L'impact de la réglementation pour les entreprises
L'ouverture à la concurrence au 1er janvier 1998 du secteur des télécommunications constitue une opportunité exceptionnelle pour le monde des entreprises que vous représentez. Vous êtes d'ailleurs pleinement conscients que les télécommunications constituent un formidable outil au service de l'amélioration de la compétitivité. L'Autorité de régulation des télécommunications s'est vue confier par la loi de réglementation des télécommunications la mission d'assurer le développement harmonieux de cette concurrence, et depuis sa création le 1er janvier 1997, exerce son activité en s'appuyant sur deux principes :
- le respect de la volonté du législateur : cela va de soi pour une institution qui fait partie de l'Etat,
- la volonté de servir le dynamisme et la qualité du secteur des télécommunications en s'intéressant à l'ensemble des acteurs ( opérateurs, entreprises, consommateurs): c'est une méthode de travail, fondée sur l'équité et la transparence.
Ce sont ces deux aspects que je souhaite développer dans ce propos.
La loi - en date du 26 juillet 1996 - a fixé les nouvelles règles du jeu pour les télécommunications : elle permet la mise en place des instruments nécessaires à une concurrence loyale et efficace. Cette loi comporte, je le rappelle trois principes de base :
- elle décide de la libéralisation du secteur en fixant les conditions d'exercice de la concurrence et de la mise en oeuvre de l'interconnexion. La loi dit en particulier que “les activités de télécommunications s'exercent librement” et que “les autorisations sont délivrées dans des conditions objectives, transparentes et non dicriminatoires” ;
- elle confirme l'existence d'un service public des télécommunications en environnement concurrentiel ; la loi définit son contenu, fixe les modalités de sa fourniture et pose les principes de son financement ;
- elle crée une instance de régulation dotée de l'indépendance nécessaire pour être en mesure d'assurer un jeu loyal de la concurence.
Trois aspects de cette nouvelle donne sont importants pour les entreprises :
- la fonction de régulation
- le dispositif relatif à l'interconnexion et à la numérotation,
- l'ouverture à la concurrence.
La fonction de régulation
La loi a défini un système qui partage cette fonction entre le Gouvernement (le Ministre chargé des Télécommunications) et un nouvel organisme indépendant : l'Autorité de régulation des télécommunications.
Le Ministre fixe les règles du jeu : il dispose du pouvoir réglementaire général (préparation des lois et des décrets, autorisation des réseaux ouverts au public et des prestataires de téléphonie vocale) ; il dispose également d'un pouvoir d'homologation (tarifs, techniques).
L'Autorité met en oeuvre les règles du jeu et en contrôle l'application. En particulier, elle :
- instruit les demandes de licence (réseaux ouverts au public, service téléphonique ouvert au public),
- autorise les réseaux indépendants,
- délivre les attestations de conformité pour les terminaux connectés aux réseaux,
- approuve le catalogue d'interconnexion des opérateurs puissants,
- évalue le coût du service universel et les contributions des opérateurs,
- émet des avis sur les tarifs (service universel et services où il n'existe pas de concurrence),
- contrôle le respect de l'application des licences,
- peut être saisie de demandes de conciliation,
- arbitre les litiges dans le domaine de l'interconnexion et du partage des infrastructures,
- peut prononcer des sanctions administratives et financières.
L'Autorité est associée, à la demande du Ministre chargé des télécommunications, à la préparation de la position française dans les négociations internationales dans le domaine des télécommunications.
L'Autorité entend jouer un rôle important en matière de transparence des marchés et d'information des acteurs (opérateurs, fournisseurs de biens et services, utilisateurs, etc...).
L'Autorité a été créée en Janvier 1997 et ces neuf premiers mois ont été entièrement consacrés à préparer l'ouverture complète à la concurrence du marché français des télécommunications prévue pour le 1er Janvier 1998, ce qui constitue sa mission première.
