Mesdames et Messieurs,
Je tiens d’abord à remercier l’AFUTT pour le travail qu’elle a accompli au cours des six dernières années, aux côtés de l’Autorité, pour contribuer à la prise en compte des attentes des consommateurs. Et c’est un réel plaisir pour moi d’introduire aujourd’hui cette rencontre. Je remercie M. Bernard Dupré de m’y avoir convié.
Je voudrais vous montrer, à travers quelques exemples, que le consommateur est au cœur du développement du marché des télécommunications et que les associations de consommateurs ont pris toute leur part dans ce processus.
Mais il faut également préparer l’avenir ; c’est pourquoi j’évoquerai aussi les perspectives réglementaires et technologiques du secteur.
I. L’exercice de la concurrence a bénéficié aux consommateurs
La situation du marché des télécommunications se caractérise aujourd’hui par des évolutions contrastées :
- La concurrence a progressé sur un certain nombre de marchés, ce qui se traduit par la réalité d’un choix pour le consommateur et par un mouvement continu de baisse des prix ;
- Le progrès technologique a conduit à une forte innovation, technologique et commerciale, source de diversification des services et d’une très forte croissance.
- Enfin, la crise financière à laquelle est confronté le marché depuis deux ans a conduit à un mouvement des consolidations et à un fort taux d’endettement des opérateurs. Il en résulte un ralentissement de la croissance et une baisse de l’investissement, dans un contexte économique général moins favorable qu’auparavant.
S’agissant de la concurrence, je rappellerai les principales étapes de l’ouverture :
- Sur le marché du téléphone fixe
Le marché des communications téléphoniques fixes est désormais ouvert à la concurrence dans toutes ses composantes. Je retiendrai les deux étapes principales de cette ouverture :
- Le 1er janvier 1998, la concurrence a été ouverte sur les communications longue distance et internationales, à travers le mécanisme de sélection du transporteur ; Les opérateurs alternatifs représentent aujourd’hui quelque 37% du marché ;
- Le 1er janvier 2002, les communications locales sont à leur tour entrées dans le champ concurrentiel ; au printemps 2002, 14% du marché avaient été gagnés par la concurrence.
Fin mars 2002, 7,7 millions de personnes étaient abonnés à la sélection ou à la présélection du transporteur, ce qui représente une croissance de 13% sur un an.
- Sur le marché des mobiles
Sur le marché des mobiles, la concurrence s’exerce depuis de nombreuses années, conduisant à une forte innovation en matière tarifaire. L’action de l’Autorité a notamment permis de réduire significativement le prix des appels fixe-mobile.
Quant à la croissance du parc de téléphones mobiles, qui tire depuis six ans la croissance globale du marché, elle connaît aujourd’hui un tassement, comme le montrent les chiffres du deuxième trimestre 2002. Ce ralentissement est dû en partie à un phénomène technique et conjoncturel, le changement de la durée de validité des cartes prépayées de Bouygues Télécom, et en partie au fait que le marché arrive à maturité avec un taux de pénétration de 62, 6%. Il faut tout de même rappeler que si ce taux est inférieur à celui de nos voisins européens, la prudence s’impose quant aux comparaisons statistiques entre pays. Ainsi, les méthodes de comptabilisation sont différentes d’un pays à l’autre et la France est assurément plus rigoureuse que d’autres, notamment pour le prépayé. Quant à la croissance du parc, elle reste, en France, plus élevée qu’ailleurs.
Le marché des mobiles aborde ainsi une nouvelle étape de son développement, comme en témoignent plusieurs phénomènes, d’ailleurs liés entre eux : la croissance du chiffre d’affaires, la progression de la part des forfaits dans le total des clients et la croissance du revenu moyen par abonné depuis le début de l’année.
Il ne faut pas oublier l’innovation, en termes de services, qui caractérise aujourd’hui le segment des mobiles, avec le développement des services de données – SMS, MMS – et l’amélioration progressive des débits proposés, aujourd’hui avec les premiers pas du GPRS, et demain avec l’UMTS.
Autre élément important pour la concurrence et pour le consommateur : la portabilité des numéros ; déjà opérationnelle pour les numéros géographique fixes et pour certaines catégories de numéros non géographiques, elle sera mise en place au 30 juin 2003 pour les numéros mobiles, conformément au calendrier établi avec les opérateurs et avant la date limite de transposition de la nouvelle directive " service universel ", qui en prévoit pour la première fois l’obligation.
- Sur le marché de l’accès à Internet
Lorsque l’Autorité a été crée, en 1997, Internet en était à ses premiers balbutiements, avec des accès à bas débit proposés à des tarifs à la minute qui ne permettaient pas l’accès du plus grand nombre.
On peut aujourd’hui mesurer le chemin parcouru :
- L’établissement de conditions techniques et tarifaires nouvelles sur le marché de l’accès commuté, avec l’introduction des premiers forfaits en 1999 et la mise en œuvre, en 2001, d’une offre d’interconnexion forfaitaire figurant parmi les meilleures en Europe, puisque les opérateurs en demandent le maintien en l’état ;
- L’introduction de nouvelles voies d’accès à haut débit telles que le câble, l’ADSL, la boucle locale radio.
