Intervention de Monsieur Jean-Michel HUBERT
Mesdames et Messieurs,
Je vous remercie de votre présence à cette quatrième présentation de notre rapport public d’activité. Je salue également les internautes, qui vont pouvoir suivre cette intervention sur notre site web.
Quelques mots d’abord sur la forme de ce rapport : l’édition de cette année innove ; pour en faciliter l’utilisation et la consultation, le volume du document a été réduit ; il est précédé d’une synthèse qui met en exergue les messages principaux de l’Autorité. Nous publions également une version CD Rom ; elle regroupe les quatre rapports édités à ce jour et vous sera remise à l’issue de cette présentation.
Le Collège a ainsi voulu établir un bilan des premières années de concurrence, en analysant trois éléments clés d’une libéralisation : le marché, la régulation et le cadre réglementaire. C’est un travail considérable, qui a mobilisé, autour du Directeur général, l’ensemble des collaborateurs de l’Autorité. Je les en remercie.
Au delà de cet exercice nécessaire, qui répond tant à la lettre qu’à l’esprit de la loi de 1996, j’ai choisi d’évoquer aujourd’hui avec vous la situation actuelle du marché des télécommunications - dans un contexte économique et financier qui s’est profondément modifié depuis la fin de l’année 2000 - et ses conséquences sur le rôle de la régulation.
I. Les télécommunications sont-elles en crise ?
Le secteur des télécommunications est-il effectivement, et durablement, en crise, ou est-il simplement confronté à des turbulences passagères ? Les 12 mois qu’il vient de traverser, resteront sans doute parmi les plus étonnants de son histoire.
Dégradation du marché, correction de stratégies industrielles, revirement des marchés financiers ? Les éléments de réponse témoignent d’une situation complexe.
Ne vivons-nous pas d’abord le retour au pragmatisme et à la vérité nécessaires ? Il m’est arrivé d’entendre certains d’entre vous me dire : "en matière de nouvelle économie, les bonnes vieilles recettes de l’ancienne économie ont encore leur place". N’y a-t-il pas aussi de cela quand on redécouvre qu’un marché ne saurait se développer sans identification de sa clientèle potentielle, qu’il y a des rythmes de croissance qu’on ne saurait dépasser et des cycles de technologies qu’on ne peut raccourcir, mais aussi qu’on ne peut durablement vendre au dessous de ses coûts ?
1. Un contexte financier difficile
Le retournement de tendance spectaculaire qu’ont connu les marchés financiers, aux Etats-Unis et en Europe depuis l’automne 2000, touche plus particulièrement le secteur des nouvelles technologies : réponse brutale à un mouvement d’euphorie excessif, voire irrationnel.
Ces évolutions interviennent dans un contexte de ralentissement général de la croissance, parti des Etats-Unis, qui touche maintenant l’Europe, et aujourd’hui la France.
Compte tenu des niveaux de valorisation atteints en trois ans, cette "correction", ne semble ni totalement inattendue, ni totalement injustifiée. Ce qui est plus préoccupant, c’est son ampleur sur une période aussi courte.
Paradoxalement, l’inquiétude des marchés financiers touche plus particulièrement les deux segments qui offrent des perspectives de croissance importantes, les mobiles et Internet
Cette situation a des répercussions sur l’économie du secteur, notamment pour les industriels, notamment les fabricants de réseaux et de terminaux mobiles, qui multiplient les annonces de plans sociaux, dans le monde entier.
2. Mais les fondamentaux de l’économie demeurent positifs
Dans le même temps, les indicateurs de l’économie des télécommunications sont très largement positifs :
La croissance du marché des services de télécommmunications demeure très forte en valeur : + 14,2% en 2000. La progression généralement plus importante en volume qu’en valeur s’explique par la baisse des prix, continue depuis deux ans sur l’ensemble des segments de marché en concurrence : longue distance, mobiles, accès à Internet.
La concurrence progresse : plus d’une centaine d’opérateurs sont présents sur le marché et ont acquis, fin 2000, une part de marché de 33% sur la longue distance.
