Prise de parole - Interview

Faire de l'ARCEP "un régulateur vraiment utile à la révolution numérique"Sébastien SORIANO, président de l'ARCEP, répond aux questions de l'AFP (28 janvier 2015)

Sébastien Soriano, le nouveau président de l'Autorité des télécoms, veut faire d'elle "un régulateur vraiment utile à la révolution numérique" et ne plus donner l'image d'une ARCEP principalement centrée sur le secteur des télécoms.
  
Quelle vision avez-vous pour l'ARCEP?
Je suis là pour six ans et ce qui m'intéresse, c'est cette perspective : 2020. Je veux que l'ARCEP trouve pleinement sa place dans la famille numérique, et faire d'elle un régulateur vraiment utile à la révolution numérique. Aujourd'hui nous sommes très focalisés sur les opérateurs, sur les télécoms, et c'est normal. Mais il faut se rappeler que les réseaux que nous régulons font partie de l'économie numérique. L'ARCEP doit être en alerte par rapport à toute la révolution technologique, notamment celle des objets connectés, et ne pas avoir les yeux uniquement braqués sur nos acteurs traditionnels. Elle doit mettre ses outils au service des évolutions : l'expertise, la persuasion, la régulation et la sanction, tout doit être mobilisé.
Les compétences de l'ARCEP sont aujourd'hui centrées sur les réseaux. Mais, au-delà, cette institution a appris à comprendre l'intimité des mécanismes économiques et technologiques de l'économie numérique, ce qui nous permet de contribuer plus largement à la réflexion sur certains dossiers, comme par exemple l'idée de transposer une forme de régulation aux géants du net.
  

Comment allez-vous procéder concernant la qualité de service mobile et la couverture du territoire ?
Le rôle de l'ARCEP n'est pas de gérer un équilibre entre quatre grands opérateurs. Nous devons inciter, et pour cela enclencher un cercle vertueux entre consommateurs, qualité des réseaux, couverture du territoire et investissements. Dans le domaine du mobile, c'est difficile pour le consommateur de pouvoir faire un choix totalement éclairé. Beaucoup de choses ont été faites sur la transparence des prix, mais l'utilisateur ne sait pas toujours bien ce qu'il a derrière son service. Il faut qu'il puisse différencier les réseaux pour que les opérateurs qui ont fait l'effort d'investir soient récompensés.
L'ARCEP a voulu donner un signal fort en réalisant un classement sur la qualité des réseaux mobiles. Il faut continuer ce travail, quitte à le faire évoluer pour empêcher des interrogations sur l'éventuelle loyauté de la communication des opérateurs.
Concernant la couverture du territoire, on a aujourd'hui des cartes assez pauvres, publiées par les opérateurs de manière fragmentée. Il faudrait mieux coller à ce que ressentent les consommateurs, afin de pouvoir leur donner une information qui corresponde plus à leur expérience. L'ARCEP va y travailler avec les acteurs. Il y a notamment des pistes intéressantes à examiner dans le domaine de l'open data et du crowdsourcing.
  

Comment gérer la concurrence féroce entre opérateurs?
Très clairement je ne souhaite pas rentrer dans le commentaire. Le travail de l'ARCEP, c'est de faire fonctionner le marché tel qu'il est, et de garantir sa compétitivité, c'est-à-dire sa capacité à investir dans des réseaux.
Nous sommes dans un secteur qui est porté par des acteurs économiques, et notre rôle c'est de créer les conditions pour qu'ils soient en capacité d'apporter à un prix raisonnable des biens et des services de qualité dans leur domaine, les réseaux numériques, pour la France. En revanche, je n'oppose pas compétitivité à concurrence. La concurrence est un levier très efficace de compétitivité et reste un sujet d'attention de tous les jours pour l'ARCEP. La concurrence est un moteur pour les opérateurs : c'est parce que chacun doit se battre pour avoir des clients qu'il est incité à offrir le service le plus compétitif.