Prise de parole - Discours

Intervention de Jean-Ludovic Silicani,  président de l’ARCEP, prononcée lors des vœux de l’Autorité, le 18 janvier 2012 à la Sorbonne

Monsieur le recteur,

Monsieur le ministre,

Mesdames et Messieurs les parlementaires et élus locaux,

Monsieur le vice-président du Conseil d’Etat, Madame la présidente de la section des travaux publics du Conseil d’Etat,

Madame et Messieurs les présidents de la CNIL, du CSA, de l’Autorité de la concurrence et de l’ARAF,

Mesdames et Messieurs les présidents et directeurs,

Mesdames, Messieurs,

Chers amis,

Nous sommes réunis aujourd’hui d’abord pour fêter le 15ème anniversaire de l’Autorité. On se souvient que François Fillon a été le ministre qui a porté devant le Parlement la loi du 26 juillet 1996 libéralisant le secteur des télécommunications et créant l’Autorité de régulation des télécoms. C’est pourquoi il souhaitait être parmi nous ce soir. Le sommet sur la crise en a décidé autrement. Monsieur le ministre, vous nous ferez part, je pense, des messages que le Premier ministre souhaitait nous transmettre.

Mais ce soir, j’ai aussi le plaisir, de façon plus traditionnelle, de vous adresser à toutes et tous, au nom de l’ensemble du collège, nos meilleurs vœux de bonheur et de réussite, personnelle et professionnelle, pour cette nouvelle année, exceptionnelle à bien des égards.

Je souhaite également saluer la présence des anciens présidents de l’Autorité, Jean-Michel Hubert et Paul Champsaur (Jean-Claude Mallet n’a pu se libérer), qui ont largement contribué à faire de cette Autorité une référence en France et en Europe.

Nous entamons cette nouvelle année avec un collège partiellement renouvelé et je tiens à manifester notre gratitude et notre estime à ceux qui viennent de quitter l’ARCEP : Joëlle Toledano et Nicolas Curien, dont l’implication et l’expertise nous ont permis de mener à bien d’importants chantiers. Nous souhaitons la bienvenue à Françoise Benhamou, professeur d’économie, nommée par le président du Sénat et à Jacques Stern, docteur ès sciences et agrégé de mathématiques, nommé par le président de l’Assemblée nationale.

I. Avant d’évoquer les principaux chantiers actuels et l’avenir, il me paraît utile que nous nous retournions un instant sur le passé pour mieux comprendre d’où nous venons. 

La France a toujours innové en matière de communications. N’est-ce pas Chappe qui invente, en 1794, le premier réseau télégraphique du monde qui permettra, quelques années plus tard, à Napoléon de correspondre avec toutes les préfectures de France en une journée ? Ensuite, c’est l’immense physicien, Ampère, qui jette les bases, dès le début du 19ème siècle, de la théorie électromagnétique moderne, fondement des télécommunications. C’est un ingénieur de l’administration française des télégraphes, Charles Bourseul, qui, en août 1854, décrit, le premier, le principe du téléphone qu’il désigne comme la « transmission électrique de la parole ». Le réseau téléphonique s’ouvre à Paris en 1879. Mais pendant presque un siècle, ce réseau et son usage se développent peu en France : en 1960, on ne compte que 2 millions de lignes pour 20 millions de ménages ! Un ministre chargé des télécommunications, dont je tairai le nom par charité, n’affirme-t-il pas dans les années 60 que le téléphone est un luxe dont les Français peuvent se passer ? L’humoriste Fernand Raynaud immortalise cette situation avec son célèbre sketch du 22 à Asnières.
Pourtant, pendant ces années, notre pays développe une remarquable politique scientifique. Des chercheurs et des ingénieurs exceptionnels inventent les technologies de l’avenir, notamment au CNET… Alfred Kastler, physicien français, reçoit le prix Nobel pour ses travaux sur le laser, qui est à la base de la révolution optique et de la fibre optique.
En définitive, il faudra la clairvoyance d’un président de la République, Valéry Giscard d’Estaing, qui comprend l’importance des télécommunications pour le développement économique de la France, l’énergie d’un ministre, Norbert Segard, et l’efficacité tenace d’un très grand directeur général des télécommunications, Gérard Théry, ici présent, pour concevoir et lancer un plan d’une efficacité redoutable. En une dizaine d’années, de 1975 à 1985, le nombre de lignes passe de 6 à plus de 25 millions. Cela montre que le monopole a pu produire d’abord le pire puis le meilleur.
A partir des années 80 et surtout 90, avec l’évolution des technologies et l’appétence croissante des utilisateurs, non seulement pour le téléphone classique, mais aussi pour des nouveaux services spécifiques aux entreprises (transpac,…) ou à vocation plus générale, comme la télématique, s’impose l’idée que la concurrence est sans doute le meilleur moyen de développer les réseaux et les usages, c’est-à-dire, à la fois, de faire baisser les prix, développer les offres et permettre l’émergence de nouvelles entreprises dynamiques : les opérateurs de télécommunications.   

