Prise de parole - Discours

Hourtin 2002 : intervention de Jean-Michel Hubert, président de l’ART (28 août 2002)

Q : Monsieur le Président, vous allez terminer votre mandat à la fin de l’année, Hourtin est donc l’occasion de faire le bilan de toutes les actions de l’Autorité. Je vous propose un dialogue convivial sur la base de quatre lignes d’intervention : la situation du marché, les mobiles, le haut débit, la transposition des directives et l’adaptation de la régulation.

Commençons par la situation du marché. La crise financière des télécoms remettra-t-elle en cause la concurrence ?

Merci de cette introduction et allons tout de suite, dans une première remarque, au terme de " concurrence", qui fait partie des missions du régulateur et des finalités établies par la loi et les décisions européennes.

Le mot "concurrence" est une partie intégrante de la notion de marché.

Or, que s’est-il passé depuis quelques années ? Une réalité nouvelle s’est formée : dans la concrétisation du marché, l’usager est devenu un consommateur. C’est une première réalité positive dont il faut prendre acte et sur laquelle nous ne reviendrons pas. Parce que le consommateur, malgré les difficultés qu’il peut éprouver de temps à autre, sait les avantages qu’il tire de l’existence de la concurrence en matière de diversité de services et de tarifs.

Ma deuxième remarque porte sur la notion de "crise financière" que vous venez d’évoquer. C’est exact. Il y a une crise financière dans le monde des télécommunications, intrinsèque mais aussi renforcée par l’évolution mondiale de la croissance.

Il y a deux éléments qu’il faut bien distinguer, surtout si on s’attache à la situation des opérateurs historiques.

Regardez leur compte d’exploitation, leur situation sur les marchés nationaux notamment. Elle est tout à fait positive. Je constate par exemple que les comptes d’exploitation de France Télécom se renforcent d’année en année.

Mais une autre question est celle de l’endettement, qui résulte d’autres facteurs, de décisions stratégiques prises ici ou là par les différents groupes.

Ce n’est pas la concurrence en tant que telle qui est génératrice de la crise financière. En ce sens, je considère que la situation ne doit pas conduire à remettre en cause le principe même de concurrence, même si, je le reconnais, sa réalité, aujourd’hui est plus difficile à vivre pour l’ensemble des acteurs.

Devant cette situation, ces acteurs ont tendance à se consolider, à se dégager d’un certain nombre d’opérations et d’actifs non stratégiques. C’est un élément important car, de ce désendettement peut résulter la clé de l’amélioration de la situation et d’un retour à la confiance avec les opérateurs financiers.

Dans ce contexte, quel est le rôle et l’orientation du régulateur ?

Il est de maintenir et de soutenir le marché. Dans ce sens, plus que de contraindre, notre rôle est de faciliter. Voici quelques orientations principales :

- Aider le marché à trouver son équilibre et son rythme, sa viabilité.

Je crois pouvoir vous dire – nous y reviendrons sans doute tout à l’heure – que ce que nous avons dit et fait en matière d’UMTS en est un bon exemple.

- Maintenir le principe de concurrence.

Ce n’est pas uniquement une notion abstraite, c’est pour le consommateur la pluralité et la liberté du choix. Ce que nous avons fait en matière d’ADSL et de dégroupage en est un témoignage fort.

- Maintenir la capacité d’existence des technologies.

Je pense, en particulier, à la boucle locale radio (BLR) et au câble, où des décisions spécifiques peuvent sans doute être prises pour maintenir un marché.

Deux remarques supplémentaires.

La première est que les compétences du régulateur sont très précisément définies par la loi. Cependant, je constate, à travers les questions que l’on nous pose, que nous sommes de plus en plus appelés à intervenir et à faciliter sur des domaines qui ne sont pas spécifiquement dans nos compétences :

Le mot "Internet" n’est pas dans la loi, et pourtant, à la demande des acteurs, 50% de notre activité tourne autour d’Internet.

Par ailleurs, nous ne régulons pas les usages, mais nous avons à faciliter les conditions d’émergence des nouveaux usages, à travers les modalités d’intervention des acteurs ou les dispositions tarifaires.

Je tiens à vous dire que j’ai la conviction qu’il y a une perspective de développement du marché qui repose sur l’extension de la demande et l’expression de nouveaux usages. C’est ce qui créera le trafic et relancera l’investissement.

