Seul le prononcé fait foi
Madame la députée,
Messieurs les sénateurs,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs,
Je remercie Aromates et l’Idate de m’avoir invité à ces 4èmes assises du très haut débit.
Dans le contexte de la révolution numérique qui s’engage, avec l’explosion des usages, l’annonce de l’arrivée du très haut débit fixe et mobile, en particulier de la fibre optique, fait légitimement naître des attentes chez les consommateurs et les collectivités territoriales. Il s’agit de construire de nouveaux réseaux qui serviront pendant plusieurs décennies : pour cela, il faut à la fois atteindre des objectifs de couverture du territoire, afin d’éviter tout risque de fracture numérique, mais aussi préserver une dynamique concurrentielle qui a permis, au cours des dernières années, le développement du marché du haut débit en France, reconnu pour ses offres parmi les plus innovantes et les plus compétitives en Europe voire dans le monde. Si le cap à atteindre est donc clair, il faut trouver le bon rythme, car il s’agit d’une course de fond.
C’est dans cet esprit que l’ARCEP élabore des règles favorisant les déploiements, en recherchant, avec persévérance, un équilibre entre une concurrence raisonnable par les infrastructures et un niveau, lui aussi raisonnable, de co-investissement ou de mutualisation. Il faut, en effet, éviter deux écueils opposés : l’obsession concurrentielle et la reconstitution de monopoles.
L’Autorité utilise à cette fin tous les moyens dont elle dispose pour permettre l’accélération du déploiement de la fibre optique. La France, grâce notamment à l’intervention éclairée du législateur, au travers des lois de modernisation de l'économie et « fracture numérique », sera le premier pays doté d’un cadre complet, donnant une sécurité juridique aux acteurs.
L'Autorité a ainsi précisé, en application de la loi d'août 2008, dans une première décision entrée en vigueur en janvier 2010, le cadre réglementaire du déploiement de la fibre dans les zones très densément peuplées (environ 20% de la population, résidant dans 148 communes). Dans ce cadre, France Télécom, Free et SFR viennent d'annoncer leurs plans de déploiement dans les zones très denses pour la prochaine année. Ils prévoient le raccordement de 800.000 logements qui s'ajoutent aux 860.000 logements bénéficiant déjà de la fibre optique jusqu'à l'abonné. D'ici un an, ce sont donc près de 1,7 million de foyers ou d’entreprises qui pourront bénéficier des services de la fibre optique (FttH) dans les zones très denses. On peut sans conteste affirmer que le cycle d’investissement dans la fibre optique a démarré en France.
Le projet de décision que l’Autorité a mis jeudi dernier en consultation publique complète le cadre réglementaire pour le reste du territoire français, c'est-à-dire pour les zones moins denses (soit 80% environ de la population). La fixation du cadre réglementaire, conjuguée au lancement, par le gouvernement, du programme national très haut débit, qui apporte des soutiens, notamment financiers, aux opérateurs et aux collectivités territoriales, permettront d'initier d'importants déploiements de la fibre optique et d’étendre la dynamique d’investissement à l'ensemble du territoire. Cette action sera fructueuse à condition évidemment que l’ensemble des acteurs publics et privés coopèrent de manière pragmatique et complémentaire pour mener les investissements nécessaires.
Revenons sur les grandes lignes du projet de décision, que nous préparons depuis plusieurs mois, en particulier au sein du groupe d'échanges entre l’ARCEP, les collectivités territoriales et les opérateurs (le GRACO).
La grande diversité des territoires conduit à prévoir un cadre souple comportant un degré élevé de mutualisation et une concertation renforcée avec les collectivités territoriales, afin de garantir une couverture homogène du territoire.
En zones très denses, la rentabilité des déploiements et le cadre règlementaire permettent à chaque opérateur de pouvoir disposer d'un réseau dédié de bout en bout. Ce modèle garantit une concurrence durable entre les opérateurs. En zones moins denses, il est nécessaire de mutualiser une partie nettement plus importante du réseau et les opérateurs se partagent la partie terminale du réseau en mono-fibre : plus des 3/4 du coût d’une ligne correspondent alors à des déploiements mutualisés, contre 1/4 seulement en zones très denses. Cette mutualisation accrue permet de réduire les coûts de déploiement à la prise, tout en préservant une animation concurrentielle et le libre choix par le consommateur de son opérateur.
