Prise de parole - Discours

Vœux de l’Arcep 2019 : l’intervention de Sébastien Soriano, président de l’Arcep, à la Sorbonne

Entouré des membres du collège et en présence d’Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Économie et des Finances, Sébastien Soriano, président de l’Arcep, a présenté les vœux de l'Autorité aux acteurs du secteur pour 2019.

Mesdames et messieurs les ministres,

Mesdames et messieurs les membres du Parlement, les élus locaux

Mesdames et messieurs les présidents d’autorités, anciens présidents et membres, les directeurs d’administrations et d’agences de l’Etat

Monsieur le Secrétaire général de la Chancellerie

Mesdames et messieurs les dirigeants d’opérateurs,

Mesdames et messieurs les présidents d’association,

Mesdames et messieurs,

Chers amis,

C’est toujours un grand plaisir, avec le Collège de l’Autorité, de rassembler la grande famille des télécoms et des postes. Nous formons une communauté, avec nos rites et nos codes, mais une communauté au service de la grande communauté. C’est ce qui fait de notre action une action pour le bien commun.

Les contributions de toutes les parties intéressées – Etat, collectivités territoriales, opérateurs, entreprises, société civile – servent le bien-être de la collectivité en œuvrant pour le déploiement et le bon fonctionnement d’infrastructures fondamentales de notre société. Celles qui permettent les échanges, le partage, la libre expression, l’accès à la culture et au savoir, le commerce, l’innovation.

Alors que notre pays est traversé par le doute, que s’expriment les frustrations et les incompréhensions, notre communauté doit se montrer à la hauteur des enjeux en cette nouvelle année.

Et, pour cela, le démon que nous devons combattre, c’est le risque de la division, la tentation de l’aventure solitaire.  Un opérateur seul ne pourra tout résoudre, une communauté d’entreprises, sans boussole commune, non plus. L’Etat également doit savoir s’appuyer sur les forces en présence et a fortiori le régulateur aussi. De même pour les collectivités territoriales.

C’est la combinaison de nos forces et de nos exigences qui, seule, nous portera à la hauteur des attentes des Français. Et le vœu que je prononce pour 2019 est un appel à l’unité. Nous devons jouer collectif avec pour seul horizon d’apporter à nos concitoyens les réseaux qu’ils méritent.

I. L’année écoulée nous montre combien, lorsque nous jouons collectif, nous marquons des points, parfois décisifs pour notre pays.

A. Le New Deal

Le New Deal Mobile en est l’illustration par excellence. Il y a un an, ici-même nous immortalisions, le Gouvernement, l’Arcep et les opérateurs cette première mondiale.

L’action conjointe de toutes les parties tout au long de l’année 2018 permet de donner progressivement corps à la promesse.

Car le New Deal ce n’est pas juste une photo à instant-t. Ce n’est pas juste une déclaration d’intention. Ce sont des engagements ambitieux, contraignants pris par les opérateurs. C’est une mobilisation continue.

Du côté de l’Arcep, cela s’est traduit

  • Par l’inscription des engagements dans les autorisations alors en vigueur.
  • Par une nouvelle attribution de fréquences retranscrivant les engagements pris pour les années à venir.
  • Par un suivi fin de ces engagements, dans le cadre de son tableau de bord accessible en ligne.

Le New Deal c’est aussi un chemin nouveau, tout particulièrement en ce qu’il donne le pouvoir au terrain. Ce sont les collectivités qui ont la responsabilité d’identifier les zones à couvrir en priorité avec le soutien de l’Agence du numérique. A ce titre, de premières listes de sites ont été retenues et les pylônes commencent à sortir de terre. Cela marche, il faut le dire !

B. Mon réseau mobile

Mais nous devons aller plus loin dans la capacité des élus locaux à planifier la couverture. Il faut ancrer durablement ce transfert de Paris vers les territoires.

La carte est une brique élémentaire pour apporter un constat objectif et partagé sur l’état des réseaux. Mettre « carte sur table » est le prérequis de toute action ultérieure. Cela permet de poser un diagnostic, de mesurer les progrès importants des opérateurs, mais aussi les manques qui demeurent. Et d’organiser le dialogue pour définir les priorités futures.

