Mesdames et Messieurs,
Le monde d'Internet est en pleine transformation : difficultés du modèle économique actuel, multiplication des voies d'accès, évolution vers la norme IPV6, émergence de l'Internet mobile, restructuration des acteurs : fournisseurs d'accès et de services ; voilà de multiples enjeux pour la société de l'information. Mais le développement des hauts débits crée les conditions d'une rupture dans les usages, et sa réalisation effective passe aussi par l'offre de nouveaux services.
Je vous propose d'analyser l'objectif de développement des haut débits au regard de ces changements et de la situation actuelle d'Internet, en France comme en Europe. J'évoquerai dans cette perspective la situation du marché de l'Internet et les conditions de développement des hauts débits, en termes de services et de réseaux.
I. INTERNET : UNE ECONOMIE EN PLEINE TRANSFORMATION
1. La croissance du marché
La croissance de l'Internet s'inscrit dans celle du secteur des télécommunications. L'enquête annuelle 2000 confirme que le trafic d'accès à Internet a progressé de 170% sur l'ensemble de l'année dernière. Par ailleurs, l'observatoire des marchés (deuxième trimestre 2001) fait apparaître une progression de 12% en valeur du marché de détail sur un an. La croissance se poursuit donc sur l'ensemble du secteur.
· La situation du marché français
Le marché de l'accès à Internet poursuit sa croissance, en France comme chez nos voisins européens. L'AFA estime à plus de 6 millions le nombre d'abonnés individuels à Internet en juin 2001 dans notre pays, soit deux millions de plus que l'année dernière à la même date. Les comparaisons européennes établies par NetValue montrent qu'en février 2001, 20,6% des foyers français étaient connectés à Internet contre 29,5% en Allemagne et 35,9% au Royaume-Uni. Mais, en août 2001, la croissance du taux de connexion des foyers était plus importante en France (14%), que dans ces deux pays (respectivement 9,3% et 5,6%). Il existe toujours un décalage entre la France et ses principaux partenaires, mais la tendance est à sa réduction. Les décisions prises par les pouvoirs publics et le régulateur tendent naturellement à soutenir ce mouvement.
L'accès par le réseau commuté reste, pour les particuliers, très majoritaire. Ainsi, toujours selon NetValue, 6,4% des foyers français connectés à Internet disposaient d'un accès à haut débit en août 2001. Le pourcentage est de 7,8% pour l'Allemagne et de 2,3% pour le Royaume-Uni (en baisse par rapport à février).
Enfin, le prix de l'accès à Internet a baissé de moitié en deux ans (1999-2000), pour une durée de connexion comprise entre 3 et 20 heures, notamment grâce à la généralisation des forfaits de connexion.
Ces chiffres montrent que l'accès à bas débit reste le principal moyen d'accès à Internet pour les particuliers, qui peuvent encore y trouver la satisfaction de leurs besoins essentiels. Il faut donc aussi faire porter l'effort sur ce marché, et l'Autorité s'y emploie depuis plusieurs années.
· L'impact des difficultés économiques actuelles
Décision après décision, elle le fait en intégrant les difficultés économiques qui depuis un an ont pu fragiliser les acteurs, en améliorant les conditions dans lesquelles les opérateurs et les fournisseurs d'accès peuvent offrir leurs services et en s'attachant systématiquement à en promouvoir l'usage, que ce soit pour l'Internet commuté, les technologies DSL ou toute forme de haut débit.
Ces difficultés ont notamment conduit à la recherche de nouveaux modèles économiques pour rémunérer les contenus d'Internet.
2. L'Internet commuté :
Le segment de l'Internet commuté connaît des transformations économiques importantes.
