La revue stratégique de l'ARCEP, qui doit diriger l'action du régulateur des télécoms pendant les prochaines années, est enfin publique. Pour l'occasion, nous avons discuté avec son président, Sébastien Soriano. De la neutralité du Net aux zones blanches, en passant par les opérateurs associatifs, tour d'horizon des projets et dossiers de l'institution.
Le régulateur des télécoms, l'ARCEP, revoit ses priorités et le fait savoir. L'autorité vient de mettre en consultation publique sa revue stratégique (voir notre analyse), pour " co-construire " sa vision du numérique avec les acteurs du secteur. Il s'agit aussi d'un moyen pour l'autorité de définir ses priorités, alors que les missions s'accumulent pendant que ses moyens stagnent, voire diminuent. Un défi parmi d'autres pour le régulateur, qui ouvre de plus en plus de portes vers l'extérieur depuis l'arrivée de son nouveau président, Sébastien Soriano.
Depuis votre arrivée, vous semblez dans une démarche d'ouverture de l'ARCEP. Cette revue stratégique suit-elle cette logique ?
Absolument. Mon intuition initiale, en arrivant, était que nous sommes à la fin d'un cycle. L'ouverture à la concurrence dans les télécoms est faite. La question est donc de savoir ce qu'il reste à faire en la matière et quels sont les nouveaux défis auxquels on doit faire face en tant que régulateur des réseaux numériques.
L'idée c'est : si l'ARCEP n'existait pas et qu'il fallait l'inventer aujourd'hui, que devrait-elle faire ? Il y a 18 ans, c'était de casser le monopole de France Télécom. Aujourd'hui, c'est comment le régulateur des réseaux participe à la transformation numérique. Le but est de lancer des chantiers, nous n'avons pas réponse à tout.
La famille du numérique s'est développée un peu en parallèle de la famille des télécoms ces derniers temps. Il faut d'une certaine manière réconcilier ces deux familles. J'explique à des interlocuteurs qui ne sont pas dans notre giron ce que nous voulons faire, comment nous pourrions travailler avec eux ou leur demander quels sont les sujets pour eux.
D'ailleurs, plutôt que de réseaux, vous parlez de " tuyaux ".
On ne sait pas où s'arrête la " tuyauterie " aujourd'hui. Les couches logicielles et réseaux s'entremêlent de plus en plus. Une API (interface de programmation) est clairement du logiciel, tout en étant un peu l'équivalent des interconnexions que l'on connait dans les réseaux.
Aujourd'hui, un tuyau est défini clairement en télécoms, et c'est notre terrain de jeu. Il y a déjà fort à faire, par exemple en matière de neutralité du Net. Mais nous observons aussi sur ce qui se passe à la frontière.
La revue stratégique parle d'innovation et de terrain de jeu équitable entre entreprises, sans mentionner la neutralité des plateformes, qui semble pourtant le coeur du sujet.
Notre exercice essaie de s'abstraire de l'actualité. Il y a des débats du moment, comme la régulation des plateformes, l'Internet des objets... Notre analyse essaie de " dézoomer " par rapport aux dossiers du jour, parce que nous visons une stratégie à long terme.
La neutralité des plateformes est donc une question trop précise à ce stade du processus. L'un des axes mis en consultation est l'Internet neutre et ouvert. La neutralité du Net c'est un instrument au service d'un objectif potentiellement plus large : l'Internet ouvert. Par exemple, nous posons la question de lancer un travail de veille ou de co-régulation sur certains sujets, même si le droit français et européen ne change pas.
L'idée est de poser une grille d'analyse qui soit solide à l'horizon 2020. C'est la stratégie que doit mener l'ARCEP dans les prochaines années, donc nous essayons de ne pas nous jeter sur des sujets trop précis.
Dans la deuxième partie du document [sur les sujets d'avenir], on parle bien d'innovation dans notre secteur, par exemple des start-ups qui veulent expérimenter des nouveaux modèles. Aujourd'hui ces expérimentations ne sont possibles que sur les fréquences, est-ce qu'on pourrait l'étendre à d'autres sujets ?
La revue mentionne également le besoin pour l'ARCEP de monter en compétences sur les algorithmes. Pensez-vous que ça sera aussi essentiel que l'ingénierie télécom à l'avenir pour vous ?
Je pense que ça le sera de plus en plus. Des personnes, par exemple, nous disent que Safari serait bridé sur iPhone, avec comme volonté de pousser les gens vers son AppStore. J'ignore totalement si c'est vrai et nous n'avons pas forcément vocation à agir directement sur ce type de sujets. Mais nous devons au moins savoir et comprendre. Cela fait partie de la chaine technique d'Internet et de l'expérience utilisateur.
