Prise de parole - Discours

Réunion du 5 février 1998 Préfecture de la Région Bretagne Intervention de M. Jean-Michel HUBERT Président de l'Autorité de régulation des télécommunications

C'est pour moi un réel plaisir de m'exprimer devant un public aussi averti et, qui plus est, sur des terres où les télécommunications sont plus qu'une tradition. Je remercie Monsieur le Préfet de me donner cette occasion de participer à un échange qui, j'en suis sûr, sera de grande qualité.

Afin de laisser une large place à la discussion, je vous propose d'introduire le débat par une rapide présentation des activités de l'ART et des perspectives qui s'ouvrent aujourd'hui à la régulation des télécommunications.

I. LE PROCESSUS DE DEREGLEMENTATION EST EN MARCHE

Un mois après l'ouverture officielle du marché français à la concurrence, nous pouvons dire que les conditions juridiques, techniques et économiques de la libéralisation sont réunies.

1. Le cadre juridique est en place

A l'échelon européen :

Tout d'abord, le cadre législatif européen a été complété. Les dernières directives d'harmonisation ont été adoptées ou sont en cours de révision : l'interconnexion, le service universel, le régime des licences connaissent aujourd'hui un cadre commun. Les quelques compléments qui doivent être apportés dans les semaines à venir demeurent marginaux.

Au niveau national :

Au plan national, la loi du 26 juillet 1996 et ses décrets d'application, transposent de manière fidèle et complète les dispositions européennes. Je précise que l'ensemble des décrets d'application ont été adoptés, à l'exception notable de celui relatif à l'annuaire universel. Le cadre juridique est donc, pour l'essentiel, en place.

Au plan de la régulation :

Je rappelle pour mémoire le partage des compétences organisé par la loi de 1996 :

  • Le Gouvernement détient, comme il se doit, le pouvoir réglementaire. Il représente la France dans les négociations internationales et exerce la Tutelle sur France Télécom
  • L'Agence nationale des fréquences, créée par la loi de 1996, attribue les fréquences à différents organismes, dont l'ART, le CSA et les Forces Armées, à charge pour eux de les redistribuer entre les réseaux qui sont sous leur responsabilité.
  • L'ART, pour sa part, acquiert un large éventail de missions et de compétences, qui s'expriment par des avis, des propositions et des décisions dans tous les domaines :

 

­Elle rend des avis sur les projets de loi ou de règlement en matière de

télécommunications;

­Elle instruit les demandes de licences d'opérateurs de réseau ouvert au

public et de fournisseur de service téléphonique;

­Elle délivre les autorisation des réseaux indépendants;

­Elle gère les ressources en fréquence et en numéros;

­Elle délivre les attestations de conformité pour les terminaux

connectés aux réseaux;

­Elle approuve le catalogue d'interconnexion des opérateurs puissants de

réseaux ouverts au public;

­Elle évalue le coût du service universel et les contributions des

opérateurs;

­Elle rend des avis relatifs aux tarifs du service universel et des services

sous monopole de fait;

­Elle instruit les litiges concurrentiels;

­Elle est chargée du règlement des différends dans le domaine de

l'interconnexion et du partage des infrastructures;

­Elle veille au respect de l'égalité de traitement des opérateurs autorisés à

fournir des services internationaux;

­Elle bénéficie d'un pouvoir de sanction administrative et financière.

­Elle participe, à la demande du minsistre, aux négociations

communautaires et internationales

Au cours de l'année 1997, L'Autorité a rendu quelque 470 avis et décisions, dont 457 en vigueur. Seules deux d'entre elles ont fait l'objet d'un recours, ce qui est un indice du climat dans lequel s'installe la concurrence. Elle a délivré plus de 100 autorisations de réseaux indépendants et plus de 60 avis sur les décisions tarifaires de France Télécom.

L'Autorité a ainsi largement participé à l'élaboration du cadre juridique. Avec 22 avis rendus sur des projets de décrets ou d'arrêtés, elle a pris une part importante dans la préparation des textes d'application de la loi de 1996. Elle a prêté une attention particulière aux questions, essentielles pour l'avenir, de l'interconnexion et du service universel.