Nous nous sommes attachés à définir aussi rapidement que possible les principales dispositions très attendues - je pense notamment au catalogue de France Télécom - pour que les acteurs disposent au plus vite de la visibilité souhaitée : les quelques 320 décisions ou avis déjà pris témoignent du travail accompli par le Collège et les services de l'Autorité.
Le rôle de l'Autorité n'est pas seulement de participer à la définition des règles du jeu, en achevant la mise en place du dispositif réglementaire détaillé. C'est aussi de veiller à leur bonne application pour que la concurrence entre les différents acteurs soit effective et loyale. La recherche de l'équité est pour nous une exigence déontologique.
Mais la concurrence n'est pas une fin en soi : elle ne peut reposer sur la seule application juridique de textes, d'ores et déjà nombreux et précis, qui définissent le cadre de l'exercice. Cette concurrence doit s'inscrire dans une lecture économique et sociale de la régulation, avec deux finalités essentielles :
- d'abord la satisfaction du consommateur : plus de services, une qualité toujours meilleure, des prix orientés à la baisse,
- puis le développement économique du secteur, c'est-à-dire la poursuite de l'innovation, la compétitivité des entreprises et la création d'emplois.
C'est pourquoi l'Autorité attache une importance particulière à la compréhension économique de son action.
L'interconnexion et à la numérotation
L'interconnexion est un des paramètres essentiels de l'organisation et de la régulation du marché des télécommunications dans un cadre concurrentiel. Tout exploitant de réseau public ou prestataire de service téléphonique au public se voit, en effet, reconnaître un droit d'interconnexion avec les réseaux ouverts au public. Cette interconnexion permet à tout client d'un opérateur de joindre tout client d'un autre opérateur en utilisant successivement les réseaux de l'un puis de l'autre.
J'aborderai successivement quatre points :
- les principes fixés par la loi
- le catalogue de France Telecom
- la portabilité des numéros
- la sélection du transporteur.
1- les principes fixés par la loi
La loi dit que les exploitants de réseaux ouverts au public font droit, dans des conditions objectives, transparentes et non discriminatoires, aux demandes d'interconnexion des autres exploitants autorisés. L'interconnexion fait l'objet d'une convention entre les parties concernées, convention qui détermine les conditions techniques et financières de l'interconnexion. Elle doit être communiquée à l'Autorité. Les litiges peuvent être soumis à l'Autorité par l'une ou l'autre des parties.
2-le catalogue de France Telecom :
La loi a prévu que les opérateurs puissants (c'est-à-dire exerçant une influence significative sur le marché) sont tenus de publier une offre technique et tarifaire d'interconnexion. Il s'agit du catalogue de France Telecom qui est aujourd'hui le seul " opérateur puissant " sur le marché. Le catalogue de France Telecom permet aux opérateurs qui souhaiteront se connecter au réseau téléphonique de France Télécom de connaître le prix de cette interconnexion et ses conditions techniques. Le rôle de l'Autorité est ici tout à fait essentiel car elle doit approuver ce catalogue d'interconnexion avant sa publication. Chacun comprend qu'il ne s'agit pas uniquement d'une approbation formelle, mais d'une vraie négociation.
Le catalogue de France Télécom a été approuvé par l'Autorité en deux étapes: la première partie l'a été en Avril 1997 et la 2ème partie au mois de Juillet dernier. France Telecom et les nouveaux opérateurs disposent désormais d'un catalogue complet leur permettant de négocier les conventions qui rendront possible l'interconnexion de leurs réseaux à compter du 1er Janvier 1998.
Pour les exploitants de réseaux ouverts au public, ce catalogue contient notamment :
- les conditions d'acheminement du trafic commuté : l'accès au réseau de France Telecom se fera soit au niveau des commutateurs d'abonnés techniquement ouverts (il en existe plus de 700), soit au niveau des commutateurs de transit (il existe environ 80 points d'interconnexion), selon un principe de dégroupage : l'offre est suffisamment décomposée de façon que le nouvel entrant puisse se raccorder au réseau de France Telecom au niveau approprié, en ne payant que l'utilisation des éléments de réseau correspondant à la prestation demandée.