On ne peut pas concevoir un cadre de régulation qui consisterait - je force le trait - à taper sur la tête des opérateurs télécoms et, dès qu'on sortirait de notre champ de responsabilité, devenir aveugle. Ce serait caricatural et intenable sur la durée. Il faut une vision d'ensemble.
De même, vous y parlez beaucoup de co-régulation. Qu'entendez-vous par là ?
C'est l'idée que l'on doit tendre de plus en plus vers la " soft law " sur un certain nombre de sujets. On doit accompagner le marché plutôt que d'essayer de lui imposer des choses. Et on essaie de développer l'autorégulation lorsque le marché est suffisamment mûr.
C'est aussi l'idée que, des fois, il faut travailler avec d'autres régulateurs ou administrations. Sur l'Internet des objets, la démarche qui s'est engagée est de travailler avec l'ANSSI, la CNIL, la DGE, l'Agence nationale des fréquences, France Stratégie... Nous avons organisé un cycle d'auditions ouvertes de tous les acteurs du secteur en trois, quatre mois. Il y aura une phase de maturation au printemps, et la publication d'un rapport à l'été, pour cartographier les enjeux.
Notre expertise peut aussi être mise au service de sujets qui ne relèvent pas de la régulation. La loi Macron permet désormais au gouvernement de nous saisir pour avis sur toute question, et non plus seulement sur les textes législatifs et réglementaires. Nous avons déjà publié deux avis : le premier sur la mesure de la bande passante [voir notre analyse] et sur le coût de transport de la presse par la poste.
La revue stratégique cite régulièrement la " multitude ", un concept qui semble s'être bien intégré dans votre vision.
La multitude, c'est d'abord un réseau d'experts. Aujourd'hui, nous n'avons pas forcément toutes les compétences techniques sur certains sujets, parce que ce n'est pas notre cœur de métier initial. Par exemple, sur notre observatoire de la qualité de service de l'Internet fixe [controversé dans sa première version], nous avons mis en place un comité d'experts, avec des gens de l'Afnic, de l'INRIA, etc.
On se demande s'il ne faudrait pas étendre ce fonctionnement, à la neutralité du Net par exemple, pour que plus d'experts participent à ce qu'on essaie de construire.
Ensuite, il y a la grande multitude, vraiment tout le monde. C'est voir comment des outils de crowdsourcing existants, ou que nous pourrions développer, peuvent nous alerter sur des problématiques de couverture réseau, de qualité ou de détérioration de la neutralité du Net.
Vous parlez donc d'applications comme 4Gmark ou Sensorly.
Voilà, il y a ce type d'applications. Il y a aussi ce que mesure la SNCF via les contrôleurs de trains. Il y a, pourquoi pas, ce que fait le [syndicat de presse en ligne] GESTE à travers les mesures Cedexis... Ou même Netflix quand il mesure la qualité. C'est très varié. L'idée est d'avoir une démarche de partenariat qui nous permette de travailler avec ces acteurs s'ils le souhaitent aussi.
Il s'agit donc de certifier les données produites par d'autres.
Il s'agirait de certifier les protocoles, parce que certifier les données peut être compliqué. Nous pourrions au moins dire que nous avons vu comment les mesures sont effectuées, par exemple par un prestataire dont nous vérifions qu'il est indépendant et fiable. Nous apporterions notre caution ARCEP, pour dire que le protocole est " ARCEP-proof ".
Dans son document, l'ARCEP préconise aussi l'arrivée d'une autorégulation progressive des acteurs télécoms.
Il n'y a pas que l'autorégulation, mais aussi la régulation " horizontale ". Un opérateur télécom est aussi un intermédiaire technique, indépendamment du niveau de concurrence. Il intervient dans la chaine technique entre l'utilisateur et Internet ou entre deux utilisateurs qui échangent. La question du secret des correspondances par exemple est horizontale, et elle est prévue par le cadre de la régulation, même si jusqu'à présent cela n'a pas été vu comme un sujet prioritaire. Est-ce que nous devrons nous y investir demain ? Est-ce que nous devrons mesurer davantage de choses sur les services fournis par les acteurs ?
