Prise de parole - Interview

Interview de Jean-Michel Hubert à Radiocom & Télécoms Magazine (numéro de juillet 2000)

     

  • A propos de l'UMTS
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Radiocom Mag : Le feuilleton de l'UMTS est enfin terminé, quel commentaire général pouvez-vous faire, tant sur la forme que sur le prix, en ce qui concerne l'appel à candidatures ?

Jean-Michel Hubert : Plus qu'un feuilleton, l'UMTS est sans aucun doute l'un des enjeux majeurs des prochaines années. Nous en vivons actuellement une étape particulièrement importante. D'autres suivront, notamment lorsque les candidats retenus ouvriront leurs premiers services. Sur la forme, la procédure de soumission comparative était, vous le savez, la proposition de l'Autorité ; et c'est celle qui a été retenue. Quant au prix, le Gouvernement l'a fixé. Cela relève de sa responsabilité et je n'ai pas de commentaires à y apporter.

RM : Pourquoi les candidats en Angleterre n'ont-ils pas fait de commentaires alors qu'en France l'un des trois candidats et titulaire d'une licence GSM a parlé de "racket" ?

JMH : Tout simplement parce qu'il serait paradoxal, dans une procédure d'enchères, de trouver le prix trop élevé lorsque la décision d'intervenir ne dépend que du candidat enchérisseur. S'il trouve le prix excessif, il lui suffit de se retirer, c'est ce qu'ont fait certains candidats en Angleterre. D'ailleurs, les enchères qui vont démarrer aux Pays-Bas en juillet et quelques jours plus tard en Allemagne seront intéressantes à suivre. Plus particulièrement, dans ce dernier cas, le déroulement de la procédure elle-même déterminera le nombre des candidats retenus et il n'est pas sûr qu'il y ait six licences dans ce pays, comme certains de vos confrères l'ont déjà annoncé.

RM : Comment le montant sera-t-il réglé pour les candidats français qui seront retenus ?

JMH :Le ministre de l'économie et des finances, Monsieur Laurent Fabius, l'a clairement précisé : 50 % des 32,5 milliards demandés à chacun des quatre opérateurs, soit 16,25 milliards, devront être acquittés au cours des deux premières années ; la durée des licences étant de 15 ans, le solde sera versé en "annuités" égales sur la durée restante, soit 1,25 milliard environ par an pour chacune des 13 années correspondantes.

RM : On murmure que certains candidats qui trouvent le prix excessif (ils avaient espéré environ 15 milliards de francs) vous auraient demandé des aménagements spécifiques sur les conditions techniques de la licence. Est-ce exact ?

JMH : On ne peut pas imaginer que les conditions techniques initialement retenues soient fondamentalement modifiées. Les conditions de déploiement, les services, la couverture, l'emploi, etc. constituent l'élément majeur des candidatures. Et c'est bien sur ces bases que la soumission comparative aura lieu. Il y a donc nécessité d'une vraie compétition sur ces paramètres pour lesquels les propositions des candidats seront reprises en termes d'obligations dans les licences attribuées

RM : Selon vous, combien de candidats potentiels vont se manifester ?

JMH : Objectivement on peut miser sur 7 à 10 candidats dont plusieurs se sont déjà fait connaître ou se sont dit intéressés. Les 3 opérateurs actuels, Suez Lyonnaise, Deutsche Telekom, Telecom Italia, le Canadien TIW. Pourquoi pas également NTT Docomo ou d'autres candidats qui ne se sont pas encore déclarés ?

Vous en connaissez d'autres ?

RM : Pas vraiment, pour le moment en tout cas. Venons en au processus lui-même. Le calendrier a pris un peu de retard par rapport aux dates préconisées par Bruxelles. Comment se présentent les prochaines étapes du processus de licence ?

JMH : Les propositions que nous avons faites au Gouvernement nécessitent désormais une adaptation, sur l'aspect financier et sur le calendrier. Le Gouvernement doit par ailleurs mettre en forme les dispositions financières annoncées. Notre volonté commune est que ces différents éléments soient prêts le plus rapidement possible.

Ensuite, mon objectif est de disposer pour la fin de l'année au plus tard des offres finalisées des candidats, ce qui, avec un délai d'instruction par l'Autorité de 4 à 5 mois, nous amène un peu avant l'été 2001. Il faudra ensuite 8 à 9 mois pour déployer les premiers éléments de réseaux. Vous voyez donc que le calendrier établi à Bruxelles sera globalement tenu.

Pour la suite, des incertitudes demeurent sur les caractéristiques des produits et services qui seront offerts. Plusieurs acteurs vont devoir participer à la préparation de l'ouverture des réseaux  : opérateurs bien sûr, industriels fabriquant les terminaux et les réseaux techniques eux-mêmes, etc. Il va falloir établir des offres répondant à la demande des utilisateurs et je souhaite que tout soit prêt au premier semestre 2002. Vous le voyez, tous les éléments du puzzle se mettent en place.

RM : Les licences GSM ont été attribuées pour 15 ans, peut-on imaginer que l'UMTS n'étant pas prêt partout, il soit nécessaire de prolonger ces licences ?

JMH : Les licences de France Télécom et de Cegetel courent jusqu'en 2006 et celle de Bouygues jusqu'en 2009. Lorsque arriveront ces échéances, les fréquences UMTS seront disponibles sur l'ensemble du territoire, ce qui ne garantit pas pour autant que les opérateurs UMTS auront achevé leur déploiement.

Je précise que le renouvellement des licences GSM et la couverture UMTS sont deux questions distinctes ; la première dépend d'abord de la stratégie des opérateurs mobiles et de leur capacité à obtenir une licence de troisième génération. Il est clair qu'un opérateur GSM qui se verrait délivrer une licence UMTS sera vraisemblablement conduit à s'interroger sur l'opportunité de prolonger sa licence GSM, surtout si, comme cela est prévu au niveau international, les fréquences GSM sont utilisées à terme pour fournir des services de troisième génération.

RM : Cela veut-il dire qu'ils ne sont pas assurés d'une licence UMTS ?

JMH : Ils sont tous les trois sur la ligne de départ. Le fait qu'ils soient tous à l'arrivée ne dépend que de la qualité de leurs dossiers.

RM : Le mode de financement est-il un élément qui sera important dans la décision de l'ART ?

JMH : Évidemment, on ne peut pas retenir une candidature qui ne pourrait être financièrement menée à terme dans des conditions satisfaisantes et réalistes. C’est effectivement un élément qui entrera en ligne de compte au moment de la décision à travers la crédibilité globale du projet.

RM : Pour conclure avec ce gros dossier de l'UMTS et les prochaines désignations des opérateurs BLR, l'été sera chaud à l'ART !

JMH : Je ne sais pas s'il sera chaud. En tout cas, il sera pour le moins laborieux ; je peux vous assurer que, sur ces deux dossiers en particulier, les équipes de l'ART ainsi que tous les membres du collège ont accompli ces derniers mois un travail considérable.

Propos recueillis par Georges Rouilleaux.