La mise à disposition, à partir de 1999, d'une offre d'interconnexion indirecte a été le principal outil qui a permis le développement d'offres innovantes sur le marché de l'accès, et notamment les offres de forfaits tout compris des fournisseurs d'accès. Cette formule a notamment assuré la multiplicité des offres et la baisse des tarifs, le partage de revenus, la simplicité d'accès pour les utilisateurs par l'attribution de numéros dédiés, ainsi que la simplicité des relations commerciales puisque, dans le cadre des forfait, le client a un seul interlocuteur : le fournisseur d'accès.
Aujourd'hui, des offres de forfait existent à moins de 100 francs pour une durée de communication de 50 heures. Ce chiffre est à comparer à la durée mensuelle de connexion des internautes établie à partir des données de l'AFA. En juin 2001, elle était de l'ordre de 11 h 30 en moyenne.
La mise en œuvre d'une offre d'interconnexion forfaitaire s'inscrit dans le prolongement de cette logique. Il faut veiller à ce que ses modalités, qui sont appelées à s'intégrer dans une cohérence d'ensemble des règles techniques et tarifaires d'interconnexion, soient attractives et favorables au développement de l'usage d'Internet. C'est pourquoi les discussions en cours pour son insertion dans le catalogue d'interconnexion pour 2002 sont particulièrement intenses. L'objectif est double : il est d'une part de parvenir à une baisse significative des tarifs de l'offre actuelle ; et d'autre part de prendre en compte les modalités déjà mises en œuvre par certains opérateurs au titre de conventions d'interconnexion encore toutes récentes, afin d'éviter de prendre à revers et de fragiliser les stratégies d'investissement favorables à l'essor du marché.
Mais n'oublions pas que l'interconnexion doit créer les conditions favorables à l'établissement d'offres de détail attractives, et que c'est aux acteurs de s'en saisir ou non, de répercuter ou non la baisse de leurs coûts, et in fine de fixer le prix de détail. Ces acteurs ont vu leur environnement économique changer ; ils ne sont sans doute plus prêts à accepter les mêmes coûts qu'il y a un an pour conquérir des abonnés et certains peuvent donner aujourd'hui la priorité à la reconstitution de leurs marges. Ce n'est pas un élément de régulation ; c'est le libre fonctionnement du marché.
3. La recherche de nouveaux modèles économiques ; l'exemple de l'Internet mobile : vers l'Internet payant ?
Avec la fin de l'euphorie qui a caractérisé pendant quelques années l'économie d'Internet, le modèle fondé sur la gratuité des services et des contenus ne convainc plus personne. Le modèle économique d'Internet doit évoluer, car il est indispensable de trouver des modes de rémunération des contenus.
L'intégration de cette rémunération dans la tarification de l'accès, à l'instar du modèle " kiosque " qui prévaut encore pour les services télématiques, constitue sans doute une voie privilégiée. Mais, par rapport au Minitel et aux services vocaux, la grande variété des contenus et des éditeurs présents sur Internet ajoute un degré de complexité supplémentaire pour définir les modalités de cette intégration.
L'arrivée des services à valeur ajoutée sur les mobiles renforce ce mouvement et le marché des services à valeur ajoutés basés sur les SMS va constituer un test intéressant. Outre qu'il représente un potentiel de développement considérable à très court terme en raison de l'explosion récente des SMS interpersonnels (les utilisateurs de mobiles ont émis prés de 1,47 milliards de SMS sur l'ensemble de l'année 2000, ce qui représente 988 millions de francs de recettes ; pour le seul 2ème trimestre 2001, les recettes se sont élevées à 557 millions de francs), ce marché constitue, d'ores et déjà, une étape importante dans le processus d'enrichissement progressif des contenus proposés sur les réseaux mobiles.
La mise en place d'un modèle de type " kiosque " pour ces services est en cours de discussion, entre les opérateurs mobiles et les ISP. Comme l'a souligné le récent livre blanc que l'ACSEL leur a consacré, le kiosque SMS répond à une attente forte, de la part des éditeurs.
