Prise de parole - Discours

SIRCOM -26 Novembre 1997- Intervention de Monsieur Jean-Michel Hubert, Président de l'Autorité de régulation des télécommunications

C'est sans aucune hésitation et avec un grand plaisir que j'ai répondu au souhait de Georges Rouilleaux d'ouvrir ce programme de conférences du Sircom. Je sais en effet l'importance de cette rencontre et la place qu'elle tient dans la réflexion de tous les acteurs des télécommunications. Il y a exactement 328 jours, le Collège de l'Autorité de régulation tenait sa première réunion. Dans 37 jours, l'ouverture à la concurrence du marché des télécommunications sera complète. Entre ces deux dates, se tient le Sircom et je suis heureux de cette occasion de tracer un bilan et quelques perspectives. Je souhaite ainsi vous faire part, au vu d'une expérience, courte mais intense, de l'esprit et des conditions dans lequel s'exerce la mission du régulateur.

L'année 1997 prend-elle une place ou une signification particulière dans l'histoire des télécommunications ? Le paysage défini par les accords internationaux, les directives européennes et les lois nationales, a sans nul doute dynamisé les opérateurs et les fournisseurs de biens et services, en ce qui concerne tant la recherche et le développement industriels, que la structure économique et commerciale de l'offre. Les textes réglementaires et les décisions de régulation apportent des éléments essentiels, ou à tout le moins attendus, pour l'exercice de la concurrence, afin que s'instaure complètement un marché bénéficiant véritablement et durablement au consommateur. C'est à l'aune de la satisfaction des consommateurs que se mesurera le degré de réussite de la régulation.

La loi du 26 juillet 1996 a décidé que la concurrence appelait une régulation institutionnelle, elle en a tracé les finalités. Leur mise en oeuvre nous invite à fonder cette difficile adaptation sur la clarté et l'équité et sur la pérennité d'un marché ouvert.

I. LES GRANDES ETAPES DE L'ANNEE 1997

Depuis près de onze mois, l'Autorité, c'est-à-dire son collège, a adopté plus de 420 délibérations. Je soulignerai d'abord que cette longue liste recouvre la quasi-totalité de nos missions, témoignant ainsi que l'Autorité s'est attachée à assurer d'emblée la plénitude de son rôle ; je retiendrai toutefois certaines décisions dont la complexité ou la portée justifient quelque explication. Toutes ces décisions, qui concourent à la naissance de la concurrence, ont pour objectif de favoriser le développement économique de notre pays et de respecter les enjeux sociaux qui s'y attachent.

1) Le service universel

L'Autorité, à deux reprises déjà pour 1997 et pour 1998, a proposé des évaluations des charges du service universel au secrétaire d'Etat à l'Industrie. Celui-ci les a constatées. J'en rappelle les chiffres essentiels pour 1998 : un coût global de 6.043 millions de Francs, donnant lieu à une contribution des opérateurs concurrents de France Télécom de 95 MF. Ces montants sont prévisionnels et seront définitivement établis en 1999.

Ces évaluations ont donné lieu à divers commentaires ; je souhaite toutefois souligner que les montants proposés sont étroitement dépendants du contenu du service universel et de la méthode applicable pour son évaluation, qui sont l'un et l'autre précisément définis par la loi et par le décret. Ainsi, certaines des observations formulées, qui méritent assurément attention, s'adressent en réalité aux textes aujourd'hui en vigueur ; ces observations ont trait notamment à la complexité du mécanisme de choix des bénéficiaires des tarifs sociaux, à la justification contestée de la prise en compte des abonnés non rentables dans les zones rentables, au principe de l'appréciation de l'avantage, indirect mais réel, pour France Télécom d'être chargée du service universel.