Dans ce cadre, l'Autorité s'est attachée à asseoir une indépendance aujourd'hui reconnue par tous, opérateurs et pouvoirs publics. Cette reconnaissance s'explique, pour une large part, par le souci constant qu'a eu l'Autorité d'accomplir ses missions dans la transparence et la concertation. Grâce à cette méthode de travail, elle s'est efforcée d'apporter, dans certains domaines, la visibilité dont le secteur a besoin. J'en donnerai deux exemples concrets :

  • les lignes directrices sur les câbles sous-marins : à l'issue d'une large consultation, l'Autorité a adopté en décembre dernier des lignes directrices qui fixent les grandes orientations de son action future en matière d'acheminement du trafic international par câbles sous-marins. Elle a ainsi proposé un cadre clair qui devrait contribuer au développement du marché.

 

  • les règles de gestion du plan de numérotation national : des règles de gestion de la numérotation ont, depuis plusieurs mois, été élaborées en concertation avec l'ensemble des parties intéressées. Ces règles, dont l'établissement relève de la compétence de l'Autorité, ont fait l'objet d'une décision formelle le 3 janvier dernier. Même si des adaptations et des révisions ultérieures demeurent sans doute nécessaires, cette première publication marque une étape importante.

 

J'ajoute que le premier rapport d'activité de l'Autorité, au printemps prochain, sera pour elle l'occasion de proposer les quelques ajustements que lui suggère son expérience du dispositif juridique en place.

Je souhaiterais m'arrêter un instant sur les objectifs de la régulation, tels qu'ils figurent dans la loi de réglementation des télécommunications. La loi prévoit trois objectifs généraux qui permettent de mieux comprendre l'action du régulateur :

  • L'Autorité doit favoriser l'exercice au bénéfice des utilisateurs d'une concurrence effective et loyale, et j'ajoute durable. Ce principe est fondamental; il signifie que la concurrence n'est pas une fin en soi; l'établissement d'une concurrence loyale n'est qu'un moyen au service des intérêts des consommateurs.

 

  • L'Autorité doit en outre veiller au développement de l'emploi, de l'innovation et de la compétitivité dans le secteur des télécommunications. L'exercice de la concurrence est subordonné à une finalité économique; la concurrence ne vaut que si elle est un facteur de croissance du marché.

 

  • L'Autorité doit enfin prendre en compte les intérêts des territoires et des utilisateurs dans l'accès aux services et aux équipements. En d'autres termes, l'aménagement du territoire demeure une des missions principales du régulateur.

 

2. Les acteurs se sont préparés à l'ouverture

Du côté des opérateurs, 1997 aura été une année d'intense préparation :

France Télécom a ouvert son capital avec succès :

L'opérateur historique, France Télécom, s'est largement préparé à l'arrivée de ses concurrents. Il a publié dans les délais prévus une offre technique et tarifaire d'interconnexion. Le succès de l'ouverture de son capital auprès des marchés financiers européens et américains, ainsi que la bonne tenue du titre depuis son introduction en bourse, témoignent de la confiance des investisseurs dans le secteur et dans l'entreprise. J'y vois une reconnaissance de son rôle et de son ambition internationales. J'y vois également une reconnaissance du dispositif de régulation français, qui a contribué à établir la clarté et la stabilité indispensables au développement du marché.

De nouveaux opérateurs sont apparus :

De nouveaux opérateurs sont également apparus. Ils ont procédé aux investissements nécessaires et disposent aujourd'hui des principaux outils techniques dont ils ont besoin. La concurrence est aujourd'hui entrée dans les faits puisque Cégétel a lancé officiellement le 1er février son offre téléphonique pour le grand public dans plusieurs régions françaises.

3. L'Autorité s'est attachée à mettre en place les conditions techniques et financières de la concurrence

Elle instruit les licences et délivre les autorisations :

Les principales licences ont été accordées ou sont sur le point de l'être. Ce point est essentiel car c'est l'arrivée de nouveaux acteurs qui encouragera la croissance de l'investissement et de l'emploi dans le secteur.

