le 12 septembre 2025.
En matière de données, l’Arcep a labellisé en 2025 deux prestataires de services d’intermédiation de données. Neuf se sont notifiés auprès de nous, soit environ le tiers de l’ensemble des intermédiaires de l’Union européenne. Cela devrait leur permettre de développer leur activité et surtout de rendre disponibles plus facilement à leurs utilisateurs certaines données, par exemple celles du monde aéroportuaire ou du spatial.
2025 est la première année de mise en œuvre de la nouvelle stratégie de l’Arcep, « Ambition 2030 ». L’ensemble des chantiers engagés et évoqués ici en sont les premiers fruits, pour permettre à l’ensemble de nos concitoyens et des entreprises de disposer des infrastructures numériques partout, pour tous et pour longtemps. La conférence « Territoires connectés », ouverte à de nouveaux sujets (cloud et données en particulier) et de nouveaux acteurs est aussi un symbole de cette évolution de l’Arcep, des télécoms aux infrastructures numérique plus largement.
Laure de La Raudière, présidente de l’Arcep
► Le Post n° 81 - septembre 2025