Le service universel, indissociable de la concurrence, donne son équilibre à la loi de réglementation. Il exprime une préoccupation sociale essentielle du législateur, auquel il appartient d'en fixer simultanément la portée et les règles de financement. Le service universel participe à l'aménagement du territoire. A cet égard, l'exemption des mobiles d'une partie de la contribution additionnelle aux charges d'interconnexion aura, à partir de 2001 et grâce aux engagements souscrits par les opérateurs, un impact utile, mais limité, sur la couverture du territoire national ; j'ai suggéré au secrétaire d'Etat à l'Industrie de reprendre sur ce point la réflexion.

2) Les licences

Depuis le début de l'année, l'Autorité a instruit et transmis à l'autorité ministérielle dix autorisations de réseaux ouverts au public ; cinq d'entre elles sont aujourd'hui délivrées. Au cours des prochaines semaines, nous serons amenés à nous prononcer sur une dizaine d'autres dossiers et notamment sur celui de France Télécom.

Je rappelle que trois catégories de licences sont ou vont être en vigueur :

  • les licences " expérimentales " : huit ont été délivrées, dont trois en 1997, sur le fondement de la loi du 10 avril 1996 ; elles devront être mises en conformité avec le nouveau cadre réglementaire pour le 1er janvier prochain.

  • les licences " opérateurs d'infrastructures alternatives " fondées sur l'article L 33.1. Sept ont été attribuées, dont trois en 1997 ; le projet d'autorisation de Telcite, filiale de la RATP a été transmis à l'autorité ministérielle à l'été. D'une durée de quinze ans, ces autorisations devraient notamment ouvrir une concurrence conduisant à une diminution des tarifs des liaisons louées.

  • Les licences " complètes " d'opérateurs en vue de la fourniture du service téléphonique au public à compter du 1er janvier 1998. Quatre dossiers viennent d'être instruits, TELECOM DEVELOPPEMENT, NETCO, SIRIS et OMNICOM ; une dizaine d'autres sont en cours d'examen, avec ou sans établissement de réseau en propre.

Deux observations éclairent l'impact de ces opérations :

  • l'ouverture du marché ne concerne pas seulement les très grandes entreprises, mais permet à de jeunes sociétés innovantes de prendre place, même au niveau national.

  • l'effet sur l'investissement et l'emploi : Sur les cinq prochaines années, le montant global des investissements prévus dans les licences accordées ou à l'instruction, est supérieur à 13 milliards de francs ; le nombre d'emplois créés directement au sein de ces sociétés sera de l'ordre de 7.000.

Afin que le service téléphonique au public puisse effectivement être ouvert à la concurrence dès 1998 sans nécessiter le déploiement préalable sur le territoire de nouvelles infrastructures de boucle locale, l'Autorité a mis en place un mécanisme de sélection du transporteur.

Deux dispositifs ont été retenus :

  • le chiffre, dit E, qui viendra se substituer au premier chiffre du numéro à dix chiffres .

    Selon des critères fondés sur les engagements d'investissement, et une procédure combinant un tirage au sort et la préférence des candidats, cinq préfixes sont déjà réservés ; deux valeurs, le 4 et le 6, demeurent disponibles.

  • le préfixe à quatre chiffres, dit 16XY, qui sera composé avant le numéro demandé. Ce préfixe peut être attribué aux opérateurs autorisés à offrir le service téléphonique au public, à partir des 93 valeurs disponibles. A ce jour, aucune demande d'attribution n'a été présentée à l'ART. Mais il est plausible que plusieurs décisions d'attribution interviennent d'ici la fin de cette année

Simultanément, des règles de gestion de la numérotation ont, depuis plusieurs mois, été élaborées en concertation avec l'ensemble des parties intéressées. Ces règles, dont l'établissement relève de la compétence de l'Autorité, seront publiées d'ici la fin de l'année. Même si elles pourront et devront faire l'objet d'adaptions et de révisions ultérieures, cette première publication marquera une étape importante.

