Prise de parole - Discours

Intervention de Paul Champsaur, Président de l'Autorité de Régulation des Communications Electroniques et des Postes, aux journées internationales de l'Idate à Montpellier, le jeudi 24 novembre 2005

Mesdames, Messieurs,

Permettez-moi, tout d’abord, de me réjouir d’être à la même table que Monsieur le Ministre ARITOMI Kan’ichiro. Nous avons eu déjà l’occasion de nous rencontrer à plusieurs reprises et de nouer des relations de travail extrêmement fructueuses et confiantes. Cela nous permet en particulier de comparer de façon approfondie les marchés japonais et français, leurs perspectives et les politiques publiques respectives. A titre d’exemple, la lettre de l’ARCEP d’octobre 2005 a présenté la position de Monsieur ARITOMI sur le réaménagement de grande ampleur du spectre radioélectrique japonais. L’ARCEP a publié sur son site web, le texte complet de Monsieur ARITOMI en anglais et en français. Vous ne serez donc pas surpris que l’ARCEP considère ce texte comme une source de réflexion. Et maintenant, le haut débit en France.

Il y a six ans, fin 99, il y avait moins de cent mille abonnés à des offres haut débit. Il y a trois ans, fin 2002, il y avait 1,7 millions d'abonnements haut débit dont environ 10 000 lignes dégroupées. A la fin de l'année, la France comptera environ 9 millions d'abonnement haut débit, dont 3 millions en dégroupage.

En quelques années, l'accès haut débit est passé d'un statut de produit de luxe à celui d'un bien de grande consommation pour les ménages et les entreprises, même de taille modeste. La première moitié de la décennie a ainsi été marquée par une croissance vigoureuse du marché, avec un quasi doublement annuel du nombre de ménages connectés.

L'usage du haut débit a également évolué. Initialement limité à l'accès à Internet, le haut débit tend aujourd'hui à englober la téléphonie, voire la diffusion audiovisuelle. Un peu plus de deux millions d'abonnés utilisent régulièrement des services de voix sur IP sur large bande, soit quatre fois plus qu'il y a un an, et un demi-million regardent la télévision diffusée sur ADSL.

La diffusion de ces services est hétérogène sur le territoire national, les zones denses très concurrentielles bénéficiant en général de service plus diversifiés et moins chers. Depuis un peu plus d'un an, la loi autorise les collectivités à intervenir pour déployer des réseaux et faire venir les opérateurs sur leur territoire. Depuis quelques trimestres, les trois quarts des nouveaux centraux équipés en haut débit par les opérateurs alternatifs sont directement liés à des initiatives publiques locales.

Par ailleurs, le haut débit est une activité à coûts fixes importants, donc à fortes économies d'échelle. Son développement pousse à la consolidation du secteur, verticale entre opérateurs et fournisseurs de services, horizontale entre opérateurs. De même, les principaux opérateurs historiques redéploient, par l'intermédiaire du dégroupage, leurs services haut débit à l'extérieur de leurs frontières nationales.

L’année 2005 est une année charnière. Le nouveau cadre réglementaire est opérationnel, un ralentissement du taux de croissance du haut débit est probable à terme, l'économie de la voix sur les réseaux fixes est en train de changer profondément, et les acteurs commencent à penser à la suite, avec la fibre et le haut débit mobile ou nomade.

Le fait marquant de 2005 est l’explosion des services de voix sur large bande qui est déjà en train de modifier le marché de la téléphonie fixe dans son ensemble. Le marché français est précurseur en cette matière. Ce marché, structuré par des opérateurs intégrés autour d’offres triple play (Internet, voix, TV) à des tarifs très attractifs, laisse peu d’espace aux fournisseurs de VOIP purs comme Skype. Cependant, la baisse prévisionnelle de revenus de la téléphonie classique est un facteur de transformation important pour le secteur dans les prochaines années. Les effets de cette évolution sur les opérateurs historiques ont été largement analysés. Les opérateurs alternatifs sont d’autant plus concernés qu’ils ne disposent pas à l'origine des revenus de l'accès et de l'abonnement. En France, les acteurs alternatifs fondent leur développement sur des accès multi services. En s'orientant vers le dégroupage total, qui décolle avec un peu plus d'un demi-million de lignes fin 2005, ils diminuent largement leur vulnérabilité aux futures évolutions du marché.

