Aménagement numérique du territoire et concurrence : l'article L.1425-1 du code général des collectivités, nouvellement adopté, qui permet désormais aux collectivités territoriales d'être opérateurs d'opérateurs (c'est-à-dire déployer et exploiter des réseaux de télécommunications et des réseaux câblés, en reconnaissant leur capacité juridique à être opérateur), est-il un cadre juridique suffisant, à la fois pour le respect de la concurrence et l'aménagement du territoire (éviter les disparités)?
Le L.1425-1 est, à mon sens, un cadre nécessaire mais non suffisant pour concilier action publique dans l’aménagement numérique du territoire et concurrence.
C’est une avancée nécessaire, réclamée depuis déjà de nombreuses années par les collectivités conscientes des besoins des divers acteurs de leur territoire, notamment des entreprises et des difficultés des opérateurs à les satisfaire rapidement dans un contexte de contraction de leurs investissements.
Le haut débit nécessite des investissements souvent importants et son déploiement est encore plus difficile dans un pays comme la France, plutôt moins dense que ses voisins.
La légitimité d’une action publique dans un secteur en concurrence comme celui des télécommunications peut paraître paradoxale : elle est désormais reconnue comme légitime, non seulement en France, mais également par Bruxelles, comme en atteste la récente communication de la Commission au Conseil et au Parlement Européen en date du 3 février dernier.
Le L.1425-1 a pour but essentiel de sécuriser une action des collectivités locales visant à concilier action publique et concurrence.
L’objectif des collectivités , qui souvent n’ont pas attendu le L.1425-1 pour commencer à agir, est triple :
- certes desservir les zones blanches
- mais aussi accélérer le déploiement notamment pour les entreprises
- tout en conservant les bienfaits de la concurrence favorisant l’offre de nouveaux services
Le L.1511-6, qu’il remplace avait montré ses limites :
- la desserte des territoires les moins denses nécessite souvent la mise en place d’infrastructures mutualisables non seulement passives mais également d’équipements actifs, jusque là interdits aux collectivités.
- l’attribution des fonds publics peut désormais se faire à travers des procédures ouvertes que sont soit les marchés publics, soit les délégations de service public, dans une plus grande conformité avec les règles communautaires et nationales.
Toutefois, ce n’est bien évidemment pas une condition suffisante pour que cette action permette de garantir dans la durée le respect de la concurrence.
Une fois le débat tranché sur le pourquoi, il demeure aujourd’hui ouvert sur le comment.
Le nouveau cadre laisse aux collectivités la liberté de choix entre plusieurs modalités d’intervention, qui en sont pas toutes équivalentes en terme d’organisation du paysage concurrentiel sur le long terme. Les collectivités sont nombreuses à interroger l’ART sur les modèles les plus appropriés, permettant à leur territoire de concilier certes un déploiement rapide, mais ménageant la possibilité d’une offre de services et de technologies diversifiée et une évolutivité de leur projet dans le temps.
La conciliation de ces deux objectifs n’est pas chose simple et c’est pourquoi l’ART a décidé de lancer avant l’été une consultation publique sur ces sujets.
Une chose toutefois est certaine : les fonds publics qui seront employés financeront des infrastructures, dont il conviendra qu’elles soient mutualisables sous le contrôle des collectivités.
Dans cette nouvelle configuration, comment le rôle de chaque échelon territorial dans sa mission d'aménagement et de développement économique va-t-il évoluer? Comment l'ART envisage-t-elle désormais son propre rôle envers les élus?
En matière de télécommunications, rien n’est dit ni écrit nulle part sur le rôle particulier de tel ou tel échelon territorial, qui reste d’ailleurs libre de s’engager ou non dans un projet d’aménagement numérique.
On peut toutefois faire le constat que parmi les projets recensés environ 69 sont portés par des intercommunalités, 47 par des départements, et 11 par des régions.
La mise en œuvre d’un projet territorial, le plus souvent organisé en partenariat avec un opérateur nécessite de pouvoir amortir des coûts fixes sur un territoire suffisamment vaste, et il est essentiel qu’une coordination soit assurée entre les projets de territoires voisins.
Les régions, ne serait-ce que par le levier des aides qu’elles attribuent ont un rôle clé à jouer pour assurer la cohérence territoriale des projets des divers échelons de leurs territoires.
La loi prévoit que les projets soient transmis à l’ART en amont. Dans la mesure où elle doit pouvoir être saisie en règlement de différent, il était exclu qu’elle ait à émettre un avis formel préalable sur tel ou tel projet.
En revanche, l’ART est prête à apporter son expertise sectorielle aux collectivité locales qui la solliciteraient, notamment sur l’état des technologies, les attentes des opérateurs, les conditions permettant de conserver les bénéfices de la concurrence et l’évolutivité dans la durée.
Par ailleurs, les relations qu’elle entretient régulièrement avec ses homologues étrangers lui permettent très utilement de comparer l’action locale en France et dans les divers pays européens.
Les technologies alternatives. Depuis le début de l'année, la technologie WIMAX semble susciter un intérêt grandissant pour de nombreux acteurs. L'ART lancera, d'ailleurs, en début d'été (et jusqu'en septembre) une consultation publique afin d'évaluer l'intérêt du marché pour cette technologie et l'intérêt d'ouvrir éventuellement d'autres bandes de fréquences à la boucle locale radio. Comment envisagez-vous l'évolution du marché des technologies alternatives en France?
L’ART a décidé de lancer une nouvelle consultation publique sur la boucle locale radio, car elle a constaté un renouveau d’intérêt très net pour la technologie Wimax, notamment dans la bande 3,4-3,6 Ghz et donc une rareté de la ressource face aux nombreuses demandes, notamment des collectivités locales. Cette consultation a pour but de déterminer les conditions d’attribution des futures autorisations. Il ne fait aucun doute que le Wimax présente un intérêt certain pour la couverture des zones les moins denses, en complément des technologies dsl et c’est un de nos soucis d’articuler l’attribution de ces ressources en fréquences avec les projets actuels et futurs portés par des collectivités locales.
L’ART porte une attention toute particulière aux technologies alternatives, que ce soit le câble, le Cpl, le Wimax, le satellite. Elle apporte sa contribution à l’appel à projets lancé par les pouvoirs publics. Ces technologies ont certes aujourd’hui une part de marché modeste par rapport aux technologies filaires, notamment le dsl mais qui a vocation à croître.
Il faut bien comprendre qu’étant souvent des technologies de boucle locale, elles ont leur place dans des projets territoriaux, en complément des infrastructures de collecte amont nécessaires, qu’elles soient en fibre ou en faisceau hertzien, notamment pour assurer la capillarité.