Depuis septembre 2017, l’outil « Mon réseau mobile » de l’Arcep présente les données de couverture sur l’ensemble du territoire métropolitain. L’an passé, il a été étendu à l’outre-mer.

En publiant ces cartes, nous savions qu’elles généreraient autant d’enthousiasme que de frustration. Nos cartes ont permis une prise de conscience et à cet égard elles ont rempli leur office.

Mais il faut aller au-delà désormais, pour pleinement armer les territoires dans le cadre du « New Deal Mobile ». L’Arcep a donc repensé Mon réseau mobile pour permettre aux élus locaux qui le souhaitent, de compléter les cartes de couverture publiées actuelles en effectuant leurs propres mesures, ou en recourant à des solutions de type crowdsourcing.

L’Arcep a ainsi mis à disposition :

  • Un « kit du régulateur » pour organiser des mesures en environnement maîtrisé en complément de celles de l’Arcep
  • Un code de conduite à destination de tous les acteurs de la mesure.
  • Les données alors recueillies seront progressivement intégrées à Mon réseau mobile et seront disponibles en open data.

Ici aussi c’est de la conjugaison de nos efforts qu’émergera la solution.

C. Cartefibre

Ce travail de cartographie sur le mobile, nous voulons le compléter par une démarche exemplaire et d’une richesse inédite de cartographie des réseaux fixes.

D’ores et déjà, l’outil « Cartefibre » de l’Arcep fait le point sur l’état d’avancement du déploiement de la fibre optique jusqu’à l’abonné, et ce à l’adresse.

Demain, c’est l’information sur l’ensemble des réseaux haut et très haut débits fixe qui sera accessible en ligne dans quelques mois.

D. FttH

Mesdames, Messieurs, le défi de la fibre est un rendez-vous historique de notre secteur, où le jeu collectif est là aussi en train de se nouer. Et, je suis heureux de le constater aujourd’hui avec le Collège de l’Arcep, les opérateurs sont bel et bien à l’offensive.

Si l’Arcep a créé le cadre des incitations, force est de constater que les opérateurs sont pleinement au rendez-vous, et je tiens ce soir à leur rendre un hommage appuyé. Un hommage que j’accompagne d’une pensée particulière pour tous les techniciens, les agents de terrain, qui déploient par tous les temps les réseaux de notre pays.

Les près de 10 milliards d’investissements dans les réseaux, tous opérateurs confondus, se traduisent concrètement par l’accélération que nous attendions sur la fibre.

Au cours de l’année écoulée, 3 millions de locaux supplémentaires ont été rendus raccordables. Fait particulièrement notable, c’est dorénavant l’ensemble de la communauté des opérateurs qui est à bord de la couverture FttH. Et cela s’en ressent en termes d’abonnements. Le déploiement s’accompagne enfin d’une migration substantielle.

Ces résultats nous confortent dans notre stratégie de régulation de la fibre et le bienfondé de l’approche retenue avec Orange sur ce plan. Nous en avons publié ce matin un bilan d’étape, sur un enjeu crucial : les processus opérationnels dans le cadre de la mutualisation des réseaux FttH, c’est-à-dire l’accès au système s’information (SI) d’Orange.

Après un an de travail avec Orange, au cœur de son SI, nous avons scruté les potentielles différences de traitement, nous avons traqué les raccourcis et acté ensemble de solutions pour corriger le tir. Nous avons renforcé de manière structurelle les garanties pour que tous les acteurs soient en capacité d’être acteurs de la fibre.

Cette mobilisation de tout le secteur pour la fibre, on la trouve aussi dans les engagements ambitieux qui ont été confirmés et complétés dans les zones moins denses.

En juin dernier, le Gouvernement a saisi l'Arcep, pour avis, sur des propositions d'engagements juridiquement opposables émises par Orange et SFR pour couvrir l’ensemble de la zone AMII en fibre optique d’ici 2020.

Si l’Arcep a salué l’existence d'engagements juridiquement opposables, sa vigilance est grande. Car cette vigilance est une condition indispensable de la confiance.