Il faut distinguer deux principales catégories de licences :

  • Les licences d'établissement et d'exploitation de réseaux ouverts au public et de fourniture du service téléphonique au public, qui sont instruites par l'ART. Celle-ci transmet les dossiers instruits au ministre, qui prend la décision formelle d'attribution. Parmi ces licences, on peut encore distinguer trois catégories :

 

­Les licences expérimentales, instituées par la loi du 10 avril 1996, permettent des expérimentation innovantes d'une durée et d'une ampleur géographique limitées dans le cadre du développement des autoroutes de l'information. 8 licences ont été attribuées depuis 1996. Par exemple Lyonnaise câble à Annecy.

­Les licences d'infrastructures alternatives, qui autorisent un opérateur à exploiter un réseau et à fournir des services autres que le service téléphonique sur une zone géographique propre. Ces autorisations ont notamment pour objet d'ouvrir une concurrence susceptible de faire baisser les tarifs des liaisons louées, au profit des entreprises, des opérateurs de réseaux et des prestataires de services. 7 licences ont été délivrées à ce jour. Par exemple Eurotunnel.

­Les licences " complètes " d'opérateurs, en vue de la fourniture du service téléphonique au public. Délivrées pour une durée de quinze ans, ces licences ont une importance déterminante, car elle concrétisent l'entrée en vigueur de la concurrence. A ce jour, 7 licences ont été instruite par l'ART et transmises au ministre. Il s'agit d'Omnicom, Télécom Développement (Cégétel), Netco (Bouygues), Siris, Esprit Télécom, Colt et Infotel. Quatre d'entre elles ont été autorisées par le ministre. Une quinzaine d'autres, dont celle de France Télécom, sont en cours d'instruction.

  • Les autorisations de réseaux indépendants, qui sont délivrées directement par l'ART, sont réservées à des groupes fermés d'utilisateurs, c'est-à-dire qu'elles ne peuvent en aucun cas permettre la fourniture du service téléphonique au public. L'Autorité a autorisé plus de 100 réseaux indépendants en 1997.

 

Je rappelle que les motifs de refus des licences sont précisément encadrés par la loi. Le refus peut se justifier dans trois cas :

  • s'il est exigé par la sauvegarde de l'ordre public ou les besoins de la défense ou de la sécurité publique.
  • en raison des contraintes techniques inhérentes à la disponibilité des fréquences.
  • lorsque le demandeur n'a pas la capacité technique ou financière de faire face durablement à ses obligations ou s'il a fait l'objet de sanctions liées à ses activités dans les télécommunications.

 

Dans l'instruction des licences, le régulateur s'attache donc essentiellement à vérifier que les critères législatifs sont réunis. Il ne lui appartient pas de fixer une limite au nombre de licences octroyées. En d'autres termes, son rôle n'est pas d'organiser le marché mais d'établir les conditions de son développement.

Elle gère le plan de numérotation national et attribue les ressources :

Parallèlement à l'octroi des licences, l'Autorité est chargée de gérer le plan de numérotation national et d'attribuer les fréquences. Pour vous donner un ordre de grandeur, elle doit gérer 600 millions de numéros. Dans ce cadre, elle a du instituer les mécanismes techniques nécessaires à l'introduction de la concurrence : la sélection du transporteur longue distance et de la portabilité des numéros.

Dans un premier temps, en effet, la concurrence ne sera effective que pour les communications longues distance. La construction d'un réseau qui permette d'atteindre directement tous les abonnés étant une entreprise longue et coûteuse, les opérateurs doivent se connecter sur le réseau local de France Télécom pour acheminer les communications jusqu'à l'utilisateur. Mais pour que chaque utilisateur puisse choisir le réseau longue distance qu'il souhaite emprunter, il fallait mettre en place un mécanisme de sélection du transporteur longue distance. L'ART a mis en place deux dispositifs :