Plusieurs ministres s’engagent dans ce vaste chantier : Gérard Longuet de 1986 à 1988, puis Paul Quilès de 1988 à 1991, confient à Bruno Lasserre le soin de créer une nouvelle direction chargée de la réglementation. C’est ainsi qu’est préparée la loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications. L’ancienne administration en régie directe donne naissance à trois organismes : deux opérateurs publics (La Poste et France Télécom), disposant de la personnalité morale et donc distinctes de l’Etat, et une administration centrale, la direction générale des postes et télécommunications. Puis François Fillon, ministre chargé des télécommunications, prépare, à nouveau avec l’appui décisif de Bruno Lasserre, alors DGPT, le projet de loi qu’il fait voter, non sans vifs débats, ce qui est normal, et qui devient la loi du 26 juillet 1996, dont je rappelle que l’intitulé est « loi de réglementation des télécommunications ».

En effet, par un paradoxe qui n’est qu’apparent, la libéralisation d’un secteur économique, c’est-à-dire le passage d’un monopole à un marché concurrentiel, nécessite la fixation des règles du jeu que tous les acteurs économiques doivent respecter. C’est à la loi de le faire. Et pour veiller au respect de cette loi, un régulateur est mis en place, autorité distincte du Gouvernement et de son administration centrale. En prévoyant cette séparation entre, d’une part, l’Etat stratège et actionnaire et, d’autre part, l’Etat régulateur, le droit communautaire n’a fait que consacrer une intuition de bon sens que résume le dicton bien connu : « On ne peut être, en même temps, juge et partie ».

C’est donc une économie de marché régulée qui a été mise en place dans le secteur des télécommunications, modèle économique équilibré, voie médiane entre libéralisme et dirigisme, renouvelant le concept d’ordre public économique. L’idée s’est forgée au début du 20ème siècle aux Etats-Unis, avec la création de la FTC (commission antitrust), chargée, selon l’auteur de la loi qui la crée, de protéger l’économie contre ses propres excès.

La création d’une autorité indépendante de régulation permet aussi de disposer d’un expert impartial, capable de conserver durablement une position d’extériorité par rapport aux intérêts en présence, afin de mieux assurer la défense des intérêts généraux dont il est le garant.

Soulignons ici l’œuvre accomplie par le Parlement et les gouvernements successifs qui ont su donner à l’Autorité les moyens juridiques et matériels d’assurer sa mission en toute indépendance et, en retour, la sagesse de l’Autorité qui n’a jamais utilisé ses pouvoirs pour porter atteinte à la cohérence de l’action publique.

