Communiqué de presse - Réseaux mobiles

Partage de réseaux mobiles

La Cour administrative d’appel de Paris rejette le recours indemnitaire de Bouygues Telecom relatif au contrat d’itinérance entre Free Mobile et Orange


Depuis son arrivée sur le marché des télécoms en France, Free Mobile a recours à une prestation d’itinérance nationale sur le réseau d’Orange, en 2G et en 3G avec des débits maxima progressivement réduits depuis 2016.

Estimant que l’accord d’itinérance conclu le 2 mars 2011 entre Free Mobile et Orange était à l’origine d’effets anticoncurrentiels, Bouygues Telecom a adressé au Premier ministre en décembre 2014 une demande indemnitaire préalable tendant au versement par l’Etat d’une indemnité de 2,285 milliards d’euros en réparation des préjudices qu’elle estimait avoir subis en raison de la prétendue carence de l’Arcep à assurer la régulation de cet accord entre 2011 et 2015. Cette demande ayant fait l’objet d’un rejet implicite du Premier ministre, Bouygues Télécom a introduit, le 8 avril 2016 un recours indemnitaire devant le tribunal administratif de Paris. Par un jugement en date du 29 décembre 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté ce recours. Le 1er mars 2021, Bouygues Télécom a fait appel de ce jugement.

Par un arrêt du 29 juin 2023, la Cour administrative d’appel de Paris a rejeté l’appel de Bouygues Telecom, validant ainsi l’action de l’Arcep relative à l’encadrement de l’itinérance dont a bénéficié Free Mobile sur le réseau d’Orange entre 2011 et 2015.

À titre préalable, la Cour confirme que le régime de responsabilité applicable en l’espèce est celui de la faute lourde, « [e]u égard à la nature des pouvoirs […] dévolus [à l’Arcep] et aux intérêts en jeu, relatifs à la matière économique […] ».

La Cour juge en l’espèce que l’Arcep n’a commis aucune faute de nature à engager la responsabilité de l’Etat.

D’une part, la Cour considère que la décision du 22 mai 2014 par laquelle l’Arcep aurait refusé, « par principe, de réexaminer […] les conditions d’accès à l’itinérance dont bénéficiait la société Free Mobile […] est sans lien direct avec le préjudice invoqué par l’appelante, tiré des effets anti-concurrentiels produits, selon elle, par l’accord d’itinérance lui-même ».

D’autre part, la Cour rappelle que « l’ARCEP n’est pas tenue de démontrer en défense que le bilan concurrentiel de l’accord, de sa conclusion en 2011 au 31 décembre 2015, était positif ». Par ailleurs, la Cour relève notamment qu’il « résulte de l’instruction que les conditions de l’accord du 2 mars 2011 étaient compatibles avec la réalisation des objectifs de régulation assurée par l’Arcep », que « l’itinérance dont la société Free Mobile a bénéficié n’a pas fait obstacle au déploiement de son propre réseau » et que « l’ARCEP a suivi le respect [des] obligations [de Free Mobile], « hors itinérance », […] et a constaté que [celui-ci] avait atteint l’objectif de 27% de couverture au 12 janvier 2012, de 75% au 12 janvier 2015, et de 90% au 12 janvier 2018, ce dernier objectif ayant même été dépassé par la société Free Mobile puisqu’à cette date il couvrait 93,4% de la population par son réseau propre 3G. ». La Cour considère également « qu’il n’est pas démontré que la stratégie tarifaire proposée par le nouvel opérateur Free Mobile aurait été permise par la conclusion de l’accord d’itinérance du 2 mars 2011 et aurait présenté un caractère déloyal de nature à impliquer une intervention de l’ARCEP ».

La Cour conclut que « la société Bouygues Télécom n’est pas fondée à soutenir que l’ARCEP aurait fait preuve d’une carence lourdement fautive de nature à engagement sa responsabilité dans le cadre de la mission de régulation qui lui est dévolue par [le] […] code des postes et des communications électroniques » en matière de contrats de partage de réseaux[1].

Enfin, la Cour rejette l’invocation, par la société Bouygues Télécom, de la responsabilité sans faute de l’Etat du fait d’une prétendue rupture d’égalité devant les charges publiques, considérant que la société « ne démontre aucune carence dont l’Autorité aurait fait preuve dans le cadre de ses missions » ni « aucune charge exorbitante de nature à créer une situation anormale à son détriment ».

L'Arcep se félicite de cet arrêt qui conforte son analyse du contrat d’itinérance entre Free Mobile et Orange entre 2011 et 2015.

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[1] Depuis août 2015, l’Arcep dispose d’un pouvoir de demander aux opérateurs de réseau mobile la modification de leurs contrats de partage de réseaux lorsque cela apparaît à la réalisation des objectifs de régulation prévus à l’article L. 32-1 du code des postes et des communications électroniques (CPCE). Cette compétence est prévue à l'article L. 34-8-1-1 du CPCE, introduit par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques.