Prise de parole - Interview

Marché du SMS, MVNO, conditions d'acceptabilité par l'ARCEP des offres de convergence de France Télécom, dégroupage total, interventions des collectivités territoriales dans les télécoms ... Tels sont les sujets abordés dans l'interview de Paul Champsaur, président de l'ARCEP (ex-ART), publiée dans "La Tribune"

Vous annonciez il y a un an réfléchir à la régulation du marché des SMS dont le gouvernement critiquait les prix excessifs. Où en êtes vous ?

 

Nous lancerons après l’été le processus de consultation publique sur notre analyse. Nous n’avons pas encore tranché si cela méritait de créer un marché pertinent spécifique. Nous étudions les différents problèmes concurrentiels qui découlent du goulot d’étranglement existant sur les marchés de gros de la terminaison d’appel SMS. En tout état de cause, nous n’envisageons pas de déclarer pertinent le marché de détail des SMS.

 

Toujours en matière de concurrence dans la téléphonie mobile, le développement des opérateurs alternatifs (MVNO) vous paraît-il satisfaisant ?

 

Nous sommes très satisfaits des progrès accomplis. Il y a un an, il n’y avait pas de marché de gros en matière de téléphonie mobile. Il y avait même une présomption de collusion tacite entre opérateurs pour ne pas ouvrir le marché de gros, autrement dit pour fermer la porte aux opérateurs mobiles sans réseau MVNO. Et nous avions le sentiment que sur le marché de détail la dynamique concurrentielle fléchissait. Aujourd’hui, de nombreux accords de MVNO ont été signés, dont certains par les opérateurs fixes Neuf Télécom, Cegetel et Télé2. L’enjeu n’est plus l’apparition de nouveaux MVNO, mais la réussite de certains d’entre eux. Nous avons donc décidé en accord avec la Commission européenne de placer les marchés mobiles sous surveillance pour 12 à 18 mois et de notifier notre analyse d’ici à la fin 2006.

 

Dans quelles conditions êtes-vous prêts à accepter des offres convergentes de France Télécom ?

 

Il semble que le mouvement de convergence dans les télécommunications soit concrètement engagé en France, peut être plus tôt et plus vite que dans d'autres pays. La concurrence plus vive en France, notamment dans le haut débit, et les acteurs alternatifs particulièrement innovants, incitent l'opérateur historique à réagir. Il existe néanmoins une réserve, de taille, qui est celle du risque que font peser sur la concurrence les offres intégrées d'un opérateur historique très présent sur les marchés de gros et de détail, et verticalement intégré.

Pour l'Arcep, les offres de détail convergentes de France Télécom sont acceptables à deux conditions. D’abord que les opérateurs alternatifs soient en mesure de les répliquer au plan économique et technique au moyen des offres de gros. Ensuite, une transparence suffisante entre les différentes activités de l'opérateur historique est nécessaire pour que le régulateur et les autorités de concurrence soient en mesure de s'assurer de l'absence de pratiques anticoncurrentielles de France Télécom. Ceci suppose d'une part la mise en place d'outils de contrôle, comme les indicateurs de qualité de service publiés par France Télécom sur les marchés de gros et de détail du haut débit, mais également la transparence des cessions internes à l'opérateur historique. Cette transparence peut être obtenue soit par leur formalisation, voie que nous privilégions à ce stade, soit par la création d'entités structurellement distinctes, voie qui a été retenue récemment au Royaume-Uni.

 

Que répondez-vous aux opérateurs alternatifs demandeurs d’une nouvelle baisse du prix du dégroupage total ?

 

Le tarif du dégroupage total est depuis un mois de 9,5 euros par ligne et par mois. Il s'agit du deuxième prix le plus bas parmi les grands pays européens, après l'Italie. Nous constatons un décollage progressif du dégroupage total, actuellement un peu plus rapide que ce que nous avions constaté pour le dégroupage partiel en 2003. On peut tabler sur environ 500.000 lignes totalement dégroupées à la fin de l’année. La décision finale sur le prix du dégroupage total sera fondée sur des éléments techniques.

 

Les conditions opérationnelles du dégroupage total sont-elles satisfaisantes ?

 

Les conditions opérationnelles du dégroupage, total, partiel, ou par création de ligne pour les entreprises, s'améliorent progressivement. Cependant, elles sont loin aujourd'hui d'être satisfaisantes. Les processus de livraison rentrent peu à peu dans la norme, car France Télécom a fait des efforts très importants, qu'il convient de saluer. Les processus de relève des dérangement sont en revanche très insuffisants. Je suis confiant dans la capacité de France Télécom à améliorer ces délais dans les tous prochains mois, car la situation actuelle n'est pas acceptable dans la durée.

 

Les collectivités locales sont-elles légitimes à intervenir dans les télécoms ?

 

Il est aujourd'hui clair que les collectivités sont légitimes à intervenir en créant des réseaux de collecte ouverts à l'ensemble des opérateurs. Nous constatons déjà que cette intervention se révèle déterminante. Plus des trois quarts des nouveaux répartiteurs équipés en dégroupage le sont sur des territoires où la collectivité à lancé une procédure d'initiative publique. A titre personnel, je suis persuadé que le développement d'une concurrence locale, notamment sur le haut débit, est garant durablement de l'attractivité économique des territoires.

 

Propos recueillis par Guillaume de Calignon et Jean-Baptiste Jacquin