Ma deuxième remarque est la suivante. J’ai entendu la question posée à Luc Ferry qui évoquait le mot "solidarité". Dans la loi de réglementation de 1996, figurent les notions de service public et de service universel ; cette dernière est totalement présente dans l’ensemble des décisions du régulateur.

Q : Deuxième point : les mobiles et le GSM en particulier. L’actualité est celle d’Orange qui facture désormais à la seconde. Les autres opérateurs et les consommateurs s’interrogent. Comment vivez-vous l’évolution de la tarification des opérateurs et la portabilité des numéros mobiles ?

J’ai évoqué tout à l’heure la concrétisation de ce phénomène majeur qu’est le consommateur. Je crois que le GSM est, aujourd’hui, l’exemple le plus significatif de cette reconnaissance d’un marché qui existe, d’un consommateur qui demande - et que les opérateurs écoutent - .

La tarification à la seconde et la portabilité sont deux témoignages de cette approche.

J’ai déjà eu moi-même l’occasion de dire que la tarification à la seconde était une orientation souhaitable, qu’il s’agisse des tarifs de détail ou des tarifs d’interconnexion. A cet égard, je suis heureux que cette perspective se concrétise, et je constate qu’elle se fait dans une approche qui est véritablement significative d’une maturité du marché et de la réalité de concurrence.

Avant qu’Orange ne se prononce, SFR l’avait fait il y a quelques semaines, et le troisième opérateur mobile – Bouygues Telecom – a indiqué qu’il était en train de se préparer à cette évolution. Il s’agit donc d’un mouvement de concurrence, de maturité et de réponse à une attente justifiée du consommateur. Il peut y avoir des problèmes non négligeables. En particulier, lorsque vous appelez, vous ne savez pas à quel réseau est rattaché votre correspondant, donc vous ne savez pas combien vous allez payer. Les télécoms engendrent des situations complexes. Il va donc falloir que les opérateurs réfléchissent sur la manière d’éclairer leurs clients.

Pour notre part, nous avons apporté une petite pierre en mettant en place sur notre site Internet un moteur de recherche rapide qui permet de connaître l’opérateur attributaire d’un numéro de téléphone. C’ est une contribution. Aux opérateurs désormais de prendre la main pour informer pleinement et clairement les consommateurs.

Merci.

Deuxième sujet : la portabilité des numéros et notamment celle des numéros mobiles. Il s’agit encore une fois d’une attente des consommateurs, et nous avons pris des décisions récentes à ce sujet : des lignes directrices ont été adoptées par l’Autorité pour qu’elle soit mise en place, pas uniquement parce qu’il y a une directive à ce sujet, mais parce qu’il s’agit d’une attente du marché.

Cela va se faire en deux phases : dans un premier temps, l’appel envoyé par le nouvel opérateur continuera à transiter par le premier qui le réacheminera. Par la suite, il y aura, à travers l’établissement d’une base de données des numéros, un acheminement direct. Je n’insiste pas davantage sur les processus techniques.

Des dispositions sont prises pour que ce projet soit réalisé au 30 juin 2003. Nous allons donc suivre avec beaucoup d’attention ce sujet sur lequel, dans le mouvement européen, la France n’est pas particulièrement en retard mais pas non plus spécialement en avance. Nous devons donc nous attacher à rester dans le train.

Q : En résumé, tous les consommateurs pourront changer d’opérateurs et conserver leur numéros de portable à partir du 30 juin 2003.

Tout à fait.

Q : L’UMTS. On ne sait plus quel type de questions vous posez à ce sujet ! Est-ce que nous sommes en retard ? Est-ce que les opérateurs gèlent leurs investissements ? Je serais tenté de vous demander, comment, à titre personnel, vivez-vous cette question ?

Le dossier de l’UMTS est trop crucial pour se placer sur le terrain des remarques personnelles, même si l’Autorité en tant que telle, et souvent par ma voix, s’est fortement engagée sur le dossier !

On peut dire que l’été, et les mois précédents ont été riches en évènements. Il y a eu l’information relative à ce qu’on a appelé le " gel des investissements " du groupement Quam, c’est-à-dire Sonera et Telefonica en Allemagne. Telefonica a fait d’autres annonces sur le gel de ses investissements dans des pays autres que l’Espagne. Orange demande un délai de mise en œuvre de son réseau au régulateur suédois. En Finlande, le gouvernement est interpellé sur sa responsabilité. Les opérateurs en France ont annoncé leurs perspectives en matière d’ouverture des services.