  • un chiffre unique qui remplacera le zéro en tête des numéros que les abonnés auront à composer. L'attribution de ce chiffre dit " E " aux opérateurs est conditionnée à des engagement d'investissements de leur part. Des tirages au sort ont permis d'attribuer le 2 à Siris, le 5 à Omnicom, le 7 à Cégétel, le 8 à France Télécom et le 9 à Bouygues. Le chiffre unique de sélection du transporteur est considéré comme une ressource rare, puisqu'il ne peut prendre que 7 valeurs. Le zéro est réservé à l'opérateur de boucle locale, le 1 aux numéros spéciaux, tels que les services d'urgence et le 3 aux numéros courts, utilisés notamment par les services télétel. Seuls le 4 et le 6 demeurent disponibles
  • un préfixe à quatre chiffre à composer par l'utilisateur avant le numéro demandé. Ce préfixe, qui commencera obligatoirement par le nombre 16, suivi de deux de deux autres chiffres, offre un plus grand nombre de possibilités puisqu'il peut prendre 93 valeurs.

 

La portabilité du numéro permet à un client de changer de fournisseur de service de télécommunications ou de localisation géographique tout en conservant son numéro, et de façon transparente pour l'appelant.

La loi de juillet 1996 prévoit la mise en oeuvre de la portabilité en deux étapes :

  • Depuis le 1er janvier 1998, tout utilisateur peut changer d'opérateur en conservant son numéro, s'il ne change pas d'implantation géographique. Cette portabilité " opérateur ", qui ne s'applique qu'aux numéros géographiques fixes, est un élément important de l'introduction de la concurrence sur la boucle locale, car de nombreuses études ont montré que le fait de changer de numéros pour changer d'opérateur est un frein important pour les consommateurs.

 

  • A partir du 1er janvier 2001, tout utilisateur pourra obtenir auprès de son opérateur un numéro lui permettant à la fois de changer d'opérateur et de localisation géographique.

 

Elle définit les conditions techniques et tarifaires d'interconnexion :

Les opérateurs dont la part de marché est supérieure à 25 % sont considérés comme puissants sur le marché. Pour établir la liste des opérateurs puissants, l'Autorité tient également compte du chiffre d'affaires réalisé, ainsi que de divers éléments techniques qui permettent d'apprécier la position des opérateurs sur le marché. Seul France Télécom est aujourd'hui inscrit sur cette liste.

A ce titre, l'opérateur historique doit publier un catalogue où figurent ses conditions techniques et tarifaires d'interconnexion. L'Autorité est chargée d'en approuver le contenu. Elle s'attache dans ce cadre à définir une méthode d'évaluation des tarifs objective et fondée sur les coûts. Ce point est fondamental car les conditions tarifaires de l'interconnexion déterminent pour une large part les conditions de la concurrence.

Pour 1998, les tarifs d'interconnexion approuvés par l'ART sur la base des coûts historiques de France Télécom placent la France dans une position dynamique en Europe, comme le montre l'analyse de la Commission européenne, qui s'est attachée à établir des comparaisons homogènes sur la partie variable de ces coûts.

l'ART a engagé dès 1997 les travaux nécessaires pour que soit adoptée à l'avenir la méthode des coût moyens incrémentaux de long terme, qui permet de tenir le meilleur compte des évolutions technologiques et économiques. Ces travaux, dont les résultats et le moment de leur application sont aujourd'hui encore incertains, sont conduits avec détermination, avec l'ensemble des opérateurs.

Au titre des dispositions techniques de l'interconnexion, l'Autorité a défini, par une décision du 17 octobre, les zones locales de tri. Celles-ci, je le rappelle, serviront à trier les appels qui, considérés comme locaux, demeureront acheminés par France Télécom et les appels qui seront acheminés par le transporteur longue distance sélectionné par l'abonné. Pour délimiter ces zones, l'Autorité a retenu le département. Cette solution présente l'avantage de la clarté pour le consommateur.

Elle propose l'évaluation du coût du service universel et donne des avis sur les tarifs de France Télécom :

Avec l'interconnexion, le service universel est l'un des éléments-clés du régime de concurrence qui s'installe dans notre pays. C'est notamment la question de son financement qui a été au coeur des préoccupations de l'ART en 1997. La France a décidé que le service universel serait financé par l'ensemble des opérateurs, au moyen d'un fonds spécial dont la gestion est confiée à la Caisse des dépôts et Consignations.