Deux domaines ont continué à tirer la croissance en 2000 : l’accès à Internet avec une progression du trafic commuté de 162% ; les mobiles avec une progression en volume de 71%. Pour les mobiles, la croissance du nombre d’abonnés se poursuit au premier semestre 2001. C’est ce que montrent les chiffres que viennent de me communiquer les opérateurs, avec une rapidité dont je tiens à les remercier. Avec une progression du nombre de clients de 3 182 500 au premier semestre, le marché a enregistré une croissance de 10,95% par rapport au nombre d’abonné au 31 décembre 2000, pour atteindre un taux de pénétration de 53,7% au 30 juin 2001. Cela correspond à un rythme comparable à celui des années précédentes sur la même période.
Les acteurs présents sur le marché anticipent la poursuite de ce mouvement. L’Autorité a conduit, au début de cette année, une enquête simplifiée pour mesurer la mise en œuvre des plans d’affaires initialement présentés par les opérateurs titulaires de licences.
Ses résultats montrent notamment que les opérateurs sont généralement en ligne avec leurs prévisions quant au chiffre d’affaires et au niveau des investissements. Mais le contexte financier conduit à des mouvements de consolidation et, compte tenu de l’érosion des marges, à un décalage d’environ deux ans pour atteindre le seuil de rentabilité.
Cette photographie ne saurait effacer ni les tensions persistantes des marchés financiers, ni les difficultés considérables qui affectent de nombreuses sociétés, y compris en France, avec les conséquences douloureuses que l’on sait sur l’emploi. Sans doute de telles situations ne sont-elles pas dans le champ direct de la régulation, mais elles ne nous sont pas indifférentes, comme en témoigne notre récente approche du dossier UMTS.
3. Une phase de transition
Le marché des télécommunications est entré dans une autre phase, caractérisée par la prise en compte des réalités et par l’évolution des conditions et des enjeux de la concurrence.
Le secteur connaît en effet une nouvelle étape de son développement, où coexistent plusieurs marchés, de degrés d’ouverture et de niveaux de maturité différents. On peut globalement distinguer :
- Des marchés en concurrence ouverts à un grand nombre d’acteurs (longue distance, international, accès commuté à Internet)
- Des marchés en concurrence avec un nombre d’acteurs restreint en raison de la rareté des ressources (téléphonie mobile)
- Des marché où la concurrence émerge à peine (les communications locales, l’accès à Internet à haut débit)
- Des marchés encore en gestation (l’Internet mobile)
Complémentairement à la concurrence entre les acteurs, on assiste aussi à la naissance de nouvelles concurrences entre technologies, par exemple entre le câble, la paire de cuivre et la boucle locale radio pour l’accès à Internet. Cette concurrence entre technologies est encore plus structurante car elle engendre des investissements créateurs de nouvelles infrastructures, qui donnent à la compétition ses racines les plus fortes.
II. Quel rôle pour le régulateur ?
Dans ce contexte, le rôle et l’action de l’Autorité sont naturellement appelés à évoluer. Les difficultés rencontrées par le marché mettent en lumière le besoin de régulation ; la modification des conditions de concurrence appelle une adaptation de la régulation, sur le fond et dans la forme ; ces évolutions font également émerger de nouveaux champs d’action pour le régulateur.
1. Un besoin de régulation confirmé
Confronté à des situations de concurrence contrastées et à des incertitudes quant à l’avenir, le marché confirme à l’évidence son besoin de régulation, et nul ne sera surpris que j’en donne trois exemples : l’accès à Internet, le développement des réseaux d’accès et les mobiles.
L’Autorité s’attache depuis sa création à favoriser le développement de l’accès à Internet, en permettant l’établissement de conditions concurrentielles, qu’il s’agisse de l’accès par le réseau téléphonique commuté, qui constitue encore aujourd’hui l’essentiel du marché, notamment pour les particuliers, ou qu’il s’agisse de l’accès à haut débit, par le déploiement de diverses technologies.