En apportant mon soutien à cette démarche, j'ajoute que l'ouverture de ce modèle à l'ensemble des acteurs présents sur la chaîne de valeur SMS (éditeurs, hébergeurs, opérateurs de transport) est une condition essentielle d'un succès nécessaire.
En raison de l'usage et du potentiel de services à valeur ajoutée qui leur sont associés, les SMS s'intègrent dans le processus de l'"Internet mobile" et favorisent la migration vers la troisième génération. Ils jouent un rôle dans la reconnaissance du fait que les contenus ont un prix, qui doit trouver sa rémunération. Oui, ils introduisent ainsi la notion d' " Internet payant ".
Un mot également sur l'importance du facteur temps dans l'émergence des services mobiles à valeur ajoutée. Ce n'est ni de la faiblesse, ni du pessimisme de rappeler qu'à l'image du GSM, dont le succès a demandé quelques années, l'Internet mobile s'appuie sur des innovations technologiques et économiques dont la mise en œuvre prendra du temps, pour des raisons liées pour une part au processus de normalisation technique, mais aussi aux délais de formation d'un marché. La normalisation du GPRS a commencé en 1994, et les premiers services pourraient ouvrir fin 2001 - début 2002. Pour l'UMTS, le 3GPP a définitivement validé en juin 2001 la release 99, la seule qui offre les premières garanties de compatibilité ascendante et qui puisse conduire à une disponibilité des infrastructures fin 2002 et des terminaux compatibles à l'été 2003. Cette réalité ne doit jamais être absente des annonces de calendrier, faites ici où là en Europe.
II. LES HAUTS DEBITS, POUR QUOI FAIRE ? L'IMPORTANCE DES SERVICES
Venons en au haut débit, dont l'essor repose en premier lieu sur le développement de nouveaux services. Comme la concurrence, le haut débit n'est pas une fin en soi ; il doit d'abord répondre à des besoins qui ne pourraient pas être offerts par d'autres moyens.
1. Quels services pour quels marchés ?
Le marché professionnel et le marché résidentiel expriment des besoins différents. Ceux des entreprises peuvent être relativement bien identifiés (liaisons louées, accès à Internet partagé entre plusieurs utilisateurs avec des débits garantis, extranet, réseaux privés virtuels, etc) ; en revanche, ceux qui permettront au marché résidentiel de se développer dans des conditions viables sont encore insuffisamment identifiés, comme je l'ai déjà souligné. Or c'est un point crucial, car seul un marché de masse créera des conditions viables pour le haut débit.
L'accès à bas débit représente à cet égard un facteur de développement indéniable pour l'Internet grand public, puisqu'il montre déjà la nécessité du haut débit pour des services tels que les jeux en réseau, le téléchargement de fichiers multimédia, etc. Et je n'oublie pas l'attrait de la connexion permanente dans la motivation des utilisateurs.
2. Quels débits pour quels services ?
Avec le progrès des technologies de compression, la notion de haut débit sera vraisemblablement évolutive. Le haut débit d'aujourd'hui sera sans doute le bas débit de demain. Dans ces conditions, il est difficile de faire a priori des choix en termes de débit et la notion de haut débit ne peut s'appliquer de façon uniforme à tous les publics et à tous les services. Elle se différencie déjà en fonction des services demandés et des besoins exprimés par les consommateurs.
3. Quels prix pour quels services ?
La question du prix de l'accès à haut débit, notamment pour les résidentiels, est également essentielle. Le marché aura à déterminer quel prix le consommateur est prêt à payer pour accéder à ces nouveaux services avec un accès à haut débit. Ce prix devra permettre de rentabiliser les investissements importants que les opérateurs consentent d'ores et déjà afin d'équiper le territoire. Il devra aussi incorporer une rémunération juste et incitative des fournisseurs de services, sans pour autant devenir dissuasif pour le client. Cette équation économique ne sera solide que si les consommateurs, entreprises comme particuliers, trouvent dans les nouvelles offres de services à haut débit une véritable valeur ajoutée et une réponse à leurs attentes. C'est là un enjeu du partenariat entre opérateurs et fournisseurs de contenus. Le régulateur doit pour sa part veiller à l'établissement d'une concurrence durable sur ce segment, car c'est bien la concurrence qui permet au consommateur de choisir.