Les efforts de l’Autorité pour favoriser le développement concurrentiel de ces deux marchés commencent à porter leurs fruits. A la suite des décisions adoptées récemment, tant sur l’IFI que sur l’ADSL, de nouvelles offres sont apparues sur le marché, qu’il s’agisse d’offre illimitées à bas débit ou d’offres ADSL à un prix attractif.
Je rappelle à cet égard que le prix de 30 € par mois pour un accès ADSL à 512 kbits/s correspond à une baisse d’un tiers par rapport aux offres existantes et permet aux consommateurs français de bénéficier de conditions particulièrement compétitives par rapport à l’ensemble des consommateurs européens.
Les tarifs de détail des offres d’accès à Internet sont établis librement par les opérateurs et les fournisseurs d’accès. Ils reposent notamment sur des décisions de l’Autorité quant aux tarifs intermédiaires, qui sont le fruit d’un long travail avec l’ensemble des acteurs ; ces décisions reflètent l’analyse des coûts et des conditions de concurrence ; elles prennent en compte l’économie des opérateurs, qui doivent assurément réaliser la marge nécessaire pour assurer leur pérennité. [Le marché a autant besoin de consommateurs satisfaits que d’opérateurs viables].
D’autres questions se posent déjà à la régulation, car le progrès des technologies se poursuit. Ainsi, nous avons engagé un plan d’action pour développer l’utilisation des RLAN. Nous allons prochainement publier des lignes directrices qui serviront de cadre à la conduite d’expérimentations destinées à ouvrir ces technologies au public dans les zones mal desservies.
- La baisse des prix
Conséquence directe de la concurrence, la baisse des prix est une réalité, tant pour les entreprises que pour les particuliers. L’augmentation des factures, qui traduit l’effet " volume ", ne doit pas masquer cette réalité : le consommateur, grâce à la concurrence, a bénéficié, et tel était l’objectif, de baisses tarifaires parfois considérables.
Ainsi, sur les trois dernières années :
- pour la longue distance, plus de 35% ;
- pour le mobile, de 12 à 30% selon le forfait ;
- pour l’accès à Internet, de 50 à 75% selon la consommation mensuelle ;
- pour le fixe vers mobile, l’effet de deux baisses annuelles de 20% et maintenant celui d’une réduction programmée de 40% des tarifs d’interconnexion sur 3 ans. Dans ce cadre, une baisse de 15% vient d’être décidée pour 2003.
- La réalité de la concurrence
La concurrence est donc réelle en France. Son développement a été progressif et régulier, ce qui constitue une caractéristique du marché français. Faut-il en conclure que la régulation est restée " timide " dans notre pays ? Je ne le crois pas, car le régulateur a pleinement conscience de porter, par ses décisions, une part de la vie des opérateurs ; une telle responsabilité n’incite pas à la timidité, mais au réalisme et à la lucidité. J’y ajoute les témoignages de nombreux opérateurs d’origine étrangère, qui soulignent régulièrement la solidité du cadre réglementaire français et de sa régulation, élément déterminant pour leur permettre de se maintenir sur le marché.
Mais la tâche n’est pas achevée pour autant. L’ouverture du marché repose sur la concurrence entre opérateurs, mais également entre technologies.
La concurrence entre opérateurs a largement progressé, mais la réduction actuelle du nombre des acteurs ne conduit pas à considérer que la concurrence est aujourd’hui stable et pérenne. L’exercice de la concurrence suppose des règles du jeu. A cet égard, une régulation a priori demeure nécessaire, en complément du droit de la concurrence, non pas comme une contrainte, mais comme un facteur de liberté, permettant au consommateur de continuer à bénéficier d’un véritable choix. L’Autorité s’y emploie, notamment à travers les dispositions relatives à l’interconnexion et au contrôle tarifaire.
Le régulateur s’est également attaché à favoriser la concurrence par la diversification des technologies. L’émergence de nouvelles voies d’accès aux services de télécommunications, telle que le câble, les satellites, l’ADSL ou la boucle locale radio contribue en effet au développement du marché et au choix des consommateurs. Ce mouvement doit être poursuivi.
J’ajouterai un mot sur la concurrence. C’est aux pouvoirs publics qu’il appartient d’en définir le cadre, et au régulateur de la mettre en œuvre. Mais le marché à son rythme propre de développement, ce qui rend l’établissement d’un calendrier très difficile, comme l’a montré l’exemple de l’UMTS, pour lequel l’Union européenne a fixé un calendrier trop ambitieux par rapport au rythme effectif de maturation des technologies et du marché. Le rôle de la régulation est à cet égard de trouver le rythme approprié sur chacun des marchés régulés.
II. Les associations de consommateurs jouent pleinement leur rôle
Le consommateur a aujourd’hui toute sa place dans le développement de la concurrence ; il en est même le premier bénéficiaire, à travers les nouvelles possibilités de choix qui s’offrent à lui et la baisse des prix.
Il se trouve certes confronté à une plus grande complexité qu’auparavant, en raison de la multiplicité des offres tarifaires et des technologies, mais le marché sait aujourd’hui qu’il ne se développera pas sans l’adhésion du consommateur, comme l’a montré l’échec du WAP.