- L’accès à Internet par le réseau commuté
L’accès à Internet s’effectue encore aujourd’hui en très forte proportion (94%) par le réseau téléphonique commuté, avec un débit limité. Au 31 décembre 2000, l’AFA recensait 5,2 millions d’abonnés résidentiels.
L’Autorité a d’abord favorisé, depuis plus de deux ans, l’apparition d’offres forfaitaires : elle a notamment rendu possible un modèle d’interconnexion adapté pour la collecte du trafic Internet à partir du réseau local de France Télécom, l’interconnexion indirecte ; elle s’attache en outre à rechercher chaque année la baisse des tarifs d’interconnexion pour les communications d’accès à Internet proposés par France Télécom.
Pendant l’année 2000, les offres de forfaits, comprenant l’abonnement au fournisseur d’accès à Internet et un certain nombre d’heures de communications, ont pris une place importante. La concurrence est aujourd’hui vive ; ainsi, en deux ans, le prix des communications d’accès a baissé de 50% pour une durée de connexion mensuelle inférieure à 30 heures, au point qu’il figure en France parmi les plus bas d’Europe.
- L’émergence d’offres d’accès à haut débit
Depuis quelques années, plusieurs technologies permettent aux utilisateurs d’accéder à Internet à haut débit : réseaux câblés, boucle locale radio et ADSL. En rendre le déploiement aussi rapide que possible, au rythme de la demande effective, tel est notre objectif.
La fourniture de services d’accès à Internet sur le câble découle des décisions de règlement de différends adoptées dès 1997. A la fin de l’année 2000, on dénombre 120 000 abonnements à Internet par les réseaux câblés, essentiellement les habitants des zones urbaines.
La boucle locale radio se déploie également depuis le début de l’année 2001, à la suite de la procédure de sélection des opérateurs conduite par l’Autorité en 2000 ; les opérateurs présents sur ce marché privilégient dans l’ensemble et pour l’instant la clientèle professionnelle. Faut-il s’étonner que la conjonction du retournement des marchés financiers et du démarrage d’une technologie nouvelle ait engendré quelques difficultés dans le lancement de cette opération ? L’Autorité a pris récemment les décisions nécessaires pour catalyser l’ouverture de ce marché, et de fait, plusieurs opérateurs ont d’ores et déjà établi une présence dans de grandes agglomérations. Les observateurs étrangers soulignent tous que les dispositions retenues font du marché français le plus prometteur pour l’implantation de cette nouvelle infrastructure.
Le dégroupage de la boucle locale doit permettre l’extension de la concurrence au segment de l’accès, pour la fourniture de services de voix, mais aussi de données et de liaisons louées, notamment par les technologies DSL. Dans ce cadre, l’un des objectifs majeurs de l’Autorité est que de nombreux opérateurs puissent accéder à ces technologies et fournir leurs propres services.
C’est pourquoi, depuis trois ans, l’Autorité a engagé, dans une large concertation, un travail approfondi pour préparer la mise en œuvre du dégroupage. Celle-ci est complexe car elle suppose des négociations techniques, juridiques et économiques dont les termes et les enjeux ne se précisent parfois qu’en progressant. D’où la nécessité de stimuler le processus avec autant de pragmatisme que de détermination. Depuis la fin de l’année dernière, l’Autorité s’y emploie sans relâche en utilisant toute la gamme des formes d’intervention dont elle dispose : lignes directrices, décisions, s’il le faut mises en demeure, mais aussi dialogue avec les opérateurs, avec l’opérateur historique, pour dégager toutes les modalités susceptibles de favoriser le mouvement. Les commandes des opérateurs et les livraisons des premières salles, ces derniers jours, permettent d’envisager l’ouverture commerciale à l’automne.
La France s’est engagée fortement dans ce mouvement établi par un règlement européen ; la volonté du régulateur est bien qu’elle reste dans le peloton de tête, à travers une concurrence effective, au bénéfice d’une réelle liberté de choix du consommateur.
- L’accès à Internet pour le grand public
La généralisation de l’accès à Internet pour le grand public passe aujourd’hui par la disponibilité de deux voies complémentaires : une offre d’interconnexion forfaitaire pour diversifier les formules d’accès par le réseau commuté ; un marché concurrentiel de l’ADSL pour démocratiser l’accès à haut débit.
