Mesdames et Messieurs les parlementaires et élus locaux,
Monsieur le directeur de cabinet,
Mesdames et Messieurs,
Merci, cher Sébastien Soriano, pour ces éléments de cadrage et de calendrier qui traduisent la volonté du Gouvernement de s’impliquer fortement dans le pilotage de ce chantier stratégique qu’est l’aménagement numérique de notre territoire. Chaque année, cette réunion plénière du GRACO vient clore un cycle de travaux et de dialogue étroit entre les opérateurs, les collectivités territoriales et l’ARCEP. C’est donc le bon moment pour tirer le bilan d’une année 2012 qui, en matière d’aménagement numérique, a permis, me semble-t-il de clarifier et de faire avancer de nombreux sujets. C’est également l’occasion de dresser quelques perspectives sur les chantiers qui sont encore devant nous.
2012 a été une année charnière, qui s’est traduite, à la fois par les premières réalisations concrètes hors des zones très denses et par la traduction opérationnelle du cadre réglementaire édicté depuis 2011 par l’ARCEP.
Avant de laisser la parole aux intervenants de la première table-ronde, je souhaite faire un rapide état des lieux des déploiements avant de revenir sur les sujets qui sont encore ouverts et qui ne manqueront pas d’animer les débats de cette matinée.
I. Déploiements FttH : des signaux encourageants
L’Autorité a publié la semaine dernière son observatoire du haut et du très haut débit pour le troisième trimestre 2012. Il prouve que ce qui a été mis en place au cours des trois dernières années commence à se traduire concrètement sur le territoire : le cap de deux millions de logements éligibles au FttH a été dépassé, soit une croissance de plus de 50% sur un an ; près de 400 000 logements éligibles le sont hors des zones très denses. Si l’on ajoute les autres réseaux d’accès au très haut débit à 100 Mbps, ce sont au total 4,7 millions de foyers qui sont éligibles à ce niveau de débit.
L’ARCEP a également choisi de publier désormais les données d’éligibilité des accès à 30 Mbps, afin de refléter les objectifs fixés au très haut débit par la stratégie numérique de la Commission européenne. Si l’on ajoute ces accès à 30 Mbps, ce sont au total 8,8 millions de logements qui sont désormais éligibles à des offres à très haut débit, dont 3,5 millions hors des zones très denses. Cette dynamique se traduit sur d’autres indicateurs, qu’il s’agisse de la longueur de linéaire de génie civil loué à France Télécom qui croit de près de 60% sur un an ou du parc de logements éligibles via la mutualisation qui a cru de 150 % en un an. Ces investissements, notamment hors des zones très denses, sont facilités par la mise en œuvre des accords de coinvestissement, non seulement entre opérateurs privés – et les annonces de 2011 sont désormais précisées localement – mais également entre opérateurs privés et publics, comme c’est par exemple le cas dans la Manche ou à Pau.
Les collectivités territoriales ont maintenant fait la preuve de leur pleine implication et les premiers projets sortent de terre, représentant d’ores et déjà une couverture de près de 330 000 logements. Elles le font en s’inscrivant dans une démarche de planification stratégique à l’échelon départemental, dans la Manche, le Vaucluse, la Gironde ou l’Oise, ou régional, comme dans les ambitieux projets de l’Auvergne et de la Bretagne. Leurs représentants sont activement associés aux travaux de l’Autorité, au-delà des rencontres du GRACO.
Sur le marché de détail, si l’on considère l’ensemble des accès au très haut débit, soit les 8,8 millions de lignes que je viens d’évoquer, le taux d’abonnement atteint 17%, soit 1,5 million d’abonnés. L’accroissement de ce taux de pénétration reste l’une des clefs pour justifier, en termes de revenus, les investissements des opérateurs privés comme publics, dans les réseaux de fibre optique. Nous verrons, d’ici quelques mois, si l’intuition que nous partageons, à savoir une appétence plus forte pour la fibre dans les zones où l’accès via l’ADSL est de moins bonne qualité, se trouve confirmée.
La dynamique d’investissement dans le FttH, qui a vocation à croître pour atteindre progressivement un rythme conforme à l’objectif affiché par le Gouvernement, s’accompagne d’une poursuite des efforts sur le haut débit : une centaine de répartiteurs ont été dégroupés au seul troisième trimestre et l’empreinte du dégroupage atteint pratiquement 86% de la population. La montée en débit sur le réseau de cuivre de France Télécom démarre également. Elle doit constituer un instrument complémentaire mais ciblé pour répondre à des besoins de court terme et doit s’inscrire dans un projet global dont l’objectif est bien le très haut débit. J’y reviendrai.