Chacun a compris que la concurrence sera une réalité prochaine sur les communications longue distance ; il n'en ira pas de même, ou du moins pas au même rythme, pour la concurrence sur la boucle locale. C'est pourtant à ce niveau, essentiellement, que pourra s'instaurer une véritable liberté de choix au profit du consommateur. L'ouverture du marché ne sera effective et complète que si plusieurs opérateurs ont accès à la boucle locale. L'Autorité s'attachera donc prioritairement en 1998 à permettre le développement de cette concurrence sur les réseaux câblés et les réseaux radioélectriques.

3) Les réseaux câblés

En septembre 1997, sur 6 800 000 logements raccordables, près de 2 300 000 foyers français étaient effectivement raccordés à un réseau câblé.

Au début de l'été, l'Autorité a tranché des différends opposant France Télécom à Paris TV Câble d'une part, à la Compagnie générale de vidéocommunication d'autre part. Ces arbitrages ont fixé les conditions techniques (propriété des routeurs-câbles et responsabilité des travaux) et tarifaires (financement de la mise à niveau et redevance d'utilisation) selon lesquelles ces opérateurs fourniront un accès à Internet sur les réseaux du plan câble.

Je me félicite que les décisions prises alors, et qui concernent un marché potentiel de 3 millions de foyers, se soient inscrites, en quelque sorte par anticipation, dans la ligne des propos tenus à Hourtin par le Premier ministre. Aucun retard ne doit en compromettre la mise en oeuvre concrète, au détriment des internautes, de leur liberté de choix et de la qualité du service, au moment même où ces prestations sont offertes sur les réseaux concessifs. L'Autorité, avec les moyens qui sont les siens, y veille attentivement.

Un problème, analogue dans son principe, mais d'une autre ampleur quant à son enjeu économique, se posera bientôt pour la fourniture du téléphone sur les réseaux câblés.

La fourniture sur réseau câblé des services de télécommunications, par exemple l'accès à Internet, est soumise à une simple déclaration préalable auprès de l'ART, après information de la commune ayant autorisé l'établissement du réseau ; l'offre du service téléphonique au public nécessite, pour sa part, une autorisation délivrée dans les mêmes conditions que les licences correspondantes.

Je confirme ici ce qui a déjà été souligné au moment de la présentation de la décision de l'ART. Devant la complexité de la situation actuelle et l'imbrication des responsabilités, je souhaite vivement que les partenaires recherchent les solutions permettant une simplification, favorisant ainsi le développement des réseaux câblés et l'amélioration de leur rentabilité.

La Commission européenne pourrait par ailleurs prochainement prendre position sur les conditions dans lesquelles doit s'exercer la concurrence, en matière de services de télécommunication, sur les réseaux câblés et le réseau téléphonique commuté. Il convient de suivre avec une grande attention les évolutions communautaires en ce domaine.

4) La boucle locale radio

L'introduction de la boucle locale radio peut être un des moyens privilégiés, avec le câble, pour que la concurrence puisse se développer sur le marché français. L'approche suivie par l'Autorité s'inscrit dans le prolongement de la consultation publique lancée fin 1996 par la Direction générale des postes et des télécommunications, visant à recueillir en particulier des contributions sur le choix des technologies et des bandes de fréquences, l'étendue géographique et le contenu des licences, ainsi que le mode de désignation des exploitants.

A partir de ces conclusions, en adoptant une approche européenne et en tenant compte de l'utilisation actuelle des bandes de fréquences, j'ai soumis le 20 octobre dernier, à la Commission consultative des radiocommunications, les perspectives de travail établies par l'Autorité :

  • licences nationales pour des systèmes points- multipoints, avec attribution couplée de fréquences dans les bandes 3,4 - 3,6 GHz et 27,5 - 29,5 GHz.

  • licences locales, avec attribution de fréquences dans la bande 27,5-29,5 GHz, favorisant les projets innovants dans le domaine du multimédia.