L’interconnexion forfaitaire : La disponibilité d’une offre d’interconnexion forfaitaire est apparue nécessaire et trois principes devaient en guider l’établissement par France Télécom : maintien de la qualité de service ; accessibilité par un grand nombre d’opérateurs ; distinction entre connexion illimitée et connexion permanente.
Dans le courant de l’année 2000, certains fournisseurs d’accès avaient lancé des forfaits d’accès dits "illimités" ; mais la plupart de ces offres, non rentables, avaient été interrompues après quelques mois d’existence.
A l’issue de discussions avec l’Autorité, France Télécom mettra en place l’interconnexion forfaitaire dès le mois de septembre, et les fournisseurs d’accès pourront alors établir de nouvelles offres, plus attractives.
L’ADSL : Parce qu’il permet à une large majorité des abonnés au téléphone d’accéder à Internet à haut débit, l’ADSL est une technologie essentielle pour le développement de l’accès du grand public à Internet, bien au delà des grandes agglomérations. Il est une des clés de la société de l’information.
Il faut donc que l’ensemble des fournisseurs d’accès et des opérateurs, autres que le groupe France Télécom, puissent aussi proposer des services ADSL.
C’est dans cet esprit que l’Autorité vient, dans le cadre de la procédure d’homologation, de donner un avis favorable à une proposition de France Télécom qui assainit la situation des fournisseurs d’accès, facilite leur entrée sur le marché, et crée les conditions d’une amélioration des offres de détail au consommateur ; mais elle n’y a donné son agrément que sous la réserve expresse d’un aménagement des conditions faites par ailleurs aux opérateurs pour leur permettre de fournir eux-mêmes des offres compétitives.
- L’UMTS
L’UMTS, technologie qui va contribuer à la diversification des voies d’accès aux services de données à haut débit, est un autre chantier majeur du régulateur. En proposant l’attribution de licences UMTS à SFR et France Télécom Mobiles, aujourd’hui Orange, l’Autorité a d’abord reconnu la qualité de ces excellents dossiers et la légitimité, pour les deux candidats, de s’engager dans une compétition qui est d’abord celle des opérateurs.
Mais par son analyse de la situation actuelle et ses propositions sur la suite du processus, le Collège a clairement et unanimement tenu à prendre en compte la réalité et l’impact d’un retard d’au moins deux ans dans l’ouverture du marché, à affirmer son souci de voir la France pleinement présente dans un marché européen qui se cherche encore, et à s’inscrire dans le respect des décisions prises par le Gouvernement et le Parlement. Tels sont bien les motifs de la suggestion de l’Autorité qui tend à adapter la chronique de paiement des redevances à la capacité financière du marché et de son constat quant au calendrier de relance d’un appel d’offres complémentaire, permettant à la fois le traitement équitable des opérateurs et une véritable concurrence sur ce futur marché.
Les règles du jeu ont été établies par les Etats membres dans une harmonisation communautaire insuffisante. Leur réécriture à l’échelon européen semble peu plausible aujourd’hui. C’est donc plutôt dans leur mise en œuvre pragmatique, puis-je dire intelligente, qu’elles doivent converger pour la construction d’un vrai marché européen.
ADSL, UMTS : qu’est-ce que la régulation, si ce n’est cette volonté de réduire les tensions face à ces situations complexes et de tracer les voies du possible, favorables au développement global du marché ?
2. Une régulation qui doit s’adapter
Face aux changements dans les conditions de concurrence, la régulation doit aussi adapter les modalités de son action, pour répondre à plusieurs objectifs :
Consolider l’existant, par la préparation de plusieurs aménagements. Je prendrai deux exemples :
- Nous préparons actuellement, avec les opérateurs, une évolution des méthodes de détermination des tarifs d’interconnexion ; deux modification sont envisagées : le recours aux coût moyen incrémentaux de long terme, pour asseoir, ensuite, la mise en place d’un dispositif d’évolution pluriannuelle des tarifs, dit le " price cap ". Ces deux dispositions, dont la méthodologie doit être soigneusement établie, devraient apporter une plus grande visibilité au marché, dans le sens d’une baisse des tarifs.