Par ailleurs, en application de la loi de décembre 2009 relative à la lutte contre la fracture numérique, le projet de décision vise à assurer une desserte cohérente du territoire. A cette fin, il impose à l'opérateur public ou privé déployant un réseau de définir, après consultation des opérateurs et des collectivités territoriales, la zone concernée, en s'inscrivant, de façon cohérente, dans une maille géographique plus large, par exemple la commune. L'opérateur est ensuite tenu de couvrir l'intégralité de la zone en cause dans un délai raisonnable. Ce mécanisme va permettre des déploiements cohérents, notamment grâce à une anticipation des déploiements futurs, en vue d'une couverture totale à terme.
Enfin, le projet de décision prévoit une concertation renforcée entre les opérateurs et les collectivités territoriales, préalablement aux déploiements. Ces derniers s'insèreront notamment dans le cadre des schémas directeurs territoriaux d'aménagement numérique, au fur et à mesure de leur préparation par les collectivités territoriales.
Parallèlement à l’élaboration du cadre symétrique du déploiement de la fibre optique, l’Autorité poursuit ses travaux sur les coûts : le projet de décision relatif aux tarifs d’accès au génie civil de France Télécom, mis en consultation publique en mai, vise à faciliter le déploiement de la fibre optique sur l’ensemble du territoire, grâce à un dispositif tarifaire très favorable à la fibre, notamment dans les zones rurales, conduisant à une baisse significative des tarifs en vigueur.
Mais l’ARCEP a parfaitement conscience que l’extension de la couverture des réseaux FttH s’étalera sur de nombreuses années. Par conséquent, là où la fibre optique n’arrivera pas, en tout cas rapidement, il faut des solutions alternatives, par exemple ce qu’il est convenu d’appeler la montée en débit. Il existe en effet des possibilités pour mieux utiliser le potentiel de la boucle locale de cuivre existante. L’Autorité a ainsi mené à l’automne 2009 une importante consultation publique sur cette question et a publié en février dernier ses premières recommandations, afin de garantir une bonne articulation entre la montée en débit et les déploiements de fibre optique à venir.
Un groupe de travail, réunissant l’ARCEP, les opérateurs ainsi que les associations représentatives des collectivités territoriales, étudie actuellement les modalités pratiques de la montée en débit : des premières conclusions seront rendues dès cet été. France Télécom va en outre publier très prochainement son offre d’accès à la sous-boucle. Avant la fin de l’année, les opérateurs et les collectivités territoriales disposeront ainsi de tous les outils nécessaires pour mener à bien leurs projets, dans des conditions sécurisées sur les plans technique, juridique et financier.
Plus généralement, les schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique, actuellement en cours d’élaboration par les collectivités territoriales, doivent permettre une bonne articulation entre l’ensemble des technologies.
C’est dans ce contexte que l’ARCEP doit remettre au cours de l’été un rapport au Parlement sur l’état des technologies fixes et mobiles, y compris satellitaires, qui permettront d’augmenter le débit disponible en communications électroniques et les services associés.
Parmi toutes ces technologies (DSL, satellite, hertzien), les réseaux mobiles sont bien sûr appelés à jouer un rôle très important pour la couverture numérique du territoire. A cet égard, l’Autorité prépare activement depuis plusieurs mois la procédure d’attribution des fréquences prévues pour la quatrième génération de téléphonie mobile (4G), constituées d’une bande à 800 MHz, propice à la couverture du territoire, et une bande à 2,6 GHz, utile pour augmenter les capacités. Sans offrir des débits aussi importants que les réseaux fixes en fibre optique, les réseaux mobiles à très haut débit, notamment LTE, devraient permettre le décollage de l’internet mobile et pallier, dans certains cas, l’absence de très haut débit fixe.
Je rappelle que la loi du 17 décembre 2009 relative à la lutte contre la fracture numérique prévoit la prise en compte prioritaire de l’objectif d’aménagement du territoire, pour l’attribution des fréquences à 800 MHz, dites du dividende numérique. Par conséquent, les obligations de couverture associées à ces fréquences devraient être élevées et favoriser les zones les moins desservies jusqu’à présent. Ceci implique probablement de faire une large place à une mutualisation des réseaux mobiles, tout en tenant compte des objectifs, plus traditionnels, de concurrence et de valorisation du spectre.
Après avoir consulté l’ensemble des acteurs et après une audition prochaine par la Commission du dividende numérique, présidée par le Sénateur Bruno Retailleau, l’ARCEP va poursuivre la préparation du dispositif d’attribution de ces bandes, selon un calendrier établi en liaison avec le Gouvernement, et devant, en tout état de cause, conduire au lancement des appels à candidatures avant la fin 2010 et à des attributions des fréquences au plus tard d’ici l’été 2011.
D’ici à la fin de cette année, les acteurs, publics et privés, disposeront par conséquent d’un cadre clair, sur l’ensemble du territoire, pour l’ensemble des technologies, permettant d’avancer vers le très haut débit fixe et mobile.