Prise de parole - Interview

« Nous consultons et échangeons régulièrement avec l’ensemble des parties prenantes : les opérateurs, les collectivités territoriales, les syndicats qui ont en charge l’aménagement numérique du territoire »

Laure de La Raudière, présidente de l'Arcep, répond aux questions du magazine de l’AMIF (association des maires d’Ile-de-France) - numéro de décembre 2021

L’aménagement numérique du territoire francilien est au centre de toutes les attentions. Si les collectivités se sont saisies des enjeux du numérique depuis quelques années, la crise sanitaire et ses répercussions sur l’organisation de la vie professionnelle ont accéléré son nécessaire déploiement.

Qu’est-ce que l’Arcep ?

L’Arcep est une autorité administrative indépendante chargée d’assurer la régulation des secteurs des télécoms, des  postes, et de la distribution de la presse. Parmi ses priorités fixées par un cadre réglementaire et législatif, elle compte l’aménagement numérique du territoire. À ce titre, l’Arcep contrôle le déploiement du très haut débit, qu’il soit fixe ou mobile,  sur tout  le territoire et notamment en Ile-de-France. Pour ce faire, nous  disposons d’un pouvoir de collecte qui nous permet de récupérer toutes les informations de déploiement réalisé par les opérateurs ou par les collectivités. Toutes ces informations sont ensuite restituées par le biais d’outils cartographiques.

Les collectivités sont-elles associées à la collecte d’informations ?

Nous consultons et échangeons régulièrement avec l’ensemble des parties prenantes : les opérateurs, les collectivités territoriales, les syndicats qui ont en charge l’aménagement numérique du territoire. Par ce dialogue, nous informons les acteurs des territoires des exigences de la régulation, et nous nous attachons à prendre en compte les préoccupations et spécificités des collectivités afin d’établir une réglementation la plus adaptée possible à leurs enjeux.

Le plan Action Publique 2022 donne la priorité, notamment, à la transformation numérique des administrations, avec pour objectif 100 % de démarches administratives à horizon 2022. L’Ile- de-France est-elle prête ?

L’Ile-de-France est la région comprenant la meilleure couverture en fibre optique au niveau national, avec près de 91 % des locaux franciliens rendus raccordables à la fibre à la fin juin 2021. La moyenne nationale est à 64 %. Un zoom précis au niveau de la région, d’un département, d’une commune ou même d’une adresse postale, est accessible grâce au site : maconnexioninternet.arcep.fr.

Depuis 2013, le plan France Très Haut Débit (THD) porte l’objectif de couvrir l’ensemble du territoire français en très haut débit d’ici 2022. Qu’est-ce que le très haut débit, et où en est l’Ile-de- France ?

Le très haut débit correspond à un accès à Internet dont le débit est supérieur ou égal à 30 Mbit/s, quelle que soit la technologie support. On peut ainsi avoir du très haut débit avec une bonne 4G, par le câble, même le cuivre avec un bon ADSL, et bien sûr, par la fibre. À la fin de l’année 2020, 93 % des locaux d’Ile-de- France étaient éligibles au très haut débit, en prenant en compte le mixe technologique précité, et 5 % disposaient de bon haut débit.

Il est aujourd’hui question de la 5G. Que va-t-elle apporter ?

Il y a deux raisons pour lesquelles nous passons à la 5G. D’une part, les opérateurs ont besoin de désaturer les réseaux de 4G dans les zones très denses. Et d’autre part, la technologie 5G sera amenée à évoluer : à partir de 2023, de nouveaux services seront supportés par la 5G, notamment des applications utiles à l’industrie, en matière de e-santé, de villes intelligentes, etc. Derrière la 5G, il y a une véritable rupture technologique.

Vous parlez de rupture technologique, mais certaines communes ne reçoivent même pas encore correctement la 4G… Que doivent-elles faire ?

Je conseille à ces communes de se tourner vers le « dispositif de couverture ciblée ». Il vise à améliorer de manière localisée et significative la couverture mobile de zones dans lesquelles un besoin d’aménagement numérique du territoire a été identifié par les collectivités et le Gouvernement. En Ile-de-France, 77 zones du dispositif de couverture ciblée ont déjà été identifiées, dont 5 sont aujourd’hui couvertes par les opérateurs. Les 72 autres devront l’être dans les prochains 24 mois. Un des intérêts de ce dispositif est de donner la main aux territoires dans le choix des sites à équiper. En priorisant l’objectif d’aménagement des territoires plutôt qu’un critère financier pour l’attribution des fréquences, l’État a ainsi décidé d’orienter l’effort des opérateurs vers la couverture du territoire, au moyen d’obligations de couverture inédites.

Le numérique représenterait aujourd’hui 3 à 4 % des émissions de gaz à effet de serre dans le monde, et 2 % des émissions françaises. L’Arcep s’est-elle saisie de ce sujet ?

L’Arcep s’est en effet saisie du sujet depuis 2019 et a travaillé sur les enjeux environnementaux du numérique toute l’année 2020 sous forme d’ateliers collaboratifs avec l’ensemble des acteurs économique de l’écosystème (ONG, associations, experts scientifiques) dans le cadre de sa plate-forme « pour un numérique soutenable ». Ces travaux ont conduit à 11 propositions visant à conjuguer développement des usages et réduction de l’empreinte environnementale du numérique. En 2020, nous avons décidé d’intégrer des indicateurs environnementaux dans la collecte de données que nous menons auprès des opérateurs de télécommunications. Et très récemment, le Parlement nous a donné le pouvoir de collecter les données environnementales auprès d’autres acteurs du numérique, tels que les équipementiers, les fabricants de terminaux, les fournisseurs de services d’hébergement. Notre objectif est de mettre en place un observatoire de l’empreinte environnemental du numérique.

Par ailleurs, nous menons en ce moment une étude avec l’Ademe afin d’évaluer l’empreinte environnementale du numérique. Les conclusions devraient être rendues au Gouvernement à la mi-2022. Intégrer l’enjeu environnemental dans nos objectifs de régulation fait partie de nos priorités. L’Arcep réfléchit ainsi à inscrire des objectifs environnementaux dans le cadre de l’attribution des fréquences dans la bande 26 GHz (nouvelles fréquences 5G).

 

Propos recueillis par Émilie Pouch

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