- S’agissant du contrôle tarifaire, l’Autorité a déjà indiqué à plusieurs reprises son attachement au maintien d’un contrôle a priori, dont les responsabilités devraient être clarifiées ; mais elle est toujours prête à réfléchir à l’évolution de son application à mesure que la concurrence progresse sur certains marchés. La régulation sait s’adapter aux circonstances
Garantir la prise en compte des besoins des consommateurs : notre action doit s’adapter de plus en plus pour permettre aux consommateurs d’exprimer leurs attentes ; au fil du développement de la concurrence, de nouvelles questions sont posées et nous nous attachons à en tenir compte. Cette année, nous avons ainsi réuni à plusieurs occasions les associations de consommateurs, sur des questions telles que la facturation pour compte de tiers pour les services à valeur ajoutée, la portabilité des numéros, ou encore l’ouverture de la concurrence aux appels locaux.
3. Une régulation qui s’inscrit dans les grandes préoccupations de l’action publique
La période de transition que nous vivons actuellement se traduit par l’émergence des nouvelles problématiques de la régulation. Sa dimension économique et sociale est de plus en plus présente ; elle s’exprime notamment dans des préoccupations qui touchent aux transformations sociales induites par les nouvelles technologies, ainsi qu’à l’égalité d’accès sur le territoire national ; elle appelle également un approfondissement vers des analyses plus fines de marchés, objectif majeur à brève échéance.
- Contribuer à l’entrée dans la société de l’information
L’Autorité s’attache à apporter sa contribution à l’entrée de la France dans la société de l’information, non seulement par son action en faveur du développement de l’Internet pour le grand public, mais aussi par sa participation à la réflexion sur le cadre juridique de la société de l’information. A cet égard, elle vient de rendre public son avis relatif au projet de loi sur la société de l’information. Plusieurs points nous y apparaissaient essentiels :
- nécessité d’une harmonisation du régime juridique des réseaux ;
- clarification du mode d’intervention des collectivités locales (dispositions aujourd’hui adoptées dans le cadre d’une autre loi) ;
- organisation de l’itinérance des réseaux mobiles ;
- définition des communications en ligne, qui doit distinguer les services d’accès et les contenus.
Mais je ne doute pas que le débat parlementaire reviendra sur ces différents aspects
- Participer à la mise en place du futur cadre européen
Si elles confirment le principe et le rôle de la régulation, les nouvelles directives relatives aux télécommunications, en cours d’adoption, vont avoir un impact sur son exercice et son organisation. Elles vont notamment conduire à une régulation différenciée des multiples segments de marchés selon leur niveau de concurrence.
Elles prévoient également une harmonisation de la réglementation des réseaux et services de communications électroniques, rendue nécessaire par une convergence, qui affecte tant les réseaux terrestres fixes et mobiles, que les réseaux utilisés pour la radiodiffusion sonore et télévisuelle et les réseaux de télévision par câble.
L’Autorité se prépare activement à ces évolutions.
- Un rôle de conseil et de formation au plan international
Avec le développement de la concurrence dans l’ensemble des pays d’Union européenne, un modèle européen de régulation émerge et se voit reconnu pour son efficacité. De plus en plus fréquemment sollicitée, l’Autorité apporte son expérience de la régulation à d’autres pays, parmi lesquels je citerai le Maroc, l’Algérie et la Yougoslavie au titre de nos échanges les plus récents. Ce rôle international de conseil et d’expertise contribue sans nul doute à des relations économiques plus intenses.
- Favoriser la couverture du territoire :
La question de la fracture numérique est au cœur de l’action de régulation, car elle renvoie à l’un des objectifs que la loi de 1996 lui assigne. Il est donc naturel que l’Autorité contribue à la réflexion en cours sur la couverture du territoire en services de télécommunications mobiles, notamment par son avis sur le projet de rapport que le Gouvernement va prochainement remettre au Parlement.
