Comment des fraudeurs peuvent-ils usurper mon numéro de téléphone ?
Le numéro qui s’affiche sur le téléphone du destinataire d’un appel téléphonique est par défaut celui qui correspond au numéro de la ligne téléphonique de la personne qui appelle. Pour les particuliers, le numéro d’appelant de leur téléphone fixe ou mobile n’est généralement pas modifiable.
À l’inverse, les entreprises possèdent un ensemble de numéros qu’elles assignent individuellement à leurs employés. Elles ont ainsi besoin de flexibilité pour adapter le numéro d’appelant qui est présenté pour les appels émis par leur installation téléphonique (par exemple, pour gérer les arrivées, les départs ou les déménagements de leurs collaborateurs). Elles sont ainsi en capacité de modifier le numéro d’appelant, avec l’aide de leur opérateur ou de leur installateur de téléphonie, des appels qu’elles émettent et généralement en capacité technique d’afficher le numéro de leur choix.
Cette capacité à modifier librement le numéro d’appelant est très ancienne, en particulier sur les installations de téléphonie fixe professionnelle. Elle reposait historiquement sur un principe de confiance, à savoir que l’entreprise n’utilisait que ses propres numéros comme identifiant d’appelant et que les opérateurs veillaient à ce que leurs clients respectent cette règle.
C’est cette liberté de paramétrage dans les systèmes de téléphonie qui est désormais détournée pour usurper des numéros, notamment lors d’appels de démarchage frauduleux qui utilisent des numéros choisis au hasard pour ne pas être identifiables.
Constatant que le principe de confiance étant devenu insuffisant au regard de ces pratiques, l’Arcep a précisé formellement les règles en 2018 dans son plan de numérotation. Lorsqu’une entreprise souhaite utiliser comme numéro d’appelant celui d’un tiers, cette utilisation doit être préalablement autorisée par ce tiers. Les opérateurs permettant à leurs clients de modifier leur numéro d’appelant doivent s’assurer du respect de cette condition.
En 2020, le législateur a conforté la décision de l’Arcep en décidant d’une obligation d’authentification du numéro d’appelant associée à la mise en place, par tous les opérateurs nationaux, d’un mécanisme permettant d’identifier facilement et rapidement l’opérateur ayant émis chaque appel. La mise en place de ce mécanisme a pris plusieurs années et son déploiement a été annoncé par les opérateurs début 2025.
Quelles sont les règles que les opérateurs télécoms doivent respecter pour autoriser l’affichage d’un numéro ?
Afin d’assurer une meilleure traçabilité des communications, la loi dite « Naegelen »[1] (voir encadré) a imposé aux opérateurs de mettre en œuvre le mécanisme d’authentification des numéros.
Avant la mise en œuvre de ce mécanisme, il était très difficile voire impossible de remonter à la source d’appel usurpé pour identifier la personne ayant émis cet appel. Désormais, c’est possible et accessible aux services enquêteurs qui peuvent obtenir ces informations, dans le cadre de leurs pouvoirs respectifs.
Ce mécanisme oblige chaque opérateur à « apposer leur signature » sur les appels émis par leurs clients. Cette signature est conservée tout au long de l’acheminement de l’appel. Il revient ainsi à l’ensemble des opérateurs de vérifier que chacun de leurs clients n’utilise que des numéros qu’il a le droit d’utiliser et ainsi lutter contre l’usurpation de numéro.
C’est la raison pour laquelle le plan de numérotation de l’Arcep demande explicitement aux opérateurs de restreindre techniquement la liste des numéros que chacun de leurs clients peut présenter comme numéro d’appelant. Ces numéros doivent correspondre à ce qui est prévu contractuellement entre l’opérateur et son client. Si un client tente de présenter un numéro ne figurant pas sur cette liste, son opérateur est tenu de bloquer l’appel.
Ce que dit la loi « Naegelen »
L’article 10 de la loi no 2020-901 du 24 juillet 2020 visant à encadrer le démarchage téléphonique et à lutter contre les appels frauduleux, dite loi « Naegelen », a ajouté à l’article L. 44 du code des postes et des communications électroniques des dispositions qui sont entrées en vigueur le 25 juillet 2023 pour demander aux opérateurs d’authentifier le numéro.
À l’opérateur qui émet les appels, avant même toute authentification du numéro, la loi demande de s’assurer que, lorsque le numéro d’appelant présenté est un numéro du plan de numérotation français, que leurs clients « sont bien affectataires dudit numéro ou que l’affectataire dudit numéro a préalablement donné son accord pour cette utilisation ».
