Prise de parole - Interview

« Aménagement numérique du territoire : trois questions à Laure de La Raudière »

La présidente de l'Arcep répond aux questions des Cahiers français (1er septembre 2021)

  • Où en est la couverture numérique des territoires ?  

L’accès à Internet en Très Haut débit fixe et mobile est une demande prioritaire et légitime des Français, c’est aussi un élément essentiel du développement économique des territoires. L’Arcep a pleinement conscience de ces enjeux et a favorisé le déploiement des réseaux très haut débit, par une régulation pro-investissement. L’autorité a aussi pris en compte les spécificités des territoires moins denses, notamment en y adaptant la régulation. C’est le cas pour le déploiement du plan Très Haut débit, c’est aussi le cas pour le mobile avec la mise en place du New Deal mobile à partir de mi- 2018.

Malgré la crise sanitaire, l’année 2020 a été une année record dans le déploiement de la fibre optique jusqu’à l’abonné, avec près de 6 millions de nouveaux locaux raccordables. La transition vers la fibre est également pleinement engagée. On compte plus de 10 millions d’abonnés à la fibre à la fin d’année 2020, dont plus de 7 millions se sont abonnés ces trois dernières années. Fin 2020, c’est près de 60% des locaux qui peuvent bénéficier de cette technologie. Les déploiements se poursuivent en 2021 à bon rythme, avec une progression forte dans les zones rurales. L’objectif est de finir les déploiements sur la France entière en 2025.

L’Arcep met à jour tous les trimestres l’outil « Carte fibre », une carte des déploiements en fibre optique permettant de visualiser la couverture des communes en réseaux FttH.

Parallèlement, le New Deal mobile, initié en 2018, commence à porter ses fruits.

La quasi-totalité des sites mobiles des opérateurs sont dorénavant équipés en 4G, alors que seule la moitié des sites pouvait offrir ce service début 2018. Le dispositif de couverture ciblée a permis aux collectivités d’identifier 2997 zones « blanches » ou mal couvertes depuis juillet 2018. Les opérateurs ont un délai maximal de 24 mois pour assurer le déploiement. Afin décembre 2020, près de 600 sites sont ainsi en service. Et chaque année, pendant 7 ans, entre 600 et 800 sites nouveaux seront installés dans les zones rurales mal desservies.

L’Arcep contrôle le bon déroulement du New Deal mobile et publie un état des lieux de l’avancement de ce programme dans un tableau de bord dédié : https://www.arcep.fr/cartes-et-donnees/tableau-de-bord-du-new-deal-mobile.html

  • Les opérateurs ont lancé leurs services 5G fin 2020. Où en sont les déploiements ?

En novembre 2020, l’Arcep attribuait aux opérateurs des fréquences dans la bande des 3,5 GHz, la « bande cœur » de la 5G permettant de répondre à la croissance et à la diversification des usages mobiles. Depuis, les opérateurs lancent progressivement leurs services. Fin avril 2021, 3400 sites utilisant les fréquences 3,5 GHz fournissaient un service 5G ; et toutes bandes de fréquence confondues, on dénombre environ 14 000 sites 5G ouverts commercialement en France métropolitaine. L’Arcep suit le déploiement de la 5G grâce à un observatoire mis à jour tous les trimestres.

Ces déploiements vont durer plusieurs années, et la technologie, elle-même, va s’enrichir. Une étape importante doit être franchie autour de 2022, avec la 5G dite « stand alone », qui apportera des fonctions de gestion intelligente du réseau et une interactivité en temps quasi-réel.

La 5G « stand alone » permettra d’accroître la qualité et la fiabilité des communications, ainsi que le développement de nouveaux usages grand-public comme la possibilité de réaliser des expériences de réalité virtuelle et augmentée inédites (par exemple dans les interactions à distance, le jeu vidéo, la participation à un concert à distance…). Mais les promesses des réseaux 5G « stand alone » se concentrent surtout dans leur capacité à connecter un nombre croissant d’objets (automobiles, capteurs divers, robots industriels, etc.) afin de faciliter le développement de nouvelles applications pour la « ville intelligente », l’agriculture connectée, l’industrie 4.0, le véhicule autonome, la logistique etc. À cet égard, la 5G constitue un enjeu de compétitivité pour le pays, bien au-delà du secteur des télécoms.

L’arrivée de cette technologie a pu susciter des débats, comme d’ailleurs avant elle les technologies précédentes à l’occasion de leur introduction. Nous saluons les concertations qui ont pu avoir lieu entre élus locaux et opérateurs pour accompagner les déploiements, souvent en mobilisant les citoyens à travers des espaces de dialogue. L’Arcep a souhaité aussi contribuer au débat en apportant des réponses techniques sur le fonctionnement et les caractéristiques de la 5G, publiées sur le site Internet.

  • La qualité du raccordement laisse parfois à désirer. Les opérateurs sont-ils tenus à un objectif de résultat ?

Face à l’accroissement des signalements de malfaçons dans la réalisation des raccordements, l’Autorité a dès 2019 réuni les opérateurs d’infrastructure (ceux qui déploient le réseau) et les opérateurs commerciaux (ceux qui commercialisent le service) en vue d’améliorer l’exploitation des réseaux et de résoudre les difficultés observées. Après une période de prise de conscience, les opérateurs d’infrastructure – indépendants ou verticalement intégrés - se sont réunis au sein de la fédération Infranum et ont identifié des évolutions techniques et contractuelles afin de garantir un meilleur contrôle des interventions par les opérateurs. La feuille de route adoptée en mars 2020 prévoyait une mise en œuvre d’une première étape pour la fin de l’année 2020.

L’attitude des opérateurs d’infrastructure est difficilement compréhensible, car plusieurs mois se sont écoulés avant qu’ils ne commencent à décliner concrètement les mesures qu’ils avaient validées. Il est désormais urgent que les opérateurs améliorent rapidement la qualité de leurs interventions. Il leur appartiendra aussi de réparer les malfaçons et les dégradations résultant des interventions sur le réseau et de le remettre en conformité.

Les travaux sous l’égide de l’Arcep se poursuivent avec la mise en place d’indicateurs de suivi de la qualité, la poursuite des expérimentations techniques lancées à l’initiative des opérateurs et l’évaluation de nouvelles mesures. L’Autorité sera vigilante à l’intégrité des réseaux.

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