En seulement un an de mise en oeuvre du règlement européen sur les marchés numériques - le Digital Market Act (DMA) - les entreprises et les utilisateurs européens peuvent déjà constater plusieurs évolutions concrètes qui améliorent leur expérience numérique au quotidien et augmentent leur liberté de choix.
Les utilisateurs peuvent désormais sélectionner le moteur de recherche et le navigateur par défaut de leur choix sur leurs appareils Android et iOS - en 2024, près de la moitié des Français en ont d'ailleurs essayé un autre ! -, et utiliser des magasins d'applications alternatifs à ceux qui sont installés par défaut sur ces smartphones.
Ils peuvent également mieux maîtriser leur vie numérique en récupérant et en transférant leurs données personnelles, depuis des plateformes comme Instagram, Facebook ou TikTok. Dans le secteur du tourisme, les hôteliers de tous les pays européens peuvent désormais proposer directement aux consommateurs des offres à un prix différent de ceux proposés sur la plateforme Booking , avec éventuellement un meilleur tarif.
Les utilisateurs ne sont plus obligés de créer un compte Gmail pour accéder aux services YouTube ou Google Play. Bientôt, les communications avec les messageries instantanées pourront être encore plus fluides grâce à leur interopérabilité progressive. Ce résultat, qui n'est qu'intermédiaire, est le fruit de plusieurs années d'évolution de la régulation numérique en Europe, au bénéfice des utilisateurs.
Garantie d'une concurrence plus équitable
Le 7 mars 2024 a marqué un tournant dans la régulation du numérique en Europe avec l'entrée en vigueur du DMA qui impose de nouvelles règles aux géants du secteur. Cette réglementation contraint Meta, Amazon, Apple, Google, ByteDance et Microsoft, désignés comme contrôleurs d'accès par la Commission européenne, à adapter leurs pratiques pour garantir une concurrence plus équitable, facilitant ainsi l'accès des consommateurs à une diversité de services, notamment ceux d'entreprises innovantes. Deux mois plus tard, la plateforme néerlandaise Booking rejoignait cette liste.
Priorité de la présidence française du Conseil de l'Union européenne, ce texte ambitieux adopté en septembre 2022 est venu renforcer les outils destinés à mieux encadrer l'espace numérique aux côtés d'autres textes européens récents.
Comme le règlement sur les services numériques (RSN/Digital Service Act) qui vise à mieux protéger nos droits fondamentaux sur les plateformes numériques, principalement les réseaux sociaux et places de marché. Ou le règlement sur la gouvernance des données (Data Governance Act) et le règlement sur les données (Data Act), qui visent ensemble à soutenir le partage sécurisé des données, notamment celles en lien avec les objets connectés. Et enfin, le règlement sur l'intelligence artificielle (AI Act) qui encadre le développement, la mise sur le marché et l'utilisation des systèmes d'IA.
500 millions d'euros contre Apple
Bien que poursuivant des objectifs distincts, ces textes se complètent pour offrir aux citoyens et aux entreprises européennes des marchés et des services numériques à la fois concurrentiels, innovants, et protecteurs de leurs libertés fondamentales ainsi que des valeurs, notamment démocratiques, de l'Union européenne.
Loin d'être théoriques, ces textes sont contraignants et leur non-respect est déjà sanctionné. Plusieurs enquêtes de la Commission européenne visant à sanctionner le non-respect de certaines obligations du DMA ont ainsi été ouvertes, dont deux viennent de se conclure le 23 avril dernier par des sanctions infligées de 500 millions et 200 millions d'euros contre Apple et Méta.
Ces amendes sanctionnent les obstacles mis en place par Apple sur son magasin d'applications pour freiner le développement d'offres alternatives, et le modèle économique de Méta qui impose aux utilisateurs de consentir à l'utilisation de leurs données personnelles à des fins publicitaires ou de payer l'accès au service.
Défis collectifs
Ces premières avancées sont prometteuses, mais beaucoup reste encore à accomplir pour que les utilisateurs européens et les entreprises innovantes puissent pleinement tirer parti du potentiel de ce texte.
L'applicabilité du DMA pourrait ainsi être renforcée notamment sur les services de cloud. En effet, ces services sont devenus essentiels pour les entreprises françaises et le développement de l'IA renforce encore leur caractère incontournable, la plupart des services d'IA fonctionnant dans le cloud.
Le défi est considérable. Avec le DMA, l'Europe affirme sa volonté de faire du marché intérieur un espace numérique ouvert, concurrentiel et dynamique, où les entreprises innovantes peuvent se développer et rivaliser à armes égales avec les acteurs établis. S'agissant du DSA, les attentes comme les enjeux sont plus forts que jamais en matière par exemple de protection des mineurs ou d'intégrité des processus électoraux.
Nous, régulateurs qui avons le numérique en commun, nous mobilisons pleinement et collectivement, avec détermination pour que l'ensemble des régulations européennes du numérique soient pleinement appliquées et produisent les effets attendus par nos concitoyens.
Les signataires de cette tribune sont :
- Benoît Coeuré, président de l'Autorité de la concurrence
- Sarah Lacoche, directrice générale de la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes
- Laure de La Raudière, présidente de l'ARCEP
- Martin Ajdari, président de l'ARCOM
- Marie-Laure Denis, présidente de la CNIL.