Prise de parole - Discours

« L'Arcep met en place un cadre de régulation sans doute le plus ambitieux en Europe pour la fermeture du réseau cuivre avec comme boussole l'intérêt des utilisateurs et une concurrence effective et loyale »

Intervention de Laure de La Raudière, présidente de l’Arcep lors de la cérémonie des vœux de la Fédération Française des Télécoms (FFT)

Monsieur le ministre, cher Jean-Noël,

Monsieur le président de la Fédération Française des Télécoms, cher Nicolas,

Mesdames et Messieurs les parlementaires,

Mesdames et Messieurs les élus,

Mesdames et Messieurs,

Merci à Nicolas Guérin et à la FFT pour leur invitation ce soir et je me réjouis de vous retrouver tous ce soir.

L’année 2023 fut une année particulièrement dense pour vous tous, Nicolas Guérin l’a rappelé, avec son lot de surprises. Et ce fut aussi une année très dense pour l’Arcep, l’année de la finalisation de la nouvelle analyse du marché des accès haut et très haut débit en France, travaux au cœur de l’activité du régulateur depuis l’ouverture à la concurrence du marché des télécommunications en 1997.

Elle est l'aboutissement d'un cycle de travail d’un an et demi, et je tiens ce soir, à remercier tout particulièrement l’ensemble des acteurs ayant contribué aux différentes phases de leur élaboration, notamment lors des consultations publiques.

Le monde a changé depuis 2020, celui du marché de l’accès haut débit et très haut débit aussi :

  • 84% des locaux sont désormais rendus raccordables à la fibre, grâce à vous tous, ainsi qu’à l’implication des collectivités et de l’Etat – et je salue l’investissement considérable réalisé par tous. Nous pouvons nous en réjouir collectivement ;
  • près de deux abonnés sur trois à internet haut débit ou très haut débit sont des abonnés fibre. Cela est une conséquence du déploiement de la fibre bien sûr, mais aussi à votre dynamisme commercial et à l’appétence des Français ;
  • et enfin, Orange a présenté son plan de fermeture du réseau cuivre, avec une fermeture commerciale nationale à début 2026 et la fermeture technique s’étalant progressivement jusqu’en 2030. C’est un projet majeur qui touche le secteur, mais les Français aussi.

L’Arcep a tenu compte de ce contexte dans son analyse de marché sur la période 2024-2028 et met en place un cadre de régulation, sans doute le plus ambitieux en Europe, pour encadrer la fermeture du réseau cuivre, avec comme boussole, l’intérêt des utilisateurs et la préservation d’un jeu concurrentiel effectif et loyal.

L’Arcep impose ainsi la complétude de la couverture fibre préalablement à la fermeture commerciale et des délais de prévenance suffisants afin que tous les opérateurs le souhaitant puissent installer leurs équipements et offrir leurs services. Nous avons aussi renforcé les obligations de partage d’informations d’Orange aux autres opérateurs et aussi aux collectivités, concernant la fermeture du réseau cuivre. Ceci a vocation à permettre une équité concurrentielle d’accès à l’information, et aussi un meilleur accompagnement des utilisateurs du réseau cuivre. Et comme certains utilisateurs resteront encore dépendants du cuivre pendant quelques années, Orange devra assurer un niveau de qualité de service satisfaisant sur le réseau cuivre.

Parallèlement, des nouvelles dispositions sont prises pour s’assurer d’un accès effectif aux infrastructures de génie civil. C’était une forte demande de l’ensemble des opérateurs, afin de faciliter les déploiements de la fibre. Et nous poursuivons notre ambition d’amplifier la dynamique concurrentielle sur le marché à destination des entreprises.

C’est aussi dans ce contexte que l’Autorité fait évoluer les remèdes tarifaires imposés à Orange, là où cela se justifie, là où les réseaux fibre sont déployés à 95% avec des tarifs d’accès soumis à une obligation de non-excessivité, et avec une levée des obligations tarifaires pesant sur Orange deux ans avant la fermeture technique effective du réseau cuivre et sous réserve que la fermeture commerciale soit effectuée depuis plus de six mois.

Nous resterons bien évidemment vigilants sur les conditions concurrentielles et la visibilité offerte aux opérateurs quant à l’évolution des tarifs d’accès au réseau cuivre ; et le cas échéant, en particulier, si l’on constate, dans les zones de non-excessivité, un retard dans la fermeture du réseau cuivre, l’Autorité pourra réévaluer en cours de cycle les critères conduisant à l’allègement du remède tarifaire, voire adapter ce remède.

Nous serons aussi vigilants sur l’exigence du fibrage complet de la zone faisant l’objet de la fermeture. Nous examinerons avec attention les cas d’exception : les refus tiers, les gels commerciaux… Ce ne peut être que des cas bien documentés et justifiés. La règle, c’est le fibrage complet, et nous n’hésiterons pas à reporter la fermeture sur des communes si les critères ne sont pas respectés.

En outre, nous avons vu que les « IPE » étaient parfois incomplets, ou non à jour, ou encore que les cas de refus n’y étaient pas bien classifiés. La fiabilité et l’exhaustivité des données sont clé pour la réussite de cette bascule, et il convient que tout le secteur se mobilise. Orange bien sûr, pilote du plan, mais aussi les opérateurs d’infrastructure et les opérateurs commerciaux, ainsi que leurs sous-traitants.

Si les critères posés dans l’analyse de marché ne sont pas remplis, l’Arcep n’hésitera pas à demander des reports.

