Prise de parole - Discours

Colloque annuel de l’ARCEP du 25 septembre 2012 sur « Les territoires du numérique » : Introduction de la table ronde  sur « Territoires et usages numériques »,  par Jacques Stern, membre du collège de l’ARCEP

Comment la diffusion des technologies numériques bouleverse-t-elle nos modes de vie quotidiens (transport, santé, éducation, travail et loisirs), nos rapports à l'espace, nos modes de communication, nos comportements sociaux ? Comment se déclinent les nouveaux usages dans nos univers personnels ou professionnels, et comment s'articulent ils dans les sphères individuelle, familiale ou collective ? Doit-on aller vers un service numérique universel ?

1. la nature de la révolution numérique fondée sur l'informatique et les réseaux:

  • La puissance de calcul : celle des terminaux informatiques augmente et surtout se rapproche de l'individu. On est passé de l'ordinateur sur le lieu de travail au portable à la maison, sur le bureau d'abord puis dans toutes les pièces, et maintenant partout sur soi. Cette diffusion de technologies pensées initialement pour l'environnement professionnel dans les foyers a été très rapide

  • Le débit : les terminaux informatiques sont désormais connectés à travers le réseau " Internet " et les infrastructures de télécommunications délivrent un débit de transmission de plus en plus élevés, tant à domicile avec l'ADSL et/ou la fibre optique, qu'en mobilité avec les technologies 3G, 3G+ et bientôt 4G Dans les années 1980, j'avais chez moi - rare privilège à l'époque -un avec un disque de 10 Mo (de quoi stocker aujourd'hui 2 photos en HD) et de plus connecté. Je pouvais ainsi lire mon courrier et transmettre des fichiers: la connexion à distance s'effectuait sur le réseau commuté avec un Modem 300bps ; aujourd'hui les connexions atteignent des débits de plusieurs dizaines, voire centaines de Mbps.

  • Les interfaces : les terminaux numériques disposent de plus en plus d'interfaces d'utilisation extrêmement intuitives comme celles des tablettes et autres " smart phones " s'appuyant sur des couches logicielles intelligentes qui facilitent la mise en œuvre d'outils complexes.

 

 

2. Quel impact sur la société et l'individu ?

La société et l'individu sont fortement affectés par cette révolution numérique dans nombre de relations sociales impliquant l'Etat et les citoyens, les agents économiques, les et les, les fournisseurs de biens et de services et les consommateurs.

Un double processus s'opère :

  • Presque toutes ces relations sociales - à l'exception de celles qui requièrent absolument un face à face - sont répliquées de manière immatérielle, ce qui les rend à la fois instantanées et insensibles à la localisation des acteurs. Cette réplication passe par le développement de solutions technologiques propres à un contexte " métier " donné, reposant sur l'usage combiné d'outils numériques, informatiques et de télécommunications. Ces solutions se sont ensuite diffusées à l'ensemble de la société.

Exemples : santé (actes médicaux à distance, dossier électronique), éducation (contenu éducatif en ligne, cours à distance), travail (centre de télétravail ou travail collaboratif), administration (actes administratifs en ligne, impôts), commerce à distance et paiements à distance (explosion du e-commerce et amélioration des circuits logistiques), etc

  • Une fois réalisée la transposition de ces actions du quotidien dans un univers numérique immatériel, la dématérialisation devient dès lors un puissant moteur d'innovations qui permet de les enrichir et de les décliner sous de nouvelles formes.

Exemple : L'internet des objets, l'association des technologies mobiles et RFID, permet d'envisager de nouvelles interactions avec l'environnement urbain ou notre domicile, tels que la réalité augmentée (un objet ou un lieu envoie des informations pratiques à l'usager) ou le contrôle des objets à distance via des interfaces applicatives (exemple du réfrigérateur renouvelant automatiquement une commande de biens de consommations à épuisement du stock).

3. Quelles obligations pour les pouvoirs publics

Face à la nécessité pour chacun d'utiliser les réseaux de communications électroniques pour effectuer, au sein de la société, de très nombreux actes socio-économiques, les pouvoirs publics au sens large doivent être particulièrement vigilants à ce qu'une part de nos concitoyens ne soit pas exclue de cette révolution numérique en cours.

Une récente étude [l'étude du CREDOC sur LA DIFFUSION DES TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION ET DE LA COMMUNICATION DANS LA SOCIETE FRANÇAISE] montre que les obstacles rencontrés sont de trois ordres respectivement liés aux trois composantes de la révolution numérique identifiées plus haut :

  • Terminaux : certaines personnes aux revenus limités ne peuvent acquérir l'équipement nécessaire : 43% seulement des personnes qui disposent d'un revenu inférieur à 900 euros sont connectées.

  • Débit : pour des raisons géographiques, un nombre important de personnes ne disposent pas d'un débit suffisant pour accéder à certains services. Cela s'applique aux zones rurales peu denses mais aussi à certaines zones de grandes agglomérations. C'est le cœur du sujet des territoires qui nous occupe. En termes de couverture pour le haut débit fixe, les chiffres de l'ARCEP de fin 2011 sur le haut et très haut débit montrent que sur 33 millions de lignes couvrant l'ensemble du territoire : 1% des lignes en cuivre sont inéligibles au haut débit DSL (265 000 lignes) et 25,6% des lignes sont limités à des débits théoriques inférieurs à 4Mb/s (atténuation du signal, présence d'équipement de multiplexage). Par ailleurs, indépendamment de l'éligibilité et du débit théorique pouvant être atteint, certains NRA (8000 soit 12% des lignes, principalement en zone rurale) ne permettent d'accéder qu'à des services " double play DSL " sans service de télévision.

  • Interfaces : malgré les simplifications apportées dans l'utilisation des technologies récentes, certaines personnes ne parviennent pas à les maîtriser : 45% seulement des retraités sont connectés.

Face à ces obstacles, L'Etat doit-il favoriser l'accès aux technologies au travers de l'adoption d'un Service Numérique Universel ?