Les partenaires ont recommandé une approche pragmatique, que l'Autorité se propose de suivre. Sans attendre la définition complète des conditions d'un futur appel à candidatures, les opérateurs devraient pouvoir expérimenter sans tarder les technologies concernées en utilisant des fréquences dans les bandes identifiées à cet effet, pour une durée limitée et sur une zone géographique restreinte.

L'Autorité prévoit par ailleurs de continuer à attribuer, au fur et à mesure du dépôt des demandes, les fréquences du système DECT, dont le rôle est confirmé comme système de mobilité de proximité, et qui permet également d'établir des liaisons point à multipoint.

5) L'interconnexion

L'approbation du catalogue d'interconnexion de France Télécom, seul opérateur soumis aujourd'hui à l'obligation de publier une telle offre technique et tarifaire, est intervenue en deux étapes, le 9 avril et le 30 juillet.

La fixation des tarifs d'interconnexion pour 1998 était attendue impatiemment, tant par l'opérateur public que par ses concurrents. Je constate maintenant, avec le recul, que les montants retenus se situent parmi les plus bas des pays de l'Union et participent à la définition de zone " cible " établie par une recommandation récente de la Commission Européenne. Je constate également que cette décision de l'Autorité a été acceptée par tous, sans doute parce qu'elle a été perçue, implicitement ou explicitement, comme équitable. Je me réjouis à cet égard qu'aient pu être évités des contentieux conflictuels qui sont néfastes pour tout le monde, y compris pour le cours de bourse de leur opérateur historique, comme le montre l'exemple de nos voisins d'Outre-Rhin.

Les tarifs d'interconnexion ont été fixés pour l'année 1998. Dès à présent, l'Autorité a décidé d'engager sans retard les travaux nécessaires pour qu'à l'avenir ces tarifs soient évalués en fonction des coûts moyens incrémentaux de long terme. Ces travaux, dont les résultats et le moment de leur application sont encore incertains, seront conduits, avec détermination, avec l'ensemble des opérateurs.

Au titre des dispositions techniques de l'interconnexion, l'Autorité a défini, par une décision du 17 octobre, les zones locales de tri. Celles-ci, je le rappelle, serviront à trier les appels qui, considérés comme locaux, demeureront acheminés par France Télécom et les appels qui seront acheminés par le transporteur longue distance sélectionné par l'abonné. Pour délimiter ces zones, l'Autorité a retenu le département. Cette solution, qui s'écarte à la fois de celle préconisée par France Télécom et par ses concurrents, présente l'avantage déterminant à mes yeux d'être compréhensible par le consommateur. Contrairement aux critiques formulées ici ou là, elle préserve la neutralité entre les opérateurs : en effet France Télécom aujourd'hui, comme ses concurrents demain, est conduite dans certains cas à acheminer des appels qui sont facturés au tarif local mais dont le coût correspond à un appel à longue distance. La rentabilité d'un abonné pour un opérateur doit s'apprécier globalement sur l'ensemble des appels, et non appel par appel ; elle dépend également des choix de politique tarifaire de cet opérateur ; à cet égard, la solution retenue encouragera, au profit du consommateur, la diversité des offres commerciales. Enfin, l'Autorité, dès 1999, examinera les effets économiques de sa décision, qui sont actuellement impossibles à apprécier précisément, afin, au besoin, de prendre des mesures correctives.

II. LE CHAMP DES RADIOCOMMUNICATIONS

1) La téléphonie mobile

Le formidable développement de la téléphonie mobile - 8 % de croissance mensuelle -illustre, avec force, les effets bénéfiques pour le consommateur, mais aussi pour l'emploi et l'activité, de l'ouverture d'une vraie concurrence.

