Prise de parole - Discours

Discours d’accueil de Jean-Ludovic Silicani, président de l'ARCEP, lors de la Réunion plénière du GRI/GRE/ORECE, à Paris, le 25 février 2010

Mesdames, Messieurs,

Chers amis,

Je suis heureux de vous accueillir aujourd’hui à Paris, au musée d’Orsay, pour le " dîner des régulateurs européens ". Vous êtes ici dans ce qui fut la gare d’Orsay, inaugurée pour l’Exposition universelle qui s’est tenue à Paris en 1900. L’électrification progressive des lignes de chemins de fer et l’allongement des trains, le progrès donc, ont mis fin à cette activité ferroviaire dans le centre de Paris à partir de 1939. C’est en 1977 que ce musée, dédié à l’impressionnisme, a été inauguré. Vous avez pu admirer les grands chefs d’œuvre de la fin du XIXème siècle et du début du XXème siècle.

Pour compléter le volet culturel de cette rencontre des régulateurs, j’aimerais aussi évoquer la cité internationale universitaire de Paris où se tiennent les réunions de travail. La création de la cité universitaire eut lieu dans le contexte du mouvement pacifiste de l’Entre-deux-guerres. Ses fondateurs, porteurs d’un idéal humaniste, souhaitaient créer une " école des relations humaines pour la paix ". Inaugurée en 1925, et en développement permanent depuis, elle permet à de nombreux étudiants français et étrangers de se loger et de faire leurs études à Paris dans de bonnes conditions, et aussi de dialoguer et de mieux se connaître. Je crois que plusieurs d’entre vous sont d’anciens résidents de la " cité U " comme l’appellent familièrement les étudiants.

 

Vous trouverez à votre place une médaille à l’effigie d’André-Marie Ampère. Comme vous le savez, ce grand physicien français est le fondateur, au début du xixe siècle, de la théorie électromagnétique qui a servi de base, en particulier, au développement des télécommunications. Mais Ampère s’est également beaucoup intéressé à l’art de gouverner, au travers de l’étude de la cybernétique – terme qu’il a créé à partir du grec -, dans laquelle il accorde une place importante à la régulation. C’est donc tout naturellement que nous l’avons choisi comme symbole pour la médaille de l’ARCEP.

Avant de passer à table, permettez-moi de dire quelques mots sur nos sujets d’actualité.

 

Mise en place de l’ORECE [BEREC]

Je me réjouis que la première réunion de travail de l’ORECE ait lieu à Paris. La mise en place de règles de bonne gouvernance de l’ORECE, soutenue avec vigueur, au nom de l’ARCEP, par Nicolas Curien, constitue un atout certain pour la réussite de notre nouvelle instance. L’action constructive de John Doherty et du groupe opérationnel, que je remercie vivement, a permis à l’ORECE de bien démarrer. Même si la mise en place de l’Office va encore prendre quelques mois, nous pouvons désormais consacrer nos énergies aux travaux de fond.

 

Adoption du paquet télécom

En premier lieu, les régulateurs que nous sommes ne peuvent que se réjouir de l’adoption définitive du paquet télécom. L’heure est maintenant à la transposition de ces directives en droit national, ce qui représente un travail important pour chacune de nos institutions. Je soutiens donc pleinement l’initiative du groupe " transposition ", qui nous permet de réfléchir ensemble, afin de réaliser une transposition harmonisée. Je souhaite, en effet, que nous réussissions à construire un véritable marché intérieur harmonisé en Europe et je suis sûr que nous sommes nombreux à partager ce point de vue.

 

Autres dossiers d’actualité et travaux en cours de l’ORECE

Nous nous trouvons donc à une période cruciale pour le secteur des communications électroniques. Différents chantiers importants sont en cours, qui appelleront la mise en œuvre de solutions originales par les régulateurs, ce qui nécessite des échanges approfondis entre nous, ainsi qu’avec la Commission européenne. Permettez-moi d’illustrer mon propos par trois principaux exemples.

 

1) Le déploiement du très haut débit fixe et mobile

Le développement des réseaux à très haut débit, fixes avec le déploiement de la fibre optique, et mobiles, avec l’attribution de nouvelles fréquences pour la 4ème génération (LTE), représente un enjeu majeur, avec plusieurs centaines de milliards d’euros d’investissements à réaliser dans l’ensemble de nos pays. Ces investissements constitueront un levier essentiel d’aménagement du territoire et permettront le développement de nouveaux services innovants, tant pour les entreprises que pour les citoyens.

 

En matière de déploiement de la fibre optique, l’Europe est globalement en retard, notamment par rapport à certains pays d’Asie : il est donc urgent d’agir. Si, pour répondre à cet important défi, il convient de trouver des solutions originales, il me semble que celles-ci doivent se fonder sur la bonne situation concurrentielle des marchés de communications électroniques.