Les déploiements des réseaux mobiles se poursuivent également selon deux axes : à la fois l’amélioration de la couverture 3G et une forte accélération des déploiements 4G annoncés par les opérateurs. Le très important rapport que l’ARCEP a publié vendredi permet de faire un point complet tant sur la couverture mobile que sur la qualité de service mobile dont on sait qu’ils constituent un sujet de préoccupation légitime, aussi bien pour les consommateurs que pour les élus et les entreprises.
Ces points étant précisés, je souhaite brièvement rappeler certains des sujets qui ont animé les travaux du GRACO cette année et qui ne manqueront pas d’être évoqués ce matin.
(II.) Je pense que nous partageons tous ici le constat qu’il faut améliorer la cohérence opérationnelle des déploiements, notamment par une industrialisation des processus.
Une standardisation accrue constitue l’un des préalables à une réelle industrialisation des déploiements et à la cohérence de projets portés parallèlement par plusieurs acteurs. Elle constituera également l’une des conditions de l’attractivité des réseaux d’initiative publique. De nombreux travaux sont en cours, que ce soit au sein du groupe inter-opérateurs sous l’égide de la FFT - mais qui a vocation à regrouper l’ensemble des acteurs du déploiement - ou par d’autres initiatives qui seront présentées au cours de la première table-ronde.
Je dis « l’un des moyens » car il va sans dire que l’attractivité des RIP repose également sur un dialogue constructif en amont du projet, y associant ses futurs clients, et par un soin particulier apporté, comme pour toute infrastructure, à la qualité du service qui sera proposé. En retour, il est légitime que les collectivités territoriales attendent des opérateurs privés une réelle transparence dans la déclinaison locale de leurs intentions d’investissement et une participation active à la définition de leurs besoins vis-à-vis des réseaux d’initiative publique. Vous m’avez déjà entendu dire à maintes reprises - c’est en effet ma conviction et celle de l’Autorité - que la réussite du déploiement du très haut débit sur l’ensemble du territoire est, pour l’essentiel, conditionnée par la qualité du dialogue et de la collaboration entre les acteurs privés et publics impliqués dans ces déploiements.
Pour chaque territoire, le dialogue entre collectivités permet aussi, lorsqu’il est réussi, de garantir une réelle cohérence des interventions publiques des différentes collectivités impliquées. Ce sera l’un des sujets de la deuxième table-ronde.
L’exercice de planification engagé avec la systématisation des schémas directeurs implique ainsi de faire des choix et d’identifier des priorités. Il implique également un recours équilibré aux solutions technologiques les mieux à même d’y répondre. C’est pour accompagner les élus, sur des sujets qui présentent une certaine complexité technique et économique, alors qu’ils ont une réalité immédiate pour les consommateurs comme pour les entreprises et les services publics, que l’ARCEP a diffusé, depuis deux ans, plusieurs guides sur la montée vers le très haut débit et a publié, il y a quelques jours, un guide détaillant les conditions – et les limites – du recours à la montée en débit sur le réseau de cuivre de France Télécom.
Plus largement, l’ARCEP entend contribuer, dans la limite de ses compétences, à ce dialogue local et à la bonne information des collectivités. Plusieurs mesures y contribuent : en premier lieu, les consultations que les opérateurs doivent mener, en vertu du cadre réglementaire, pour définir les zones arrière de leurs points de mutualisation et qui permettent aux collectivités territoriales de faire part de leurs priorités aux opérateurs ; mais aussi les consultations que les collectivités doivent mener préalablement à tout projet de montée en débit. Dans ce dernier cas, la consultation peut également être l’occasion de vérifier la cohérence des projets publics locaux entre eux. L’ARCEP publie aussi sur son site internet les schémas directeurs achevés, contribuant ainsi à la diffusion de l’information, nécessaire au dialogue multipartite que j’évoquais précédemment. L’ARCEP a, enfin, à cœur de bien faire comprendre ses décisions, pour en faciliter l’application : c’est, je crois, l’un des intérêts des réunions régulières du GRACO.
(III.) Mais au-delà de cette diffusion de l’information et de cette harmonisation des savoir-faire et afin d’optimiser les déploiements sur chaque territoire, trois grands sujets relèvent du plan national : le cadre réglementaire, le financement de la péréquation nationale et, bien sûr, la gouvernance d’ensemble.