Le taux de pénétration va atteindre 10% au début de l'année prochaine, ce qui consacre l'accès du grand public à ces services, mais laisse encore d'importantes perspectives de développement au regard de la situation des autres pays européens. La part du numérique est de 97%, taux le plus élevé en Europe. La couverture continue de s'améliorer en conservant une excellente qualité de service, " extensivement " vers des zones à plus faible densité de population et " intensivement " avec une microcellularisation des réseaux dans les zones denses, permettant aux mobiles de fonctionner à l'intérieur des bâtiments. Les tarifs baissent, leur niveau correspond déjà à celui de pays ayant un bien plus fort taux de pénétration et la baisse s'accompagne d'un foisonnement des offres qui s 'adressent à des cibles spécifiques.

Une récente étude montre que la progression des ventes devrait se poursuivre sur 1998, les 10 millions d'abonnés avant l'an 2000 ne sont donc pas une vue de l'esprit. Pour se poursuivre à un rythme analogue dans les années qui viennent, un tel développement nécessite que les trois opérateurs disposent en temps voulu des fréquences dont ils ont besoin. L'Autorité s'est déjà rapprochée des Forces armées pour arrêter un calendrier de libération de fréquences nécessaires. Elle étudie actuellement avec les opérateurs les modalités précises de ces attributions qui feront l'objet d'un appel à commentaires et nécessiteront une modification préalable des licences. Elle veillera en tout cas à ce que ses décisions permettent d'assurer des conditions de concurrence effective et équilibrée.

Reprenant une initiative antérieure, l'Autorité publie aujourd'hui les résultats d'une enquête sur la qualité de service de radiotéléphone. Ces résultats sont particulièrement satisfaisants. Les niveaux de qualité de service des réseaux GSM de France Télécom et de la SFR sont en progression par rapport à ceux de l'an dernier, qui étaient déjà très bons. Les performances du réseau de Bouygues Télécom leur sont tout à fait comparables, alors que celui-ci a été ouvert plus récemment. Incontestablement, le jeu de la concurrence dans le domaine des mobiles incite les opérateurs à apporter sans cesse des améliorations au fonctionnement de leur réseau, pour le plus grand profit du consommateur. La qualité peut constituer une source importante de différenciation, sans doute aussi déterminante à terme que le prix du service fourni ou l'étendue de la couverture.

2) la radiomessagerie

Le marché de la radiomessagerie connaît lui aussi un développement important en France -plus de 10% par mois-, parmi les plus élevés en Europe. Ceci est dû à son caractère fortement concurrentiel, avec une augmentation de la part de marché des services Tam-Tam et Kobby à la norme ERMES des nouveaux entrants qui est passée de 20% à 30% en un an, alors que le service Tatoo à la norme POCSAG de France Télécom poursuivait sa très forte croissance. C'est le développement des services sans abonnement, particulièrement tournés vers les jeunes qui a donné son essor au marché.

Le bénéfice de cette situation, et notamment son caractère concurrentiel, ne sauraient être pour l'avenir compromis. Un débat est aujourd'hui ouvert sur les normes utilisées ou utilisables. L'Autorité, qui trouve là un dossier difficile, s'attachera à proposer des solutions qui soient économiquement équitables, et qui n'ignorent ni les conditions de la définition de la norme européenne Ermès, ni les engagements pris par les trois opérateurs au cours des années précédentes, ni la réalité du marché français mais aussi européen, voire mondial.

En liaison avec le Ministre, l'Autorité examine à l'heure actuelle ce dossier avec chacun des opérateurs concernés.

3) les radiocommunications professionnelles

Le développement exceptionnel du radiotéléphone en France peut sans doute expliquer la relative stagnation concomitante du marché plus traditionnel qui est celui des radiocommunications professionnelles, que l'on connaît outre-Manche sous le qualificatif de PMR, et dans notre pays sous les sigles RRI, 2RP ou 3RP. L'Autorité a fait réaliser en 1997 une étude sur ce sujet et a pris plusieurs décisions susceptibles de donner à ce marché une nouvelle vigueur :

  • Tout d'abord, l'attribution de 3 fréquences pour les équipements de radiocommunications professionnelles simplifiées (RPS), qui pourront être utilisés sans formalités administratives dès lors que les matériels sont agréés, en respectant toutefois des conditions générales d'utilisation fixées par l'Autorité.