Bien évidemment, le nombre de connexions haut débit ne pourra pas continuer à doubler tous les ans même s’il est difficile d’en déterminer la limite. Le taux d'équipement des ménages en micro-ordinateurs, soit environ la moitié des ménages aujourd'hui constitue un butoir. Au-delà, la généralisation de l’accès haut débit passera donc par le développement de services et de terminaux innovants que l’ensemble de la population pourra s’approprier, comme cela a été le cas pour le téléphone mobile. A ce titre, les offres de convergence fixe/mobile me semblent être une voie prometteuse.

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Pour les entreprises, la situation est plus contrastée. La révolution numérique est encore loin d’avoir atteint ses limites. Il semble à ce stade que les offres de services avancés, par exemple en matière d'archivage, de sécurisation des données, de distribution des applications ou d'externalisation de certaines fonctions de supervision ou de maintenance des réseaux internes n’ont pas encore atteint le développement espéré. Plus de quatre vingt pourcents des entreprises ont d'ailleurs aujourd'hui une liaison moins performante, en terme de débit, que les résidentiels. L'intensification de la concurrence sur ce segment pourrait, dans les prochaines années, favoriser l'innovation et la création de valeur.

En terme géographique, la limite naturelle de la zone de concurrence effective par le dégroupage n'est pas encore connue. Plus précisément, elle serait désormais proche si les seules forces du marché étaient en jeu, mais le développement récent des projets haut débit d'initiative publique semble présager un déplacement significatif des équilibres locaux.

Fin 2006, tous les répartiteurs seront équipés par France Télécom, ce dont nous nous réjouissons. Mais entre 2 et 5% des lignes, trop longues, ne seront pas éligibles au haut débit. La résorption de cette zone blanche est un enjeu sociologiquement important. Il ne présente pas de difficultés techniques ou économiques majeures. Une première étape sera de dresser une cartographie fiable et publique des zones concernées. France Télécom dispose de l'ensemble des données nécessaires, il serait souhaitable qu’elle les rende publiques.

Les opérateurs et les collectivités devront trouver un moyen de répondre aux besoins des zones blanches. A ce stade, les technologies candidates sont multiples. Les premiers projets utilisent des solutions mêlant réseau WiFi et accès satellite. Les collectivités fondent également des espoirs importants sur la technologie WiMax. Si cette technologie semble aujourd’hui prometteuse, il convient néanmoins de demeurer prudent. Celle-ci doit encore faire ses preuves. En outre, des bandes de fréquences plus basses seraient probablement beaucoup plus adaptées pour des applications d’aménagement du territoire, mais j’y reviendrais plus loin dans mon exposé. Pour les centre bourgs ou les zones d'activités isolées, le dégroupage des sous-répartiteurs est une option sur laquelle le Comité d'Experts, établi par l'Autorité, travaille actuellement.

Il n'appartient pas au régulateur mais au marché de répondre à ces questions ouvertes. Néanmoins, l'Autorité a adopté, au courant de l'été, des analyses de marchés haut débit qui définissent les obligations auxquelles France Télécom, en tant qu'opérateur dominant, doit respecter au cours des prochaines années.

Le dispositif de régulation que nous avons adopté fait écho aux évolutions prévues. Il est centré sur la régulation de l'accès, autour de trois principes :

un, l'accès des opérateurs alternatifs à la paire de cuivre nue par l'intermédiaire du dégroupage, dans des conditions efficaces, transparentes, et non discriminatoires ; nous surveillons attentivement ces conditions, qu’il s’agisse de prix incluant les prestations annexes ou de qualité de service ;

deux, l'accès à une offre haut débit livrée au niveau départemental ou régional dans laquelle France Télécom active les accès et les vend en gros aux opérateurs alternatifs ;

enfin, la formalisation des conditions et tarifs de cession interne au groupe France Télécom, entre la branche réseau et la branche services, ainsi que l'interdiction de pratiquer des tarifs d'éviction.