III. LES CONDITIONS D'EMERGENCE DES HAUTS DEBITS : LA CONCURRENCE SUR LES RESEAUX D'ACCES
Le développement des hauts débits repose en grande partie sur la disponibilité et la complémentarité de plusieurs technologies sur le segment de l'accès, dans des conditions concurrentielles.
Car c'est sur ce segment que l'effort doit aujourd'hui porter. Les réseaux de transport se sont en effet largement déployés au cours des dernières années, en France comme en Europe, pour faire face à la progression du trafic et l'augmentation des débits induite par l'essor d'Internet. Il faut maintenant permettre à l'ensemble des utilisateurs de disposer de l'accès à ces capacités de transport. La question de la boucle locale est donc bien aujourd'hui la plus cruciale,
La capacité actuelle du réseau intermédiaire entre l'accès et les backbones pourrait également être insuffisante pour faire face au développement des accès à large bande, ce qui risque de conduire à des goulets d'étranglement pour les hauts débits. L'action conduite par l'Autorité, dans le cadre des dispositions sur l'interconnexion contribue à limiter ce phénomène : en incitant les opérateurs à déployer leurs réseaux jusqu'au commutateur d'abonné, elle favorise le développement d'infrastructures à haut débit sur ce segment.
1. La mise en œuvre du CIADT
L'utilisation des supports offerts par le réseau de transport d'électricité (RTE) pour couvrir les liaisons intra-régionales dans les zones où elles peuvent faire défaut peut également apporter une contribution à la couverture du territoire par les réseaux à haut débit.
Les orientations du CIADT appelaient un examen des modalités techniques et juridiques de cette solution. Un groupe de travail étudie à l'heure actuelle les conditions du déploiement expérimental de réseaux de collectes de données de télécommunications sur certaines infrastructures du RTE. L'Autorité y a pleinement participé et souhaite que les solutions retenues tendent à mettre en place une offre diversifiée en haut débit, tant du point de vue des services fournis que des conditions tarifaires proposées, dans des zones peu desservies à ce jour en infrastructures de télécommunications et selon une démarche fondée sur la synergie entre les initiatives des opérateurs et l'impulsion des collectivités publiques.
Deux questions m'apparaissent essentielles :
· Tout d'abord, les modalités de mise à disposition de ces nouvelles infrastructures de transmission doivent assurer, auprès des gestionnaires et des opérateurs, le respect de conditions transparentes et non discriminatoires.
· Ensuite, cette opportunité doit contribuer à l'aménagement du territoire en se concentrant d'abord sur les zones où les besoins en infrastructures ne peuvent être couverts du fait de l'absence d'initiative d'opérateurs ou de la faiblesse de l'intensité concurrentielle. Il faut compléter l'action du marché là où elle est insuffisante et le laisser vivre là où il joue normalement son rôle.
De manière plus générale, la gestion des infrastructures passives mises à disposition par RTE doit naturellement respecter les principes de la concurrence et par là même s'inscrire dans les dispositions qui encadrent l'intervention des collectivités territoriales.
2. Le développement des réseaux d'accès à haut débit
L'Autorité s'est attachée depuis cinq ans et de façon prioritaire à favoriser l'introduction des technologies d'accès, qui constituent aujourd'hui autant de vecteurs de développement pour l'Internet à haut débit, pour les entreprises comme pour le grand public.