C’est une question essentielle pour les citoyens et les consommateurs, car le téléphone mobile est devenu en quelques années un élément de leur mode de vie, sans parler des services qu’il rend dans les situations d’urgence.
Dans l’avis rendu le 19 juin au Gouvernement, nous avons indiqué qu’il appartenait d’abord aux opérateurs de fournir l’effort nécessaire au complément de couverture ; l’utilisation de l’itinérance locale semble à cet égard le moyen le plus approprié pour y parvenir, de préférence au partage des infrastructures passives, plus coûteux. Pour accompagner cet effort, l’Autorité a suggéré la possibilité d’exempter, au moins temporairement, les opérateurs mobiles de tout ou partie de leur contribution au fonds de service universel fixe, et de réorienter les moyens ainsi libérés vers la couverture GSM du territoire. Ce dispositif dégagerait sur environ trois ans un potentiel d’intervention important pour le mettre au service d’une priorité politique, reconnue comme telle par nos concitoyens et nombre de leurs élus. Et il va de soi que les collectivités publiques peuvent choisir d’appuyer ces efforts dans les zones les plus difficiles.
Ainsi qu’elle l’avait par ailleurs annoncé, l’Autorité vient de conduire, à titre de contribution au débat, une enquête destinée à mesurer la couverture effective du territoire, et non pas de la population, par les trois réseaux mobiles. Compte tenu de ses moyens financiers, elle a concentré l’étude sur quarante cantons choisis à partir d’un échantillonnage représentatif au regard des facteurs géographiques et techniques. C’est là une démarche inédite, qui a permis la mise au point d’une méthodologie innovante, reposant sur deux catégories de tests :
- des mesures de niveau de champ, c’est-à-dire de puissance du signal radioélectrique perçu pour chaque réseau en un point donné ;
- l’établissement de communications réelles, permettant faire apparaître une correspondance entre le niveau de champ et la probabilité de pouvoir effectivement appeler depuis son mobile.
700 mesures de niveau de champ ont été réalisées par canton et par opérateur, soit environ 84 000 mesures au total, sur parfois jusqu’à 150 km par canton.
Compte tenu du nombre de cantons retenu, les résultats de cette enquête ne permettent certes pas de tirer des conclusions définitives pour l’ensemble du territoire français. Ils font toutefois apparaître des écarts importants entre les cantons et, sur un canton donné, entre les opérateurs. C’est ainsi que sur les 40 cantons, 25 sont couverts à plus de 90% par au moins un opérateur et 10 sont couverts à moins de 60% par au moins un opérateur. Au total, la couverture moyenne sur ces 40 cantons et pour les 3 opérateurs ressort à 80%.
Cette enquête, dont les résultats seront communiqués prochainement, constitue une approche encore incomplète, mais dont le mérite est d’apporter un éclairage complémentaire fondé sur des mesures de terrain. Cette démarche pourrait être étendue à l’ensemble du territoire. L’Autorité ne manquera pas de poursuivre sa réflexion dans ce sens, avec les pouvoirs publics et les opérateurs.
Conclusion
Je voudrais en conclusion, insister sur un point qui me paraît essentiel. Le régulateur doit renforcer la visibilité du marché. Ainsi, lorsque le marché n’exploite pas toutes ses potentialités de développement, l’action du régulateur doit le stimuler. Lorsque les anticipations deviennent excessives, le régulateur doit s’efforcer de rappeler les réalités économiques. Pour cela, il doit tenir en permanence un discours de vérité.
Ainsi, au moment où le marché se trouve en situation d’incertitude économique, l’expression de l’Autorité se veut d’abord la reconnaissance de sa responsabilité à l’égard des acteurs. C’est tout le sens de mon propos d’aujourd’hui et c’est, soyez en sûrs, l’esprit dans lequel le Collège poursuivra son action.
Je vous remercie de votre attention.
Les documents associés
L'édito du rapport d'activité 2000 Table des matières (htm - 8.55Ko)