Q : Des recentrages importants, et des doutes importants aussi.

Attendez. A cet instant, je n’ ai fait que mentionner quelques événements de l’été. Je trouve que cela fait déjà pas mal pour les quelques semaines du mois de juillet.

Je voudrais maintenant vous dire très clairement mon analyse. A chacune de ces annonces, est attaché un degré supplémentaire dans l’image : l’UMTS est en retard, l’UMTS, ça ne marche pas. Je considère que cette image est erronée et qu’il faut s’attacher à rétablir un certain nombre de choses.

La première : l’UMTS est en retard. Mais en retard par rapport à quoi ? Par rapport à des annonces, parfois institutionnelles comme la décision européenne, selon laquelle, le marché devait s’ouvrir au 1er janvier 2002. Alors là, oui, assurément, on est en retard. Mais, derrière ces annonces institutionnelles, derrière leur traduction dans des cahiers des charges de licences attribuées dans la majeure partie des pays d’Europe, vous avez un processus technologique, industriel, commercial de préparation de la mise en place de l’UMTS. Ce processus a un calendrier. Et le calendrier industriel a ses contraintes. Il se déroule presque imperturbablement, et selon un rythme qui est connu par l’essentiel des acteurs et depuis un certain temps.

Lorsque l’an dernier, au mois de mai, j’ai dit que le marché ne s’ouvrirait en grandeur nature qu’au début de l’année 2004 au mieux, cela a créé un certain étonnement. Je n’ai pas l’impression, depuis lors, d’être démenti. Or, je ne me suis pas exprimé par intuition, je l’ai fait car je sais que depuis le mois de janvier 1998, a été décidée la norme – pardonnez-moi, je ne vais pas faire davantage de technique – qui derrière le sigle UMTS s’appelle plus précisément WCDMA et sur laquelle allait être construit ce système. A partir de là, il y a tout un processus de normalisation, mot certes peu médiatique, qui s’est enclenché. Il est en train de se dérouler et il prend du temps. Nous sommes dans ce processus.

Je considère qu’il serait fondamental que, collectivement, les acteurs, c’est-à-dire les équipementiers et les opérateurs, plutôt que de faire des annonces individuelles qui chacune ajoutent à l’image du retard, actent la réalité du développement de l’UMTS à travers la chronologie de ce processus de normalisation. Que l’on reconnaisse que, oui, le marché s’ouvrira vers 2003, 2004. Qu’on le dise clairement et que l’on fasse disparaître cette image de retard, lequel est un retard par rapport à une annonce et non un retard par rapport à la réalité technologique et industrielle. Si je dis que sur ce plan, il n’y a pas de retard, c’est que complémentairement, on peut considérer que cela va marcher et qu’il faut garder espoir dans les services qu’apportera l’UMTS.

Voilà ce que je souhaite de la part de l’ensemble des acteurs. Je considère que, dans la légitime concurrence qu’ils se font entre eux , il y a la nécessité de percevoir un certain degré de solidarité.

Au mois de juin dernier, la quasi-totalité des acteurs se sont associés dans l’"Open Mobile Alliance "  qui est une traduction de cette approche. Cela me paraît d’autant plus nécessaire que – je n’irai pas plus loin dans les sigles de la normalisation – au-delà les mots UMTS, WCDMA, il y a, dans ce que l’on appelle la famille des normes de troisième génération, d’autres normes concurrentes de l’UMTS et qui n’ont pas dit leur dernier mot. Je crois qu’il faut que ce grand objectif, cette grande ambition européenne trouve, par cette expression collective, une forme de solidarité qui me paraît nécessaire à la réussite industrielle du projet.

Q : Troisième point de cette intervention : le haut débit. Le dégroupage est opérationnel. Cela a également pris un peu de temps. En êtes-vous satisfait, tout simplement ?

Dégroupage, haut débit, option 1, option 3, option 5, sont des termes que certains connaissent. Cela a été un long processus qui entre maintenant dans sa phase de mise en œuvre opérationnelle. En ce qui concerne l’action du régulateur, je voudrais rappeler que c’est en juillet 1998 que j’ai annoncé que nous allions ouvrir une consultation publique sur le dégroupage, mot qui n’existait pas à l’époque dans la réglementation, européenne comme française.