A cet égard, l’ambition pour notre outil « cartefibre » est à l’image de l’attention que nous porterons à la réalisation des engagements des opérateurs déjà formulés comme ceux à venir. Je pense ici aux AMEL.
Je voudrais également saluer la mobilisation des réseaux d'initiative publique, qui monte en puissance, et que nous accompagnons à travers l'accès au génie civil et des questions de tarification.

E. Le cuivre

La marche vers la fibre ne doit, pour autant, pas laisser sur le bord du chemin les territoires qui n’en bénéficieront pas tout de suite. Jouer collectif, c’est penser à tous les territoires, je dis bien tous.

Et vous pourrez compter sur l’Arcep pour veiller à ce que la qualité du réseau cuivre et du service universel revienne à un niveau satisfaisant dans les meilleurs délais. Nous en rendrons compte prochainement.

Mesdames, Messieurs, cette année 2018 riche nous offre des bases solides pour préparer l’avenir : l’arrivée des réseaux du futur, les infrastructures de l’intelligence artificielle et de l’internet des objets, de la numérisation des entreprises et les innovations de demain.

¨Parlons maintenant de nos travaux à venir et de 2019.

II. Préparer l’avenir

A. Marché « entreprises »

A l’issue de sa revue stratégique conduite en 2015, l’Arcep a fait de la démocratisation de la fibre pour les PME l’une de ses grandes priorités.

Fidèle à son ADN, l’Arcep a fait de la concurrence le fer de lance de sa stratégie sur un marché encore très dominé par l’opérateur historique.

Nous ne nous sommes pas rendus très populaires car cela nous a amenés à bousculer. Non seulement Orange, bien sûr, mais aussi les autres acteurs en place, qui n’avaient pas pu ou su porter l’ambition assez loin.

Nous avons ouvert deux fronts :

  1. Développer des offres fibre peu onéreuses, en s’appuyant sur les déploiements FttH pour bénéficier des économies d’échelle et amener la qualité qu’attendent les entreprises à un prix plus accessible.
  2. Favoriser l’émergence d’au moins trois acteurs d’infrastructures pour instaurer une dynamique pérenne et sortir d’une vision trop centrée sur Orange.

Le résultat ? C’est déjà l’arrivée de nouveaux acteurs, comme Kosc ou Linkt. Et aussi l’engagement des grands acteurs, comme Bouygues Telecom et Free, dont je me réjouis chaudement, sans oublier la mobilisation constante des opérateurs locaux.

Bref : Les lignes bougent ! Ces bonnes nouvelles ne signifient pas que l’Autorité relâchera son action sur ce sujet en 2019. Ce n’est que le début de l’histoire, il faut battre le fer tant qu’il est chaud.

  • L’Arcep poursuivra la mise en œuvre des analyses de marché en portant une attention particulière aux risques de discrimination entre acteurs, en articulation avec l’Autorité de la concurrence, qui a prononcé une décision forte à ce sujet par le passé ;
  • Elle effectuera un focus particulier sur les questions de qualité de service des réseaux ;
  • Elle œuvrera pour faire en sorte que la couverture par le réseau FttH des locaux hébergeant exclusivement des entreprises progresse significativement.

 

Cette action d’ensemble, visant au développement du marché « entreprises », est une nécessité pour notre pays. Et c’est aussi un relai de croissance puissant pour les opérateurs, notamment dans l’internet des objets et la numérisation des entreprises. C’est-à-dire le futur des télécoms. C’est en cela une orientation majeure qui est prise par l’Arcep et par le secteur.

B. Les réseaux du futur

1. Le comité scientifique

Jouer collectif, c’est accepter qu’on ne sait pas tout, surtout lorsqu’il s’agit de l’avenir. C’est pour cela que l’Arcep s’est associée aux savoirs existants en mettant sur pied un comité scientifique sur les « réseaux de demain » dont je tiens à saluer les membres pour leur engagement.