II. La régulation a, me semble-t-il, largement contribué à la réalisation des objectifs assignés par la loi de 1996.

Les objectifs fixés par le législateur dans la loi de 1996 étaient clairs : faire de la concurrence le moyen (1) du développement et de l’adoption de nouveaux services de télécommunications, (2) d’une baisse des prix, et (3) de la constitution d’un secteur économique performant. Mais la concurrence devait se combiner avec d’autres objectifs d’intérêt général également définis par la loi : la continuité et la solidarité territoriale, la protection des consommateurs et le maintien d’une accessibilité pour le plus grand nombre, par le service universel. Quinze ans après, quels en sont les résultats ?

S’agissant du premier objectif, la concurrence s’est développée sur l’ensemble du marché. Le régulateur a apporté sa contribution à ce changement, en créant un espace économique suffisant pour l’entrée de nouveaux acteurs, aidé en cela par des opérateurs alternatifs qui ont pris le risque d’investir dans leurs propres infrastructures afin de s’affranchir de l’opérateur historique.

  • Sur les marchés fixes, je tiens notamment à saluer l’action de Jean-Michel Hubert et Paul Champsaur qui, avec leur collège, en particulier par la mise en place du dégroupage, ont permis le développement de concurrents efficaces et innovants.
  • Sur le mobile, l’Autorité a défini des conditions d’accès au spectre favorables à la concurrence, ce dont témoignent, d’une part, le développement des MVNO, qui représentent désormais plus de 10% du marché et, d’autre part, l’ouverture, il y a quelques jours, des services d’un quatrième opérateur mobile, sujet sur lequel s’est personnellement beaucoup impliqué mon prédécesseur Jean-Claude Mallet.

Loin de détruire de la valeur et de restreindre l’innovation et l’investissement, cette régulation équilibrée a favorisé la croissance du secteur. Il générait l’équivalent de 26 milliards d’euros de revenus en 1997 ; il en dégage aujourd’hui plus de 41 milliards, soit une croissance en valeur de près de 60 % et, en volume, compte-tenu de la baisse des prix, de plus de 100 % ! Malgré un environnement économique difficile, les opérateurs ont investi plus de 7 milliards d’euros en 2010 (soit 24 % de plus qu’en 2009). C’est la preuve de leur implication dans le renouvellement de leur infrastructure, gage de la croissance de leurs revenus futurs. 

Ce secteur est donc en mesure de fournir une base solide au développement de toute notre économie, notamment, bien sûr, au tissu d’entreprises du numérique dynamiques et innovantes. Il faut s’en féliciter et leur assurer la promotion qu’elles méritent : Paris est l’agglomération européenne qui comprend le plus grand nombre d’entreprises numériques innovantes.

S’agissant du deuxième objectif, la régulation a également permis que le développement de nouveaux services profite à tous les consommateurs, sur l’ensemble du territoire.

  • La France présente, en Europe, une des meilleures couvertures de son territoire en services mobiles 2G et 3G : la couverture en 2G est pour ainsi dire complète ;  à la suite de la mise en demeure prononcée par l’Autorité en 2009, il en sera de même, pour la 3G, avant la fin de l’année 2013. Quant aux obligations auxquelles ont souscrit les opérateurs lauréats des licences 4G, ce sont les plus élevées de tous les pays qui ont attribué ces fréquences.
  • Sur les réseaux fixes, le dégroupage, qui se poursuit, permet à un nombre croissant de consommateurs d’avoir le choix entre plusieurs opérateurs. La définition désormais clarifiée des conditions de montée en débit et l’édiction désormais achevée – nous sommes le premier régulateur à l’avoir fait en Europe - d’un cadre réglementaire pour les réseaux de fibre optique, cadre qui fait une large place à la mutualisation des réseaux et des investissements, ont pour objet d’éviter l’apparition d’une nouvelle fracture numérique. L’intervention de l’Autorité est ainsi complémentaire de celle du Gouvernement qui apporte notamment des financements dans le cadre du programme national très haut débit.