La réussite de la bascule du réseau cuivre sur les réseaux fibre est aussi conditionnée à la qualité de ces réseaux. Je ne reviendrai pas longuement sur ce sujet, je me suis souvent exprimée dessus, et vous savez combien c’est une priorité pour l’Arcep.

Mon sentiment est que nous sommes un peu au milieu du gué, et qu’il faut poursuivre l’engagement de tous, opérateurs commerciaux et opérateurs d'infrastructure, sur cet enjeu. Je sais de mes échanges réguliers avec les opérateurs, que certaines actions sont bien avancées, que d’autres mettent plus de temps à se décliner et que le degré d’avancement peut être différent chez tous les opérateurs.

L’Arcep effectue aussi le suivi de la mise en œuvre des plans de reprise des réseaux les plus accidentogènes par les opérateurs concernés. Sans rentrer dans le détail, les améliorations sont pour l’instant très variables et les collectivités concernées deviennent très impatientes à juste titre. Peut-être faut-il renforcer certains processus de reprise ? Nous aurons l’occasion d’en reparler.

Enfin, l’Arcep a l’impression que la qualité de la maintenance opérationnelle, au fil de l’eau, des réseaux est très variable d’un opérateur d’infrastructure à l’autre. Je me permets donc d’attirer votre attention sur ceci : au-delà des plans de reprise des zones particulièrement accidentogènes, l’opérateur d’infrastructure doit assurer l’entretien courant des réseaux, passer régulièrement sur chaque point de mutualisation pour éviter qu’ils ne se dégradent au fil des interventions. Je crains que si ce n’est pas fait avec rigueur par tous les opérateurs d’infrastructure, certains réseaux récents d’assez bonne qualité aujourd’hui ne deviennent accidentogènes demain, faute d’un défaut de maintenance régulière…

C’est pourquoi je me permets à nouveau d’insister sur l’importance de ce chantier de la qualité. J’attends désormais de constater les améliorations dans les résultats des indicateurs, et l’Arcep n’hésitera pas à lancer d’autres actions, éventuellement d’une autre nature, si les résultats ne sont pas au rendez-vous.

Évoquons maintenant le mobile.

Alors qu’il y a cinq ans, la couverture mobile et l’accès à la 4G étaient une préoccupation majeure des élus ruraux, j’ai plaisir, comme vous, de constater le succès du programme New Deal mobile. Une vraie innovation de politique publique, une vraie réussite !

En juillet dernier, avec le ministre, Jean-Noël Barrot, nous avons eu l’honneur de répondre à l’invitation de la FFT pour l’inauguration de la 2500ème antenne à Dampierre. Nous sommes donc maintenant à mi-chemin de l’obligation du dispositif de couverture ciblée, et les obligations de couverture de la population en « bonne couverture » vont se poursuivre jusqu’en 2028 à 2031 selon les opérateurs. Le déploiement des sites mobiles va ainsi se poursuivre au bénéfice de territoires les moins denses.

Enfin, je souhaiterais conclure en évoquant ici nos travaux sur l’empreinte environnementale du numérique. Le numérique occupe désormais une place prépondérante dans notre société, et dans notre économie, les terminaux connectés se multiplient, les usages numériques croissent de façon importante, tout comme leur empreinte environnementale. Nous sommes tous concernés, nous, en tant que citoyens bien sûr, mais nous aussi en tant que « secteur des télécommunications ». Je sais que de nombreuses initiatives sont en cours à ce sujet, et que vous participez activement à la feuille de route « décarbonation du numérique » présentée au Haut Comité pour un Numérique Écoresponsable. Je vous en félicite.

De son côté, l’Arcep a finalisé cette année, une étude prospective commune avec l’ADEME. Les conclusions sont implacables : si rien n’est fait, l’empreinte carbone du numérique sera multipliée par 3 d’ici 2050 et sa consommation d’énergie égale déjà à 10% de la consommation d’électricité en France, sera multipliée par 2. Cette étude identifie aussi des leviers d’actions pour alimenter la feuille de route « décarbonation du numérique ».

Nous avons par ailleurs publié la seconde édition de notre enquête annuelle « Pour un numérique soutenable ». Je tiens à remercier les opérateurs pour leur coopération extrêmement constructive. La prochaine publication de l’enquête annuelle est prévue pour début 2024 et couvrira aussi les fabricants de terminaux et les opérateurs de centres de données. Celle de 2025 sera complétée par les données collectées auprès des équipementiers mobiles. Nous élargissons année après année notre collecte, afin de disposer des éléments nous permettant de monitorer l’évolution de l’empreinte environnemental du secteur dans le temps.

Sur cet enjeu, tous les acteurs de la chaîne de valeur numérique doivent être impliqués et tous les impacts environnementaux majeurs doivent être pris en compte. L’ensemble des briques du numérique sont interdépendantes, par exemple le développement d’applications dans le métavers va introduire de nouveaux équipements, et sans doute de nouveaux investissements et déploiements dans les réseaux. Je soutiens donc la nécessaire responsabilisation des grandes plateformes sur ces enjeux. Chaque brique doit prendre sa part dans la réduction de sa propre empreinte environnementale. Dans ses travaux actuels, l’Arcep se positionne comme expert neutre au service du débat public et au service de l’action politique sur cet enjeu.

La FFT est un partenaire important de l’Arcep, et je sais pouvoir compter sur vous sur tous ces chantiers passionnants.

Je sais pouvoir compter sur nos échanges exigeants et constructifs dans l’intérêt du secteur bien sûr, et dans l’intérêt des utilisateurs. C’est d’ailleurs bien notre rôle au sein de l’Arcep de concilier l’intérêt général avec des intérêts plus particuliers.

Je vous souhaite de très belles fêtes de fin d’année.