L'idée c'est que, par exemple avec le règlement européen sur la neutralité du Net, peu importe le niveau de concurrence, il y a des règles que tout le monde doit désormais respecter. Donc moins de régulation asymétrique, c'est-à-dire moins de régulation d'Orange en tant qu'opérateur historique, car c'est un acteur qui tend à se " banaliser " du point de vue réglementaire (sauf évidement sur certains sujets qui restent essentiels comme l'accès aux fourreaux et au réseau cuivre), mais une régulation de plus en plus horizontale.
De la même manière, nous sommes amenés à contrôler tous les acteurs qui déploient de la fibre jusqu'à l'abonné. Très concrètement, les réseaux d'initiative publique montés par des collectivités locales doivent déjà respecter des règles du jeu sur l'ouverture des réseaux. C'est de ce type d'évolution dont on parle avant même de parler d'autorégulation.
Qu'en est-il du marché des entreprises ? Vous évoquez le risque d'un duopole après le rapprochement entre SFR et Completel (de Numericable).
Ce risque est réel. Est-ce qu'on peut imaginer un accès plus large des PME à la fibre optique, à des prix qui soient significativement inférieurs aux prix actuels ? L'idée serait d'aller vers un marché de masse, alors qu'aujourd'hui, c'est un peu un marché de luxe.
Pour cela, le dernier cahier des charges du plan France Très Haut Débit relance une concurrence entre technologies sur le pro. Les coûts de connexion doivent baisser en passant de lignes dédiées (FTTO) à des lignes mutualisées avec le réseau grand public (FTTE). Comment accompagnez-vous ce mouvement ?
Dans la consultation, nous indiquons que nous allons favoriser le déploiement de la boucle locale optique mutualisée (BLOM), un réseau universel qui puisse connecter les entreprises et les éléments de réseau (sites mobiles, ville intelligente...) sur la base du réseau fibre grand public FTTH. Cela demande de travailler les processus opérationnels, pour obtenir une qualité de service spécifique pour les besoins des entreprises. Ce sont des travaux qui sont encore devant nous.
Aujourd'hui, une association nommée PC Light a annoncé son premier prototype de boucle locale fibre. Comment s'intègre ce genre de petits acteurs dans votre démarche ?
Un des champs de notre ouverture, c'est la question de l'innovation. On pense beaucoup start-up, c'est vrai, mais ça pourrait intégrer des modèles alternatifs, associatifs. On ressent une difficulté à travailler avec de petits acteurs. L'un de nos défis est d'être plus à leur écoute.
En l'occurrence, ce serait plutôt à eux de se signaler ?
Tout à fait. L'idée de cette consultation publique est vraiment que chacun puisse dire ce qu'il attend de la régulation. Nous voulons éviter un exercice nombriliste, mais déterminer comment nous pouvons être plus utiles.
Nous avons mis les sujets sur la table. La charge est maintenant aux acteurs de répondre à la consultation pour valider (ou non) nos priorités et donner leur hiérarchie. Nous avons volontairement évité d'indiquer un ordre, pour laisser le classement aux acteurs qui y répondront.
Fin octobre, le parlement européen a adopté le texte sur la neutralité du Net, considéré comme flou par certains observateurs, notamment en comparaison de celui adopté aux États-Unis en début d'année. Qu'en pensez-vous et comment comptez-vous travailler dessus au BEREC, le groupement des ARCEP européennes ?
Nous ne considérons pas le texte européen flou, mais un cadre qui pose de grands principes. Il donne effectivement la main au BEREC et aux régulateurs pour préciser son application à certaines situations. C'est la bonne méthode sur des sujets aussi mouvants et techniques. Si le texte était trop précis, il serait rapidement obsolète et contourné.
C'est la différence entre le texte européen et l'américain : aux États-Unis, ce n'est qu'une décision de la FCC, l'homologue de l'ARCEP. Ce n'est pas un texte endossé par le parlement. C'est donc la bonne méthode en Europe, de partir des grands principes et de donner la main aux régulateurs, même si cela laisse tout de même des chantiers ouverts.
Ce que je regrette très profondément, c'est qu'il n'y ait pas de comparatif clair entre les deux initiatives. Il y a le texte critique de Barbara van Schewik sur Medium, qui a raison de poser des questions sur certains points, mais qui indique que le texte américain serait plus protecteur, sans donner la moindre explication sur ce point. Ma lecture personnelle, c'est que c'est inexact, mais ce n'est pas à moi de l'affirmer. J'aimerais qu'il y ait un travail universitaire, scientifique, qui fasse cette comparaison et amène plus de rationalité dans le débat.