S’agissant du troisième objectif, l’ouverture à la concurrence s’est faite au bénéfice du consommateur. Les prix des services de communications électroniques n’ont cessé de baisser, de plus de 22 % de 1997 à fin 2011, alors que les prix à la consommation augmentaient sur la même période de plus de 25 %. Ce pouvoir d’achat supplémentaire a favorisé une démocratisation et un accroissement massif des usages, pour les ménages, les entreprises et les services publics, au-delà de tout ce qui avait pu être imaginé en 1997. L’action de l’ARCEP n’y est évidemment pas étrangère : la régulation des tarifs de gros de France Télécom, la baisse des tarifs de terminaison d’appel ou les mesures prises en faveur d’une plus grande transparence et d’une meilleure fluidité des marchés en sont les exemples.

Il nous faut désormais avoir la même ambition pour le très haut débit. Le passage du haut ay très haut débit s’accompagne d’un changement de paradigme. La régulation n’a plus pour objet de faciliter l’ouverture de l’accès au réseau existant de l’opérateur historique mais de définir les obligations qui s’appliquent à l’ensemble des opérateurs (historiques ou alternatifs, privés ou publics) pour réaliser un nouveau réseau. Elle doit offrir un chemin équilibré entre concurrence et partage des infrastructures et de l’investissement. Cette nouvelle régulation passe aussi par une évolution de la méthode, avec une place encore plus grande pour le dialogue et la concertation, notamment avec les collectivités territoriales, afin d’éviter toute fracture numérique du territoire.

Cette nouvelle régulation symétrique et pragmatique, qui a d’abord surpris, à Paris et à Bruxelles, démontre chaque jour sa pertinence : la publication des offres de mutualisation de France Télécom et de SFR, puis les 4 accords de coinvestissement passés, au cours des derniers mois et encore avant-hier, pour le dernier, entre les grands opérateurs fixes pour préciser leurs déploiements dans les zones moins denses, enfin les projets ambitieux de réseaux d’initiative publique portés par les régions d’Auvergne, de Bretagne, le département de La Manche, pour ne citer que quelques exemples, démontrent que le train s’est vraiment mis en marche. Mais il faudra aussi veiller à accélérer la modernisation des réseaux de collecte qui sont une condition essentielle de l’amélioration des débits. Sur tous ces sujets, un rendez-vous est fixé entre le régulateur, les opérateurs et les collectivités territoriales, fin 2012, pour établir un premier bilan et ajuster le dispositif, si cela apparaît nécessaire.

L’attribution des licences 4G est venue récemment compléter le paysage du très haut débit en France. Le déploiement de ces nouveaux réseaux permettra également de fournir en priorité aux territoires ruraux des services innovants et les débits nécessaires pour faire face à des besoins croissants sur les réseaux mobiles qui doublent chaque année.

Les 10 ans de l’ARCEP avaient été marqués par l’intégration du secteur postal au champ de la régulation. Pour ce secteur, l’ARCEP a su tirer profit de l’expertise accumulée depuis 1997 et développer une connaissance du secteur postal unanimement reconnue en Europe. Et ce n’est pas un hasard si Joëlle Toledano a mis en place et a été la première présidente du nouveau groupe des régulateurs postaux européens. Mais, le secteur postal représente des enjeux bien spécifiques. Depuis 2005, l’Autorité a su se doter des moyens humains, intellectuels et juridiques, pour assurer, dans le contexte d’une ouverture progressive à la concurrence qui s’est achevé le 1er janvier 2011, l’adaptation du service universel postal aux besoins des usagers et consommateurs.

La concurrence est désormais une réalité mais seulement sur certains segments du marché postal, tels que l’express ou le courrier industriel, La Poste conservant une position unique sur le courrier. D’où l’importance de la mise en œuvre effective des obligations de service universel, à laquelle l’Autorité est très attachée. Il faut, pour cela, concilier deux objectifs : améliorer la qualité des services rendus et mieux les adapter aux besoins qui évoluent, mais sans détériorer les conditions économiques d’un opérateur historique confronté à un environnement économique défavorable. La diversification de La Poste dans les métiers bancaires et dans la téléphonie mobile consolide le groupe et on ne peut donc que s’en féliciter.