L'Autorité a joué un rôle dans la définition précise du contenu et des modes de calcul de ce financement, en concertation avec les différents acteurs. Elle est surtout chargée par la loi de proposer au Gouvernement l'évaluation du coût du service universel et la répartition de son financement entre opérateurs.

Dans l'évaluation qu'elle a proposé pour 1997 et 1998, l'ART s'est attachée à définir une méthode opposable, vérifiable et transparente, qui ne fasse pas peser une charge dissuasive sur les nouveaux opérateurs. Ainsi, en 1998, la charge qui incombe aux nouveaux opérateurs est de 95 millions de francs sur un total de 6,043 milliards.

J'ajoute que l'Autorité est chargée de rendre des avis sur les tarifs de France Télécom relatifs au service universel et aux services qui demeurent encore sous monopole de fait. Ce faisant, elle s'assure que l'opérateur historique pratique une politique tarifaire compatible avec la concurrence. Cette mission représente, avec notamment l'approbation du catalogue d'interconnexion et la répartition du financement du service universel, l'un des principaux éléments de ce que l'on appelle la régulation asymétrique, car elle ne s'applique pas dans les mêmes termes à l'opérateur historique et aux autres opérateurs.

Elle a un rôle de règlement des litiges et de conciliation

L'ART est chargée du règlement des différends dans les domaines de l'interconnexion et du partage des infrastructures. Elle a rendu, le 10 juillet 1997, deux décisions sur des différends opposant France Télécom à des câblo-opérateurs. Elle a ainsi défini les conditions techniques et tarifaires de services d'accès à Internet sur les réseaux du plan câble, dont je rappelle que France Télécom est le propriétaire. Ces décisions ont fait l'objet d'un recours de France Télécom devant la cour d'appel de Paris.

L'Autorité vient par ailleurs d'être saisie de deux autres demandes de règlement, de la part de câblo-opérateurs qui souhaitent pouvoir utiliser leurs réseaux pour proposer le service téléphonique.

Le pouvoir de conciliation de l'Autorité peut s'exercer dans tous les autres cas de litiges entre opérateurs. Quant à son pouvoir de sanction, il s'exerce à l'égard de tout manquement aux règles de la concurrence et peut se traduire notamment par des amendes allant jusqu'à 3% du chiffre d'affaires.

II. DES QUESTION NOUVELLES ÉMERGENT RÉGULIÈREMENT

La boucle locale :

Pour que la concurrence soit réelle, il est indispensable que la boucle locale s'ouvre le plus tôt possible à de nouveaux opérateurs. C'est l'un des objectifs prioritaires de l'ART, qui s'est attachée tout au long de l'année dernière, à étudier les possibilités techniques susceptibles de favoriser le développement du marché des communications locales.

Il apparaît aujourd'hui que l'introduction de la boucle locale radio peut être l'un des moyens privilégiés pour permettre ce développement. C'est pourquoi l'Autorité s'est efforcée, dans le prolongement de la concertation entreprise par la DGPT fin 1996, de soumettre ses perspectives de travail à la Commission consultative des radiocommunications, en fonction des fréquences actuellement disponibles.

  • Pour 1998, nous suivrons l'approche pragmatique recommandée par l'ensemble des partenaires, en privilégiant les expérimentations limitées dans l'espace et dans le temps, avant même que soient réunies les conditions d'un appel à candidatures.

 

  • Dans un second temps, nous souhaitons proposer deux types de licences :

­des licences nationales pour des systèmes point-multipoints,

­des licences locales favorisant les projets innovants dans le domaine du multimédia.

L'octroi de ces licences serait bien entendu couplé avec l'attribution des fréquences correspondantes.

Le câble est une autre alternative prometteuse pour équiper la boucle locale. Par ses deux décisions du 10 juillet relatives aux conditions d'accès à Internet sur le câble, l'ART a précisé les conditions de la fourniture de services de télécommunications autres que le service téléphonique sur les réseaux câblés. Analogue dans son principe, la question du téléphone sur le câble est d'une tout autre ampleur économique. En France, elle conduit à s'interroger sur la viabilité, à terme, de la situation héritée du plan câble, au regard de l'imbrication des rôles et des responsabilités entre le propriétaire et l'exploitant d'un réseau câblé.