  • Ensuite, le lancement d'un appel à candidatures pour autoriser un ou deux réseaux nationaux de radiocommunications professionnelles numériques (RPN). Les résultats de cet appel à candidatures devraient être rendus publics par l'Autorité dans les prochaines semaines.

  • Enfin, la mise en chantier d'une réflexion avec la profession visant à simplifier les procédures d'autorisation pour les réseaux gérés par l'Agence nationale des fréquences pour le compte de l'Autorité, et à améliorer la gestion des ressources hertziennes correspondantes par une plus grande transparence dans les attributions de fréquences.

4) Les systèmes satellitaires

Les premières constellations de satellites à orbite basse qui pourraient proposer à la fin de 1998 une ouverture téléphonique mondiale viendront, au moins en Europe, compléter les réseaux cellulaires terrestres. L'Autorité est saisie de deux projets : Iridium et Globalstar. S'agissant d'un domaine où il est essentiel que les licences soient délivrées selon des calendriers coordonnés dans l'ensemble des pays, l'Autorité travaille en étroite liaison avec ses partenaires au sein de la CEPT et lance par ailleurs une consultation publique dans le cadre de leur instruction.

Les systèmes de deuxième génération ont l'ambition d'offrir une largeur de bande flexible, reconfigurable et adaptée aux besoins spécifiques de chaque utilisateur. Les acteurs français - à travers SkyBridge - sont désormais en première ligne pour relever ce nouveau défi pour l'industrie spatiale européenne. la CMR s'achève sur un accord déterminant, fixant un cadre clair pour une vraie concurrence. Il faut en saluer les acteurs.

5) L'UMTS

La prochaine génération de systèmes de communications mobiles, connue sous l'appellation d'UMTS dans le cadre européen et d'IMT 2000 dans le cadre de l'Union Internationale des Télécommunications, qui doit répondre en particulier aux exigences des services multimédia mobiles, suscite actuellement un intérêt croissant et une bataille industrielle et technologique à la mesure de ses enjeux mondiaux.

L'ART suit avec attention ce dossier, avec un double souci :

  • soutenir l'émergence d'un véritable système mobile de 3ème génération, et ne pas se contenter d'une simple évolution, souhaitée par certains acteurs, vers un système GSM amélioré ;

  • replacer le débat sur la 3ème génération mobile dans le contexte plus ambitieux d'une convergence des technologies et des réseaux fixes et mobiles.

Dans ce contexte, le choix technique de l'interface radio qui s'amorce fin 97 constitue une première étape importante, qui pèsera sur l'évolution des réseaux cellulaires numériques pan-européens vers les systèmes de 3ème génération.

L'ART a mené et mène des consultations informelles des acteurs français concernés sur ce thème.

Néanmoins, devant le calendrier très ambitieux affiché pour l'UMTS, il nous semble indispensable qu'une réflexion plus appronfondie et plus structurée, pour permettre de mesurer les enjeux techniques, industriels et économiques au niveau européen et mondial. C'est dans cet esprit qu'un groupe de travail vient d'être créé au sein de la CCR.

III. PERSPECTIVE INTERNATIONALE ET EUROPEENNE

Le processus qui conduira la France à prendre pleinement pied dans la société de l'information doit - plus que jamais - s'analyser et se comprendre dans une perspective internationale.

L'année écoulée a vu se dessiner un véritable consensus, d'abord sur le plan européen. Le processus visant à harmoniser les conditions d'ouverture à la concurrence dans la Communauté est sur le point de marquer la conclusion d'une première phase. L'adoption des principales directives communautaires achèvera en effet l'élaboration d'un édifice juridique complexe, mais nécessaire à l'émergence d'un véritable “marché domestique” de dimension européenne. Je souhaite que la fin des discussions sur la directive relative à la portabilité des numéros et à la présélection de transporteur, auxquelles l'Autorité a pris une part importante, permette de confirmer le calendrier de mise en oeuvre (01/01/2000 pour la présélection) et les dispositions techniques afférentes dès les premiers mois de 1998.