Pour les fournisseurs de service téléphonique au public, le catalogue contient une première offre destinée à des transporteurs longue distance ; cette offre pourra être complétée au vu des demandes qui seront faites, des cas concrets qui se présenteront et des licences qui seront délivrées.
Concernant les tarifs d'interconnexion, la loi a prévu que les tarifs des prestations des opérateurs puissants doivent refléter les coûts de l'opérateur :
- pour 1998, les tarifs d'interconnexion sont fondés sur les coûts moyens comptables prévisionnels pertinents, en tenant compte de l'efficacité des nouveaux investissements réalisés et des références internationales,
- à partir de 1999, le décret prévoit que les tarifs seront fondés sur les coûts incrémentaux de long terme, c'est-à-dire, sur des coûts pertinents et efficaces à long terme. Cette approche va être étudiée, ses enseignements décideront de sa mise en oeuvre.
Les tarifs figurant dans ce catalogue ont été fixés essentiellement à partir des coûts prévisionnels de France Télécom pour 1998. L'Autorité a fondé sa décision sur une méthode objective, partant d'éléments audités. L'Autorité a examiné également les références internationales. Cet examen n'a pas conduit l'Autorité à modifier les tarifs calculés à partir des coûts comptables.
3 - la portabilité des numéros :
La numérotation est un facteur important pour rendre la concurrence accessible à tous de façon simple. L'Autorité est chargée d'établir un plan national de numérotation et de le gérer ; elle est en particulier chargée d'attribuer aux opérateurs et aux utilisateurs les ressources nécessaires en numéros dans des conditions transparentes et non discriminatoires.
La loi française a prévu la portabilité des numéros, c'est-à-dire la possibilité pour chaque abonné de conserver son numéro même s'il change d'opérateur. Cette possibilité se réalisera en deux étapes : entre 1998 et 2001, l'abonné conservera son numéro de téléphone s'il ne change pas de domicile ; après 2001, l'abonné pourra se faire attribuer un numéro à vie et le conservera même s'il déménage dans une autre région.
Les conditions techniques et tarifaires de la portabilité ont été définies dans le catalogue de France Télécom. L'Autorité a invité France Télécom à compléter son offre initiale en introduisant dans son réseau, au cours de l'année 1998, la solution technique dite " réacheminement par gestion d'abonné avec numéro préfixé ", plus favorable au développement effectif de la portabilité des numéros.
4 - la sélection du transporteur :
C'est un élément essentiel de l'ouverture à la concurrence du marché du transport " longue distance ". Il est en effet vital pour les nouveaux entrants sur le marché " longue distance " d'être accessibles dans des conditions de parité avec l'opérateur historique par les clients de boucle locale de ce dernier. Le client s'abonnera à terme à l'opérateur local de son choix : ce sera France Telecom ou l'un de ses concurrents là où ils existeront. Il pourra également, sans doute plus rapidement, choisir un opérateur longue distance, différent de son opérateur local.
A partir du 1er janvier 1998, cette sélection du transporteur se fera appel par appel, en composant un identifiant, associé à chaque opérateur. Dans une deuxième étape (en principe en Janvier 2000), le client pourra ou bien présélectionner un opérateur longue distance (auprès duquel il aura souscrit un abonnement) ou bien choisir appel par appel son transporteur pour ses communications nationales et internationales. Une décision de principe en ce sens a été prise par le dernier Conseil des Ministres européens de Luxembourg ; cette disposition doit maintenant faire l'objet d'une directive européenne ; l'Autorité veillera pour sa part à ce que les modalités définitivement retenues assurent une mise en oeuvre simultanée par les différents pays, afin d'éviter toute dissymétrie dans la concurrence entre opérateurs. A cet effet, deux dispositifs ont été définis :
- le premier, s'adressant aux opérateurs longue distance déployant des infrastructures nationales, prévoit que, pour identifier l'opérateur, il faut composer un chiffre désigné par la lettre " E ", venant se substituer au premier chiffre du numéro à 10 chiffres
- le second, s'adressant aux autres opérateurs, prévoit l'utilisation d'un préfixe à 4 chiffres de la forme 16XY, à composer avant le numéro demandé.