 

C’est ainsi qu’en France, le cadre réglementaire symétrique élaboré par l’ARCEP, entré en vigueur il y a un mois, favorise, lorsque cela est économiquement viable, la concurrence par les infrastructures, gage d’innovation, tout en garantissant une mutualisation des investissements. Ainsi, ce cadre fixe les règles du jeu dans les zones très denses, c’est-à-dire un ensemble de 150 communes représentant un peu plus de 5,5 millions de foyers, sur les quelque 30 millions de foyers que compte la France.

 

En dehors de ces zones très denses, l’économie des déploiements nécessitera une mutualisation plus importante des réseaux : l’ARCEP travaille en ce moment à l’élaboration d’une seconde décision, concernant les zones moins denses, en cohérence avec le programme national sur le très haut débit lancé par le gouvernement.

 

Sur un sujet aussi complexe, les échanges de bonnes pratiques entre régulateurs sont tout particulièrement utiles. Un travail important sur les produits de gros des réseaux en fibre optique vient d’être adopté par l’ORECE, en complément des travaux de la Commission européenne sur la future recommandation NGA que nous attendons tous impatiemment.

 

La nécessité que les services à très haut débit soient disponibles pour le plus grand nombre va nécessiter la mobilisation de l’ensemble des technologies disponibles, en particulier le très haut débit mobile avec, pour les pays qui ont fait ce choix, l’attribution des fréquences du dividende numérique pour la 4ème génération de téléphonie mobile (LTE). En France, la procédure d’attribution de ces fréquences, ainsi que des fréquences de la bande 2,6 GHz, sera lancée au second semestre 2010 avec, pour les fréquences du dividende numérique, un objectif prioritaire d’aménagement du territoire fixé par le Parlement français.

 

A ce titre, je souhaiterais souligner que, compte-tenu de la complémentarité de plus en plus forte entre services fixes et mobiles, il apparaît utile que nous puissions échanger sur ce sujet. Il s’agit en particulier de savoir si, pour ces fréquences " en or " du dividende numérique, il pourrait être opportun de réviser les modèles classiques de déploiement des réseaux mobiles, afin de favoriser une mutualisation plus importante entre opérateurs.

 

2) La protection des consommateurs

Un autre volet central de la régulation est l’action en faveur des consommateurs. Ce sera pour l’ARCEP, en 2010, une priorité renforcée et clairement assumée car nous jugeons que la situation est insatisfaisante à bien des égards. Il s’agit en particulier de s’assurer que le consommateur peut effectivement exercer un choix éclairé, lorsqu’il souscrit à une offre, tant sur la nature et la qualité des services offerts par chaque opérateur que sur les prix.

Le paquet télécom donne de nouveaux instruments aux régulateurs, notamment en matière de transparence. Il me semble important de réfléchir ensemble à leur utilisation la plus large.

 

L’ARCEP participera donc activement aux travaux de l’ORECE relatifs à la protection des consommateurs, afin d’identifier les meilleures pratiques permettant de changer d’opérateur et, d’autre part, de prendre des mesures en faveur des consommateurs handicapés. L’ARCEP sera également très attentive aux travaux de l’ORECE sur la révision du service universel.

 

3) La neutralité des réseaux

Comme vous le savez, le sujet de la neutralité des réseaux fait l’objet d’un intense débat, aux Etats-Unis bien sûr, mais également en Europe, notamment à l’occasion des discussions sur le paquet télécom. Nous suivrons donc avec grand intérêt les travaux sur la neutralité du net menés au sein de l’ORECE. Le régulateur norvégien (NPT) a déjà fait un travail important en publiant des lignes directrices en févier 2009.

 

En France, vous le savez, l’ARCEP a engagé une réflexion à l’automne 2009 qui s’alimentera, bien entendu, des travaux que nous produisons ensemble. Je profite de cette occasion pour vous inviter de vive voix au grand colloque que l’ARCEP organise le 13 avril prochain sur ce thème, à Paris. (Neelie Kroes nous a fait savoir qu’elle participerait à ce colloque et nous en sommes très heureux). Le groupe de travail de l’ORECE sur la net neutralité se réunira exceptionnellement à Paris le 12 avril, c’est-à-dire la veille du colloque, ce qui donnera l’occasion aux experts qui le souhaitent d’y participer.

Sur ce sujet comme sur d’autres, l’ARCEP bénéficiera des travaux que nous menons ensemble et, j’espère, contribuera également à la réflexion commune.

 

Remerciements

Ces quelques exemples illustrent les nombreux défis que nous allons relever ensemble. Les travaux qui nous attendent sont donc riches et essentiels.

 

Pour finir, je remercie le secrétariat du GRI ainsi que John et ses équipes pour l’aide apportée dans l’organisation de ces réunions à Paris.

 

Je vous souhaite à toutes et à tous une bonne soirée, un bon dîner, et une très bonne " nuit parisienne ".