Prise de parole - Interview

Interview de Jean-Michel HUBERT pour Réseaux et Télécoms / 8 septembre 2000

 

Eric DOMAGE : Comment analysez-vous le nouveau paysage des licences UMTS en Europe ?

Jean-Michel Hubert : Au moment où le paysage se dessine encore plus finement, je constate que le calendrier d'attribution des licences initié par une volonté politique européenne a été respecté. La 3ème génération se développera simultanément en Europe, la France ne sera pas en retard et inscrit pleinement son action dans cet objectif. Chacun y a été à sa manière. Je remarque cependant une caractéristique commune aux différents marchés nationaux : partant du GSM, on a vu, notamment dans les candidatures BLR, l'amorce de groupes développant des stratégies pan-européennes sous forme de partenariat industriel et financier. La 3ème génération confirmera cette tendance à de tels rapprochements. L'ampleur des moyens nécessaires, tant sur le plan des licences que du développement de ces nouveaux réseaux, justifie sans doute ces regroupements. Je pense que ce mouvement n'est pas terminé.

ED: pensez-vous pas que la France ait raté une occasion de mieux valoriser son potentiel ?

Jean-Michel Hubert : La France a retenu, sur proposition de l'ART, une procédure de soumission comparative pour l'attribution des licences. Cette procédure est fondée sur la recherche des conditions les plus favorables au développement du marché, pour les opérateurs mais aussi pour les consommateurs, car elle seule permet d’obtenir par ailleurs des engagements sérieux de couverture du territoire. A l'examen de la situation en Europe, il se confirme que nous avons eu raison de travailler en ce sens et que notre pays a choisi un dispositif globalement favorable à la croissance économique et à la société de l’information.

ED: ne craignez-vous pas que les licences UMTS françaises, du fait de leur relatif bas prix, soient "volatiles" et attisent certaines convoitises une fois attribuées ?

Jean-Michel Hubert : Il n'y a pas de "second marché" des licences mobiles en France. Les opérateurs devront respecter les engagements pris, qui seront inscrits dans leur cahier des charges.

ED: Quatre licences UMTS seront disponibles en France, sera-t-il possible de jouer à la fois le jeu de la transparence absolue dans la répartition et la prise en compte des intérêts des opérateurs GSM déjà en place ?

Jean-Michel Hubert : la question n'est pas de savoir si l'un d'entre eux sera évincé. La transparence absolue est un objectif essentiel. Cette transparence s'est concrétisée sur la BLR. J'ai eu l'occasion de dire qu'il me paraissait souhaitable que les opérateurs en place aient la possibilité de concourir. J'ai aussi dit qu'il n'y avait pas de résultat préétabli et, je le répète, il n'y a pas de situation acquise. Il s’agit bien d’un concours et non pas d’un examen.

ED : vous sembliez pessimiste sur la réelle portée des innovations apportées par l'UMTS en terme de services. Dans quel état d'esprit êtes-vous ?

Jean-Michel Hubert : il y a deux éléments qui ne sont pas un paradoxe: il existe une confiance partagée dans l'avenir de ce marché. D'un autre côté, à la date d'aujourd'hui, il y a encore une grande incertitude sur la réalité des services offerts. Ce n'est pas anormal. Les opérateurs vont travailler sur les contenus et les services en tenant compte du coût des licences, ils seront dynamisés par les opérateurs de service. En ce qui concerne le prix de ces services, les opérateurs sont confrontés à des investissements importants. Ce sera un élément crucial dans les choix et les engagements qu’ils conduiront dans leurs plans d’affaires.

ED: Pensez-vous que le W-CDMA soit une technologie suffisante pour tenir le flambeau de la 3G ?

Jean-Michel Hubert : A l'image du GSM, la nécessité d'une norme aussi homogène est une condition de succès de la 3G. Aujourd'hui, le W-CDMA est, au sein de l' UTRA, la norme la plus avancée. Elle représente la meilleure solution réalisable. Mais des travaux se poursuivent et peuvent encore conduire à des évolutions.

ED: Hormis l'UMTS, quels sont les grands chantiers de régulation en prévision pour ce trimestre ?

Jean-Michel Hubert : Vous avez pu suivre les 5 axes de travail de l'ART pour l'an 2000: BLR, UMTS, Dégroupage, Mise en place des outils de suivi des marchés et accompagnement du processus de "Review" européen. Dans l'immédiat, nous allons nous pencher sur le catalogue d'interconnexion avec la forte volonté de nous prononcer dans les prochaines semaines, en tout cas plus tôt que les années précédentes. Nous établirons aussi les coûts du service universel, nous nous pencherons une fois de plus sur les tarifs des mobiles, nous nous occuperons très sérieusement de la portabilité et pour finir, nous devons ouvrir la concurrence du marché GSM dans les 4 départements d'outre-mer où un seul opérateur est en place.

ED: Vous avez effectué un voyage d'étude aux US au mois de mars au sujet du dégroupage. Quelles sont vos conclusions ?

Jean-Michel Hubert: j'ai pu constater que la mise en œuvre du dégroupage nécessite que le dispositif législatif soit clair et les modalités opérationnelles les plus précises possibles. Vous connaissez l'expression " le diable est dans le détail", je crois qu'elle s'applique bien à la situation que nous avons rencontrée. Cela justifie l'importance que nous avons donné en France au groupe de travail que nous avons créé à l'ART avec les opérateurs. Il fonctionne sur le postulat que le dégroupage se fera. Nous examinons des questions très concrètes, mais qui peuvent être source de blocage si elles ne sont pas traitées dès maintenant. Ce groupe fonctionne bien et globalement au rythme que nous avons souhaité. Il reste encore bien des problèmes à résoudre, mais je constate l'adhésion de l'ensemble des acteurs au processus, y compris France Télécom.

Propos recueillis par Eric DOMAGE