Cela a pris du temps. Il y a eu une étape à la fin 2000 au moment où le règlement européen et le décret français sur la mise en place du dégroupage ont été adoptés. Le travail préparatoire que nous avions mené à l’Autorité y a largement contribué.

Depuis lors, entre janvier 2001 et juin 2002, presque 18 mois se sont écoulés au cours desquels le processus s’est mis en place, sous ses différentes formes, et en particulier les offres que l’opérateur historique France Télécom est susceptible de faire aux fournisseurs de services, aux opérateurs concurrents, et aux client directs – c’est ce que l’on désigne par les différentes options – .

Il a fallu du temps. Il a fallu de la concertation. Il a fallu des négociations dures, à la limite du contentieux parfois. Le dispositif étant désormais en place, je souhaite vivement que les différents acteurs s’engagent dans les investissements et dans les offres commerciales. Ce dispositif est cohérent, il apporte, dans les dernières décisions, des réductions tarifaires comprises entre 25 et 35%, ce qui n’est pas négligeable dans ce domaine. Il s’agit d’un des dispositifs les plus cohérents et les plus performants en Europe. Sous cet angle, je crois pouvoir dire que nous avons fait un travail positif car un bon dispositif est en place.

Q : Ici, à Hourtin, il y a une question qui revient souvent dans les conversations. Il s’agit du haut débit et de l’aménagement du territoire. Quelles sont vos relations avec les élus ? Et comment cela se passe entre les câblo-opérateurs et les collectivités territoriales ?

Ce sont deux sujets très différents.

Les relations personnelles entre l’ART et les élus sont excellentes et souvent empreintes d’une grande constructivité et de confiance.

Mais plus précisément, je pense que vous me posez la question de savoir ce que pense l’ART de l’intervention des collectivités locales en la matière.

Depuis toujours, le régulateur a été favorable au principe d’une forme d’intervention des collectivités locales, et il y a eu un temps où nous étions plutôt isolés sur le sujet. Nous étions en phase avec les associations d’élus mais d’autres instances publiques suivaient moins. Il y a eu diverses lois. Le dispositif est en place ; il énonce que les collectivités ne peuvent pas être opérateurs. Je crois que dans un marché qui se cherche quant à la réalité de la demande – où est-elle ? existe-t-elle ? – et face à des situations locales, spécifiques, urgentes, il m’est toujours apparu qu’il y avait justification à une intervention au moins temporaire des collectivités locales ; c’est véritablement une action d’aménagement du territoire. Mais de proche en proche – surtout dans une phase où l’investissement en matière de télécoms traverse une période difficile – la question se pose de savoir s’il faut aller plus loin. Le débat qui a eu lieu au mois d’avril sur l’éventuelle circulaire d’application de l’article 1511-6 de la loi actuelle a montré que la situation n’était pas encore claire.

C’est pourquoi, au début du mois de juillet, dans le cadre d’un document que nous avons publié sur l’adaptation de la régulation au nouveau cadre communautaire, nous avons précisé la pensée du régulateur sur l’intervention des collectivités locales, en confirmant ainsi la nécessité de cette possibilité. Il me paraît exclu de créer un système de facto contraignant à leur encontre conduisant à dire que si cela ne marche pas, c’est que la collectivité n’a pas fait son travail. Non. Cela doit demeurer à leur convenance, et je dirais plus précisément que les collectivités n’ont pas vocation à devenir les banquiers du système. Ceci étant dit, il faut qu’elles puissent intervenir si elles le souhaitent. Et là, je crois qu’il faut choisir entre différentes formules.

Soit la collectivité souhaite accélérer le processus ; elle est prête à payer, elle subventionne, et ça s’arrête là, dans le strict respect de la neutralité à l’égard de la concurrence entre opérateurs.

Soit il y a une perspective qui, de proche en proche, peut conduire celle-ci à devenir opérateur, mais avec une nuance. Vous savez que nous distinguons en France l’opérateur de réseau – celui qui construit le réseau – de l’opérateur de services – celui qui exploite le réseau –. La notion d’exploitation d’un réseau par une collectivité doit être vue, à mon avis, avec beaucoup de prudence ; il s’agit d’un choix politique qui relève de la responsabilité du Parlement.