· Les boucles locales en fibre optique
Pour les entreprises, et notamment les grandes, l'accès à haut débit passe souvent par le raccordement à des boucles en fibre optique, qui équipent notamment les grands centres d'affaires. Il existe aujourd'hui un certain nombre d'opérateurs de boucle locale qui répondent à ces besoins essentiels. A cet égard, l'Autorité vient de lancer une enquête pour évaluer la situation de concurrence sur le marché des infrastructures de desserte en fibre optique. Elle permettra d'actualiser une précédente enquête , conduite l'année dernière et publiée récemment sur ce sujet.
· Les réseaux câblés
Les services d'accès à Internet se développent effectivement sur les réseaux câblés depuis plusieurs années et la croissance du nombre d'abonnés est désormais bien réelle. L'AFORM comptabilisait 163 000 abonnés à Internet par le câble en juin 2001. Depuis le milieu de l'année 2000, la progression des abonnements semble s'accélérer. Ainsi, entre juin 2000 et juin 2001, le nombre d'abonnés a progressé de 82 000 (+ 101%), soit le double de la progression enregistrée entre juin 1999 et juin 2000 : + 41 000.
Les offres des câblo-opérateurs permettent aux particuliers d'accéder à un débit maximum de 512 kbit/s en voie descendante et de 128kbit/s en voie montante. Quant aux professionnels ils bénéficient d'un débit descendant maximum de l'ordre de 1Mbit/s et d'un débit ascendant de 256 kbit/s.
En Europe, le câble représentait, selon l'Idate, près de 700 000 abonnés à Internet fin 2000. Comparé aux 163 000 abonnés français, ce chiffre montre que, même si le câble est mieux implanté dans d'autres pays européens, la France se situe en bonne position pour l'accès à Internet sur ce support.
· La boucle locale radio
La boucle locale radio, c'est aujourd'hui sept opérateurs qui ont été retenus pour se déployer sur le territoire métropolitain. Plusieurs d'entre eux ont lancé des offres commerciales qui couvrent au total une vingtaine d'agglomérations de plus de 50 000 habitants. Ces opérateurs comptent aujourd'hui quelques centaines de clients professionnels.
La boucle locale radio s'oriente effectivement, dans un premier temps, vers le marché des PME, notamment dans le tissu économique des grandes villes et des villes moyennes. C'est une première étape, ni anormale, ni limitative, qui se poursuivra naturellement par un élargissement de la cible vers les particuliers, dès que le marché aura pris son essor. Il est vrai que tout cela est plus lent, plus difficile et parfois différent de ce qui a été initialement conçu. Mais le mouvement est bien lancé : la France est un des rares pays où la boucle locale radio se déploie effectivement, même si j'observe avec intérêt que d'autres pays - Royaume-Uni, Italie - s'y engagent à nouveau.
Le marché a connu depuis l'attribution des licences un retournement de situation que personne n'avait prévu. A l'évidence, la situation financière de tous les acteurs, et pas seulement les opérateurs de boucle locale radio, a changé.
Dans ce contexte, nous aurons à examiner la situation des opérateurs en fin d'année. Nous le feront avec pragmatisme. Si des opérateurs n'ont pas déployé du tout, nous en tirerons les conséquences. Si des fréquences se libèrent et si des demandes s'expriment pour les utiliser, nous les étudierons avec une grande attention.
· Les technologies DSL
Les technologies DSL sont un vecteur essentiel pour le haut débit, comme l'indique l'étude que l'Idate vient de rendre publique. Parmi ces technologies, l'ADSL, qui s'adresse notamment au grand public, connaît une croissance importante depuis un an. En septembre 2001, on compte près de 260 000 abonnés à l'ADSL grand public.
L'ADSL, qui propose des débits asymétriques comparables à ceux des réseaux câblés, pour les résidentiels comme pour les professionnels, offre, chacun le sait, des perspectives très importantes. C'est pourquoi notre action a pour objectif de faire en sorte que ce marché prometteur ne soit pas réservé à un unique opérateur mais que la concurrence y permette la diversification des offres et la baisse des prix.
