Au sommaire ce mois-ci :

Des données robustes contre le greenwashing ; l’avis de l’Autorité sur les nouveaux engagements d’Orange acceptés par le Gouvernement ; un « printemps » du numérique soutenable inauguré par la première enquête de l’Arcep évaluant l’empreinte environnementale des fabricants d’équipements et des centres de données ; la ligne de crête à suivre pour une IA tout aussi efficace que « frugale » et respectueuse des droits fondamentaux.

Edito

« Disposer de données robustes sur l’empreinte environnementale du numérique est la 1ère exigence pour éviter comportements inefficaces et greenwashing »

Par Xavier Merlin, membre du collège de l’Arcep

Dans les années 2010, le numérique était perçu quasi-exclusivement comme une solution possible à certains des grands enjeux environnementaux auxquels le monde est confronté.

Ce n’est que depuis quelques années qu’a émergé une prise de conscience de l’empreinte environnementale du numérique, par ses émissions de gaz à effet de serre, sa consommation électrique, l’écotoxicité de ses déchets ou encore l’utilisation de ressources rares et stratégiques qu’il nécessite. Comme les anglo-saxons le résument bien, on est passé de la considération « IT for green » à la problématique « green for IT ».

La compréhension de ces phénomènes imbriqués est complexe, surtout en l’absence de données fiables. Pour ne pas tomber dans les pièges des raisonnements simplistes, qui peuvent conduire à des comportements inefficaces voire au greenwashing, la première exigence est de disposer de séries de données robustes, permettant de mesurer les impacts des différentes briques (terminaux, réseaux, centres de données…) durant l’ensemble du cycle de vie du numérique, et leur évolution dans le temps.

C’est le sens du travail que l’Arcep a engagé depuis 2019, en lien notamment avec l’ADEME. Ses publications s’enrichissent d’année en année de nouvelles données, affinant progressivement la vision d’ensemble de l’impact du numérique sur l’environnement en France. Elles permettront également d’appréhender l’effet d’évolutions structurantes, comme la montée en puissance récente de l’intelligence artificielle générative.

Ces données ont vocation à être partagées avec les acteurs du numérique, les pouvoirs publics et les utilisateurs pour permettre à chacun de s’en saisir, et d’agir chacun à son niveau. L’Arcep diffuse plus largement le résultat de ses travaux à l’échelle européenne et mondiale, consciente que ces défis, par nature globaux, appellent des réponses supranationales. Cette démarche a d’ailleurs été saluée par plusieurs institutions internationales, dont l’UIT et la Banque mondiale.

Une chose est certaine : nous ne devons pas attendre de disposer de l’ensemble des données pour agir, car l’inaction a un coût environnemental. Les travaux de l’Arcep, entre autres ceux en faveur de la sobriété numérique comme le référentiel d’éco-conception (qui sera présenté dans les semaines à venir), permettent également à l’ensemble des parties prenantes d’identifier des leviers pour commencer à agir dès maintenant.

La régulation en action

Accord entre Orange et le Gouvernement : l’avis de l’Arcep

Dans son observatoire du très haut débit en France, l’Arcep constate fin 2023 un net ralentissement du rythme de déploiement de la fibre optique jusqu’à l’abonné (FttH). Les déploiements ont certes été massifs les années passées, et plus de deux tiers des abonnements sont désormais en fibre optique. Les raccordements restants sont souvent les plus complexes, mais l’Arcep reste vigilante sur le suivi des engagements opposables qu’ont pris les opérateurs en matière de déploiement de la fibre. En octobre dernier, l’Autorité a ainsi sanctionné Orange pour le non-respect de la première échéance de ces engagements pris en 2018 pour le déploiement de la fibre en zone AMII (zones moins denses d’initiative privée).

Afin de s’assurer que l’objectif fixé de généralisation de la fibre en 2025 soit tenu, le Gouvernement a signé un accord avec Orange prévoyant de nouveaux engagements sur les territoires où le déploiement a pris du retard. Cet accord fixe un objectif de 1,12 million de nouveaux locaux rendus raccordables en zone AMII d’ici la fin 2025. Le résidu serait lui raccordable à la demande, sous six mois.