Cette dernière obligation est retenue pour une période transitoire d'un an avant la mise en place de la séparation comptable de l'opérateur historique, qui prendra d'une certaine manière le relais. Je vais m'y attarder un peu, car elle me semble le corollaire indispensable à l’absence de régulation sectorielle sur le marché de détail. Cette démarche de recentrage de la régulation sectorielle sur les marchés de gros et de retrait des marchés de détail est, en effet, un principe fondateur du nouveau cadre règlementaire.

En matière de haut débit, la fourniture d'un service de détail Internet suppose la conjonction de deux activités. L'activité de fournisseurs de service de détail est traditionnellement assurée par les fournisseurs d'accès Internet comme AOL ou Wanadoo. Il s'agit d'une activité à faibles coûts fixes pour laquelle le droit de la concurrence est pleinement suffisant. Tant que le ou les principaux acteurs ne vendent pas au-dessous de leurs coûts de production, les acteurs plus petits, mais efficaces, peuvent les concurrencer et se développer.

L'activité d'opérateur de réseau est radicalement différente. Les coûts fixes représentent la majorité de coûts et les coûts variables sont faibles. Les économies d'échelles sont donc très importantes, en matière de réseaux de télécommunications, probablement plus que dans d’autres secteurs d'activité.

Un opérateur comme France Télécom, qui gère beaucoup plus d'accès ADSL que son premier concurrent, a des coûts de réseaux ramenés à l'abonné nettement inférieurs. Une tarification des offres de France Télécom strictement calée sur sa structure de coût ne pourrait donc pas être répliquée par les acteurs alternatifs.

La formalisation des cessions internes et la proscription des tarifs d'éviction, au sens du droit sectoriel des communications électroniques, compense en partie cette asymétrie. Cette formalisation permet de s'assurer que France Télécom, en tant que fournisseur de service, ne bénéficie pas plus que les autres opérateurs des économies d'échelles de France Télécom opérant en tant que gestionnaire de réseau.

Les modes de régulation des marchés du dégroupage et des offres de gros régionales devraient quant à eux permettre de faciliter l'extension géographique de la zone de concurrence et d'améliorer la qualité de service des offres haut débit.

Pour contribuer à étendre géographiquement la zone de concurrence effective du haut débit dégroupé, trois dispositifs convergents sont simultanément mis en œuvre.

Le premier, indirect, est la régulation tarifaire des offres de gros régionales. Le type de régulation tarifaire pratiqué, incitant à l'investissement et à l'innovation est appelé "make or buy" par les économistes : il ne doit pas être moins cher pour les opérateurs alternatifs d'acheter, en l’occurrence des offres régionales à France Télécom, que de faire eux-mêmes, c’est à dire déployer leurs réseaux et équiper les répartiteurs pour étendre leur zone de couverture de dégroupage.

Un deuxième dispositif résulte de l'analyse des marchés. Celle-ci a montré qu'une des raisons pour lesquelles France Télécom a pu déployer ses services plus rapidement et plus largement que les opérateurs alternatifs est sa maîtrise du réseau de fourreaux de collecte initialement posés pour la téléphonie. Dans une large proportion des cas, France Télécom a pu réutiliser ces fourreaux et y poser des fibres desservant les centraux, qu'il a dès lors pu équiper en haut débit.

Ses concurrents, devant reconstruire à neuf un réseau de collecte jusqu'aux répartiteurs, souffrent d'un désavantage compétitif évident. Il a donc été demandé à France Télécom de fournir des offres de location de fibre à ses concurrents, leurs permettant de raccorder les répartiteurs qu'ils souhaitent équiper en haut débit. Les caractéristiques de cette offre ne sont pas encore fixées, mais devraient permettre une relance significative de l'extension géographique du dégroupage.

Le troisième dispositif est celui de l'intervention des collectivités dans les réseaux de fibres de collecte, mis ensuite à la disposition de l'ensemble des opérateurs. Compte tenu des subventions publiques investies, les tarifs pratiqués par les délégataires des collectivités sont alors relativement bas, ce qui permet une extension géographique maximale des opérateurs. Nous avons mis en place au printemps dernier un groupe de travail permanent, le Comité des réseaux d'Initiative Publique, qui fonctionne comme un lieu de rencontre entre les collectivités, l'Arcep, et les opérateurs marchands. Pour l'instant, les échanges ont lieu au niveau technique, et nous sommes encore en phase d'acculturation réciproque des acteurs publics et privés. Les travaux avancent rapidement sur les offres de gros proposées par les délégataires et sur l'aménagement numérique des zones d'activités. Je souhaite que le Collège de l'Arcep puisse provoquer début 2006 sur ces deux sujets une réunion du groupe plénier avec les élus qui le souhaitent, afin de débattre au niveau stratégique et politique des conclusions des travaux en cours.

