Prise de parole - Interview

" L'UMTS, j'y crois " par Dominique Roux, membre du Collège de l'ART, publié dans Le Monde Economie du 28 mai 2002

Tout avait pourtant mal commencé lorsque le coup d'envoi a été donné après la décision du 14 décembre 1998 du Parlement européen et du Conseil. Un calendrier totalement irréaliste avait été alors fixé, aux termes duquel les Etats devaient préparer leur méthode d'autorisation pour les mobiles de troisième génération, l'UMTS (Universal Mobile Telecommunications System, Système universel de télécommunications mobiles), avant le 1er janvier 2000, pour une introduction effective et simultanée au 1er janvier 2002 ! Le volontarisme ainsi affiché à l'échelon communautaire s'appuyait sur le succès du GSM, sur la réelle avance technologique qu'il avait procurée à l'industrie européenne, et sur les perspectives ouvertes par l'UMTS en matière d'accès à Internet sur les réseaux mobiles. Ce calendrier très contraignant découlait également d'une puissante action de lobbying, d'une part de certains acteurs institutionnels qui pensaient que l'Europe, grâce à son avance sur les mobiles, pourrait rattraper son retard sur les Etats-Unis en matière d'accès à Internet, d'autre part des équipementiers qui voyaient dans l'UMTS une technologie permettant de compenser le ralentissement naturel à terme du marché des mobiles de deuxième génération.

Nous connaissons la suite : des droits de licence atteignant dans certains pays des montants exorbitants, taxant à l'avance une richesse qui n'avait pas encore été créée ; des incertitudes fortes sur le plan technique ; des perspectives commerciales floues ; enfin, à la suite de l'éclatement de la bulle financière, une raréfaction des investissements nécessaires à la construction des réseaux.

La France a heureusement réagi en divisant par huit la facture des licences, ce qui a permis aux opérateurs d'établir des "business plans" plus réalistes. Depuis quelques semaines, l'horizon semble encore s'éclaircir, car différents signes permettent d'envisager avec un certain optimisme l'avenir de cette nouvelle technologie.

Tout d'abord, la mobilité est devenue une caractéristique majeure du secteur des télécommunications ; en effet, il y a chaque jour 700 000 nouveaux abonnés dans le monde ; dans plusieurs pays, on recense à présent plus de téléphones mobiles que de lignes fixes, c'est d'ailleurs le cas en France. Au total, on dénombre aujourd'hui un milliard d'abonnés à la téléphonie mobile dans le monde, et ce n'est qu'un début.

En second lieu, on constate une modification sensible des usages ; en effet, le développement extrêmement rapide des SMS (les messages écrits sur les mobiles) montre que le consommateur est prêt à utiliser son téléphone mobile pour un autre usage que la seule communication vocale. 30 milliards de SMS sont expédiés chaque mois dans le monde, dont 500 millions en France. On prédit d'ailleurs pour la fin de l'année un succès semblable pour les MMS (des petits messages musicaux ou graphiques).

En troisième lieu, si 80 licences 3G ont déjà été attribuées, une vingtaine de licences supplémentaires devraient l'être prochainement, ce qui conduit à penser que, comme le GSM en son temps, l'UMTS va se généraliser. Il faut aussi noter que des progrès majeurs ont enfin été effectués sur le plan technique, comme on a pu le voir au dernier Salon GSM à Cannes : des terminaux de troisième génération existent à présent, et ils fonctionnent !

Enfin, depuis le début du mois d'octobre dernier, NTT DoCoMo a lancé au Japon son service 3G appelé FOMA, et même si les prévisions ont été revues à la baisse, il suscite un intérêt certain puisqu'il y a déjà 100 000 abonnés.

Il faut aussi rappeler que certaines caractéristiques de l'UMTS plaident en sa faveur. Avec les mobiles de troisième génération, par exemple, on va pouvoir utiliser Internet sans être obligé d'acheter un ordinateur, ce qui constitue, on le sait, l'un des freins majeurs à la diffusion du Net. En outre, si le paiement sur l'Internet fixe est complexe et parfois dangereux, l'UMTS permet d'assurer une facturation sécurisée par l'opérateur de télécommunications, ce qui est un facteur décisif pour le développement du commerce en ligne.

Ces différents éléments conduisent à considérer que l'UMTS n'est à présent plus un mythe, mais est en train de devenir une réalité. Cette technologie va peut-être même à terme remplacer l'Internet pourrait-on dire traditionnel, c'est-à-dire l'Internet bas débit réservé à un faible pourcentage de la population et diffusé sur des réseaux fixes, en lui substituant un Internet nouveau, à haut débit, à la portée de tous et diffusé sur des réseaux mobiles. En définitive, l'UMTS réunit bien les trois caractéristiques de la communication de demain : l'interactivité, l'interopérabilité et la mobilité. En conséquence, la troisième génération de mobiles devrait rencontrer un succès certain, puisqu'elle sera en mesure de répondre aux attentes et aux besoins des consommateurs.