Toutes ces dispositions se substituent à la 2e échéance qui prévoyait un taux de déploiement de 100% dans cette zone dès fin 2022. Dans son avis transmis au ministère en charge du numérique, l’Arcep note ces ambitions revues à la baisse. Elle estime toutefois que l’accord devrait permettre de relancer les déploiements dans les territoires concernés et permettre d’atteindre un taux de locaux raccordables de 97% en moyenne.

Mais l’Arcep identifie également plusieurs points de vigilance, et alerte notamment sur les limitations importantes du dispositif de raccordement à la demande, de nature à interroger quant à son effectivité opérationnelle.

Lors de la signature de l’accord le 12 mars, Marina Ferrari, secrétaire d’Etat en charge du numérique, a toutefois rappelé : « Orange a déjà été sanctionné l’an dernier […] : nous pourrons recommencer » en cas de non-respect de ses engagements.

Pour un numérique soutenable

L’enquête « Pour un numérique soutenable » analyse pour la 1ère fois l’empreinte environnementale des fabricants d’équipements, des opérateurs de centres de données et la consommation électrique des box internet et décodeurs TV

Depuis 2020, l’Arcep collecte des données environnementales auprès des quatre principaux opérateurs télécoms et restitue ces informations dans une publication : l’enquête annuelle « Pour un numérique soutenable ».

Avec l'étude Ademe-Arcep, cette publication fait partie des seules ressources à évaluer l'empreinte environnementale du secteur numérique en France. Et même la seule en Europe à réaliser un tel diagnostic à un niveau national. Ce travail pionnier a d’ailleurs été salué par la Banque mondiale comme un exemple à suivre pour l'ensemble des régulateurs nationaux des télécoms.

Dans sa 3e édition, pour continuer à enrichir la connaissance commune de l’empreinte environnementale du numérique, l’Arcep a interrogé – en plus des grands opérateurs télécoms – les principaux fabricants d’équipements numériques (téléviseurs, smartphones, ordinateurs portables…) et opérateurs de centres de données.

Pour rendre ces résultats accessibles à tous, l’Autorité a accompagné la publication de son enquête d’une synthèse infographique. Ce qu’il faut en retenir :

  • Le parc des box Internet et décodeurs TV a consommé 3,3 TWh d’électricité en 2022. Cela représente 0,7% de la consommation totale d’électricité en France, et 3 fois la consommation des réseaux fixes déployés par les opérateurs. L’Arcep détaille ces résultats avec des comparaisons de consommation notamment par type de box et décodeurs et l’ajout ou non d’équipements annexes tels que les répéteurs Wi-Fi ;
  • L’empreinte environnementale des opérateurs de centres de données augmente fortement sur tous les indicateurs étudiés, notamment +14% d’émissions de GES et +15% de consommation d’électricité en 1 an ;
  • Les émissions de GES des opérateurs télécoms sont de nouveau en hausse en 2022, portées en particulier par la croissance des émissions directes et indirectes (liées à la consommation d’électricité) des réseaux mobiles ;
  • Les téléphones reconditionnés représentent toujours une faible part des ventes de téléphones des opérateurs télécoms (4%) alors que ce segment progresse nettement dans les autres canaux de distribution (25% de part de marché).

Pour en savoir plus :

Datarcep

Télécharger l'infographie (svg - 451Ko)

Observatoire haut et très haut débit : dans un contexte de ralentissement des déploiements en 2023, plus des deux tiers des locaux désormais abonnés à la fibre

L’Arcep a publié son bilan 2023 des services fixes à haut et très haut débit. Il en ressort deux informations principales : d’abord, 75% des abonnements internet fixe sont désormais à très haut débit. Une augmentation de 8 points en un an essentiellement portée par la fibre optique. Cette technologie représente désormais 66% des abonnements internet fixe.