Le " E " est une ressource rare : il ne peut en effet prendre que sept valeurs. Il convenait donc de mettre en place une procédure permettant l'attribution de cette ressource. L'Autorité a lancé une consultation publique, en mai 1997, auprès des acteurs du secteur. Un projet de décision a ensuite été soumis à la Commission Consultative des réseaux et services de télécommunications puis approuvé en Juillet dernier. L'Autorité a fixé les critères d'attribution du E, en précisant notamment que celui-ci est réservé aux opérateurs longue distance déployant des infrastructures nationales et s'engageant techniquement et financièrement à assumer des obligations de couverture du territoire. Le premier tirage au sort parmi les 3 sociétés admises à participer a eu lieu le 15 Septembre. Il a conduit aux choix suivants :
- France Télécom a choisi le 8
- Netco le 9
- Telecom Developpement le 7.
Le prochain tirage au sort aura lieu prochainement, en tout état de cause d'ici le 15 Novembre et devrait conduire à la réservation d'autres numéros.
Par ailleurs, les opérateurs de service téléphonique longue distance autorisés autres que ceux qui déploient des infrastructures nationales pourront, à partir du 1er Janvier prochain, être sélectionnés par leurs clients par un préfixe à 4 chiffres de type 16XY qui identifiera chaque transporteur longue distance au même titre que le E.
La conséquence directe de cette distinction entre opérateur local et transporteur est la nécessaire définition du marché accessible aux opérateurs longue distance. Le tri des appels conduit ainsi à identifier les trafics qui peuvent être pris en charge par les transporteurs longue distance et à définir a contrario des zones au sein desquelles les opérateurs longue distance ne peuvent acheminer le trafic des consommateurs. L'Autorité s'est attachée à définir une zone locale de tri lisible et compréhensible s'appuyant sur le découpage administratif du territoire national - métropole et Outre-mer - et plus précisément sur les départements, à l'exception de Paris et de la petite couronne qui ne constitueront qu'une zone ainsi que les deux départements de Corse.
Grâce au cadre législatif qui a été fixé et aux dispositions prises au cours de ces derniers mois par l'ART, j'estime que les acteurs ont devant eux aujourd'hui un dispositif juridique clair pour l'ouverture à la concurrence, avec en particulier :
1- un service universel dont le coût pour 1997 a été fixé à 4,8 milliards de francs et dont le coût pour 1998 sera connu très prochainement, calculé sur la base de principes d'ores et déjà définis.
2- un régime de licences déjà bien précisé.
Je rappelle qu'il est prévu d'accorder 3 catégories de licences, en distinguant :
- la fourniture du service téléphonique au public sans établir et exploiter un réseau ouvert au public c'est-à-dire en ayant recours à des liaisons louées (L34-1)
- l'établissement et l'exploitation d'un réseau ouvert au public sans fournir de service téléphonique au public : il s'agit en fait de l'exploitation d'infrastructures alternatives (L33-1) (cela permet également de fournir des services de télécommunications, sauf la voix qui doit rester au sein de GFU).
- l'établissement et l'exploitation d'un réseau ouvert au public en vue de fournir tout service de télécommunications y compris le service téléphonique au public (L33-1 et L34-1).
La licence ne pourra être refusée que dans un nombre très limité de cas : sauvegarde de l'ordre public, contraintes inhérentes à la disponibilité des fréquences, insuffisance de capacité technique ou financière.
J'ajoute que :
- l'établissement de réseaux indépendants (c'est-à-dire non ouverts au public) est soumis à une simple autorisation (L33-2) ou libres (L33-3)
- la fourniture au public des services de télécommunications autres que le service téléphonique est libre (L34-2) (avec deux cas particuliers où ils sont soumis à autorisation dans l'hypothèse où ils utilisent des fréquences et où ils sont soumis à déclaration s'ils sont fournis à partir d'un réseau câblé établi pour la distribution de services de radio et de télévision).