Sur le fond, je n'étais pas convaincu entièrement par son billet sur la question de la gestion de trafic, sur laquelle le texte européen est très précis, même s'il reste la question des classes de services que devra calibrer le BEREC. Concernant les services gérés, le texte américain, à ma connaissance, ne dit rien, quand l'européen demande un haut niveau de preuve pour accepter un service géré. On ne peut pas exclure que certains services fournis par des opérateurs dans certains pays européens deviennent interdits demain.
Reste tout de même une interrogation sur le zero-rating [le non-décompte d'un service dans le volume de données Internet]. Le texte pose un principe très général, que l'on devra interpréter au sein du BEREC. Un texte devra être adopté l'été prochain, après une consultation publique. Cela va donc aller assez vite.
Dans la consultation publique, l'ARCEP s'affiche en faveur de la mutualisation des équipements mobiles passifs, malgré le besoin de concurrence par les infrastructures. Est-ce un changement de cap ?
En général, la mutualisation du passif et la concurrence sur l'actif sont positives. Mais attention, Il ne doit pas y avoir d'absolu en la matière. Il peut parfois être intéressant de mutualiser des équipements actifs et pas toujours du matériel passif. Mais c'est bien la distinction principale.
Nous avons voulu clarifier notre position sur deux sujets. Nous assumons d'abord de ne pas être des ayatollahs de la concurrence par les infrastructures, mais d'opérer une balance entre ce qui est bon pour la concurrence et pour l'aménagement du territoire ou d'autres objectifs d'intérêt général.
Ensuite, nous disons clairement que notre objectif est de faire fonctionner le marché autour des quatre opérateurs convergents fixe/mobile . Nous avons un marché à quatre acteurs, que nous essayons de faire vivre, sans calcul éventuel sur une concentration. Nous assumons un certain pragmatisme face au marché.
Le gouvernement a publié la liste des 238 communes qui devront être couvertes en mobile d'ici fin 2016, dont certaines attendent depuis 2003. Cette fois-ci, l'ARCEP aura un pouvoir de sanction face aux opérateurs. Était-il nécessaire d'en arriver là ?
Ce ne sont pas des zones rentables. Dans le cadre du plan France Très Haut Débit, les engagements des opérateurs ne sont pas contraignants dans les zones denses, parce qu'elles sont justement supposées rentables. Pour les zones blanches, c'est contraignant, ce qui est la meilleure sécurité pour tous.
En parlant du déploiement du très haut débit fixe, pensez-vous que les opérateurs ont aujourd'hui assez intérêt à basculer du réseau cuivre vers la fibre ? Numericable-SFR s'est récemment fait taper sur les doigts par Emmanuel Macron et Axelle Lemaire sur ses retards de déploiement.
Il y a effectivement une clarification à court terme due à la fusion entre SFR et Numericable. Ces questions sont en train d'être tranchées et les ministres ont demandé à ce que les conventions soient signées avec les collectivités d'ici la fin de l'année. C'est un sujet important, mais a priori ponctuel.
Sur le fond, je suis assez positif sur la couverture de ces zones. Il y a une vraie dynamique commerciale sur le très haut débit, avec Orange en tête. La fibre devient un vrai marché, et non pas seulement un beau discours qui serait là pour plaire aux politiques sur l'aménagement du territoire. Je ne suis pas inquiet sur les fondamentaux du déploiement de la fibre dans les zones denses.
Sur la tarification du cuivre, vous avez décidé d'augmenter le montant de location de chaque ligne, tout en baissant les frais d'abonnement et de résiliation.
La démarche de cette année est assez nouvelle. D'habitude, chaque année, il y a des discussions informelles sur les tarifs du cuivre avec Orange, qui les publie ensuite. Il y a donc un double renversement. D'une part, nous assumons nous-mêmes un tarif, ce qui est beaucoup plus sécurisant pour l'ensemble des acteurs (y compris Orange). D'autre part, nous l'annonçons sur deux ans pour donner plus de visibilité aux acteurs.
Nous considérons que dans la transition du haut débit vers le très haut débit, le régulateur doit donner des signaux très précis sur l'évolution du cuivre.
Sur le fond, le changement est assez subtil, vu qu'il intègre deux mouvements opposés. Le tarif récurrent (9,05 euros mensuels) connait une augmentation progressive. Il s'agit d'éviter le piège de la " trappe à débit " consistant à laisser le marché du haut débit partir à la baisse, alors qu'il faut pouvoir investir dans le très haut débit.