A travers ce comité, nous allons conduire des réflexions sur de nombreux thèmes. Demain, nous nous réunissons pour examiner deux papiers des services de l’Arcep, issus de rencontres et de recherches, l’un sur le véhicule connecté, l’autre sur la virtualisation des réseaux. Le but est ici de répondre de façon concrète à des interrogations fondamentales, comme savoir quelle(s) forme(s) prendront les réseaux du futur ou encore, mieux cerner les incidences qu’auront ces nouveaux réseaux sur le métier de régulateur de l'Arcep.

La vision dégagée sera une pierre de plus apportée pour mieux dessiner le paysage des acteurs, notamment dans un contexte de virtualisation où cloud et télécoms s’entremêlent, ou encore peser sur les choix de normes, par exemple dans le domaine du véhicule autonome et des infrastructures de transport.

2. La 5G

Bien entendu, cette année 2019 sera décisive pour la 5G.

Les attributions de fréquences seront un moment fort de l’année mais pas seulement. Elles structureront le secteur pour les décennies à venir.

La bonne articulation des autorités publiques sera une des clefs pour être au rendez-vous. A cet égard, je me réjouis de l’engagement de Mme la Secrétaire d’Etat Agnès Pannier-Runacher. Et je salue ici la DGE et l’ANFR, partenaires essentiels de ces dossiers.

Ce dont il est question avec la 5G, ce n’est rien d’autre que de la compétitivité de notre industrie et de la place de la France sur l’échiquier technologique et économique mondial. La France ne peut pas se contenter d’être dans le « ventre mou » européen. Au sein des autorités publiques, vous pourrez compter sur l’Arcep pour être le garant d’une ambition élevée. Alors que nous rattrapons avec force notre retard sur la 4G, il est exclu de partir avec un nouveau handicap pour la 5G. 

Dans la poursuite de la feuille de route établie par la France, et évoquée par Madame la Secrétaire d’Etat, les modalités d’attributions des bandes pionnières de la 5G seront définies en temps et en heure, avec le Gouvernement et en prenant pleinement en compte l’ensemble des retours suscités par notre récente consultation publique.

A ce titre, je tiens à remercier les nombreux acteurs pour leurs réponses à nos consultations publiques et tout particulièrement les verticaux pour s’être livrés à cet exercice. Cela confirme que 2018 a été l’émergence d’une réelle prise de conscience de l’importance de la 5G. Je salue également les opérateurs, collectivités locales et les acteurs qui ont pris part aux pilotes 5G que nous avons ouvert il y a un an.

Nos travaux donneront aussi une vision large des options technologiques de l’internet des objets et de la ville intelligente. En attendant la 5G il y a aussi la 4G, avec la bande des 2,6 GHz pour les acteurs de la PMR. Et aussi les solutions de type LPWAN et de basse consommation que nous continuerons d’accompagner.

Mesdames, Messieurs, le futur c’est aussi celui de la régulation et pour commencer ce chapitre, permettez-moi de commencer par parler de l’Arcep et des nouvelles missions que le législateur nous confie.

C. Le futur de l’Arcep

1. ANSSI

En matière de cybersécurité tout d’abord. Cette année, la loi de programmation militaire a confié à l’Arcep une mission de contrôle des actions de l’ANSSI (autorité nationale pour la sécurité des systèmes d’information) dans le cadre des nouveaux pouvoirs conférés à cette dernière sur les télécoms pour mieux lutter contre les cyberattaques.

2. Poste et colis

Pour le e-commerce ensuite. Il nous faut accompagner le marché postal dans sa mue. La mise en œuvre du Règlement européen sur le transport de colis transfrontière permettra de disposer des données nécessaires pour assurer un suivi fin du secteur du colis.

3. Distribution de la presse

Enfin, il est question de nous confier la régulation de la distribution de la presse. Divers rapports ont évoqué cette possibilité dont celui de très grande qualité élaboré par la mission dirigée par Marc Schwartz. C’est une hypothèse que nous accueillons avec humilité. L’Arcep sera prête et fière de faire son devoir si le choix était fait de lui confier cette responsabilité.

D. Mais bien au-delà de l’avenir de l’Arcep, nous entrons dans une période passionnante quant à l’avenir de la régulation des acteurs du numérique.

