La concurrence et l’aménagement du territoire font-ils bon ménage ? A première vue, le lien est plutôt ténu. Quoi de commun a priori entre l’objectif de rentabilité des opérateurs et le souci d’équité qui inspire les politiques publiques d’aménagement du territoire ? La loi de réglementation des télécommunications a pourtant tenté de réaliser la synthèse en subordonnant la concurrence à des objectifs économiques et sociaux, parmi lesquels l’aménagement du territoire figure en bonne place.
Une fois cette synthèse opérée en principe, il ne restait plus qu’à la mettre en œuvre sur le plan pratique. Le régulateur occupe une position privilégiée pour y contribuer de manière significative. Plusieurs mesures ont été prises à cet égard pour favoriser l’aménagement du territoire : ainsi, les opérateurs de réseaux qui ont obtenu un préfixe de sélection du transporteur à un chiffre sont soumis à des obligations de couverture du territoire national selon un calendrier précis. De leur côté, les opérateurs mobiles sont exemptés d’une partie de leur contribution au financement du service universel en échange d’engagements de couverture du territoire.
Mais l’Autorité ne peut conduire cette mission à elle seule. Les collectivités territoriales, qui ont naturellement une vocation d’aménagement et de développement local, peuvent contribuer à l’essor des télécommunications sur leur territoire. Elles sont d’ailleurs de plus en plus nombreuses à vouloir prendre des initiatives, souvent légitimes, dans ce domaine. Il ne s’agit pas pour elles de devenir des opérateurs de télécommunications. Il serait en effet paradoxal de rétablir des monopoles locaux à l’heure de la libéralisation et les responsables territoriaux l’ont parfaitement compris.
En revanche elles ont un rôle d’impulsion à jouer pour permettre l’émergence de la concurrence là où elle n’est pas encore présente, et notamment sur le segment de la boucle locale. Cela suppose sans doute des aménagements du droit en vigueur dans le sens d’une simplification et d’une clarification. Car si le code des postes et télécommunications n’interdit pas les initiatives de la part des collectivités, la superposition d’autres droits (notamment le code des communes) les rend souvent incertaines.
Ainsi, la pose et l’exploitation de fibres inactivées par une collectivités territoriales ne fait l’objet d’aucune interdiction. En revanche, la location de ces infrastructures à un opérateur est assimilée par le droit des collectivités territoriales à une activité économique et commerciale ; elle n’est donc permise qu’en cas de carence de l’initiative privée, notion qui s’apprécie dans le cadre du contrôle de légalité, c’est-à-dire a posteriori. Cette restriction induit donc un risque évident pour la collectivité locale. Par ailleurs le code des postes et télécommunications précise à juste titre que cette location ne peut se faire que dans le respect des règles de la concurrence à l’égard de tous les opérateurs et ne saurait les empêcher de bénéficier des droits de passage qui leur sont reconnus sur le domaine public.