Prise de parole - Interview

" Les collectivités locales et le développement des réseaux de télécommunications " : un point de vue de Roger Chinaud publié le 1 er septembre 1998 dans La Revue Parlementaire

La loi de réglementation des télécommunication a donné pouvoir à l'Autorité de régulation des télécommunications de veiller dans le cadre de ses attributions "au développement de l'emploi, de l'innovation et de la compétitivité dans le secteur des télécommunications", et à "la prise en compte de l'intérêt des territoires et des utilisateurs dans l'accès aux services et aux équipements "

C'est pourquoi l'ART a tenu dès les premiers mois de son existence à établir et développer les contacts avec les collectivités territoriales dont la première vocation est l'aménagement et le développement de leur territoire.

L'accès aux nouvelles technologies de la communication, au meilleur coût, sur l'ensemble du territoire est bien un objectif commun pour l'ART et les collectivités territoriales.

En tant qu'autorité de régulation, l'ART intervient comme "instructeur" de la demande d'autorisation de réseaux ouverts au public et de la fourniture de services de télécommunications ; elle est "décideur" en ce qui concerne l'établissement des réseaux indépendants. C'est à ce dernier titre que, fréquemment, les collectivités territoriales prennent contact avec nous. Les difficultés rencontrées çà et là reposent sur l'appréciation portée sur la définition d'un groupement fermé d'utilisateurs (G.F.U.) ; celui-ci est entendu comme un groupe qui repose sur une communauté d'intérêt suffisamment stable pour être identifiée et préexistante à la fourniture de service de télécommunications. Chacun comprend bien que se pose dans la pratique le problème des limites du rôle d'un G.F.U. : limites quantitatives relatives au nombre d'utilisateurs potentiels, limites relatives à la connexion de plusieurs G.F.U. entre eux. Les dispositions législatives et réglementaires en vigueur sont génératrices de flou sur ces points ; ceux-ci sont examinés, cas par cas, par l'ART avec un esprit de large ouverture et ce d'autant plus que la loi de réglementation a - heureusement - strictement encadré les motifs de refus d'autorisation, tant en ce qui concerne les réseaux ouverts au public, que la fourniture des services au public ou que les réseaux indépendants.

Ainsi pour l'ART, rien ne l'oblige à conclure par la négative un rapport d'instruction de demande d'ouverture d'un réseau ouvert au public qui émanerait d'une collectivité territoriale...Je dis bien rien. Mais le ministre qui signe l'autorisation doit bien sûr appliquer les dispositions du code des communes qui, faut-il le rappeler, interdisent à celles-ci de gérer un service public excepté dans deux cas :

- si la loi reconnaît leur compétence (gestion de l'eau),

- s'il y a carence de l'initiative privée ou publique.

La jurisprudence du Conseil d'Etat sur l'aspect manifeste de la carence est tout à fait claire.

Les difficultés, pour ne pas dire, l'impossibilité aujourd'hui pour les collectivités territoriales (- toujours situées dans les deux-tiers ouest de la métropole...c'est-à-dire là où les opérateurs potentiels ne se précipitent pas pour investir -) de doter leurs administrés et leurs entreprises des capacités nouvelles de communication sont, plus qu'un frein, l'assurance de prendre un retard lourd de conséquences négatives sur le développement, voire le maintien des emplois sur une large partie du territoire.

C'est pourquoi, ce ne peut être une circulaire, dont on parle beaucoup, (qui ne peut d'ailleurs que rappeler aux préfets et aux élus locaux, l'état actuel du droit) qui permette, sur ce point essentiel de l'accès aux nouvelles technologies, un développement indispensable d'une politique d'aménagement du territoire. Il faut, mieux permettre à nos collectivités territoriales d'investir elles-mêmes en ce domaine pour attirer la concurrence nécessaire, seule à même d'offrir aux usagers le mieux au meilleur coût.

Mais les budgets de nos collectivités locales sont nécessairement limités. Aussi conviendrait-il, à mon avis, soit de les autoriser à percevoir auprès des opérateurs des redevances raisonnables pour l'utilisation d'installation des fibres non activées déployées par elles-mêmes, soit de considérer ces fibres (matériellement installées dans des égouts ou des canalisations elles-mêmes propriétés de la commune) non plus comme des accessoires du domaine public (dont le code des communes interdit l'exploitation commerciale) mais comme un élément du domaine public, ce qui est le cas des zones industrielles, des piscines, des terrains de golf, etc.... Pour cela, la loi est nécessaire.

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