Les utilisateurs sont donc au rendez-vous, mais cette bonne nouvelle est assombrie par un rythme des déploiements FttH (fibre jusqu’à l’abonné) ralenti. 3,5 millions de locaux ont été rendus raccordables à la fibre en 2023. C’est 25% de moins qu’en 2022. Il reste pourtant plus de 6 millions de locaux à rendre raccordables. Sur les 44,1 millions de locaux recensés, 86% sont raccordables à la fibre.

L’Arcep constate que le ralentissement de la croissance des déploiements est plus fort dans les zones très denses (-40%) et dans les zones moins denses d’initiative privée (dites zones AMII, -40%) que dans les RIP (réseaux d’initiative publique, -20%).

Tout terrain

Les collaborateurs d’Airbus et les équipes de l’Arcep sur le site d’Airbus de Blagnac. Crédit : Airbus.

5G industrielle et innovante : au cœur des expérimentations de réseaux privés d’Airbus et de Toulouse Métropole

En 2023, 92 demandes de fréquences ont été déposées auprès de l’Arcep pour des expérimentations 5G, qui séduisent de plus en plus d’industriels et de collectivités. Le 22 mars, une délégation de l’Arcep – composée de sa présidente et de ses équipes « mobiles » et « territoires connectés » – est allée à la rencontre de deux acteurs menant des expérimentations : Airbus, sur son site industriel de Blagnac, et la collectivité de Toulouse Métropole avec son partenaire Alsatis.

  • Pour Airbus, un besoin impérieux de s’affranchir des limites du Wi-Fi

Pour Airbus, l’expérimentation d’un réseau privé en 5G a mis en évidence l’intérêt de cette solution pour relever plusieurs défis opérationnels au sein de l’entreprise. Les activités d’Airbus impliquent, par exemple, de récupérer à distance une importante quantité de données sur la phase de test de ses avions. Or, avec des sites industriels gigantesques, des besoins croissants en connectivité inhérents à des phases de test plus complexes, et des métaux qui perturbent la pénétration des ondes, les technologies existantes en Wi-Fi avaient atteint leurs limites. La 5G a permis de dépasser ces contraintes. Elle a également permis de développer de déployer un chariot autonome assurant seul des tâches logistiques dans la ligne de montage.

  • Toulouse Métropole développe sa propre vision de la « Smart City »

Pour Toulouse métropole, l’expérimentation d’un réseau 5G privé s’inscrit dans un programme européen visant à mutualiser l’infrastructure nécessaire à la connectivité de ses hôpitaux, de son système de vidéosurveillance ou encore de ses transports en commun. Cela devrait lui permettre de réduire ses coûts tout en gagnant en fiabilité et en efficacité. Son ambition est de poursuivre le développement de ce réseau sur mesure pour impulser une gestion toujours plus efficace de ses services publics et répondre aux besoins spécifiques de ce territoire.

Pour en savoir plus :

En vue

Anne Bouverot et Philippe Aghion

Respectivement, Présidente du conseil d'administration de l’ENS et Professeur d’économie – Collège de France - INSEAD

La Commission de l'IA a remis son rapport au Gouvernement pour « faire de la France un pays à la pointe de la révolution de l’intelligence artificielle »

Comme relaté dans Le Post d’octobre 2023, Philippe Aghion, économiste, et Anne Bouverot, présidente du conseil d'administration de l'ENS, avaient été choisis pour présider le comité interministériel sur l'intelligence artificielle générative et présenter sous six mois au Gouvernement des recommandations de nature à « faire de la France un pays à la pointe de la révolution de l’intelligence artificielle ». C’est désormais chose faite avec la remise de leur rapport au président de la République le 13 mars dernier. Au menu : 25 recommandations articulées autour d’un plan d’investissement de 27 milliards d’€ sur cinq ans, et des actions visant à « sensibiliser et former la nation à l’IA », « amplifier le recours aux outils d’IA dans l’économie française », « réorienter l’épargne » vers un fond dédié à l’innovation, faire de la France « un pôle majeur » d’implantation de centres de calcul grâce à des « crédits d’impôt IA », faciliter l’accès aux données,  « libérer les chercheurs spécialisés en IA des contraintes administratives » et, enfin, « promouvoir une gouvernance mondiale de l’IA au service de l’intérêt général ».

