Prise de parole - Interview

Une interview de Jean-Michel Hubert publiée début janvier 1998 dans Fréquences Télécom

Q : L'Autorité de régulation des télécommunications a été créée dans le cadre de la loi de réglementation des télécommunications de juillet 1996. Quel est son rôle ?

Jean-Michel Hubert :

L'Autorité de régulation des télécommunications s'est vue confier par la loi la mission d'assurer le développement harmonieux de l'ouverture à la concurrence du secteur des télécommunications. Cette concurrence doit être loyale et équitable ; c'est là une exigence majeure pour l'Autorité.

A ce titre, l'Autorité instruit les demandes de licences et les transmet au secrétaire d'Etat à l'Industrie qui les délivre, lorsqu'il s'agit de licences de réseaux ouverts au public ou service téléphonique ouvert au public ; elle autorise les réseaux indépendants, délivre les attestations de conformité pour les terminaux connectés aux réseaux, approuve le catalogue d'interconnexion des opérateurs puissants, évalue le coût du service universel et les contributions des opérateurs, attribue les ressources en fréquences et en numéros, émet des avis sur les tarifs du service universel et des services pour lesquels il n'existe pas encore de concurrence, contrôle le respect de l'application des licences, peut être saisie de demandes de conciliation, arbitre les litiges dans le domaine de l'interconnexion et du partage des infrastructures, peut prononcer des sanctions administratives et financières.

Comme vous le voyez, c'est un large champ d'intervention !

A travers ce dispositif, il appartient à l'Autorité de rendre possible, économiquement et juridiquement, le jeu ouvert de la concurrence, un jeu dont les acteurs sont les premiers à réclamer les règles, afin, soulignent-ils - et à juste titre - de disposer de la visibilité nécessaire pour déterminer leur stratégie, nouer des alliances et trouver les financements nécessaires à leurs investissements. La clarté de la régulation est également importante pour l'opérateur historique ; je ne doute pas qu'elle ait pu avoir un impact favorable à l'occasion de la récente ouverture du capital de France Télécom, dont le succès est un signe de confiance dans l'avenir de l'entreprise et des télécommunications.

La concurrence ainsi ouverte ne saurait être une fin en soi, et reposer sur la seule application juridique des textes, d'ores et déjà nombreux et précis, qui encadrent son exercice! L'Autorité veille à ce que cette concurrence s'inscrive dans une lecture économique de la régulation et de ses finalités : la satisfaction des consommateurs - particuliers et entreprises -, la modernisation de l'économie du pays, l'emploi et le dynamisme des télécommunications françaises sur la scène internationale ; à cet égard, je pense, naturellement et en premier lieu, à France Télécom.

Q : Comment avez-vous procédé pour évaluer le coût du service universel, dont France Télécom est chargé ?

Jean-Michel Hubert :

Nous avons appliqué minutieusement les méthodes de calcul telles qu'elles ont été définies dans le décret du 13 mai 1997 relatif au financement du service universel. L'Autorité s'est ensuite attachée à définir des règles d'évaluation, qui concernent des détails pratiques.

Pour chacune des composantes du service universel, nous avons eu de nombreux échanges avec les experts de France Télécom concernés : nous avons rencontré des responsables de la direction du plan et de la stratégie (DPS), de la direction des relations extérieures (DRE), de la division publiphonie cartes pour l'évaluation du coût de la desserte du territoire en cabines publiques et de la division multimédia (direction des annuaires) pour l'évaluation du coût des obligations en matière d'annuaire et de service de renseignements.

L'effort de l'Autorité a plus particulièrement porté sur l'évaluation du coût des obligations de péréquation géographique et sur l'élaboration d'un modèle qui reflète fidèlement l'économie des réseaux.

A la suite de ces travaux, l'Autorité a évalué, pour l'année 1998, le montant prévisionnel du service universel à 6.043 millions de francs, montant qui a été ensuite constaté par le secrétraire d'Etat à l'Industrie.

Q : Comment ont été réparties ces charges ?

Jean-Michel Hubert :

Nous avons estimé le coût lié au déséquilibre de la structure courante des tarifs de France Télécom à 2.242 millions de francs. Je rappelle que cette composante est transitoire puisqu'elle couvre la phase de rééquilibrage du prix de l'abonnement de France Télécom ; elle sera donc supprimée le 31 décembre 2.000 au plus tard. Les opérateurs mobiles en sont exemptés en contrepartie des engagements de couverture du territoire qu'ils ont pris.

Nous avons estimé le coût de la péréquation géographique, c'est à dire celui lié à la desserte du territoire pour que tous les abonnés aient accès au téléphone à un prix abordable, à 2.717 millions de francs. La péréquation sociale, c'est à dire la charge liée à l'obligation pour France Télécom d'offrir des tarifs spécifiques pour certaines catégories de personnes en raison de leur niveau de revenue ou de leur handicap, a été évaluée à 921 millions de francs et la dessserte du territoire en cabines téléphoniques installées sur le domaine public à 163 millions de francs.

Enfin, compte tenu des recettes générées par le service de l'annuaire universel, nous avons estimé que la charge nette imputable à ce titre était nulle.

La loi a par ailleurs précisé que le coût du service universel devait être partagé entre tous les opérateurs de réseaux ouverts au public et de service téléphonique au public, au prorata de leur part dans l'ensemble du trafic téléphonique.

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