Prise de parole - Interview

« La 4G a fait un bond en avant considérable en Bretagne »

Sébastien Soriano, président de l'Arcep, répond aux questions du journal Le Télégramme (8 novembre 2020)

Le président de l’Autorité de régulation des télécoms (Arcep), Sébastien Soriano, souligne les progrès de la couverture 4G de la Bretagne. Il pointe, par contre, un retard sur le déploiement de la fibre optique.

Où en est le « New Deal mobile » signé en janvier 2018 pour accélérer la couverture 4G du territoire ?

Depuis le début du New Deal, près de 500 sites 4G ont été construits. C’est bien supérieur aux programmes précédents sur la couverture des « zones blanches ». Et ce n’est qu’un début, car il a fallu identifier les zones et commencer à construire. Nous sommes maintenant sur un rythme de croisière qui voit l’ouverture de plus de 600 sites chaque année. En Bretagne, on constate un vrai bond en avant de la 4G, avec une couverture de 99 % de la surface des quatre départements. La progression est indéniable : en 2015, seulement 53 % de la surface des Côtes-d’Armor était couverte et 54 % pour le Morbihan. Le réseau 4G s’installe donc partout, y compris dans les zones rurales.

Pourquoi beaucoup se plaignent-ils d’une mauvaise réception de la 4G, notamment dans les campagnes ?

Ce New Deal est un effort continu. C’est en fait une course-poursuite entre des usages et le déploiement du réseau. Quand un réseau s’ouvre, de nouveaux usages se développent ce qui conduit à une saturation rapide. Le sujet est donc de densifier, c’est-à-dire implanter de nouveaux pylônes entre les pylônes existants. C’est un effort constant qui est demandé aux opérateurs pour densifier la couverture et avoir des débits plus importants. C’est la raison pour laquelle le New Deal va continuer au-delà de 2023.

Un nombre croissant de Français s’inquiètent des effets sur leur santé et l’environnement des signaux 5G. Quelle est votre stratégie pour les rassurer ?

Les problématiques sanitaires ou environnementales existaient déjà dans les technologies précédentes. Ce qui change, c’est le regard de la société. Certes, la 5G doit faire l’objet de contrôles attentifs des autorités sanitaires. Mais c’est un questionnement plus large qui est soulevé, sur le rôle des technologies dans nos vies. Elles étaient vues comme synonyme de progrès, de confort et de divertissement. Elles nous montrent aujourd’hui leur face aliénante, au travers des risques de surveillance, de l’impact environnemental croissant, des addictions ou encore de la polarisation du débat public liée aux réseaux sociaux. Nos concitoyens ont besoin d’être convaincus qu’elles fassent sens.

Que répondez-vous aux élus locaux qui décident d’un moratoire sur la 5G, comme Nathalie Appéré à Rennes ?

Ce qui est important c’est de construire un destin commun. Dans mon livre « Un avenir pour le service public », je souligne que l’État est arrivé à la fin du modèle paternaliste, qui impose et contrôle trop. Il y a plutôt un besoin d’un État qui sache travailler avec les autres acteurs. J’appelle les élus locaux à être dans le dialogue et à construire le développement des technologies d’avenir avec les entreprises et l’État. Au contact des citoyens, ils ont un rôle à jouer pour définir localement les conditions d’une technologie qui profite à tous.

Quand seront lancés les services 5G ?

L’Arcep délivrera les autorisations à partir du 18 novembre. Mais les opérateurs doivent aussi déclarer l’ouverture des sites, auprès des élus locaux et de l’Agence nationale des fréquences (ANFR). Ils seront donc en situation de démarrer leurs services entre le 20 et 30 novembre.

Étant donné les limites du hertzien et la fin du service universel sur le cuivre, ne devrait-on pas instaurer un service universel de la fibre afin de couvrir 100 % des foyers ?

Oui. Et le secrétaire d’État Cédric O en a énoncé le principe. En revanche, cette logique ne doit pas nous désarmer : la priorité est de construire le réseau. Ce n’est pas un décret qui va le faire mais cela suppose une mobilisation des opérateurs et des acteurs locaux. Aujourd’hui, la Bretagne à un taux de raccordement de la fibre jusqu’à l’abonné de 35 % des foyers, contre 52 % au niveau national. Il est nécessaire que les territoires mettent les bouchées doubles, en particulier le projet public Mégalis dans les zones peu denses.

Les opérateurs privés sont-ils favorisés en déployant la fibre dans les villes, laissant la couverture des campagnes, moins rentable, aux collectivités ?

Au contraire, le Plan France Très Haut Débit a clarifié les tâches, en désignant partout un responsable du déploiement. Pour la partie publique, il y a une logique de cohésion à travers des financements issus des redevances sur les fréquences, comme la 5G. Il s’agit d’une alliance inédite entre le privé, l’État et les collectivités locales, qui définissent leurs priorités. Ce chantier est historique puisqu’on est en train de bâtir en 15 ans l’équivalent du réseau téléphonique qui avait mis 30 ans à se construire. Il se déroule sans retard significatif, à un coût maîtrisé, à la différence de ce qu’on voit dans le domaine de l’énergie nucléaire par exemple.

Propos recueillis par Thierry Mestayer

L'interview sur le site du journal Le Télégramme