La dynamique de convergence constatée à l'échelon européen a pris une dimension nouvelle avec la conclusion - le 15 février dernier - des négociations sur les télécommunications de base, menées sous l'égide de l'Organisation mondiale du commerce. Aux termes de cet accord historique, ce sont non plus quinze, mais soixante-cinq pays qui ont adhéré aux principes qui sous-tendent la législation communautaire : indépendance des fonctions d'exploitation et de régulation, libre exercice de la concurrence, mise en place d'obligations spécifiques en matière d'interconnexion ou encore accès non-discriminatoire aux ressources rares.

L'accord conclu dans le cadre de l'OMC établit les fondements juridiques d'un consensus international à l'émergence duquel la France aura activement participé. Quatrième marché mondial des services de télécommunications, notre pays a ainsi répondu aux attentes des entreprises françaises désireuses d'exporter leurs compétences et leur savoir-faire sur de nouveaux marchés.

A la phase de transposition juridique qui s'achève doit maintenant succéder une étape de mise en oeuvre pour laquelle la France - qui a scrupuleusement respecté les obligations contractées, tant dans le cadre de l'Union européenne que dans celui de l'OMC - attend de ses partenaires le même degré d'engagement. A cet égard, je souhaite que l'adoption prochaine de règles définissant les conditions d'accès au marché américain prenne en compte les observations formulées par l'Union européenne quant aux propositions initialement présentées par la FCC.

En tout état de cause, un certain nombre de dossiers appellent désormais une analyse multilatérale et des réponses concertées dans le cadre européen.

Je citerai deux exemples :

  • le premier a trait aux conditions d'acheminement de trafic international. La dynamique d'ouverture à la concurrence et de décloisonnement des marchés bouleverse en effet les logiques traditionnelles de partage des recettes. Une réforme du système dit des “taxes de répartition” fait actuellement l'objet de discussions au sein de l'UIT. Sur le plan européen, l'avènement d'un “marché unique” des services de télécommunications remet profondément en cause ce modèle et devrait à terme lui substituer un dispositif à maints égards identique au régime d'interconnexion. En tant que régulateur, ceci me conduit à une triple interrogation : comment assurer que cette transition s'effectue dans les meilleurs délais ? Comment faire en sorte que le consommateur européen en soit le premier bénéficiaire ? Et comment éviter les distorsions anticoncurrentielles susceptibles d'affecter les échanges de trafic entre la Communauté et les pays tiers ? C'est dans ce contexte que l'Autorité initiera, dans les semaines qui viennent, une consultation publique portant sur les conditions d'acheminement de trafic international.

  • le deuxième a trait aux terminaux. Le changement de contexte créé par la libéralisation de 1998, la mondialisation du marché des télécommunications et l'accélération du progrès technologique ne peut rester sans effet sur le système actuel de mise sur le marché des terminaux, régi par la directive 91/263 du 29 avril 1991 qui, si elle a notablement contribué à la simplification des procédures " d'agrément " et à l'émergence d'un marché européen unique, a montré également ses limites.

Un nouveau projet de directive vient d'être présenté par la Commission et fait l'objet de négociations qui, je l'espère, aboutiront en 1998.

Ce projet va dans le sens de deux attentes générales qui sont :

  • d'une part l'extension du champ d'application à tous les équipements utilisant les fréquences radioélectriques qu'ils soient ou non connectés à un réseau ;

  • d'autre part un fort allégement des procédures réglementaires préalables à la mise sur le marché tendant à une simple déclaration de conformité de l'industriel

L'Autorité participe activement à ces négociations, et veillera à ce que ces deux objectifs, louables en terme d'efficacité économique, ne se fassent pas au détriment de la lisibilité du système par les consommateurs, du maintien d'une concurrence équitable et d'une garantie de bonne utilisation des ressources spectrales.

