Prise de parole - Discours

Telecom 99 / Ouverture du sommet des politiques générales et de la réglementation : intervention de Jean-Michel HUBERT, Président de l’Autorité de régulation des télécommunications / 11 octobre 1999

Mesdames et Messieurs,

Je remercie M. Roberto Blois de son aimable introduction. Je remercie également les organisateurs pour la confiance qu’il m’ont témoignée en me confiant la responsabilité de la bonne marche de notre débat ce matin.

Avant de vous présenter les orateurs qui vont s’exprimer devant vous, je voudrais esquisser brièvement quelques pistes de réflexion, que la très intéressante séance inaugurale qui s’est déroulée hier dans cette salle a d’ores et déjà ouvertes.

Le secteur des télécommunications connaît aujourd’hui des bouleversements sans précédent :

     

  • une révolution technologique d’abord, marquée par quelques mots essentiels : la numérisation, la mobilité, le protocole Internet, le haut débit ;
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  • une révolution économique ensuite avec l’ouverture à la concurrence d’un marché de dimension mondiale qui connaît une croissance exceptionnelle.
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A l’époque de Telecom 95, nous étions à la veille d’échéances historiques :

     

  • en Europe , la Commission européenne préparait avec les Etats membres l’ouverture du marché pour 1998
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  • au niveau mondial, on négociait activement l’accord de l’OMC, intervenu en 1997.
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Aujourd’hui, l’économie des télécommunications est effectivement en profonde mutation. Les nouvelles technologies conduisent à la baisse des coûts de production, qui alimente la croissance globale. Pour les opérateurs et les industriels, les enjeux sont plus que jamais mondiaux ; les rapprochements, les rachats d’entreprises et les repositionnements stratégiques auxquels nous assistons quotidiennement en témoignent. A cet égard, l’actualité ne laisse aucun répit.

Cette double révolution, nous allons y réfléchir ensemble, notamment sous l’angle de la régulation, dans sa double signification : l’établissement et la mise en œuvre des règles. Dans ce grand mouvement planétaire qui ne semble pas aujourd’hui connaître de limite, quelle est la place des politiques publiques et quelle est celle du marché ? Quelles sont les attentes de ce marché à l’égard de ce catalyseur qu’est la régulation ?

Dans ce contexte, je voudrais vous suggérer au moins deux grandes fonctions pour la régulation, et insister sur l’une des exigences fondamentales du métier de régulateur :

     

  • une fonction de définition des orientations politiques, économiques et sociales. La finalité de la réglementation, c’est le développement du marché au bénéfice de l’ensemble des consommateurs ; c’est aussi la contribution de la croissance à l’investissement, à l’emploi et à l’aménagement du territoire. Car, nous pouvons l’observer, les seules lois du marché ne tendent pas naturellement vers le meilleur équilibre entre ces objectifs. Le service universel constitue la réponse historique à cette préoccupation. Recouvre-t-il la même notion dans tous les pays ? Son contenu est-il susceptible d’évoluer à mesure du développement du marché et du progrès des technologies ?
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  • une fonction d’établissement des règles. L’ouverture à la concurrence ne signifie pas la disparition de toute règle ; au contraire, alors que la plupart des pays viennent à peine d’ouvrir leur marché, il est nécessaire de veiller à ce que s’établissent des mécanismes effectivement concurrentiels qui garantissent à tous la liberté de choix dans l’accès aux réseaux et services. La gestion des ressources rares en est un bel exemple.
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Plusieurs questions se posent :

- Doit-on considérer aujourd’hui que l’application a priori, des règles spécifiques aux télécommunications par une instance de régulation spécialisée, demeure encore une nécessité à côté des règles du droit de la concurrence ?

- Comment la régulation peut-elle concilier une stabilité des règles compatible avec les choix stratégiques des acteurs et leur nécessaire adaptation à l’évolution du marché ?

- Au plan international, quelle forme faut-il donner à une coopération renforcée entre les pays, qui pourra contribuer à réduire les inégalités de développement du marché ?

L’exercice de ces deux grandes fonctions suppose, de la part du régulateur, une capacité d’anticipation. Sur un marché où la technologie imprime son rythme rapide, où les stratégies économiques peuvent se modifier profondément, comment la régulation peut-elle apporter aux acteurs la visibilité nécessaire ?

J’en donnerai simplement deux exemples :

     

  • la préparation de la troisième génération de communications mobiles, l’UMTS ou IMT 2000, pour laquelle les régulateurs vont tracer, par l’attribution des licences, les perspectives d’un marché encore incertain, dans l’offre comme dans la demande.
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  • Internet : nous sommes face à une nouvelle économie ; il nous faut d’abord la comprendre et l’analyser. Le protocole Internet nous place au point de rencontre d’un monde régulé et d’un monde qui cherche à s’autoréguler ; l’objectif n’est pas de réglementer Internet, mais seulement de garantir le libre accès aux réseaux et services précisément favorables au développement du marché. N’est-ce pas l’objet du débat sur l’accès et la boucle locale ?
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Je vous remercie de votre attention.