Prise de parole - Interview

Entretien avec Jean-Michel Hubert, président de l’ART, publié dans La Tribune le 28 janvier 1999

Après un an d’ouverture du marché à la concurrence, beaucoup d’observateurs constatent la faible part prise par les nouveaux opérateurs. De votre point de vue, l’ouverture du marché français est-elle assez rapide ?

L’ouverture du marché à la concurrence suppose que les acteurs soient effectivement en place. 1998 aura été consacrée à la création par les opérateurs des investissements de capacité et des offres commerciales, qui permettent cette ouverture à la concurrence. Je vous rappelle que 56 licences ont été attribuées et qu’une quinzaine est en cours d’examen. En outre, dans la formation du marché, il faut tenir compte des consommateurs qui apprennent progressivement à tirer parti de la concurrence. C’est donc dans les mois, voire dans les semaines à venir, que la concurrence devrait s’exprimer plus largement. Même si en décembre, la part prise par les nouveaux entrants sur les communications longue distance a pu progresser de 3% à environ 5%, j’ai une vision positive sur la dynamique actuelle de l’ouverture à la concurrence.

Quelles leçons tirez-vous des exemples britannique ou allemand ?

On ne peut pas rapprocher la situation française du Royaume-Uni où le marché est ouvert depuis une dizaine d’années. En Allemagne, Deutsche Telekom a beaucoup moins anticipé la concurrence que France Télécom, notamment sur le plan tarifaire. J’observe que la France connaît un processus d’ouverture régulier, moins perturbé qu’Outre-Rhin et que cette approche constitue un élément de clarté pour le marché.

Où en sont les réflexions sur le dégroupage ?

Cette réflexion constitue une étape incontournable dans le processus d’ouverture complète à la concurrence ; l’ART la conduit sans position a priori sur la solution à retenir. Plusieurs voies existent pour accéder aux communications locales. Tout d’abord, la boucle locale radio, dont le processus d’expérimentation s’achèvera à la fin de l’année 1999. Ensuite, les réseaux câblés et enfin le " dégroupage ". La concertation associe depuis quelques semaines tous les acteurs du secteur. Je leur ai demandé de bien cerner les enjeux essentiels de cette notion de dégroupage, car on ne peut faire en France l’économie d’une discussion qui s’est engagée partout ailleurs, y compris en Grande-Bretagne. Tous les acteurs adhèrent aujourd’hui à cette concertation ; France Télécom, qui avait admis que le dégroupage ne représente pas un sujet tabou, y participe.

Le catalogue d’interconnexion de 1999 a donné lieu à une baisse moyenne de 14,4%. Cette tendance sera-t-elle tenue pour 2000 ?

Les tarifs d’interconnexion doivent être orientés vers les coûts ; ils suivent donc l’évolution des coûts de France Télécom. Les bases de départ sont précises, la méthode est explicite. On ne saurait mesurer aujourd’hui ce que sera la baisse pour l’an 2000, mais on peut dire que les gains de productivité de l’entreprise permettront de maintenir la tendance à la baisse.

Le Premier ministre a réclamé une baisse des tarifs d’accès à Internet. Ou en êtes-vous sur ce dossier ?

Nous devons dans le même temps protéger les intérêts du consommateurs tout en maintenant les conditions d’une concurrence réelle être durable. Nous avons réuni il y a deux jours les différents acteurs pour apporter une réponse le plus vite possible. La limite à la baisse des tarifs est le maintien d’une concurrence.

Comment abordez-vous le dossier de la téléphonie sur Internet ?

La téléphonie sur Internet peut apparaître comme un élément de rupture dans l’organisation du marché et la nature des offres. Nous lançons aujourd’hui un appel à commentaires sur ce thème pour mieux définir les services, les architectures et les différents produits. L’équation économique n’est pas neutre pour les opérateurs et les consommateurs et il faut comprendre comment la baisse des coûts peut se répartir entre les différents acteurs.