Pour ce faire, l'Autorité a très largement contribué à la mise en œuvre de plusieurs voies complémentaires :
· Les opérateurs, et pour l'essentiel les fournisseurs d'accès, peuvent utiliser les formules de revente de Netissimo ;
· A la suite d'une décision du Conseil de la concurrence, France Télécom a été conduite, courant 2000, à proposer aux opérateurs une offre de service intermédiaire baptisée " ADSL connect ATM ", leur permettant d'assurer la collecte du trafic ADSL à destination des fournisseurs d'accès. Les conditions tarifaires de cette offre, trop élevées pour assurer la rentabilité des opérateurs, ont été améliorées une première fois par une décision de règlement de différend, puis une deuxième à la suite d'un avis rendu pour permettre aux fournisseurs d'accès et aux opérateurs de proposer des offres de détail compétitives sur l'ADSL.
· Enfin, le dégroupage permet aux opérateurs de maîtriser l'ensemble des éléments techniques de leurs offres, contrairement à l'offre de collecte, laquelle limite à l'évidence le choix des consommateurs.
· Le dégroupage
Depuis le début de l'année, l'Autorité a été particulièrement active sur le dégroupage et son action a permis de faire progresser les choses :
Des avancées significatives de l'offre de référence ont été obtenues sur des points essentiels, notamment sur les tarifs, sur la fourniture par France Télécom des informations nécessaires au dégroupage, sur les conditions de colocalisation et sur la possibilité, pour les opérateurs de choisir leurs technologies.
L'offre de référence va permettre l'ouverture des premiers services dans les grandes agglomérations pour des clientèles professionnelles. Un certain nombre d'opérateurs ont signé une convention avec France Télécom et ont passé des commandes de lignes. L'objectif est donc d'abord que les lignes dégroupées deviennent effectivement opérationnelles, rapidement, et que ceci ouvre la voie à de nouvelles commandes.
Au delà de cet objectif immédiat, la perspective que se fixe l'Autorité est bien d'établir les conditions nécessaires pour que le dégroupage devienne disponible pour le grand public sur l'ensemble du territoire
L'objectif immédiat : la mise en œuvre du dégroupage sur le terrain
Nous avons conscience de l'importance du facteur temps dans le processus de dégroupage. Dans l'immédiat, il est donc essentiel de permettre aux opérateurs qui ont passé des commandes de proposer leurs services au plus tôt et dans des conditions opérationnelles claires. Pour cela, il faut entrer dans une nouvelle phase de mise en œuvre sur le terrain.
Nous nous attachons pour notre part à établir des outils de suivi opérationnel des difficultés pratiques susceptibles d'apparaître (colocalisation, équipements, câbles, systèmes d'informations, etc). Dans ce cadre, le suivi du processus de commande et de livraison des paires dégroupées fera l'objet d'une attention spécifique, car c'est, pour les opérateurs, une question clé. Dans un souci de visibilité et afin de favoriser les comparaisons européennes, nous publions également un tableau de bord du dégroupage, sur le site Internet de l'Autorité. Ce tableau de bord sera mis à jour tous les deux mois. Si nous détectons des écarts significatifs entre les engagements pris et la réalité de leur mise en œuvre sur le terrain, nous n'hésiterons pas à en tirer toutes les conséquences.
L'objectif pour 2002 : l'amélioration de l'offre de référence
Parallèlement, nous travaillons avec l'ensemble des opérateurs à l'amélioration de l'offre de référence, tant sur le plan tarifaire que sur les prestations offertes. L'objectif est de mettre en place, au cours du premier semestre 2002, les conditions d'un développement plus large sur le territoire.
Plus généralement, l'Autorité entend mettre en œuvre, en tant que de besoin, l'ensemble des compétences dont elle dispose : pouvoirs d'enquête, modification de l'offre de référence, procédures de sanction, règlement de différends.