Il nous semble en particulier important pour le consommateur, que les procédures retenues et le marquage des terminaux, soient compréhensibles et n'aboutissent pas à la mise sur le marché français d'équipements réglés sur des fréquences qui ne sont pas utilisables dans notre pays.

Est-il possible de parvenir au terme de cette analyse sans mentionner Internet, bien que, ceci doit être rappelé, ce système échappe au domaine de la régulation.

Deux points méritent une attention particulière :

Internet et le commerce électronique. La capacité du système à ouvrir de nouvelles possibilités aux citoyens et aux entrepreneurs doit être pleinement exploitée et l'Autorité entend contribuer à lever les barrières susceptibles d'en freiner le développement. Je souhaite donc que soit encouragée au bénéfice de la compétitivité de notre économie, la vitalité du marché concurrentiel des prestataires d'accès et des fournisseurs de services.

Internet et le service téléphonique. C'est là le maillon susceptible de relier le monde régulé et le monde non régulé, à travers notamment l'acheminement du trafic longue distance et international. Quelles peuvent être les conséquences de ce développement sur l'économie même du système des télécommunications, et notamment ses opérateurs ? Quelle est l'analyse économique que l'on peut faire aujourd'hui du système Internet ? Ces questions m'apparaissent essentielles, mais j'observe que leur analyse mérite assurément d'être entreprise dans sa plénitude. L'Autorité engage ce travail, sans à priori, mais avec la conviction qu'il n'est pas trop tôt pour se préparer à y répondre.

CONCLUSION

Ma présence devant vous est un témoignage sur la manière dont l'Autorité de régulation exerce son rôle. L'expérience de l'année écoulée permettra d'approfondir et de perfectionner notre approche.

Je me limiterai à souligner brièvement quelques points :

Transparence et consultation : elles s'imposent pour l'élaboration des décisions comme pour leur mise en oeuvre. Je tiens à cet égard à remercier les présidents et les membres des deux Commissions Consultatives et du Comité de l'Interconnexion. Leur rôle est important, et je veillerai à le conforter.

Je remercie également tous les acteurs qui contribuent aux consultations publiques.

Je veillerai par ailleurs à ce que les choix adoptés soient toujours davantage commentés, expliqués et justifiés. Plusieurs actions participeront en 1998 à cet effort.

Je mentionne plus particulièrement à cet égard, une rencontre que l'Autorité organise le 15 décembre entre les opérateurs et les associations de consommateurs. Le consommateur fait l'apprentissage de la concurrence, et il doit être mieux informé face à une offre que la compétition rend souple et diversifiée, mais inévitablement compliquée.

Depuis bientôt un an, l'Autorité travaille avec détermination à la préparation de l'échéance du 1er janvier 1998. Dans le respect de la loi du 26 juillet 1996, la mise en oeuvre des compétences qui lui ont été reconnues, a permis l'élaboration en temps voulu des décisions nécessaires.

Il reste beaucoup à faire.

Face aux échéances programmées, mais aussi à d'inévitables incertitudes, je suis profondément convaincu que seule une démarche pragmatique fondée sur l'échange et la discussion, ouverte à l 'adaptation, peut répondre à l'ampleur des enjeux.

J'analyse à cet égard la réponse du marché financier à l'ouverture du capital de France Télécom comme un signal majeur. Cette opération a constitué un remarquable succès pour l'entreprise et elle exprime la conviction des actionnaires quant à son rôle déterminant sur la scène internationale. Elle représente aussi une exceptionnelle marque d'intérêt pour le secteur des télécommunications dans son ensemble. Vous êtes les acteurs de cette formidable évolution. Je tenais à vous dire l'esprit dans lequel j'entends poursuivre et développer le dialogue que l'Autorité, son Collèges et ses services ont été heureux d'engager avec vous cette année.