Le rôle de l'Autorité, dans ce domaine, est :
- d'instruire les demandes de licence (réseaux ouverts au public et services téléphoniques au public) pour le compte du Ministre,
- de délivrer les autorisations pour les réseaux indépendants.
L'instruction de ces nouvelles licences sera une des tâches importantes de l'Autorité au cours des prochains mois.
3 - Une action importante de l'Autorité en matière tarifaire
Les tarifs, je le sais, demeurent pour les entreprises l'élément le plus sensible: de nombreux sondages montrent que vous êtes nombreux à penser que l'ouverture à la concurrence allait permettre aux entreprises de faire des économies. Je conviens avec vous que l'ensemble du processus vise par le biais de la concurrence à une baisse des prix et à une qualité renforcée.
Les attributions de l'Autorité en matière tarifaire sont étendues :
Pour l'ensemble des opérateurs, l'Autorité saisit le Conseil de la concurrence des abus de position dominante et des pratiques entravant le libre exercice de la concurrence ; le Conseil recueille l'avis de l'Autorité sur les saisines relatives aux télécommunications.
Pour France Télécom, l'Autorité émet un avis public sur les tarifs et les objectifs tarifaires pluriannuels du service universel et des tarifs pour lesquels il n'existe pas de concurrents sur le marché ; elle est informée des autres tarifs.
Depuis le 1er janvier 1997, l'Autorité a émis une cinquantaine d'avis sur des décisions tarifaires de France Télécom et deux avis au Conseil de la concurrence sur des pratiques tarifaires.
Dans ses avis, l'Autorité s'est d'abord attachée à examiner l'intérêt pour les consommateurs des pratiques tarifaires, notamment pour ceux qui ne bénéficieront pas rapidement du choix de leur opérateur après l'ouverture à la concurrence. Elle a été consciente que, dans la période cruciale qui précède l'ouverture totale à la concurrence, l'opérateur historique devait adapter ses tarifs, dans le sens d'une meilleure vérité des prix. France Télécom a, à ce titre pris de nombreuses initiatives, qui ont permis une diversification des services offerts aux consommateurs. L'Autorité a considéré a priori que cette diversification pouvait bénéficier au consommateur, sous réserve d'une information adaptée et du respect des règles de concurrence. A ce titre, elle a systématiquement analysé les effets concurrentiels des pratiques tarifaires relatives aux marchés visés par les nouveaux entrants.
L'Autorité a également veillé à la transparence de ses avis, qui sont publics. Elle poursuivra dans cette voie, afin d'éclairer les opérateurs sur les principes d'analyse qu'elle entend appliquer pour l'examen des tarifs, au titre de l'homologation ou au titre de ses attributions en matière de droit de la concurrence. Elle développe également ses outils d'observation des marchés et des pratiques tarifaires.
Mais, au dela de cette base réglementaire sur laquelle se fonde notre activité, je souhaiterais également aujourd'hui illustrer par des exemples concrets combien l'Autorité prend en compte les préoccupations actuelles des entreprises. Pour cela je m'appuierai sur trois domaines fondamentaux pour leur activité :
- l'accès aux technologies les plus innovantes
- la dynamique Internet
- l'accès aux services internationaux.
- l'accès aux technologies les plus innovantes
Chacun a conscience de l'importance que représente le secteur des télécommunications pour les entreprises. Le meilleur témoin en est la croissance de la consommation de services de télécommunications. Je citerai à ce propos une étude réalisée récemment par l'Idate effectuée auprès des 500 plus grandes entreprises européennes. Il apparaît que leur trafic de télécommunications a augmenté de 16 % en 1996 et qu'elles prévoient encore 20 % de plus pour 1997 ! Cette croissance revêt certainement des formes très diverses : capacités de transmission de voix, de données et d'images entre sites type “groupe fermé d'utilisateurs”, trafic départ commuté, connexion des réseaux locaux d'entreprise, connexion des boucles locales urbaines entre elles ou tout autre service avancé. Pour répondre à cette demande multiforme, les opérateurs de télécommunications doivent faire preuve d'innovation et notamment proposer des offres à très haut débits susceptibles d'apporter une solution technique appropriée au développement de nouvelles applications dans de nombreux secteurs d'activité.
