Prise de parole - Interview

Interview de Jean-Michel Hubert, président de l'Autorité de régulation des télécommunications publiée le 9 octobre 1998 dans Le Quotidien du Multimédia

Depuis l'annonce de l'accord intervenu entre les opérateurs sur l'accès à Internet pour les écoles, comment voyez-vous évoluer la situation ?

Nous observons que d'autres opérateurs que France Télécom font à leur tour des propositions et nous nous en félicitons. Nous avons mis en place des modalités techniques et tarifaires qui pouvaient, à tout le moins, permettre cette concurrence, donc la diversité de l'offre. Ce que je constate, c'est que non seulement France Télécom mais un autre concurrent d'envergure, Cegetel se présente sur ce marché. Je souhaite que d'autres opérateurs fournisseurs de services se présentent dans ce domaine. Ce que nous avons demandé et obtenu en ce qui concerne le dégroupage a été fait pour permettre une diversité effective de l'offre. Le cadre existe, c'est maintenant aux opérateurs de services de s'exprimer. C'est ainsi que les choses doivent se passer pour l'ensemble du dispositif de concurrence, nous créons le cadre mais c'est aux opérateurs de s'engager.

L'ART attribue des licences d'opérateurs de réseaux et d'opérateurs de services (L 33-1 et L 34-1), pouvez-vous nous expliciter la distinction entre ces deux types d'opérateurs ?

La réponse est précisée dans la définition même de ces licences. La première s'appelle " licence d'opérateur de réseaux ", c'est-à-dire qu'il s'agit de l'établissement et de l'exploitation de réseaux, et la seconde s'intitule " licence d'opérateurs de services téléphoniques ". Ce sont deux notions différentes qui peuvent être complémentaires puisqu'un certain nombre d'opérateurs, France Télécom ou d'autres, ont demandé et obtenu les deux licences. Celles-ci correspondent à des caractéristiques qui sont différentes, la licence d'opérateur de services téléphoniques requiert, en règle générale, des investissements beaucoup plus faibles que celles d'opérateurs de réseaux qui a été conçue comme un élément de structuration pour l'équipement du territoire. Par ailleurs, les tarifs d'interconnexion ne sont pas les mêmes. La licence 34-1 est une spécificité française mais aujourd'hui les choses sont comprises par les opérateurs, que le dialogue régulier permet le cas échéant d'éclairer.

L'état de la concurrence en France est-il suffisamment avancé comparé avec notre voisin allemand ?

La concurrence s'est ouverte au 1er janvier dernier, et il y a eu 44 licences pour des nouveaux acteurs qui ont été signées par le ministre. Je ne veux pas comparer avec l'Allemagne parce que la typologie des opérateurs n'est pas la même, les collectivités locales par exemple peuvent être classifiées comme opérateurs, il y a donc une difficulté à comparer des choses homogènes. Je considère que la concurrence s'ouvre réellement en France, nous donnerons dans la mesure du possible des chiffres sur l'évolution du marché. Il y a déjà une réalité de la concurrence. Cette concurrence s'exprime davantage dans certaines régions, davantage sur certains marchés, en particulier celui des entreprises, et c'est l'une des raisons pour lesquelles on peut y observer une réduction des tarifs qui est assez sensible.

N'y a-t-il pas lieu d'accélérer le dégroupage des lignes ?

Il y aura une consultation. Mais avant cette consultation, il faut qu'on se soit bien compris sur ce que cela signifie. C'est un enjeu majeur, c'est un acte très fort d'engager cette concertation. Il faut que nous ayons tous compris toute la réalité des enjeux. Je constate bien que certains veulent aller plus vite mais il y a des réalités techniques et juridiques qu'il faut maîtriser.

Concernant l'accès à Internet via le câble parisien, que faut-il faire pour débrouiller l'imbroglio entre France Télécom et Suez-Lyonnaise ? Un décret de loi pour faciliter la vente du réseau de France Télécom ?

Il y a un problème industriel et économique qui est celui de la dualité de l'opérateur commercial et de l'opérateur industriel qui concerne le câble, ceci ne relève pas de la loi, ni du décret, ni d'aucun textes. Ce problème relève d'une négociation entre des partenaires qui sont des acteurs du monde économiques qui sont dans une situation compliquée et par là-même auraient intérêt à la simplifier.

France Télécom, par la voix du directeur de la branche développement, Jean-Jacques Damlanian, fait savoir que c'est à leurs yeux un problème politique.

Je n'ai pas à commenter ce propos de France Télécom. Je constate que la réalité industrielle entre ces deux partenaires qui partagent un projet rend difficile la recherche d'un terrain d'entente. Quand les difficultés deviennent trop nombreuses, il faut trouver un autre système, se mettre autour d'une table et parler. Ce n'est pas un problème politique. Ce qui est nouveau effectivement, c'est qu'il y a 3 ans, ce problème ne se posait pas parce que les deux acteurs n'étaient pas en concurrence sur les mêmes services.

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