Mais si, parlant de la construction du réseau, de l’aide à la construction du réseau, une collectivité veut devenir opérateur, il faut qu’elle rentre dans le système et soit pleinement soumise aux fonctions de la régulation.

Il ne s’agit que de suggestions, d’éléments d’analyse. C’est un débat fondamental car c’est celui qui, au travers d’une décision du Parlement, doit établir la place des collectivités locales au regard de ce qu’est un marché et de ce que peuvent être les acteurs du marché, et au regard par ailleurs de la protection du contribuable.

Q : Merci monsieur le Président. Dernier point de votre tribune : les transpositions des directives et l’adaptation de la régulation, la convergence et toute la mise en place de ce que l’on appelle aujourd’hui les réseaux de communications électroniques.

Il y a en effet ce que l’on appelle un nouveau " paquet " communautaire qui vient d’être adopté et qui doit être transposé avant la fin du mois de juillet 2003.

C’est un acte fondamental. Il s’agit d’une évolution – prolongation, adaptation, simplification – qui va marquer les prochaines années dans le fonctionnement du marché en France et en Europe, dans une perspective d’harmonisation.

Il s’agit donc d’un enjeu crucial auquel nous participerons activement. Nous l’avons déjà fait au travers de plusieurs contributions auprès du Gouvernement et du Parlement.

Cette évolution marque tout d’abord la pérennisation d’une régulation sectorielle, marchant la main dans la main avec une régulation du droit de la concurrence. Je tiens encore une fois à redire à ce sujet combien la complémentarité du Conseil de la concurrence et de l’ART me paraît exemplaire dans le fonctionnement des institutions françaises.

Cette évolution apporte également des changements comme les nouveaux types d’autorisations par exemple.

Je voudrais, cependant, dire un mot de la convergence.

La convergence a été le fil directeur de la préparation du nouveau paquet communautaire par la Commission européenne et ce, depuis l’origine ; dès la fin 97, époque où elle avait lancé son livre vert sur ce sujet.

La convergence pour le régulateur des télécoms, qu’est-ce que c’est ?

C’est un mot parfois employé dans de multiples significations. On a autrefois parlé de la convergence télécom-informatique, puis de la convergence fixe-mobile. Sur le thème qui nous occupe aujourd’hui, pour moi, le mot convergence signifie la convergence des réseaux. Non pas des réseaux et des contenus mais des réseaux. C’est sur ce seul sujet que je m’exprime : les réseaux, dits " réseaux de communications électroniques " dans la nouvelle directive qui prône l’harmonisation des régulations et des réglementations pour l’ensemble des communications électroniques. Oui, cela comporte des réseaux télécoms et des réseaux audiovisuels .

Concernant la mise en œuvre de la convergence, les directives prônent l’harmonisation. Qu’est-ce que cela signifie concrètement ? Ce n’est pas à mon sens le problème de savoir si on va marier le CSA et l’ART. Là n’est pas la question. Ce n’est pas non plus de savoir s’il va falloir de manière plus ou moins contraignante, fusionner des acteurs opérateurs de télécoms et des acteurs opérateurs audiovisuels.

Au contraire, tout dispositif de régulation vise à créer un cadre dans lequel les acteurs peuvent agir librement et définir leur propre stratégie. Ce qu’il faut en revanche, c’est que ces acteurs, qui ont aujourd’hui des structures et des motivations très différentes mais qui, de plus en plus vont offrir les mêmes services, et parfois devoir s’adresser à des institutions complémentaires ou différentes, aient, pour agir, un cadre harmonisé dans lequel, sous une forme ou sous une autre, ils pourront d’une manière viable, équilibrée et harmonieuse, offrir leurs services.

La troisième remarque, encore plus précise, que je souhaiterais faire – car je me suis déjà exprimé là-dessus et j’en ai eu quelques échos – concerne la question des fréquences, fréquences de télécoms et fréquences audiovisuelles. Un point particulier dans cette harmonisation concerne la gestion de ces fréquences, dans leur gestion technique, leur mode d’affectation et leur tarification. Je ne prône pas une solution plutôt qu’une autre. Je dis simplement que dans un système où les mêmes outils, les mêmes denrées – la fréquence - contribueront à offrir les mêmes services, la diversité ne peut pas être fondée sur une réalité économique où d’un côté, c’ est du tout payant - et on sait à quel prix ! - et de l’autre côté, c’est du tout gratuit, ou apparemment en première lecture. Je le redis, je ne prône aucune solution particulière. C’est là encore au Gouvernement et au Parlement d’en décider. Je dis simplement qu’il y a une question d’harmonisation que la France ne peut pas éluder, d’autant moins que cette question est en voie d’analyse et de traitement dans l’ensemble des pays européens.