1. La régulation des Big tech

En mai dernier, le président de la République annonçait la tenue d’Etats généraux des nouvelles régulations du numérique.

L’appel alors fait en ouverture de ces travaux par le Secrétaire d’Etat au numérique aura marqué je crois vivement l’esprit des autorités et administrations présentes : quel numérique voudrions-nous dans 10 ans ? Quels sont nos craintes ? Quels seraient nos rêves ? C’est un appel inédit à une projection vers l’avenir que vous avez lancé M. le Secrétaire d’Etat Mounir Mahjoubi. Merci pour votre clairvoyance et votre courage.

Récemment, une solide synthèse des travaux a été établie et publiée servant ainsi de base à une discussion publique et ouverte avec l’ensemble des parties intéressées. Cette démarche ne peut qu’être saluée et encouragée, tant la régulation du numérique ne pourra s’abstraire de toutes les idées.

Pour nous enrichir par l’expérience vécue, le président de la République annonçait en novembre, à l’Internet Governance Forum, un partenariat avec Facebook par lequel des agents de l’Etat pourraient aller sur place échanger avec les équipes de Facebook sur les modalités de retrait des contenus haineux. L’Arcep est partie à cette mission et entend y apporter tout son savoir-faire.

Ni la société civile, ni les entreprises, ni l’Etat ne détiennent seuls la solution. Ce n’est que collectivement que nous pourrons parvenir à des solutions viables. Sur ce plan, M. le Secrétaire d’Etat, vous pourrez compter sur l’Arcep pour au moins 3 raisons :

2. Première raison : des enjeux mondiaux

Réguler à l’ère numérique, c’est nécessairement se confronter à des enjeux mondiaux.

C’est à cette échelle que l’Arcep travaille à tisser des alliances fortes avec de nombreux régulateurs autour d’un enjeu crucial : l’internet ouvert.

Tout d’abord, au sein du Berec, que j’ai le plaisir de présider en 2017, l’Arcep a veillé à une application pleine et entière du principe de la neutralité du net en montrant l’exemple en France et en construisant des positions communes.

Par-delà les frontières européennes, alors que certains Etats ont pu remettre en cause la vision d’un internet comme bien commun, avec le BEREC nous avons signé une déclaration commune avec la TRAI, le régulateur indien, qui reconnaît que l’internet ouvert est consubstantiel à la démocratie.

Nous avons aussi renforcé nos relations avec les régulateurs d’Amérique, le CRTC au Canada, et les régulateurs d’Amérique latine. Lors de l’Internet Governance Forum, organisé en novembre à l’UNESCO et dans l’organisation duquel les équipes de l’Arcep se sont démenées, nous avons rassemblé des acteurs de tous les continents pour échanger sur l’internet ouvert, car le dialogue reste notre meilleur atout.

Et nous continuerons à montrer la voie au plan concret également :

Afin de mettre sur pied les meilleurs outils de mesure, nous nous sommes engagés dans une démarche de co-construction pour mettre en place un code de conduite de la qualité de service internet ainsi qu'une API (Application Programming Interface) implémentée directement dans la box des opérateurs. Je remercie ici les opérateurs et les acteurs de la mesure pour leur pleine coopération à ce chantier pionnier

En parallèle, pour mieux détecter les bridages de flux internet, nous avons travaillé d’arrache-pied avec la Northwestern University de Chicago afin de développer l’application Wehe, que je vous encourage à télécharger.

Et toujours à l’international, la qualité de service sera le thème central des travaux du Fratel, le réseau francophone de la régulation des télécommunications dont l’Arcep assure la présidence cette année.

3. Deuxième raison : des propositions sur les terminaux

En février 2018, l’Arcep a publié un rapport sur les terminaux (smartphones, enceintes/téléviseurs/voitures connectés), rapport qui a depuis été largement partagé en France, en Europe, ainsi que dans de nombreuses enceintes internationales.