III. Pour finir, j’évoquerai les évolutions à venir du rôle de l’ARCEP. 

Nous réfléchissons à l’évolution du contexte technologique et économique et sur les conséquences à long terme de la régulation, notamment dans le cadre du comité de prospective que nous avons mis en place en 2009. On peut, me semble-t-il, identifier quatre principales évolutions pour les prochaines années.
 
1°/ En premier lieu, le volet le moins prescriptif de l’action de l’ARCEP, c’est-à-dire sous forme de recommandations ou de corégulation, est appelé à se développer. C’est de cette façon que nous avons déjà procédé pour ce qui concerne la protection des consommateurs ou la mesure et le contrôle des indicateurs de qualité de service.

2°/ En deuxième lieu, le renouvellement de l’infrastructure numérique nous impose de revoir les conditions de notre régulation. C’est ce que nous avons fait en fixant des règles non plus asymétriques mais symétriques pour le déploiement des réseaux de fibre optique. Cette évolution rapproche l’ARCEP de ce que font l’Autorité des marchés financiers ou l’Autorité de contrôle prudentiel, dans les secteurs financiers et bancaires : fixer ex ante des règles du jeu communes à tous les acteurs économiques d’un marché. Mais cela nécessite une grande vigilance du régulateur qui doit s’assurer, bien sûr, que la concurrence se maintienne et qui ne doit  pas hésiter, si cela s’avère nécessaire, à faire usage de tous ses pouvoirs, y compris, en dernier ressort, celui d’imposer une séparation fonctionnelle. Mais nous n’en sommes pas là.

3°/ En troisième lieu, le renouvellement de notre infrastructure traduit également des bouleversements plus profonds du secteur des communications électroniques : la convergence des réseaux et des services fixes et mobiles, longtemps annoncée, est désormais la réalité. La possibilité d’accéder à tous les contenus, via tous les terminaux et tous les réseaux, chez soi, à son travail ou en mobilité, en s’affranchissant des supports traditionnels, la télévision et l’ordinateur, grâce notamment aux tablettes, dessine un nouvel environnement caractérisé par l’ubiquité. On passe donc insensiblement du concept d’infrastructure à celui d’infostructure, pour reprendre l’appellation proposée par Nicolas Curien, infostructure dont nos cerveaux, qui ne distinguent plus le contenant et le contenu, sont la manifestation la plus aboutie.

Pour que cette infostructure fonctionne bien, il faut que la chaîne des acteurs qui y créent et y transportent de l’information puisse se développer en respectant un principe structurant : celui de la neutralité. Ce principe reflète la nature mixte d’internet, à la fois réseau d’intérêt général et lieu d’échanges marchands, porteur de liberté et créateur de valeur. Pour continuer à coexister et se développer, ces deux dimensions nécessitent des investissements et un partage équitable de la valeur, ceci dans le respect de ce principe de neutralité que l’ARCEP a contribué, avec d’autres, à définir.

C’est à cette fonction de régulateur technico-économique de l’internet que va donc se consacrer de plus en plus l’ARCEP, conformément au nouveau cadre communautaire désormais transposé en droit interne. Cette régulation sera, a priori, peu intrusive, afin de ne pas contrecarrer l’innovation, la création et l’ouverture qui sont les caractéristiques fondatrices du net. Dans ce domaine, l’ARCEP sera donc avant tout un « veilleur actif » en intervenant prioritairement sur la transparence et la disponibilité de l’information nécessaire à l’identification des pratiques de gestion de trafic comme à la détermination de la qualité du service de l’accès à internet.