En revanche, nous opérons une baisse sur les tarifs non-récurrents, notamment ceux d'entrée et de sortie du réseau cuivre. Il y a un tarif de 56 euros à chaque prise d'une paire de cuivre et de 20 euros à chaque départ. En baissant ces tarifs, nous avons voulu fluidifier le marché, pour passer plus facilement au câble ou à la fibre ou entrer plus facilement sur le marché cuivre [comme Bouygues Telecom]. Ces baisses permettent aussi de continuer à coller à la réalité de l'évolution globale des coûts de la paire de cuivre.
Cette orientation de long terme, sur la transition du cuivre vers le très haut débit, ne doit pas prendre les opérateurs à la gorge. L'opération est globalement bénéfique aux opérateurs alternatifs en 2016. L'an prochain, Bouygues Telecom, Free et Numericable-SFR gagneront concrètement de l'argent sur le dégroupage. Nous prévoyons une baisse globale des coûts sur le cuivre en 2016, et plutôt que de baisser le coût récurrent, nous avons préféré agir sur le non récurrent et en profiter pour fluidifier le marché.
Concernant l'Internet des objets, qui est un des axes d'avenir de l'ARCEP, quand allez-vous intégrer les réseaux bas débit type Sigfox et LoRa à vos observatoires mobiles ?
Nous mesurons déjà ces chiffres, mais à ce stade, les données sont assez limitées. On enrichira l'observatoire quand le marché décollera.
Dans le dernier observatoire de la qualité de service de l'Internet fixe, la zone étendue de Bouygues Telecom n'est pas prise en compte, alors qu'elle est assez importante.
Ce qui est intéressant avec cet observatoire, c'est que plus nous avançons, plus nous découvrons de sujets. Cela nous permet d'apprendre sur des problématiques très précieuses. Nous sommes vraiment dans une démarche " bêta ", d'enrichissement continu.
Cette fois-ci, nous avons lancé une petite consultation publique dessus, pour savoir si l'observatoire a encore sa pertinence sous cette forme, avec le nouveau cadre sur la neutralité du Net ou si cela doit évoluer, par exemple vers du crowdsourcing. Nous verrons bien.
Dans votre document, vous songez aussi à ouvrir les fréquences hertziennes à d'autres acteurs que les opérateurs mobiles.
Une nouvelle fois, c'est une question très ouverte. L'année dernière, nous avons lancé une revue stratégique sur le spectre, en identifiant certaines bandes (1,4 GHz, 3,5 GHz...). L'idée est de dire que toutes les fréquences ne doivent pas " par construction " être fléchées vers les opérateurs mobiles.
Pourquoi pas, par exemple ouvrir une nouvelle bande de fréquences libres ? Dans quelques jours, les opérateurs auront je l'espère de beaux patrimoines de spectre avec la bande des 700 MHz. C'est donc le bon moment pour s'interroger sur d'autres usages à promouvoir.
La revue stratégique doit également vous aider à définir vos priorités dans un contexte budgétaire serré, avec toujours plus de missions. Le projet de loi des finances 2016 ne semble pas vous aider, avec un million d'euros de budget en moins.
Le verre à moitié plein, c'est qu'on ne remet plus en cause nos fondamentaux. Ce qu'avait programmé Arnaud Montebourg, lorsqu'il était ministre de l'Économie, c'était une véritable asphyxie de l'ARCEP. Emmanuel Macron a souhaité revenir à quelque chose de plus raisonnable, qui est un maintien de nos moyens humains [171 équivalents temps plein]... Cela veut dire des redéploiements internes pour faire face aux nouvelles missions qui nous sont confiées. Cela reste un gros effort, mais il semble atteignable.
Sur le plan financier, l'ARCEP doit participer aux efforts budgétaires, mais elle y a déjà beaucoup contribué. Nos frais de fonctionnement ont baissé de 40 % en cinq ans. La gestion de l'autorité par Jean-Ludovic Silicani a été particulièrement exemplaire. Si le gouvernement voulait envoyer un signal sur nos nouvelles missions (neutralité du Net, zones blanches, accompagnement des réseaux d'initiative publique...), un effort sur notre budget de fonctionnement serait plus que bienvenu.
Est-ce que vous comptez soumettre régulièrement la revue stratégique à consultation publique ?
La question se posera éventuellement d'une actualisation après la révision du paquet télécom européen, dans le courant de l'année prochaine. Une fois une directive promulguée, nous pourrions songer à mettre à jour notre feuille de route. Mais le but n'est pas de renouveler trop régulièrement la revue stratégique. C'est beaucoup d'énergie dépensée et il faut aussi que les équipes de l'ARCEP puissent se concentrer sur les dossiers de fond !
Propos recueillis par Guénaël Pépin