Des opérateurs dont France Télécom ont déjà des projets en la matière ; l'Autorité a été appelée à rendre un avis sur un projet de France Télécom de fournir une offre de liaisons numériques à très hauts débits sur des infrastructures optiques déployées dans les agglomérations. Dans le souci double de faire bénéficier rapidement les utilisateurs de ce type d'offre et de favoriser l'exercice d'une concurrence équitable, l'Autorité a souhaité consulter les acteurs du secteur. A ce propos, l'Autorité souhaite particulièrement connaître :
- la situation des offres,
- l'ampleur du marché,
- les conditions de mise en place d'une concurrence équilibrée telles les méthodes de valorisation et de partage des coûts utilisés ou encore les modalités d'ouverture des infrastructures aux opérateurs et fournisseurs de services concurrents.
- un accès équitable à la dynamique Internet
Le phénomène Internet est aujourd'hui une donnée essentielle et les entreprises françaises doivent pouvoir participer à cette dynamique en toute sécurité pour le développement de leurs activités. L'Autorité de régulation, dans le respect des missions qui lui sont confiées s'attache à promouvoir de tels objectifs, mais dans les limites d'un monde non soumis à régulation :
concernant l'accès à Internet, l'Autorité de régulation est déjà intervenue par sa décision d'arbitrage dans le différend oppposant Paris TV Câble et la Compagnie Générale de Vidéocommunication d'une part et France Télécom, d'autre part ; il lui est apparu que l'accès à Internet par le réseau câblé présentait des avantages importants pour le consommateur. En effet, l'accès à Internet via le câble se caractérise par :
une diversification accrue, par rapport au recours au réseau téléphonique commuté ou aux liaisons louées ;
des débits beaucoup plus élevés que par le réseau téléphonique ;
une consommation qui, selon les contrats actuellement proposés par les câblo-opérateurs, n'est pas limitée dans le temps ;
une bonne qualité de service.
En conséquence, l'Autorité a décidé que les conventions conclues entre France Télécom et les deux câblo-opérateurs pour l'exploitation des réseaux, qui concernaient trois millions de foyers, devaient être modifiées dans le sens d'une meilleure économie de la fourniture de l'accès à Internet sur les réseaux câblés concernés.
- concernant la fonction “transport de données”, il convient d'ailleurs de rappeler que la transmission de données constitue en France un marché libre depuis le 1er janvier 1992. Au plan international, toutefois, pour garantir une qualité de service maximale, les fournisseurs d'accès à Internet doivent louer des liaisons transatlantiques pour relier les principaux noeuds d'échange. Or l'accès aux infrastructures internationales dans un univers concurrentiel s'avère de plus en plus problématique. Aujourd'hui, selon une étude réalisée pour l'Autorité par un cabinet indépendant, le coût des liaisons louées internationales peut représenter jusqu'à 23% du chiffre d'affaires d'un fournisseur d'accès à Internet. Cette situation est préoccupante pour le développement d'Internet et l'Autorité entend bien intégrer dans son plan de travail une réflexion pousssée sur l'accès aux infrastructures internationales.
- concernant la fourniture de services par Internet, il est évident que toutes les entreprises ont intérêt à ce qu'une gamme étendue de services se développe dans les meilleures conditions de sécurité. Selon l'étude Idate précédemment citée, quand on interroge les 500 plus grandes entreprises européennes sur les solutions de commerce électronique sur Internet déjà développées, on s'aperçoit que seulement 26 % d'entre elles ont déjà mis en place une application de ce type, et encore pour des usages très faibles. Toutefois , pour l'avenir, on s'aperçoit que 37 % des groupes ont des projets en la matière et que 94 % d'entre eux considèrent que le développement du commerce électronique est inéluctable.