Pour sa part, l'Autorité s'efforcera de contribuer à la clarification de ces questions dans les décisions qu'elle rendra en règlement des deux litiges dont elle vient d'être saisie sur le sujet.

Des problèmes comparables se posent dans l'ensemble des pays européens. C'est pourquoi, dans un projet de directive à l'étude, la Commission propose une distinction juridique entre les activités de télécommunications et les activités de télédistribution sur le câble. Une telle démarche doit être comprise comme un effort de clarification et de simplification des responsabilités, qui constitue un enjeu décisif pour le développement du câble. Mais j'insiste sur la nécessité d'une approche pragmatique, fondée sur une large concertation avec l'ensemble des acteurs, dans un domaine où la pluralité des situations s'ajoute à la complexité des problèmes.

Le développement des mobiles :

En trois ans, le nombre d'abonnés aux services mobile a doublé chaque année dans notre pays, pour atteindre 5,8 millions fin décembre 1997, soit un taux de pénétration de 10%. Ce développement spectaculaire est tout à fait représentatif de la croissance européenne et mondiale du secteur. Selon toute probabilité cette tendance devrait se poursuivre dans les années à venir.

Ce cas illustre de manière exemplaire la nécessité, pour le régulateur, d'accompagner, voire d'anticiper les tendances du marché. Par exemple, la disponibilité des fréquences est essentielle à la poursuite du développement des mobiles. Aussi l'ART a-t-elle engagé des discussions avec les forces armées pour la libération des fréquences nécessaires. Elle étudie actuellement avec les opérateurs les modalités précises des attributions qui feront l'objet d'un appel à commentaires et nécessiteront une modification préalable des licences.

Reprenant une initiative antérieure, l'Autorité a publié récemment les résultats d'une enquête sur la qualité de service de radiotéléphone. Ces résultats sont particulièrement satisfaisants. Incontestablement, le jeu de la concurrence dans le domaine des mobiles incite les opérateurs à apporter sans cesse des améliorations au fonctionnement de leur réseau, pour le plus grand profit du consommateur.

Le développement des mobiles trouve des prolongements qui intéressent le régulateur dans quatre directions :

  • L'UMTS : la réflexion engagée dans le cadre de l'UMTS et d'IMT 2000 pour préparer l'avènement d'une nouvelle génération de communications mobiles me semble devoir être poursuivie et approfondie. Face à un bouleversement technologique aussi essentiel, l'Europe doit s'attacher à conforter sa position favorable. La définition d'un cadre juridique et technique à la mesure des enjeux industriels et économiques est donc une étape indispensable, qui doit prendre toute sa place dans un calendrier européen aujourd'hui très ambitieux. En cette matière, l'émergence d'un véritable système mobile de troisième génération doit en effet être regardée comme un objectif prioritaire, de préférence à la simple adaptation des équipements existants.

Même s'il s'agit d'un compromis, l'accord intervenu jeudi dernier lors de la réunion de l'ETSI à Paris représente une étape importante en vue de l'adoption d'une norme universelle.

  • Les systèmes satellitaires : Les premières constellations de satellites à orbite basse qui pourraient proposer à la fin de 1998 une ouverture téléphonique mondiale viendront, au moins en Europe, compléter les réseaux cellulaires terrestres. L'Autorité est saisie de deux projets : Iridium et Globalstar. S'agissant d'un domaine où il est essentiel que les licences soient délivrées selon des calendriers coordonnés dans l'ensemble des pays, l'Autorité travaille en étroite liaison avec ses partenaires au sein de la CEPT et a par ailleurs lancé une consultation publique dans le cadre de leur instruction.

 

Les systèmes de deuxième génération ont l'ambition d'offrir une largeur de bande flexible, reconfigurable et adaptée aux besoins spécifiques de chaque utilisateur. Les acteurs français - à travers SkyBridge - sont désormais en première ligne pour relever ce nouveau défi pour l'industrie spatiale européenne. La CMR s'est achevée sur un accord déterminant, fixant un cadre clair pour une vraie concurrence. Il faut en saluer les acteurs.