Et force est de constater que le diagnostic que nous avons établi est bien partagé : les systèmes d’exploitation (Android, Apple, Alexa) ont de plus en plus la mainmise sur nos choix et sur l’innovation. De plus en plus, ces acteurs enferment les utilisateurs d’internet dans des silos et exploitent les partenaires économiques par effet de levier.

Fort malheureusement, le droit de la concurrence à lui seul ne permet pas de résoudre entièrement le problème. Et la courageuse décision Android de la Commission a beau confirmer avec force nos analyses, elle ne fournit pas de feuille de route pour sortir de cette situation.

Aussi, l’Arcep propose-t-elle une régulation préventive, en bonne articulation avec le droit de la concurrence. Et nous pensons qu’elle est plus que jamais nécessaire. Dans l’attente d’une réponse européenne, le pouvoir politique national peut, s’il le souhaite, s’en saisir.

Un point général digne d’intérêt est que cet exercice nous a conduits à apporter des réponses concrètes à la question de savoir comment réguler les acteurs du numérique, des acteurs puissants, transfrontaliers et dotés d’une capacité d’innovation pouvant les mettre hors de portée des instruments de régulation classique.

Dans la suite de ces travaux, nous proposons de mettre en place dès cette année un observatoire des terminaux destiné à centraliser et publier, de manière coopérative, transparente et ouverte, les données pertinentes disponibles sur l’ouverture des terminaux ainsi que sur leurs caractéristiques techniques. Je lance ici un appel aux autorités administratives qui seraient intéressées à y prendre part et bien entendu nous restons à votre écoute M. le Secrétaire d’Etat sur l’intérêt de cette initiative.

4. Troisième raison : réguler par la data

Réguler par la data, ce n’est pas qu’un slogan. C’est à la fois une réalité et un horizon que nous sommes heureux de partager avec huit autres AAI, dont je salue la présence parmi nous ce soir.

Ensemble, nous travaillons à comment mieux réguler. Et travailler sur la régulation par la data est assurément un axe solide de l’action des régulateurs de demain. C’est pourquoi nous avons actuellement un papier en cours de préparation.

De nos réflexions collectives et de nos actions, il ressort que réguler par la data, c’est à tout le moins deux choses : assurer une supervision des acteurs systémiques et redonner le pouvoir à l’utilisateur en lui fournissant les informations qui lui permettent d’être maître de ses choix.

Loin de se situer sur le terrain de la régulation molle, la régulation par la data n’en reste pas moins une régulation souple fondée sur des appuis solides dont le pouvoir de collecter des informations auprès des acteurs, la capacité d’analyser ces données pour agir directement ou peser sur les choix des consommateurs.

5. Conclusion

La régulation par la data sera des plus pertinentes lorsqu’il s’agira de répondre à la question de savoir quelle régulation nous voulons pour le numérique.

Les données sur les big tech seront un élément clef et il nous faudra nous doter collectivement des moyens efficaces qui nous permettront de recueillir des signalements, collecter des données ou encore superviser les processus internes des grands acteurs du numérique.

Là encore il nous faut penser collectif : c’est par une conjonction d’actions, une logique de mutualisation que nous parviendrons à répondre à l’ensemble des enjeux du numériques. Chacun apportera sa pierre à l’édifice. Et l’Arcep prend date.

Vous pouvez compter sur elle pour nourrir cette troisième voie identifiée par le président de la République, entre le laisser-faire et le dirigisme, lors de son discours à l’IGF.

Une troisième voie qui est finalement celle de la régulation à laquelle les équipes de l’Arcep s’emploient depuis plus de vingt ans maintenant.

Pour les années à venir, et à commencer par l’année à venir, les équipes de l’Arcep continueront de mettre leur savoir-faire leur expertise et leurs talents au service de la collectivité. Vous pouvez résolument compter sur elles pour cocher case après case, les points clefs de notre feuille de route stratégique, et assurer ainsi la bonne conduite du secteur.

Pour cela, un très grand merci à vous donc, les équipes de l’Arcep. J’espère que nos nouveaux locaux agiront comme un catalyseur de plus de votre engagement.

A tous, il est temps pour moi de vous adresser mes vœux de bonheur pour vous et pour vos proches, une très bonne année 2019 !