Les échanges et débats de ces derniers mois, y compris ceux, récents, autour de la proposition de loi sur l’aménagement numérique du territoire ont avant tout mis en évidence qu’une meilleure coordination est nécessaire pour l’ensemble des acteurs impliqués dans le chantier du très haut débit. Ce projet de texte a également eu le mérite de formaliser certaines des préoccupations légitimes des élus en matière de couverture et de qualité du service mobile. Comme elle l’avait annoncé dès le printemps dernier, l’ARCEP a fait, dans le rapport qu’elle a publié vendredi, un certain nombre de propositions afin de mieux prendre en compte les attentes des élus et des utilisateurs des services mobiles. Une consultation publique est engagée jusqu’à la fin du mois de janvier. L’Autorité formalisera ses propositions définitives en février.
Mais la stabilité de certaines règles est essentielle si l’on ne veut pas casser la dynamique qui se met en place pour le très haut débit. Les principes sur lesquels repose le cadre réglementaire, neutres à l’égard de la nature, privée ou publique, de l’opérateur qui déploie, ont été établis pour inciter et faciliter l’investissement des opérateurs privés nationaux comme des collectivités territoriales. Le coinvestissement constitue ainsi le moyen d’un partage de la charge financière et ce dispositif peut – et doit – fonctionner dans les deux sens : du public sur un projet privé comme du privé sur un projet public. Les annonces faites récemment par les opérateurs privés vont dans le bon sens et doivent être confirmées.
Si la stabilité des règles du jeu est nécessaire, cela ne suffit pas : l’ARCEP doit encore affiner la mise en œuvre pratique du cadre réglementaire qu’elle a établi. C’est ainsi que les travaux engagés pour clarifier le régime juridique du raccordement final ont amené l’Autorité à faire la semaine dernière au Gouvernement des propositions d’évolutions législatives qui visent à préciser et simplifier le partage des responsabilités, notamment entre opérateur d’immeuble et propriétaires. Nous les rendrons publiques courant décembre. L’ARCEP a aussi engagé des travaux pour améliorer la disponibilité et l’accès à la collecte de France Telecom. Cela a déjà permis de nets progrès, mais il faut les poursuivre.
Par ailleurs, l’ARCEP procède, comme elle s’y était engagée, au bilan à mi-parcours de son analyse des marchés du haut et du très haut débit de juin 2011. Le projet mis en consultation publique hier permet de faire le bilan du chemin parcouru en 18 mois et constitue un préalable aux travaux qui seront engagés, l’année prochaine, pour préparer le prochain cycle d’analyse de marché. Cette prochaine analyse de marché sera élargie au marché professionnel des liaisons louées, dont on sait l’importance pour les entreprises et l’attractivité des territoires. Enfin, l’ARCEP échange avec les acteurs concernés (associations de collectivités territoriales, collectivités et opérateurs délégataires) pour mieux évaluer les difficultés que peuvent rencontrer certains réseaux d’initiative publique.
Si la dynamique est ainsi enclenchée, il faut toutefois en compléter la gouvernance et le financement. L’institution d’un véritable pilotage national, garant de la qualité et de la cohérence des initiatives, sera cruciale pour la réussite des projets locaux et le renforcement d’un dialogue public-privé. L’ambition annoncée par le Gouvernement - et je salue Antoine Darodes, un jeune ancien de l’ARCEP, qui est précisément chargé de préparer ce pilotage national - ne peut donc qu’être soutenue et l’ARCEP y contribuera dans le cadre de ses compétences. Il faut également, dans cette entreprise de long terme, limiter les incertitudes pour l’ensemble des acteurs ; les initiatives comme celle engagée à Palaiseau, y contribuent. Tous les acteurs y seront associés afin d’en partager les enseignements. Nous espérons enfin que, dans la feuille de route qu’annoncera le Gouvernement en février, figurera la mise en place d’un fonds pérenne assurant une péréquation nationale du financement des déploiements.
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L’aménagement numérique équilibré de notre territoire s’inscrit dans la longue durée et nécessite d’être abordé sans dogmatisme et sans céder aux pressions du court-terme. Il implique au contraire l’engagement clair de tous, opérateurs privés comme collectivités territoriales, qui doivent jouer pleinement de leur complémentarité. Tous les ingrédients semblent désormais pouvoir être réunis, afin de faire de cette entreprise une réussite. Soyons donc ambitieux et exigeants, mais pragmatiques et constructifs. Abordons cette matinée comme une chance supplémentaire de montrer que toutes les énergies sont bien réunies au service de ce grand projet.
Je vous remercie et vous souhaite à tous une excellente matinée de débats.