Bruxelles, l’Arcep et vous

L'obligation d'interopérabilité de Meta entre en vigueur et marque de nouvelles ambitions pour la liberté de choix des utilisateurs en Europe

Envoyer un message depuis Telegram, à un ami qui le recevrait sur WhatsApp, une douce utopie ? Aujourd’hui, faute de standards communs – et contrairement aux SMS ou aux courriels - cette interopérabilité n’est pas possible : les messageries instantanées les plus utilisées reposent sur des protocoles propriétaires et des effets de réseau, qui peuvent rendre les utilisateurs captifs de ces services et fausser la concurrence.

Pour pallier ce problème, les législateurs européens ont prévu dans le Digital Markets Act (le règlement sur les marchés numériques ou DMA) une obligation d'interopérabilité pour les principaux fournisseurs (aussi appelés « contrôleurs d'accès », ou « gatekeepers » en anglais) de services de messageries instantanées. Lors de la première désignation en septembre 2023, seule l'entreprise Meta a été considérée par la Commission européenne comme un contrôleur d'accès sur ses services WhatsApp et Messenger.

En quoi consiste et que signifie « l'interopérabilité » ? Cette nouvelle obligation est introduite par l'article 7 du DMA. Concrètement, si un service alternatif de messagerie instantanée le demande, le contrôleur d’accès doit fournir gratuitement l'interface technique permettant à son concurrent d'interconnecter leurs services. Par exemple, si Telegram utilisait son nouveau droit à s'interconnecter à WhatsApp, un utilisateur de Telegram pourrait, via son application Telegram, envoyer un message à un utilisateur de WhatsApp, qui le recevrait sur son application WhatsApp.

Si la théorie est simple, l'application de cette obligation soulève des questions techniques importantes qu’il est nécessaire de clarifier, pour que les services alternatifs ne soient pas dissuadés de s'interconnecter aux services des contrôleurs d’accès et que l’interopérabilité soit effective.

C'est pour cette raison que la Commission européenne a saisi le BEREC (groupe des régulateurs européens des télécoms) pour qu’il évalue le projet présenté par Meta pour rendre WhatsApp interopérable. Ce projet est formalisé dans une « offre de référence », un document technique listant les conditions techniques et commerciales qui encadrent l'interopérabilité et permettent aux acteurs d'interconnecter leurs services.

Sur la base de l’avis technique du BEREC et des échanges avec la Commission européenne, Meta a déjà modifié son offre le 7 mars dernier. Et de nouveaux ajustements sont possibles : le groupe des régulateurs rendra un autre avis afin de contribuer à la mise en œuvre efficace de l’interopérabilité de WhatsApp.

Par ailleurs, le BEREC évaluera également le projet d’offre de référence de Messenger, dont l’interopérabilité sera effective un peu plus tard que WhatsApp, en septembre 2024. Cette coopération avec la Commission pour la mise en œuvre du DMA montre que l'expertise technico-économique des régulateurs des télécoms, dont l'Arcep, alimente utilement les travaux européens sur les usages numériques.

Les pépites à partager

« Sobriétés et modes de vie » : le nouveau baromètre de l’ADEME qui interroge les pratiques et perceptions des Français de la sobriété

Pour mieux appréhender l’évolution des comportements et perceptions des Français sur les questions de sobriété, l’ADEME a lancé un nouveau baromètre interrogeant nos modes de vie en matière de mobilité, d’alimentation, de consommation, de logement… et de numérique. On y apprend par exemple que 93% des équipements numériques n’ont jamais été réparés, que seuls 16% des répondants possèdent un smartphone d’occasion ou reconditionné (le plus souvent par contrainte économique) ou encore que 60% renouvellent leur smartphone avant sa cinquième année d’utilisation. Divers enseignements qui questionnent l’efficacité des actions de sensibilisation réalisées ces dernières années.