  • La convergence fixe / mobile : Plus généralement, l'ensemble des acteurs nationaux et européens doivent être attentifs au cadre technologique et économique de l'évolution des communications mobiles. C'est pourquoi je suis très attaché à ce que toutes ces questions puissent être replacées dans le contexte plus ambitieux d'une convergence des technologies et des réseaux fixes et mobiles. Pour ma part, je veillerai à ce que l'Autorité puisse engager dès cette année une réflexion approfondie sur ce thème.

 

Les enjeux européens et internationaux :

De nombreuses questions essentielles au développement du marché français connaissent une dimension internationale évidente.

Je citerai deux exemples :

  • le premier a trait aux conditions d'acheminement de trafic international. La dynamique d'ouverture à la concurrence et de décloisonnement des marchés bouleverse en effet les logiques traditionnelles de partage des recettes. Une réforme du système dit des “taxes de répartition” fait actuellement l'objet de discussions au sein de l'UIT. Sur le plan européen, l'avènement d'un “marché unique” des services de télécommunications remet profondément en cause ce modèle et devrait à terme lui substituer un dispositif à maints égards identique au régime d'interconnexion. En tant que régulateur, ceci me conduit à une triple interrogation : comment assurer que cette transition s'effectue dans les meilleurs délais ? Comment faire en sorte que le consommateur européen en soit le premier bénéficiaire ? Et comment éviter les distorsions anticoncurrentielles susceptibles d'affecter les échanges de trafic entre la Communauté et les pays tiers ?

 

  • le deuxième a trait aux terminaux. Le changement de contexte créé par la libéralisation de 1998, la mondialisation du marché des télécommunications et l'accélération du progrès technologique ne peut rester sans effet sur le système actuel de mise sur le marché des terminaux, régi par la directive 91/263 du 29 avril 1991 qui, si elle a notablement contribué à la simplification des procédures " d'agrément " et à l'émergence d'un marché européen unique, a montré également ses limites.

 

Un nouveau projet de directive vient d'être présenté par la Commission et fait l'objet de négociations qui, je l'espère, aboutiront en 1998.

Il nous semble en particulier important pour le consommateur, que les procédures retenues et le marquage des terminaux, soient compréhensibles et n'aboutissent pas à la mise sur le marché français d'équipements réglés sur des fréquences qui ne sont pas utilisables dans notre pays.

Dans ce contexte international, l'Union européenne a un rôle déterminant à jouer. C'est pourquoi je souhaite contribuer à développer la coopération qui s'est engagée entre les régulateurs européens et approfondir les relations que nous entretenons avec la Commission. C'est une des conditions d'un développement harmonieux du marché européen des télécommunications.

Par ailleurs, l'accord conclu dans le cadre de l'OMC en février dernier jette les bases juridiques d'un consensus international à l'émergence duquel la France aura activement participé. Cet accord, qui entre en vigueur aujourd'hui 5 février, doit à présent être appliqué. Cela suppose, que l'ensemble des 69 pays signataires s'attachent à respecter leurs engagements, comme l'a fait la France. Il appartiendra en particulier à l'ensemble des régulateurs européens de veiller à ce que les conditions accordées par l'Union européenne aux opérateurs des autres pays fassent l'objet d'une application réciproque par ces pays.

Le développement de la technologie et la convergence :

Il est capital pour le régulateur d'évaluer les effets réels de la convergence. Le récent livre vert publié par la Commission sur ce sujet pose des questions importantes en termes d'approche réglementaire et de calendrier. Néanmoins, les autorités publiques, gouvernements et régulateurs, doivent tenir compte de l'extrême prudence des acteurs du marché, qu'il s'agisse des opérateurs, des fournisseurs de services, des diffuseurs de programmes ou des industriels de l'équipement grand public.

En effet, si le progrès technologique ouvre de larges perspectives et met à notre disposition les premiers outils de la société de l'information, en revanche, la convergence des marchés est encore loin d'être une réalité économique et commerciale.

