Prise de parole - Interview

Couverture mobile : l’Arcep veut « s’ouvrir aux mesures réalisées par les territoires »

Sébastien Soriano, président de l'Arcep, répond aux questions du journal Maire Info (6 décembre 2018)

Sébastien Soriano, président de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep), présente, en exclusivité à Maire info, la version II de « Monreseaumobile.fr ». Afin d’enrichir les données publiées sur l’outil cartographique, l’Arcep annonce qu’elle va « s’ouvrir aux mesures réalisées par les territoires pour recenser les zones mal couvertes » en leur confiant des outils de mesure appropriés. In fine, les données collectées par les territoires seront ajoutées à un « entrepôt de données mobiles » et pourront être agglomérées sur la plateforme « Monreseaumobile.fr ».

 Quel est l’état d’esprit de la nouvelle version de « Monreseaumobile.fr » ?

« L’idée est d’enrichir l’information, qu’elle vienne de l’Arcep ou non. Au début de l’année 2019, l’Arcep va montrer l’exemple et mettre à disposition de tout un chacun plus de 3 millions de mesures inédites issues des campagnes de qualité de service pour les lieux de vie et de vérification de la fiabilité des cartes de couverture des opérateurs. Ces données seront affichées en superposition des cartes de couverture existantes et diffusées en open data pour mieux qualifier la qualité de l’expérience mobile. Elles vont enthousiasmer certains territoires - puisque nous pratiquons des tests dans des départements tirés au sort (une sorte de carottage en fonction de leurs caractéristiques géographiques) - mais aussi en décevoir d’autres : là où nous n’aurons aucune mesure à verser, les vérifications étant faites ailleurs. »

Que va proposer l’Arcep à ces zones où aucune mesure n’est réalisée ?

« Nous fournissons des cartes qui couvrent l’ensemble du territoire national. En complément, pour les territoires qui veulent aller plus loin, l’Arcep publie un « kit du régulateur ». Destiné aux collectivités et à tous les acteurs qui souhaitent mener des mesures comparables à celles de l’Arcep, par exemple dans des zones mal couvertes, il va permettre aux collectivités d’objectiver le ressenti – d’absence de réseau mobile - avec une information plus détaillée et plus fine. Pour être clair, l’Arcep amène aux collectivités la règle et le compas. Ce qui s’avérera d’autant plus utile maintenant que, grâce au New Deal Mobile, ce sont les territoires qui définissent les zones où le réseau doit arriver en priorité [on appelle cela le dispositif de couverture ciblée, qui permet aux collectivités qui se trouvent dans des zones mal couvertes d’établir une liste de sites prioritaires à couvrir en 4G, ndlr]. Le kit du régulateur est donc, pour elles, un vrai outil d’aide à la décision. »

Concrètement, que permet ce « kit du régulateur » ?

« Nous proposons aux collectivités des outils sérieux, fiables et à valeur ajoutée et les invitons à mobiliser les protocoles que nous avons publiés pour les mesures en environnement maîtrisé. Il s’agit, par exemple, de vérifier la disponibilité du service (voix/SMS) à partir d’un téléphone situé à l’arrière d’une voiture en circulation (La Poste, ambulances, pompiers…) ».

Le financement du prestataire, en charge de ces mesures, est-il aux frais de la collectivité ?
« Oui, même s’il n’y a évidemment pas de caractère obligatoire. À l’échelle d’un département, cela peut représenter une centaine de milliers d’euros. Mais en contrepartie, l’Arcep va valoriser leur travail. Les données collectées par les territoires pourront être agglomérées sur la plateforme « Monreseaumobile.fr ». Par ailleurs, je rappelle que nous publions d’ores et déjà des cartes couvrant l’ensemble du territoire. »

Vous invitez par ailleurs les collectivités à s’engager dans le crowdsourcing qui est moins couteux. En quoi cela consiste ?

« Le principe est que les collectivités nouent des partenariats avec des outils de crowdsourcing et ce sont par exemple les administrés qui testent les réseaux. Ça se fait déjà : certaines collectivités ont d’ailleurs malheureusement utilisé des tests à proscrire. Des tests qui ne mesurent la couverture mobile qu’en fonction du nombre de barres de réseau, tel que le permet l’application Open Barres de l’Agence nationale des fréquences (ANFR) : un outil utile pour lutter contre les brouillages mais totalement inadapté lorsque l’on traite la question de la couverture mobile. Vous pouvez très bien avoir des barres sur votre téléphone sans pour autant être en mesure de l’utiliser. »

D’où le lancement en 2019 du « code de conduite de mesure de la couverture »…

« Oui, c’est en quelque sorte le filet de sécurité. L’Arcep va recommander des outils conformes à ce code de bonne conduite, qui détermine le minimum d’exigences que doivent proposer les tests crowdsourcing. Le niveau minimal mis en avant par l’Arcep est de tester activement un service, voix ou data. Dès le début de l’année 2019, certains outils, respectant le « code de conduite », seront labellisés. Sa version définitive sera publiée ensuite, dans six mois. »

Repenser « Monreseaumobile.fr », est-ce finalement une façon pour l’Arcep de répondre au décalage que certains ressentent sur le terrain entre les cartes présentant l’état de la couverture mobile sur le territoire et la réalité ?

« Oui car la seule information de couverture est parfois insuffisante et il faut alors compléter par des mesures de qualité, d’expérience, qui recourent à des tests plus poussés. Les cartes publiées par l’Arcep sont certes imparfaites mais elles ont atteint le meilleur niveau standard mondial. Elles renseignent l’utilisateur sur la disponibilité du service, ce qui est rare, en proposant plusieurs niveaux de gris : couverture limitée, bonne couverture, très bonne couverture. Je ne dis pas que nos cartes sont parfaites, mais mieux vaut travailler à les compléter qu’à les contredire.»

Propos recueillis par Ludovic Galtier