« Observatoire des Territoires connectés et durables » : InfraNum étudie les projets des collectivités mobilisant des objets connectés

La fédération InfraNum, en partenariat avec la Banque des Territoires, a analysé les projets de près de 60 collectivités intégrant les objets connectés pour répondre à des enjeux de transition écologique. D’après cette étude, ils concernent en premier lieu une meilleure gestion de la consommation énergétique des bâtiments, puis de l’éclairage, de la gestion de l’eau, du stationnement et des déchets. InfraNum détaille ces projets afin d’inspirer les collectivités sur les utilisations pertinentes de ces technologies.

Ailleurs dans le monde

Un an après son lancement, l’initiative Open Gateway rassemble désormais 47 groupes d’opérateurs représentant 65% des connexions mobiles à travers le monde

Lors du Mobile World Congress de Barcelone en février dernier, la GSMA (organisation internationale représentant les intérêts des opérateurs et constructeurs de téléphonie mobile) a fait le point sur son initiative Open Gateway lancée l’année dernière. Celle-ci rassemble désormais 47 groupes d’opérateurs, qui représentent 239 réseaux mobiles et 65% des connexions à travers le monde.

En collaboration avec des partenaires technologiques dont des équipementiers et des fournisseurs de cloud, la GSMA espère que ce projet permettra de « libérer le potentiel des réseaux 5G » à travers la commercialisation et la monétisation d’API (interfaces de programmation d'application) ouvertes aux développeurs d’applications. Ces derniers pourront accéder à des fonctionnalités de gestion du réseau (identification carte SIM, réservation de capacité, etc.) qui n’étaient jusque-là accessibles qu’aux opérateurs, et ainsi enrichir les services offerts aux utilisateurs finals.

Pour le moment, les API les plus populaires développées depuis le lancement se consacrent en particulier à la lutte contre la fraude en ligne et à l’amélioration de la sécurité à travers des mécanismes d’authentification plus performants.

L'Arcep raconte

IA générative : en réponse à la consultation de la Commission européenne, l’Arcep partage ses premières réflexions sur les grands enjeux concurrentiels, économiques, environnementaux et d’ouverture que représente le développement de cette technologie

Alice Hébrard, analyste économique, Tom Nico, ingénieur-économiste spécialisé en évaluation environnementale, et Oriane Piquer-Louis, spécialiste de l’internet ouvert, nous expliquent comment l’Arcep entend contribuer aux débats sur l’IA générative.

Pourquoi l’Arcep a-t-elle répondu à cette consultation qui semble aller au-delà de sa mission principale (la régulation technique et économique des télécoms) ?

Alice Hébrard : L’IA générative devrait offrir d’importantes opportunités, tant du point de vue économique que sociétal. De ce fait, le développement d'un marché concurrentiel de l'IA générative est essentiel pour favoriser la compétitivité et l'innovation dans les industries qui utilisent l’IA telles que les télécommunications.

L’Arcep estime que les conditions concurrentielles entre les acteurs de la donnée, du cloud et de la puissance de calcul façonneront la dynamique concurrentielle de l'IA générative. Le projet de loi SREN (« Sécuriser et réguler l’espace numérique ») doit confier de nouvelles compétences à l’Arcep, notamment sur le marché du cloud, lui donnant ainsi des outils pour garantir davantage de portabilité et d’interopérabilité des services.

Avec cette consultation, la Commission souhaitait encourager les acteurs à s’exprimer sur les enjeux concurrentiels qu’implique l’IA générative. Comment l’Arcep a-t-elle appréhendé ce sujet ?