Mais une telle évolution nécessite un climat de confiance suscité par un régime de cryptologie des données qui permettrait aux entreprises de garantir la confidentialité, l'intégrité et l'authentification des données transmises sur les réseaux. La France a opté, par les décisions prises dans la loi de réglementation des télécommunications pour la mise en place de tiers de confiance.
Pour une mise en place efficace, le régime juridique de la cryptologie doit prendre en compte tout à la fois les exigences de l'ordre public, de la sécurité d'Etat et de la défense nationale et le fait que le développement des échanges d'information conditionne celui de l'activité économique. Des textes fondamentaux sont en préparation. Le souci primordial de l'Autorité est que le dispositif proposé soit applicable et efficace et qu'il ne provoque pas un déséquilibre concurrentiel au détriment des entreprises françaises. Elle est donc favorable à un réel assouplissement du régime juridique applicable aux moyens et prestations de cryptologie et à sa définition selon des critères simplifiés.
Concernant la dynamique Internet, je tiens à souligner que l'ART soutient pleinement l'action du Gouvernement en matière d'accès des établissements scolaires au réseau Internet. Je tiens à rappeler également qu'il y a quelques mois, j'avais pu surprendre en exposant ma préoccupation concernant le développement de la téléphonie sur Internet. Aujourd'hui, ce qui était qualifié de “gadget” n'est pas encore totalement devenu réalité, mais il semble bien que son enjeu, notamment économique, soit encore bien mal apprécié. L'Autorité ne manquera pas d'inclure dans son programme de travail, une réflexion poussée en la matière.
- l'accès aux services internationaux
L'Autorité attache une importance particulière aux conditions de développement du marché des services internationaux, et ce pour trois raisons :
- une concurrence effective dans ce domaine est souhaitable ;
- l' impact sur la balance des paiements courants est évident ;
- l'Autorité est attentive au développement des plate-formes de transit sur un marché mondial : la France doit pouvoir enfin jouer un rôle décisif en tant que point nodal des principaux axes de transmission internationaux afin d'exploiter pleinement ses atouts géographiques. L'existence de restrictions susceptibles de limiter l'accès aux infrastructures internationales atterrissant en France aurait pour effet d'inciter les nouveaux entrants à avoir recours à des infrastructures localisées à l'extérieur du territoire français et, par voie de conséquence, de contribuer au développement de plate-formes d'acheminement de trafic international situées à l'extérieur du territoire français. Dans un contexte de bouleversement des modes d'acheminement de trafic international, elles contraindraient également les acteurs établis en France à réduire leurs ambitions sur le marché des prestations de transit offertes aux opérateurs étrangers.
Soucieuse de ces perspectives, l'Autorité entend bien engager une action volontariste en relation avec les acteurs du secteur. J'ai déjà mentionné la consultation publique portant sur les conditions d'accès aux systèmes de câbles sous-marins : elle contribuera à mieux expliciter et clarifier les conditions d'interprétation des dispositions applicables.
Je ne saurais conclure sans souligner deux événements importants qui illustrent la confiance des acteurs dans le développement du secteur des télécommunications en France :
- d'une part, la remarquable croissance du marché des mobiles, qui, certains mois cette année, a dépassé les 8% ;
- d'autre part, la mise sur le marché du capital de France Télécom : le régulateur ne déroge ni à la neutralité, ni à l'équité, en saluant aujourd'hui cette brillante réussite, d'abord favorable à une concurrence équilibrée et dynamique en France, mais aussi au rayonnement international de France Télécom, donc de notre pays dans une bataille où la France doit être présente.
Dans cette perspective, l'Autorité continuera à inscrire son action au service des seuls objectifs définis par la loi : faire de la concurrence non pas la finalité, mais l'instrument du développement des télécommunications ; favoriser la croissance du marché, en participant aux politiques de l'emploi et d'aménagement du territoire ; contribuer à la modernisation de l'économie nationale et à son rayonnement dans le monde.
La tâche est immense, elle ne saura être menée qu'avec le soutien constructif et éclairé de tous les acteurs, dont le concours sera toujours souhaité et apprécié.