Et la suite ?

Depuis quelques mois, le monde des réseaux fixes de communications électroniques parle beaucoup de très haut débit et de fibre jusqu'à l'abonné. Certains ont évoqué l'idée d'un retard de l'Europe en la matière par rapport aux Etats-Unis ou à des pays asiatiques plus avancés (Japon, Corée), où les opérateurs déploient actuellement des boucles locales optiques.

Il est certain que les réseaux de fibre continueront à se rapprocher des abonnés finaux et qu’à terme le cuivre ne sera plus utilisé que sur quelques dizaines ou centaines de mètres, contre quelques kilomètres aujourd'hui. La réduction de la longueur de la boucle locale cuivre permet en effet d'y écouler des débits plus importants.

La question posée est celle du rythme d'évolution au regard de la demande et des évolutions des technologies alternatives.

Les exemples des pays les plus dynamiques en matière de fibre ne sont pas aisément transposables. Au Japon, par exemple, l'opérateur historique a, dans les années 90, massivement déployé de la fibre dans les réseaux de collecte, dont le dégroupage est imposé rigoureusement par le régulateur. Le raccordement en fibre du client sur le dernier kilomètre est souvent effectué, y compris en ville, de manière aérienne sur des pylônes, partagés entre différents opérateurs télécoms et non-télécom. Cette technique de pose réduit la vulnérabilité aux tremblements de terre, et diminue drastiquement les coûts. La situation exceptionnelle du japon résultant de la combinaison d’un marché très dynamique de l’ADSL, comparable au marché français, et de la disponibilité d’un " actif échoué " constitué par un réseau de fibre sous-utilisé, n’est pas forcément transposable en EUROPE.

Aux Etats-Unis, les opérateurs téléphoniques historiques semblent avoir négocié un allègement important de la régulation, en échange d'un plan d'investissement de plusieurs milliards de dollars dans le fibrage de la boucle locale. Là encore, le contexte est très spécifique. Le réseau cuivre des BOC est de qualité médiocre, ce qui se traduit par des offres ADSL peu attractives comparées au marché français. Les opérateurs téléphoniques ne dominent plus le segment du haut débit, où les câblo-opérateurs détiennent plus de la moitié des abonnés. Le plan d'investissement des opérateurs historiques semble dès lors leur seule chance de rester, à moyen terme, sur le marché.

En France, le sujet est plus simple à aborder une fois le marché segmenté entre clientèle résidentielle et professionnelle. Pour les entreprises, et notamment les entreprises de plusieurs dizaines de salariés, l'intérêt d'un raccordement en fibre est d'ores et déjà évident. France Télécom a engagé il y a un an un plan de grande ampleur visant à équiper les principales zones d'activité en fibre optique. Nous nous félicitons de ce programme d’investissement.

Comparativement, l'investissement des opérateurs alternatifs dans les réseaux d'accès optique pour les entreprises parait aujourd'hui faible. Un certain nombre de collectivités envisagent d'ailleurs de palier localement à la déficience du marché, en installant elles-mêmes des réseaux de fibre neutres et ouverts à tous les opérateurs dans leurs zones d'activité. Nous suivons ce type d'initiative avec beaucoup d'intérêt d’autant qu’elles peuvent permettre l’émergence d’opérateurs innovants pour les PME.

Un scénario de développement de fibre dont les modalités conduiraient, de droit ou de fait, à une re-monopolisation du marché du haut débit professionnel ne serait pas conforme aux objectifs fondamentaux de la régulation. A moyen terme, tant les entreprises individuellement que la compétitivité de la France dans son ensemble en paieraient le prix.