A.H. : Le développement d’une IA générative nécessite un accès à de grandes masses de données, de la puissance de calcul importante et des experts techniques. Pour le régulateur technico-économique qu’est l’Arcep, ces prérequis pourraient soulever des préoccupations en matière de concurrence, notamment en ce qui concerne la dépendance aux données et aux services cloud. Au-delà des enjeux concurrentiels, l’Autorité a souhaité aller plus loin dans sa réponse en soulevant les questions des impacts environnementaux de l’IA et des risques liés à l’ouverture d’internet (sur laquelle l’Arcep a aussi pour mission de veiller).

Pour quelles raisons ?

Oriane Piquer-Louis : Pour un internaute en quête d’information, aujourd’hui, la principale porte d’entrée à internet est son moteur de recherche. Mais l’IA générative pourrait à terme prendre cette place.  L’opacité des sources utilisées pour générer ses réponses, les biais qui en découlent doivent interroger les décideurs européens : comment s’assurer que l’IA générative se développe de manière à ce que tous les acteurs puissent tirer parti d’une innovation émergente, sans transiger sur les droits fondamentaux que sont l’accès à l’information et la liberté d’expression ?

Tom Nico : De la même manière, nous devons anticiper les impacts de l’IA sur l’environnement. Cette technologie va contribuer à une empreinte environnementale du numérique déjà croissante. Il faut donc intégrer ces enjeux dans les politiques de planification énergétique et environnementale pour maîtriser son impact, que ce soit à l’échelle nationale ou européenne.

Quelles solutions se dessinent pour prévenir ces externalités négatives ?

T.N. : L’Arcep appelle à intégrer les enjeux environnementaux dès la conception des services numériques, et notamment des services fondés sur l’IA. L’Autorité contribue en particulier aux travaux de l’Afnor sur la définition d’un référentiel visant à réduire l’empreinte environnementale de l’IA, vers une IA dite « frugale ». Par ailleurs, le Référentiel général de l’écoconception des services numériques, en cours de finalisation, propose des critères spécifiques pour ce type de services.

O.P-L. : Il y a un réel enjeu d’encapacitation de l’utilisateur final dont le rapport à l’information change, pour qu’il soit à la bonne distance de la lecture du monde que lui propose un assistant basé sur de l’IA générative. De plus, il sera essentiel d’encourager le développement de modèles de langages fiables, évalués de façon robuste, et qui corrigent leurs biais grâce l’utilisation de méthodologies déjà développées par des spécialistes du domaine.

T.N. : Pour cela, la régulation par la donnée est primordiale. Le partage des données permettant d’évaluer l’empreinte des acteurs du numérique est clé pour suivre la soutenabilité de l’écosystème dans le temps, pour comprendre sa matérialité et identifier les actions de réduction d’impact. Par exemple, il est indispensable de rendre publics les chiffres fiables de la consommation énergétique d’une requête ChatGPT par rapport à une requête sur GoogleSearch, afin de comprendre l’impact de cette nouvelle technologie.

Pour en savoir plus :

On y a participé

Paris, 26 mars

« Global Industrie » 2024

Laure de La Raudière, présidente de l’Arcep, s’est rendue sur le village 5G de ce salon ayant l’ambition de rassembler tout l’écosystème industriel français et encourager la réindustrialisation. Elle y a rappelé l’action de l’Arcep pour accompagner l’industrie dans sa transformation numérique grâce au dispositif d’expérimentations 5G « industrielles et innovantes ». Elle était aux cotés de Roland Lescure, ministre délégué chargé de l’industrie, et de Marina Ferrari, secrétaire d’état chargée du numérique, qui a annoncé de nouvelles fréquences pour la 5G industrielle.

On y participe

Paris, 9 avril

Forum annuel de l’OCDE

Maya Bacache, membre du collège de l’Arcep, interviendra lors du Forum de l’OCDE (rendez-vous annuel destiné à échanger sur les défis socio-économiques majeurs que rencontrent nos sociétés). Elle explicitera notamment le rôle que peuvent jouer les régulateurs pour une plus grande résilience des infrastructures réseaux dans un contexte de menaces croissantes et diverses telles que les aléas climatiques ou les risques découlant de la virtualisation des réseaux.