Prise de parole - Interview

" Nous mettons tout en place pour que l'arrivée d'un nouvel entrant sur l'UMTS soit économiquement possible " : une interview de Jean-Michel Hubert, président de l’ART, pour "Revenu Hebdo" / 25 janvier 2002

Le Revenu: Comment expliquez-vous la crise que traversent les télécoms?

Jean-Michel Hubert: Le 1er janvier 1998, les pays européens se sont ouverts à la concurrence. La perspective d’un marché des télécommunications en forte croissance a engendré la conviction que l’ouverture du marché allait permettre l’arrivée d’une multitude d’acteurs. Or, deux phénomènes se sont produits : d’abord, certains opérateurs ont pu sous-estimer la complexité technologique du secteur et les investissements qu’il demande ; par ailleurs, les marchés financiers ont connu un retournement de tendance, en raison d’un double mouvement : la crise de confiance dans le modèle économique fondé sur la gratuité, des sociétés Internet - les fameuses " dot.com " - aux Etats-Unis, et le montant atteint par le prix des licences UMTS en Europe. En 2001, il est sain que le marché revienne à des notions de base comme la prise en compte des coûts pour déterminer les prix et la rentabilité.

Le Revenu: Comment expliquer le retard qu’a pris l’UMTS?

Jean-Michel Hubert: De quel retard parle-t-on ? Le seul retard qui puisse être observé aujourd’hui se réfère à des annonces faites dans une période d’euphorie. Je crains effectivement que les fournisseurs d’équipements ne se soient montrés trop optimistes, obligeant ainsi les opérateurs à suivre le mouvement à travers des effets d’annonces irréalistes. Rappelons-nous toujours qu’il a fallu près de 10 ans pour assister au décollage effectif du GSM. On ne passe pas d’une technologie à une autre du jour au lendemain! Par exemple, les problèmes d’interopérabilité (compatibilité entre différents opérateurs) exigent des travaux de longue haleine. L’UMTS a besoin de temps pour être mis au point, offrir des services attractifs et créer sa demande. Un lancement de l’UMTS sur une large échelle me paraît réaliste pour début 2004.

Le Revenu: Un opérateur absent du GSM a-t-il une chance de s’imposer?

Jean-Michel Hubert: Quand l’Union Européenne a engagé le processus de lancement de l’UMTS, elle a souligné qu’elle y voyait une occasion d’élargir la concurrence par rapport au GSM. De fait, la plupart des pays a accueilli un nouvel entrant, sauf l’Allemagne qui compte deux opérateurs supplémentaires. La France s’inscrit dans cette ligne et met tout en œuvre pour que l’arrivée d’un nouvel acteur soit économiquement possible. Nous avons complété les règles d’itinérance (possibilité de louer le réseau GSM d’un concurrent) afin que les négociations débutent le plus tôt possible. Nous avons également établi des règles concernant le partage des infrastructures entre opérateurs. Nous considérons que les conditions actuelles doivent permettre l’arrivée d’un nouvel opérateur.

Le Revenu: Où en est-on au sujet du dégroupage de la boucle locale, un enjeu majeur pour les opérateurs?

Jean-Michel Hubert: Depuis l’ouverture officielle le 1er janvier 2001, la situation a déjà évolué. C’est un travail très complexe puisqu’il s’agit d’établir des conditions favorables, non seulement sur le plan financier mais également en matière technique. Pour l’instant, huit opérateurs ont signé une convention avec France Télécom. Au niveau européen, j’estime que nous sommes plutôt en bonne position. Mon objectif est que cette opération s’intensifie, notamment par une baisse des tarifs de dégroupage au cours de ce trimestre. Ceci devrait permettre une progression significative de la concurrence au cours de l’année 2002.