La loi pour une République numérique a été officiellement promulguée le 7 octobre 2016. L’occasion de dresser l’état des lieux du champ d’action du gendarme des télécoms redessiné par le texte porté par Axelle Lemaire. Des cartes de couverture mobile en open data à la réfection du pouvoir d’enquête de l’ARCEP… Sébastien Soriano nous livre sa grille de lecture de cette réforme charnière.
L’Hebdo Public : La loi « République numérique » achève de transposer en droit interne le dispositif issu du règlement européen du 25 novembre 2015 confiant aux autorités nationales compétentes le rôle de gardiennes de la neutralité du net. Pouvez-vous revenir sur ce concept de neutralité du net ?
Sébastien Soriano : La neutralité du net implique que, quel que soit le nombre d’opérateurs sur un marché, quel que soit le degré de concurrence entre ces opérateurs, il faut garantir que ceux qui contrôlent techniquement l’accès à l’utilisateur final n’abusent pas de cet avantage pour mettre en avant certains services ou certaines applications.
Ce concept marque un changement de paradigme très particulier. La concurrence a longtemps été perçue comme une garantie suffisante pour permettre cette neutralité de l’Internet. On a ainsi pu penser que l’opérateur qui n’aurait pas respecté la neutralité de l’Internet aurait été naturellement sanctionné par les consommateurs alors incités à changer d’opérateur. Et donc que des obligations de transparence et le libre jeu de la concurrence étaient de nature à apporter suffisamment de garanties, mais les autorités politiques européennes en ont décidé autrement en adoptant le règlement sur l’Internet ouvert (Règl. PE et Cons. UE n° 2015/2120, 25 nov. 2015, relatif à l’accès à un Internet ouvert).
L’Hebdo Public : Pour en revenir au règlement européen du 25 novembre 2015 sur l’Internet ouvert, quelles en sont les principales nouveautés ?
S. Soriano : Ce règlement définit deux nouveaux principes.
Le premier consacre un droit de tous les utilisateurs d’Internet, consommateurs/utilisateurs ou éditeurs de services ou d’applications, d’accéder au réseau ainsi qu’à tous les contenus, à toutes les informations et à toutes les applications de leur choix. C’est particulièrement déterminant quand on sait qu’Internet connecte tout ! Il y a donc dans ce texte un principe d’universalité qui est reconnu à tous les utilisateurs.
Le second principe est celui de la non-discrimination dans la gestion du trafic, c’est à dire que les opérateurs n’ont pas le droit, en dehors de rares exceptions, de gérer le trafic Internet de manière différenciée entre les applications. C’est le principe qui consiste à dire que « tous les paquets IP naissent libres et égaux ». Il s’agit là d’un revirement majeur de la place de la régulation dans le droit commun dans la mesure où ce principe implique une régulation ad vitam. Ainsi la régulation des télécoms ne se résume pas à la concurrence. Internet est un bien commun, à la fois un espace d’expression et un espace d’innovation. Et le règlement sur l’Internet ouvert confie aux régulateurs des télécoms le rôle de gardien de ce bien commun. Partant, ce changement est de nature ontologique sur la nature même de la régulation.
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