Pour la clientèle résidentielle, le marché semble nettement moins mûr. La boucle locale cuivre est en France d'une qualité exceptionnelle, et permet des offres de qualité en triple play à un prix de marché bas. Son raccourcissement et le déploiement de la fibre jusqu'aux abonnés permettraient certes d'envoyer en plus plusieurs canaux vidéo en haute définition, ce qui n'est pas possible aujourd'hui. Cependant, Il ne semble pas que l'investissement nécessaire pour déployer des réseaux fibre desservant chaque logement, se montant à plusieurs dizaines de milliards d'euros puissent être rentabilisé à l'aide de la seule disposition incrémentale à payer des ménages pour la diffusion audio-visuelle ou la vidéo à la demande.

Un déploiement graduel de la fibre vers l’abonné ou une desserte en tâches de léopard paraît dès lors économiquement plus probable : seuls les plus grands ensembles immobiliers, pour lesquels les coûts unitaires d'équipement sont moindres, seraient à terme desservis en fibre, les plus petits immeubles restant raccordés en cuivre. Le déploiement graduel de fibre au sous-répartireur, couplé à l’utilisation des technologies VDSL2, permettrait de minimiser les risques d’investissement tout en améliorant largement la qualité des offres ADSL actuelles.

L’essor des nouveaux usages du haut débit mobile constitue l’autre fait majeur de cette année.

C’est ainsi qu’en septembre 2005 les services 3G comptent dans le monde 50 millions de clients, dont 33 millions de clients en UMTS, selon l’UMTS Forum. En France, un an après le lancement de la 3G, les résultats sont très encourageants : SFR compte ainsi 515 000 clients à son offre 3G fin octobre et Orange autour de 577 000 à son offre de multimédia mobile (Edge et 3G) à la mi-novembre.

Le développement de la 3G est complété par les offres fondées sur la technologie Edge : en France, celle-ci est utilisée comme support de son offre de haut débit mobile par Bouygues Telecom et comme complément à leur couverture 3G par ses deux concurrents. Cela doit toutefois être consolidé par la poursuite des efforts de déploiement des réseaux 3G - d’ores et déjà, autour de 58% la population française sera couverte par Orange et SFR fin 2005 – et par l’introduction prochaine de fonctionnalités de type HSDPA, qui permettront la fourniture au consommateur de débits encore plus élevés.

Mais c’est l’attractivité ressentie par le consommateur des offres de services qui fera le succès du haut débit mobile. A cet égard, les progrès faits en un an sont considérables. Les offres proposent désormais de nombreux usages innovants, avec des terminaux plus fiables et plus performants. Il s’agit de services multimédias tels que les services de téléchargement à la demande de courtes vidéos ou de morceaux de musique, ou encore la fourniture de bouquets de chaînes de télévision. Mais il s’agit également d’offres d’abondance en matière de communication interpersonnelle, introduisant des formes d’illimité dans le domaine de la voix comme dans celui de l’échange de messages.

Les premiers signes de développement du marché suggèrent que la demande est effectivement au rendez-vous de l’offre du haut débit mobile. Au point que celui-ci commence d’ores et déjà à être considéré comme un média à part entière, dont l’écosystème va se mettre en place. Les acteurs du contenu ont bien compris le potentiel de ce média personnel, en tant que canal de diffusion et de diversification de leurs offres : de multiples partenariats sont conclus avec les opérateurs de télécommunications pour l’introduction de nouvelles offres, de nature à développer encore l’appétence du consommateur pour ces nouveaux usages.

C’est ainsi que semble aujourd’hui s’amorcer un cercle vertueux sur le haut débit mobile, qui crée une dynamique plus générale de croissance des nouveaux usages sans fil, dans un contexte de convergence entre secteur des contenus et secteur des réseaux.

Ces nouveaux usages stimulent en effet l’innovation technologique dans les systèmes à haut débit sans fil, qu’ils soient fixes, mobiles ou nomades. Car ils pourront être satisfaits par la mise œuvre, non pas d’une technique unique, mais d’un éventail de techniques complémentaires.

En témoigne le foisonnement actuel de nouveaux systèmes sans fil, au sein duquel, en complément de l’UMTS et de ses évolutions, je citerai à titre d’exemples le Wimax, le DVB-H, et les nouveaux systèmes mobiles de type TDD. Il ne fait aucun doute que d’autres innovations encore apparaîtront dans les prochains mois et années.