À l’ensemble des opérateurs qui acheminent les appels, la loi demande :
• d’utiliser un « dispositif d’authentification permettant de confirmer l’authenticité des appels et messages utilisant un numéro issu du plan de numérotation » français utilisé comme numéro d’appelant. Les dispositifs doivent être « interopérables » et peuvent « s'appuyer sur des spécifications techniques élaborées de façon commune par les opérateurs ».
• de couper les appels et messages « lorsque le dispositif d’authentification n’est pas utilisé ou qu'il ne permet pas de confirmer l'authenticité d’un appel ou message destiné à l’un de ses clients utilisateurs finals ou transitant par son réseau »
[1] LOI n° 2020-901 du 24 juillet 2020 visant à encadrer le démarchage téléphonique et à lutter contre les appels frauduleux
Pourquoi y a-t-il encore des usurpations de numéros, alors que les numéros sont authentifiés ?
L’obligation d’authentification des numéros n’empêche pas à elle seule d’usurper un numéro. Un opérateur peut encore, volontairement ou involontairement, laisser ses clients afficher le numéro de leur choix. En revanche, en cas de signalement, il devrait être possible d’identifier l’opérateur en question, celui qui a apposé sa signature pour passer l’appel.
Par ailleurs, la mise en place des mécanismes d’authentification pour les appels émis par des abonnés mobiles français en voyage à l’étranger a été plus longue que pour les appels nationaux, parce qu’il était nécessaire de revoir les accords techniques avec les opérateurs étrangers. Il n’était ainsi pas raisonnable de bloquer les appels non authentifiés présentant un numéro mobile français provenant de l’étranger à cause des effets négatifs sur les voyageurs. Les fraudeurs ont exploité ce délai pour émettre de très nombreux appels en usurpant des numéros mobiles.
Que fait l’Arcep contre les usurpations de numéros de téléphone ?
En complément du mécanisme d’authentification des appels et des nouvelles règles du plan de numérotation, l’Arcep a également défini une règle pour éviter les usurpations de numéros mobiles, applicable au 1er janvier 2026. Les opérateurs français doivent masquer le numéro mobile de tout appel provenant de l’étranger qui n’a pas pu être authentifié.
Avant cette date, de nombreux appels frauduleux utilisant des numéros mobiles usurpés étaient émis depuis l’étranger sans pouvoir être filtrés, parce que les opérateurs français n’étaient pas toujours en mesure de les distinguer des appels légitimes émis par les abonnés français lorsqu’ils sont en voyage. Compte tenu de la généralisation des mécanismes d’authentification entre opérateurs français et étrangers fin 2025, l’Arcep a considéré raisonnable de demander aux opérateurs de ne pas présenter de numéro s’ils ne peuvent pas s’assurer de son authenticité.
Ces mécanismes d’authentification n’étant pas encore complètement généralisés, certains appels émis par des abonnées en voyage à l’étranger verront leur numéro d’appelant masqué.
Cela n’empêchera pas un appelant malveillant de réaliser une tentative d’escroquerie ou un démarchage illicite. En revanche, il ne devrait plus usurper le numéro mobile de quelqu’un d’autre pour le faire.
Si j’appelle la France alors que je me trouve à l’étranger, mon numéro sera-t-il présenté à la personne que j’appelle ou sera-t-il masqué ?
Bien que largement généralisés, il reste des situations où les mécanismes d’authentification entre opérateurs français et étrangers ne sont pas encore en œuvre.
Si vous utilisez votre mobile à l’étranger, vous n’avez pas moyen de savoir à l’avance si ces mécanismes sont place entre votre opérateur national et celui qu’utilisera votre mobile dans le pays que vous visitez. Seul votre correspondant pourra vous le dire, une fois qu’il aura décroché.
La mesure de masquage précédemment décrite va effectivement avoir pour conséquence de masquer certains appels, pourtant légitimes, d’abonnés mobiles français qui se trouvent à l’étranger et qui appellent la France. Le masquage de ces appels légitimes devrait toutefois diminuer courant 2026. Ils sont beaucoup moins nombreux que les appels frauduleux qui tentent d’usurper un numéro de téléphone mobile.
Fin 2025, plus de 80 % des appels émis par les abonnés français en itinérance étaient authentifiés. Ce taux est plus important pour les appels émis depuis les pays européens.
Une fois la transition vers ces protocoles terminée, tout appel en itinérance provenant d’un abonné français sera nécessairement authentifié ; les opérateurs sauront alors distinguer les appels provenant d’abonnés en itinérance des appels provenant de l’international usurpant un numéro mobile. Votre numéro ne devrait alors plus être masqué à votre insu.
