Prise de parole - Interview

" Internet : la France en tête des grands pays européens " : une interview de Dominique Roux, membre du Collège de l'ART, publiée dans le Figaro - le 2 avril 2004

A l'occasion de la fête de l'Internet, Dominique Roux, professeur d'économie à Dauphine, a réuni mercredi soir les principaux dirigeants de l'Internet en France. C'était l'occasion de faire le point sur un secteur dont l'évolution est particulièrement rapide, puisque l'on dit parfois que dans Internet, on compte en " année chien " (une année valant 6 ou 7 années classiques).

Le Figaro. - Quel est le principal enjeu aujourd'hui pour les fournisseurs d'accès à Internet ?

Dominique ROUX. - Le débat porte aujourd'hui sur le haut débit et les services que l'on peut en attendre, car il s'agit d'un enjeu majeur pour notre pays. L'autorité de Régulation des Télécoms (ART) souhaite un développement rapide de l'Internet haut débit pour tous et partout. Pour cela, il faut atteindre en 2004 un double objectif : étendre la couverture du haut débit sur tout le territoire et améliorer la qualité de service du dégroupage, tout en favorisant la concurrence non seulement entre les acteurs mais aussi entre les technologies.

- Longtemps en queue de peloton, la France a-t-elle rattrapé son retard ?

- Nous sommes à présent sur la bonne voie, les résultats de 2003 sont encourageants puisque le nombre d'abonnés a doublé pour la seconde année consécutive et les prix ont baissé en moyenne de 30 % pour des débits supérieurs à ceux d'il y a un an. A présent, le taux de pénétration du haut débit en France est supérieur à la moyenne européenne, 6,2 % des habitants contre 6 % pour l'Europe, mais il faut surtout souligner que la France est en tête des grands pays européens avant l'Allemagne (5,6 %), le Royaume-Uni (5,3 %), l'Italie et l'Espagne. Quant aux Etats-Unis dont on glorifie souvent l'avance, ils n'ont un taux de pénétration du haut débit que de 8,3 % de la population mais ils utilisent pour 60 % le câble et 40 % l'ADSL.

- La montée en puissance de l'ADSL signifie-t-elle la mort du câble ?

- Non. Au 1er janvier 2004, il y avait 3,7 millions de lignes haut débit en France, 89 % par l'ADSL et 11 % par le câble, et à fin mars, le chiffre devrait avoisiner les 4 millions ; il augmente de 30 à 40 000 chaque semaine ! Il faut rappeler qu'entre juillet 2003 et janvier 2004, le parc français a augmenté de 1,2 millions de lignes, la plus forte progression de tous les pays européens. Parallèlement, le dégroupage progresse ; nous dépassons à présent les 400 000 lignes dégroupées soit près de 10 % de l'ADSL. Il ne faut pas non plus oublier le câble qui est en train de se restructurer et qui propose le haut débit à 8,6 millions de foyers ce qui représentent 15,5 millions d'habitants, c'est un acteur important du secteur dont il faut tenir compte.

- Comme dans le téléphone, les prix de l'internet vont-ils baisser?

- En ce qui concerne les prix de détails, la France a, à présent, les tarifs les plus bas d'Europe et de loin, comme le confirme le cabinet britannique Quantum-Web, ils s'échelonnent entre 20 et 30 euros par mois pour le 512k, 25 à 40 euros pour le 1024k et les offres à 2 mégas commencent à apparaître, ce qui permet d'ailleurs de dire que le marché réel du haut débit commence avec le 512k.

- Quel type de services nouveaux les consommateurs vont-ils voir apparaitre?

- Cette montée en puissance du haut débit est un facteur éminent favorable pour développer de nouvelles applications et en particulier les offres de télévision sur ADSL, les offres de téléphonies sur IP, en un mot les offres de triple play. Enfin, il faut ajouter que 2004 sera l'année du démarrage commercial de l'Europe de l'UMTS qui va fournir à l'Internet un nouveau moyen de diffusion de ses services. L'Internet haut débit se présente donc sous les meilleures auspices même s'il reste encore quelques problèmes à régler en ce qui concerne l'arrivée de la télévision sur l'ADSL et de la voix sur IP.

Propos recueillis par Marie-Cécile Renault