Voilà ce que je souhaitais dire sur ce sujet.

Q : Président, il reste deux minutes. Y a-t-il une question que vous souhaiteriez traiter ? ou bien on laisse la parole à la salle ?

Laissons la parole à la salle.

Q : Juste un mot sur les efforts que vous avez faits – je voudrais vous en remercier – pour permettre aux conseils généraux de juger, de jauger la couverture en téléphonie mobile dans les départements. Je souhaiterais savoir où vous en êtes dans votre réflexion sur la mutualisation et sur l’itinérance, monsieur le Président, sachant que grâce aux études de l’ART, on a pu opposer un certain nombre de faits précis.

Je crois que maintenant il y a une certaine convergence – permettez-moi de reprendre le mot – sur la réalité de la couverture du territoire. Si on dit qu’elle est, quelque part, de 80 à 85% en moyenne sur l’ensemble du territoire, il n’y a de ma part, dans l’expression de ce chiffre, aucune critique. Je tiens d’abord à saluer l’effort d’investissement réalisé depuis plusieurs années par les opérateurs ; effort important et parfois plus rapide que ne leur imposait leur licence. Donc, je tiens à ce que ceci soit clair vis à vis des acteurs industriels.

Il y a une situation, il faut l’améliorer, l’attente est forte. Nous avons contribué – je vous remercie de le souligner – à la clarification des bases de départ. Maintenant, il faut aller plus loin. Un débat s’est ouvert entre les notions de mutualisation et d’itinérance. La mutualisation, c’est au moins deux acteurs qui s’associent pour partager un certain nombre d’éléments. L’itinérance, c’est la possibilité à un acteur d’être présent mais au titre d’accords passés avec les deux autres, d’acheminer ponctuellement, localement leur trafic. Les décisions du CIADT de Limoges de juillet 2001 mentionnent explicitement l’itinérance.

Sans rentrer dans un débat théologique, je dis que nous continuons à prôner de manière très préférentielle cette approche, même si, ici ou là , des approches de mutualisation peuvent être positives. Mais je retiens l’itinérance, entre autre, parce que collectivement, elle est plus économique pour l’ensemble des acteurs, et aussi parce qu’elle évite d’évacuer du système 18 % des consommateurs actuels. En tant que régulateur, j’ai à exprimer cette préoccupation.

Une question courte au premier rang apparemment.

Merci. Une question sur les contenus et sur la réglementation. L’article 8.1 de la directive cadre – sauf erreur de ma part – renvoie la réglementation des contenus aux différentes ARN (Autorités de Régulation Nationale). Donc, on peut imaginer que s’agissant des contenus de télé ou de radio, cela restera du domaine du CSA. Mais quid de la réglementation et de l’encadrement des contenus sur les réseaux dits télécoms GSM, GPRS, UMTS etc. ?

Dans une approche prospective, je crois que la réglementation sur les contenus et les solutions retenues doivent être harmonisées sans spécifiquement distinguer ce qui relève aujourd’hui des réseaux de l’un ou de l’autre. Je crois que l’une des différences importantes à prendre en compte dans les solutions sera de savoir ce qui relève des communications privées ou de la communication publique – d’ores et déjà le droit français comporte beaucoup de dispositions en ce sens – . Comme régulateur des télécoms, je ne me sens aucune motivation ni compétence pour intervenir dans la régulation des contenus qui passent sur les réseaux télécoms. J’ai démarré ma carrière d’ingénieur des télécoms en allant prêter serment devant le juge d’instance du 13ème arrondissement sur le fait que je ne dévoilerais jamais ce que j’aurais à connaître du contenu des communications. Donc je suis dans cet état d’esprit d’une très loyale distinction entre les deux métiers. Et vous voyez, quarante ans plus tard, comme régulateur, j’ai cette même conviction.

Monsieur le Président, il n’y a pas plus belle conclusion. Merci à vous et merci à tous.


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