Est-ce que je peux faire confiance aux appels avec numéros masqués et décrocher ?
Le numéro masqué n’est pas un indice suffisant pour considérer qu’un appel est frauduleux. En effet, il reste de nombreuses situations où les appels masqués peuvent être légitimes. Par exemple :
- l’appelant a souhaité masquer son numéro d’appelant : des enseignants qui appellent des parents d’élèves, des livreurs qui informent de leur arrivée imminente, etc.
- des personnes en voyage à l’étranger dans des pays où les opérateurs mobiles n’ont la capacité de confirmer l’authenticité des appels.
Peut-on usurper les numéros de téléphone fixes ? Vont-ils être aussi masqués ?
Contrairement à la situation des numéros mobiles, où les opérateurs peuvent avoir des difficultés à distinguer des appels légitimes (en itinérance) et illégitimes (frauduleux), celle des numéros fixes est simple : la loi exige que le numéro soit authentifié. S’il ne l’est pas, les opérateurs qui contribuent à l’acheminement de l’appel doivent s’en apercevoir et le couper, sans possibilité de masquer le numéro d’appelant en cas de doute.
Si les appels proviennent d’un centre d’appels à l’étranger, ils sont authentifiés par l’opérateur qui émet l’appel et qui s’est assuré que le centre d’appels avait le droit d’utiliser ce numéro. Sinon, cela signifie qu’il ne peut pas authentifier le numéro et qu’il ne peut donc pas passer l’appel.
Si vous avez reçu un appel présentant un numéro d’appelant fixe à l’évidence usurpé, n’hésitez pas à le signaler sur la plateforme « J’alerte l’Arcep ».
Que faire en cas d’usurpation de numéro de téléphone ? Dois-je contacter mon opérateur ?
L’usurpation de numéro est un désagrément souvent éphémère et n’implique pas que vous vous soyez fait dérober vos données personnelles. L’usurpateur a utilisé votre numéro, souvent de manière aléatoire, et en utilisera rapidement un autre. Changer de carte SIM, ce qui vous sera facturé par votre opérateur, est totalement inefficace. Changer de numéro, ce qui vous sera également facturé par votre opérateur, est le plus souvent inutile, sauf si les désordres persistent durablement. En cas d’usurpation, vous pouvez adresser un signalement à l’Arcep sur sa plateforme « J’alerte l’Arcep ».
L’application sur mon smartphone qui me permet de téléphoner utilise-t-elle l’authentification des numéros ?
Non. Les informations d’authentification des numéros d’appelant ne sont pas transmises jusqu’au destinataire de l’appel, donc le téléphone n’en a pas connaissance. Si jamais vous voyez s’afficher un nom en plus du numéro, c’est parce que la personne qui vous appelle – en général, un professionnel – s’est inscrite sur différents sites qui permettent d’enregistrer leur numéro.
Les aspects techniques du mécanisme d’authentification des numéros
Pour mettre en œuvre l’obligation légale d’authentifier les numéros d’appelant, les opérateurs français ont adopté un mécanisme commun appelé mécanisme d’authentification des numéros (MAN). Ce dispositif utilise les protocoles STIR/SHAKEN, déjà mis en place aux États-Unis et au Canada, et repose sur une idée simple : instaurer une chaîne de confiance entre les opérateurs téléphoniques.
Pour authentifier les appels de ses clients, chaque opérateur a obtenu un certificat électronique qui l’identifie vis-à-vis de l’ensemble des autres opérateurs. Ces certificats jouent en quelque sorte le rôle d’une carte d’identité : ils permettent à l’opérateur d’apposer une signature numérique sur les appels qu’il émet, garantissant qu’il a bien vérifié que le numéro d’appelant utilisé est légitime.
Pour que cette preuve d’authenticité circule correctement d’un bout à l’autre d’un appel, les opérateurs doivent adapter leurs équipements, aussi bien sur les réseaux mobiles que sur les réseaux fixes. Grâce à elles, un appel signé par l’opérateur d’origine peut être contrôlé par l’opérateur du destinataire. Si la signature n’est pas présente, ou si elle ne peut pas être validée, l’opérateur est tenu par la loi de bloquer l’appel afin de protéger ses clients. Ce dispositif apporte une traçabilité à tous les appels, puisque l’opérateur de départ y est systématiquement identifié.
Il a toutefois été mis en œuvre progressivement par les opérateurs : l’interruption des appels non authentifiés a d’abord été effective pour les appels à destination des utilisateurs fixes à compter du 1er octobre 2024. Les appels à destination des utilisateurs mobiles l’ont été à compter de janvier 2025.

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