Cette puissante dynamique de croissance des nouveaux usages à haut débit sans fil ne pourra se maintenir et se développer que si sont identifiées et mises à disposition les ressources en fréquences nécessaires.

Ces ressources en fréquences devront être adaptées à la mise en œuvre d’une couverture complète, exigence placée au premier rang par le consommateur. C’est-à-dire une couverture non seulement en zones denses, mais sur l’ensemble du territoire, non seulement à l’extérieur, mais à l’intérieur des bâtiments.

A cet égard, la libération de fréquences qui sera permise par le passage de la diffusion de la télévision de l’analogique au numérique représente une opportunité exceptionnelle.

En effet, cette modernisation du service de télévision hertzienne va augmenter considérablement l’efficacité de l’utilisation des fréquences. Car la diffusion numérique est de l’ordre de six fois plus efficace que la diffusion analogique. Cette évolution technique permettra ainsi non seulement l’offre de plus de chaînes avec moins de fréquences, mais également la libération pour d’autres usages d’une quantité de fréquences potentiellement cruciale: c’est ce qu’on appelle le " dividende numérique.

La libération de ce " dividende numérique " constitue une opportunité d’autant plus importante que les bandes concernées se situent en dessous de 870 MHz, c’est-à-dire dans la partie la plus intéressante de l’ensemble du spectre hertzien. Les fréquences en dessous de 870 MHz présentent en effet des caractéristiques physiques de propagation radioélectrique particulièrement attractives, qui permettent à la fois une longue portée et une bonne pénétration dans les bâtiments.

Ces fréquences sont utilisées par la télévision analogique selon un plan de fréquences établi il y a environ 50 ans, alors qu’il y avait peu d’usages alternatifs de ces ressources. Les nouveaux usages de radiocommunications apparus depuis lors ont dû être introduits dans d’autres bandes de fréquences, sans cesse plus élevées, et donc de moins en moins adaptées à la réalisation d’une couverture étendue du territoire ou d’une couverture en intérieur profond. C’est ainsi par exemple que la deuxième génération des mobiles a d’abord été introduite dans la bande 900 MHz, puis dans la bande 1800 MHz, et que la troisième génération est déployée aujourd’hui dans la bande à 2 GHz et qu’une bande d’extension est envisagée dans la bande 2,7 GHz. L’impossibilité d’accès aux bandes basses et l’évolution vers des bandes de plus en plus hautes sont assurément des obstacles au développement économique de nouveaux systèmes d’accès sans fil à haut débit avec une couverture étendue.

C’est pourquoi il est important que l’Europe saisisse cette opportunité exceptionnelle et que des travaux soient engagés en vue de l’identification, si possible harmonisée, de tout ou partie du " dividende numérique " pour les nouveaux usages à haut débit sans fil, à l’horizon de l’extinction de la télévision analogique.

Une identification précoce et suffisamment harmonisée de ces fréquences, constituerait un signal très fort à destination de l’industrie européenne et française afin que celle-ci engage les efforts de R&D nécessaires à la préparation de la nouvelle génération d’accès radioélectriques à très haut débit. Faute de quoi, notre industrie laissera le champ libre à d’autres acteurs.

Dans l’immédiat, à l’instar de ce que recommande la Commission européenne dans sa communication au Parlement et au Conseil européen en date du 29 septembre dernier, il est indispensable que les accords issus de la prochaine Conférence Régionale des Radiocommunications, qui se tiendra au printemps 2006 pour le planification de la télévision numérique, soient suffisamment flexibles pour ne pas compromettre la possibilité future d’un dividende numérique effectivement exploitable.

Ainsi cette opportunité représente un enjeu économique et sociétal structurant pour les années à venir, dans un contexte de convergence entre le monde des contenus et le monde des réseaux, et il appartient aux autorités politiques de s’en saisir dès aujourd’hui.

En conclusion, en gardant en tête les particularités françaises et européennes, je vous invite par avance à méditer l’éclairage que Monsieur ARITOMI peut apporter à notre continent.

Je vous remercie de votre attention.