L’Autorité sera aussi amenée à veiller au caractère équitable et non discriminatoire des relations technico-économiques entre les fournisseurs d’accès à l’internet et les fournisseurs de services ou de contenus en ligne, dans le cadre de son nouveau pouvoir de règlement de différends. Sur toutes ces questions, l’Autorité agira, selon un mode coopératif, avec d’autres autorités, qu’il s’agisse de la CNIL qui veille à la défense des libertés ou du CSA qui veille au respect du pluralisme et sur la qualité des contenus audiovisuels. Ces trois autorités travaillent de façon concertée dans le respect de leurs compétences respectives. De même, nous travaillons, en permanence, en étroite relation avec l’Autorité de la concurrence, par de multiples échanges croisés d’avis. 

4°/ Enfin l’ARCEP peut contribuer, mais pas en première ligne, à des actions qui relèvent des autres pouvoirs publics, le Parlement et le Gouvernement, ou des acteurs économiques. Il s’agit d’abord de soutenir l’innovation, une des missions assignées par la loi à l’ARCEP afin que notre pays ne perde pas la maîtrise des technologies. Il s’agit ensuite, pour accompagner, pendant une quinzaine d’années, le déploiement du nouveau réseau en fibre optique sur l’ensemble du territoire, de mettre en place un pôle national de compétence et d’expertise, au service des collectivités territoriales, en premier lieu, mais aussi des opérateurs. Cette création est préconisée à la fois dans le récent rapport des députées Corinne Erhel et Laure de La Raudière et dans un des articles de la proposition de loi des sénateurs Hervé Maurey et Philippe Leroy. Il s’agit aussi, pour l’Etat, comme le prévoit la loi du 17 décembre 2009, qui a créé le FANT, d’assurer un soutien financier aux projets des collectivités territoriales en aidant, bien sûr, en priorité les territoires les moins denses et les moins rentables. Le FSN, mis en place dans le cadre du programme national très haut débit, a préfiguré ce soutien. Il s’agit enfin de faire en sorte que l’investissement dans la fibre optique (de 20 à 25 milliards d’euros), dont les trois quarts correspondent à des dépenses de main d’œuvre, permette de créer le maximum d’emplois d’ouvriers qualifiés, de techniciens et d’ingénieurs. Pour cela, il faut renforcer très vite les filières de formation correspondantes afin d’éviter les goulots d’étranglement. Sur tous ces sujets, l’ARCEP n’est pas en première ligne mais son expertise sera à la disposition du Parlement et du Gouvernement, ainsi que des acteurs économiques, s’ils le souhaitent.

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En matière de communications électroniques, depuis près de 40 ans, une politique publique a été menée avec constance et de façon pragmatique en utilisant plusieurs voies : d’abord, de 1975 à 1996, celle de l’efficacité d’un monopole bien piloté, puis, de 1996 à maintenant, la dynamique concurrentielle créée par la loi de 1996. Il faut désormais poursuivre cette grande politique publique en combinant initiative privée et initiative publique afin de construire, en une quinzaine d’années, le réseau de communications du XXIème siècle. Il s’agit d’un énorme défi mais il peut être relevé. Nous avons collectivement les moyens. 

Certains doutent que l’Etat ait un rôle à jouer en matière économique ; d’autres pensent qu’il a un tel rôle mais doutent qu’il soit capable de l’exercer effectivement. L’ARCEP, comme d’autres organismes publics, démontre chaque jour, depuis 15 ans, qu’une action publique raisonnable et éclairée sur l’économie est nécessaire et possible et qu’elle peut être efficace. Cette efficacité est due largement à la compétence et à l’énergie des agents de l’ARCEP que je souhaite vivement remercier, au nom du collège et, je pense, en votre nom à tous. Le député Jérôme Chartier, rapporteur de notre budget à l’Assemblée nationale, écrivait récemment que nous étions une Autorité vertueuse, en termes de gestion ! Je voudrais ici dire que nous sommes aussi une Autorité heureuse.

Encore tous mes vœux les plus chaleureux pour 2012.