Je ne veux laisser subsister aucun doute sur la volonté de l'Autorité de tout mettre en œuvre pour que le dégroupage devienne désormais une réalité. Je souligne que la grande complexité de ce processus n'est en rien spécifique à la France qui, dès lors que l'on fait exception de la situation allemande, figure dans le peloton de tête européen.
J'ai souhaité que les opérateurs s'engagent sur le terrain afin que le dégroupage progresse concrètement. Si cette étape est essentielle, toutes les difficultés ne sont pas levées pour autant. L'Autorité n'est pas indifférente à cette situation, dont elle suit les évolutions avec une extrême attention. Si de nouveaux obstacles devaient apparaître, nous ne resterions pas longtemps sans réagir.
· Les satellites
Je signale également que des offres avec voie de retour par le RTC ou par satellite bidirectionnel se développent en Europe. En France, de telles offres ont été lancées en 2000 par plusieurs opérateurs.
· L'accès à haut débit par les réseaux mobiles : GPRS et UMTS
Je n'oublie pas, naturellement, les potentialités nouvelles d'accès à haut débit que vont offrir prochainement les réseaux mobiles, GPRS et UMTS. Nous travaillons très activement à la préparation du second appel à candidatures avec pour objectif de le transmettre au ministre aux alentours du 15 décembre.
Dans cette perspective, je voudrai souligner que les nouvelles conditions, notamment financières, de l'introduction de l'UMTS, font du marché français l'un des plus attractifs en Europe pour cette technologie. En effet, les principales difficultés rencontrées par les grands opérateurs européens dans ce domaine, dans un contexte financier qui offre peu de visibilité, résultent pour une large part des montants déjà déboursés dans d'autres pays pour l'obtention de leur licence. Et je suis parfois stupéfait de l'écart entre la présentation lénifiante qui peut être faite de la situation de l'UMTS dans ces pays et la réalité des enjeux de viabilité économique et de consolidation qu'ils ont aujourd'hui à affronter, ce que les analystes sérieux ne peuvent ignorer.
CONCLUSION
Les perspectives en matière de haut débit doivent être considérées avec réalisme, mais sans pessimisme.
Avec réalisme : le haut débit se développe progressivement, Comme l'indiquait récemment Michael Powell, président de la FCC, " c'est un marathon plutôt qu'un sprint ". Outre les technologies d'accès, de nouveaux modèles économiques, des contenus et des usages doivent émerger. Le rôle du régulateur est d'accompagner l'émergence de ce marché en sachant à tous les stades du processus identifier les obstacles et les entraves, et contribuer à les lever.
Sans pessimisme : les réseaux qui vont permettre le développement de l'accès à haut débit sont en cours de déploiement. Les régulateurs visent à mettre en place un cadre favorisant un déploiement le plus rapide et le plus large possible.
Dans ce contexte, il appartient au régulateur d'éclairer le marché en cherchant à être aussi déterminé que lucide.
Ce faisant, le régulateur assume sa part de " responsabilité industrielle ", dans la mesure où ses décisions ont un effet sur le développement du marché. Mais il n'est pas là pour imposer aux acteurs des choix économiques et technologiques, même s'il a un rôle de concertation pour faciliter l'établissement de ces choix, les faire connaître et veiller à leur mise en œuvre lorsqu'ils appellent le respect des règles du jeu.
Nous sommes dans un secteur qui comporte des risques : risques économiques, comme pour toute activité marchande, mais aussi risques technologiques, car la rencontre d'une technique et d'un marché ne va pas toujours de soi. La loi indique que " les activités de télécommunications s'exercent librement ". Cela signifie que chacun est libre de les exercer ou de ne pas le faire, notamment s'il considère l'entreprise trop risquée. Je le répète, le rôle de régulateur n'est pas de façonner le marché, mais de lui permettre de se développer. La conjoncture actuelle rend sans doute ce rôle plus délicat, mais aussi plus nécessaire que jamais à mes yeux.
Je vous remercie de votre attention.