Dans ce mouvement, les associations de consommateurs ont joué un rôle essentiel auprès des instances en charge de l’application du droit de la consommation – DGCCRF, CNC. J’en prendrai trois exemples :
- Les associations de consommateurs ont été très actives sur la question des contrats passés avec les opérateurs, ce qui a conduit à la suppression d’un certain nombre de clauses abusives dans ces contrats ;
- Leur action a conduit à la mise en œuvre d’une plus grande transparence dans l’établissement des factures de téléphone, l’arrêté adopté au début de cette année en témoigne ;
- Enfin, c’est pour une large part grâce à leur action que les opérateurs mobiles ont retenu le principe de la facturation à la seconde, dans des conditions qui n’ont pas été celles de l’oligopole, et même si les modalités font aujourd’hui l’objet d’une action auprès du Conseil de la concurrence.
Pour sa part, l’Autorité s’attache à jouer un rôle d’information et de médiation entre les opérateurs et leurs clients, à travers l’organisation de rencontres sur des sujets d’actualité, la publication d’informations à destination des consommateurs ou le traitement des courriers qui lui sont adressés par les utilisateurs.
Je tiens à saluer tout particulièrement l’action de l’AFUTT, qui a apporté une importante contribution à la défense des consommateurs dans les débats qui ont animé la régulation, au sein des commission consultatives placées auprès de l’Autorité ou à l’occasion des consultations publiques que nous avons lancées et des rencontres que nous avons organisées.
III. Quelles perspectives pour le marché ?
L’avenir du marché, ce sont naturellement les nouvelles technologies et les nouveaux marchés qui vont apparaître (UMTS, xDSL, RLAN). C’est aussi la transposition en droit français des nouvelles directives européennes adoptées en mars dernier.
L’Autorité a publié, au mois de juillet, la synthèse des ses propositions pour préparer cette évolution majeure. Elle a également apporté une réponse détaillée à la consultation publique lancée par le Gouvernement.
Les nombreuse propositions qui figurent dans ces documents peuvent se résumer à travers quelques grandes orientations :
- Le nouveau cadre traduit la nécessité de promouvoir une vision européenne du marché, et un renforcement de l’harmonisation des régulations nationales. L’Autorité adhère pleinement à cet objectif, qu’elle a défendu depuis six ans avec ses homologues européennes au sein du Groupe des régulateurs indépendants. La création d’un Groupe des régulateurs européens auprès de la Commission va contribuer à renforcer cette harmonisation.
- Les directives s’appuient sur la pérennité, et à certains égards sur le renforcement de la régulation sectorielle des télécommunications, afin de permettre le passage à une nouvelle phase de la concurrence ; cette dimension doit être fidèlement traduite dans les textes de transposition ;
- la prise en compte de la convergence technologique des réseaux, qui est un des axes majeurs du nouveau cadre, doit notamment conduire à simplifier le régime juridique des réseaux câblés afin de favoriser leur développement.
- Au-delà du dispositif de service universel, dont le périmètre évolue peu au titre des directives, mais qui reste cependant une préoccupation majeure, notamment pour la France, l’intégration des préoccupations d’aménagement et de couverture du territoire dans le développement de la concurrence suppose un nouveau cadre d’intervention pour les collectivités territoriales. S’agissant de la couverture mobile, un cadre d’action a été récemment établi avec les opérateurs. La proposition de loi qui vient d’être adoptée par le Sénat vient préciser ce cadre et lui donner une dynamique nouvelle.
- Enfin, le nouveau cadre prévoit des dispositions permettant d’assurer les droits des utilisateurs. Cela n’implique pas nécessairement un renforcement de la régulation sectorielle à cet égard, mais sans doute une plus grande coordination entre les instances en charge du droit de la consommation, l’Autorité et les représentants des consommateurs, pour les associer encore davantage aux évolutions économiques et réglementaires.
L’Autorité s’attachera à favoriser la prise en compte de ces orientations fondamentales dans le processus de transposition qui s’engage.
Conclusion
En conclusion, je ferai deux observations :
- Le développement d’un marché prend du temps. C’est une dimension essentielle, qu’on a parfois tendance à oublier. Mais le marché est là pour nous la rappeler en permanence. Pour sa part, le régulateur est particulièrement attentif à la prendre en compte, afin de permettre un développement effectif et régulier du marché.
- Seconde observation, le bon fonctionnement du marché suppose que le consommateur soit satisfait. Pour que la dynamique économique s’enclenche, il faut que la demande soit au rendez-vous ; c’est elle qui détermine le développement des services, donc du trafic, puis de l’investissement. Mais il faut également que les entreprises qui fournissent les services puissent assurer leur rentabilité afin de pérenniser leur activité. Le marché, c’est donc un équilibre permanent entre la satisfaction des clients et le dynamisme de ces entreprises. En d’autres termes, il n’y a pas de marché sans demande, mais il n’y en a pas non plus sans offre. Cette double préoccupation est constante dans les décisions économiques et tarifaires du régulateur.
Je vous remercie de votre attention.