C'est pourquoi, sans négliger la nécessité d'apporter des réponses, y compris institutionnelles, aux questions du livre vert, il appartient en particulier aux régulateurs de concentrer leur attention sur les quelques problèmes concrets qui commencent à se poser à eux. Je vous citerai simplement l'exemple d'Internet :

  • La question de la téléphonie vocale sur Internet constitue déjà le point de rencontre entre un monde régulé et un monde non régulé. Même si le développement du téléphone via Internet rencontre encore quelques obstacles pratiques liées aux capacités de transmission des équipements, il est technologiquement à notre portée. Ses conséquences sur la réglementation et sur les tarifs doivent être appréhendées dès aujourd'hui.

 

La question du statut juridique des communications vocales sur Internet est donc centrale et fait l'objet d'une réflexion à l'échelon européen. A cet égard, il faut souligner l'importance des positions prises récemment par la Commission sur ce sujet. Dans une récente communication, elle a en effet reconnu que le développement des technologies pourrait rapidement rapprocher le statut des communications vocales sur Internet de celui des télécommunications classiques.

Le rôle des collectivités locales

Je ne saurais conclure cette présentation sans évoquer le rôle des collectivités locales dans le processus d'ouverture. Je voudrais faire à ce sujet plusieurs remarques :

La concurrence ouvre de nombreuses perspectives aux collectivités locales : de nouveaux services vont bientôt être disponibles à des prix attractifs. L'évolution rapide des technologies constitue à cet égard un élément moteur en matière d'aménagement du territoire et de développement local.

De nombreuses expérimentations sont déjà menées à l'initiative des collectivités locales. D'autres projets ont fait l'objet de discussions approfondies avec l'ART. Je citerai les exemple de Besançon, de la communauté urbaine du Grand Lyon et d'Issy-les-Moulineaux. Je sais que cette question vous intéresse tout particulièrement puisque le Conseil régional de Bretagne nous a déjà fait part d'un projet de réseau à haut débit sur son territoire.

Nous pouvons aujourd'hui tirer un certain nombre d'enseignements des nombreux contacts que nous avons eus avec les collectivités locales, dans le cadre de ces expériences :

  • D'abord, il est clair que si le développement des télécommunications constitue à certains égards une chance pour les collectivités locales, il comporte également des risques et des tentations. Les collectivités publiques n'ont pas pour mission de se substituer à l'initiative privée, sauf si celle-ci fait défaut, dans ce domaine comme dans toutes les activités industrielles et commerciales. En d'autres termes, les collectivités locales n'ont vocation à devenir des opérateurs de télécommunications. A l'heure de l'ouverture à la concurrence, il serait en effet paradoxal de favoriser l'entrée de nouveaux acteurs publics sur le marché.

 

  • Le degré d'engagement des collectivités locales dans les activités de télécommunication doit d'ailleurs être bien mesuré, au regard des enjeux financiers qui en résultent. L'installation d'infrastructures de télécommunications peut en effet se révéler très coûteuse, et ainsi peser lourdement sur la capacité financière de la collectivité.

 

  • En revanche, il appartient aux collectivités locales de contribuer à ce que leurs administrés bénéficient du meilleur service et des prix les plus intéressants. Cette mission justifie pleinement, pour une collectivité, des solutions tendant à faciliter l'installation de la concurrence sur son territoire, sans pour autant s'impliquer directement dans les activités de télécommunications. La mise en oeuvre des droits de passage est à cet égard un atout essentiel.

 

  • Il est donc essentiel que les décideurs locaux mesurent toutes les implications technologiques et financières de la concurrence. Compte tenu des évolutions rapides dans ce secteur, je serais tenté de recommander une grande prudence, en particulier sur la durée des engagements contractés.

Le secteur des télécommunications est aujourd'hui en pleine mutation technologique et économique. Il appartient au régulateur de savoir accompagner ces tendances pour favoriser le développement du marché. Notre tâche évolue constamment, ce qui la rend particulièrement passionnante. La complexité des questions techniques nous incite également à un effort de clarté et de simplification. J'espère que le débat que nous allons avoir aujourd'hui contribuera à cette exigence permanente d'explication.

Je vous remercie de votre attention.