Prise de parole - Interview

Qualité du réseau ADSL : Orange sous la menace d'une amende record

Le président de l’Arcep, Sébastien Soriano, explique avoir être confronté à «un déluge d’alertes émanant de consommateurs, d’élus locaux, de préfets, et même du défenseur des droits, Jacques Toubon».

LE FIGARO.- Vos services ont-ils constaté une dégradation de la qualité de service universel téléphonique ?

Sébastien SORIANO.- L’Arcep met Orange en demeure sur la qualité du service universel téléphonique. L’opérateur a des obligations, sur la base d’un cahier des charges établi en novembre 2017. Or, au vu des indicateurs des deux premiers trimestres de l’année, nous sommes très préoccupés quant à sa capacité à atteindre ses objectifs annuels. Sur les douze indicateurs, sept ne sont pas au niveau, avec des écarts significatifs. Par exemple le délai maximum pour traiter 85% des dérangements d’abonnés était de 70 heures au lieu de 48 heures au premier trimestre. Nous avons donc opté pour une mise en demeure anticipée, avant même le non-respect des obligations. Orange doit redresser le tir  de toute urgence, dès la fin de l’année. Peu importe les moyens, nous voulons des résultats. Pour cela, nous lui fixons aussi de nouveaux objectifs intermédiaires, avec un échéancier exigeant pour les atteindre.

Orange risque donc une sanction financière? 

Concrètement, Orange risque une sanction pouvant atteindre jusqu’à 5% de son chiffre d’affaires national hors taxes (NDLR : 1 milliard d’euros). Pourcentage qui peut être porté à 10% en cas de récidive. Le législateur a porté de 3% à 5% le montant maximum des sanctions applicables sur ce point, démontrant l’importance qu’il accorde à la qualité du service téléphonique. Si l’injonction n’est pas traitée sérieusement, Orange est sanctionnable dès le début de 2019.

Quels sont les recours des usagers?

Les abonnés peuvent demander une indemnisation en cas de panne supérieure à 48 heures, sous la forme d’au moins deux mois d’abonnement gratuits. La durée de la remise dépend de celle de l’indisponibilité du service.

Cela ne concerne donc que le service téléphonique?

Juridiquement, notre mise en demeure ne concerne que cela. Neuf millions de foyers sont concernés. Dans les faits,  d’un point de vue technologique, cela aura un impact sur tout ce qui est supporté par le cuivre, c’est-à-dire aussi  bien Internet via l’ADSL, que les services de télésurveillance, ou les sites touristiques qui sont parfois coupés du monde. Le service universel est un filet de sécurité. Il existe un consensus républicain sur le sujet et nous le faisons respecter.

N’est-ce pas paradoxal d’insister sur une technologie ancienne quand l’heure est au développement de la fibre?

Notre priorité est que les territoires ruraux ne soient pas les laissés pour compte. Le développement de la fibre - auquel l’Arcep est bien sûr, très attachée - ne doit pas se faire au détriment du cuivre. Ce dernier est encore souvent le seul réseau disponible et quand il ne fonctionne pas, c’est intolérable pour les abonnés. Il est vrai qu’Orange est face à un défi, il lui faut combiner l’investissement dans une nouvelle infrastructure et maintenir l’ancienne dans un niveau de qualité acceptable. Ce n’est pas qu’une affaire de moyens financiers, mais aussi une question de priorités fixées par l’entreprise à ses salariés. Quand leur premier objectif est de vendre des abonnements à la fibre, ils sont moins attentifs au cuivre. Or, nous voudrions que le cuivre reste une priorité. Nous ne laisserons pas le téléphone être la cinquième roue du carrosse. 

La semaine dernière Orange a annoncé (au Figaro) qu’il présenterait un plan destiné à l’amélioration du cuivre. Qu’en attendez-vous ?

Nous y serons très attentifs. Cela démontre qu’il y a eu une prise de conscience chez l’opérateur.

Propos recueillis par Elsa Bembaron

Lire l'interview sur le site du journal Le Figaro