Prise de parole - Discours

70ème congrès de l’Assemblée des départements de France : intervention de Jean-Michel HUBERT, Président de l’Autorité de régulation des télécommunications / Jeudi 21 septembre 2000

Mesdames et Messieurs les Président(e)s,

Je vous remercie de votre invitation à participer à cette rencontre.

Le développement des télécommunications, dans notre pays comme en Europe et au niveau mondial, a un impact évident sur la modernisation de notre économie et l’émergence de la société de l’information.

Dans ce contexte, je souhaite réfléchir avec vous sur la place de la régulation et sur le rôle des collectivités territoriales. Telles sont les deux questions que je me propose d’analyser aujourd’hui.

I. Les télécommunications : un monde en pleine évolution

1. Le marché des télécommunications

L’année 1999 a vu l’arrivée d'une concurrence effective sur un certain nombre de segments du marché des services de télécommunications, en particulier les communications longue distance et internationales, les cartes prépayées, ainsi que les services aux entreprises. Depuis le début de l'année 1999, le nombre d'opérateurs, fixes ou mobiles, titulaire d'une licence, est passé de 67 à une centaine aujourd’hui. Le chiffre d’affaires des services de télécommunications réalisé par ces mêmes opérateurs s’élève à près de 176 milliards de francs en 1999, en augmentation de 12,4% par rapport à 1998. Avec des taux de croissance en volume supérieurs à 100%, les mobiles et l'accès à Internet demeurent sans conteste les deux marchés porteurs du secteur.

La baisse des prix s'est également accélérée en 1999, année sur laquelle on observe une baisse du prix moyen des communications fixes de 7,0%. Cette baisse est particulièrement sensible sur les marchés en forte concurrence comme les communications interurbaines (-22,2%), les communications internationales (-19,9%) et sur les mobiles (baisse de 4 à 14% selon les forfaits). A contrario, les communications locales n’étant pas de fait ouvertes à la concurrence, la pression à la baisse des tarifs ne s’y est pas encore exercée.

2. La régulation

Pour bien comprendre ce qu’est la régulation, il convient de faire la distinction entre la réglementation et la régulation, entre la définition des règles et leur application. Le Parlement et le Gouvernement sont chargés de la première, l’Autorité, institution de l’Etat, de la seconde.

Les objectifs de la loi

La loi définit les objectifs de la régulation

  • favoriser l’exercice au bénéfice des utilisateurs d’une concurrence effective, loyale et durable. La concurrence n’est pas une fin en soi.
  • veiller au développement de l’emploi, de l’innovation et de la compétitivité dans le secteur des télécommunications.
  • enfin, prendre en compte les intérêts des territoires et des utilisateurs dans l’accès aux services et aux équipements. Oui, l’aménagement du territoire est une des missions principales du régulateur.

Des compétences

Pour mettre en œuvre la régulation, la loi a opéré un partage des compétences entre le ministre chargé des télécommunications et l’Autorité. Si le pouvoir réglementaire demeure, comme il se doit, de la compétence gouvernementale, l’Autorité dispose ainsi d’un large éventail de missions et de compétences, qui s’expriment par des avis, des propositions et des décisions, dans tous les domaines qui intéressent la régulation des télécommunications :

En particulier, les exploitants de réseaux ouverts au publics et les fournisseurs du service téléphonique au public doivent obtenir une autorisation pour exercer leur activité. C’est la licence que l’Autorité instruit, pour le compte du ministre, et dont elle rédige le cahier des charges. Elle attribue les ressources rares nécessaires à sa mise en œuvre : les numéros et les fréquences.

Une méthode, des décisions

Depuis sa création, l’Autorité a adopté plus de 3000 avis et décisions, dont certaines fondent une véritable jurisprudence.

En termes de méthode, toutes nos décisions s’appuient souvent sur une référence européenne fondée notamment sur de nombreux contacts avec nos homologues, qui sont présent dans chacun des Etats de l’Union. Tel est bien le cadre fixé par les directives européennes. Ces décisions privilégient le souci de cohérence avec le développement économique (à travers la prise en compte des effets sur l’investissement, l’emploi et l’innovation). L’Autorité n’a pas à faire le marché ; elle est là pour l’éclairer et créer les conditions favorables à son organisation.

3. Les principaux enjeux économiques

La concurrence sur la boucle locale

La boucle locale correspond, selon l’image, au dernier kilomètre d’un réseau de télécommunications ; c’est la partie qui permet de relier les abonnés à leur commutateur de rattachement. L’introduction d’une concurrence effective sur ce segment de marché est la condition essentielle de l’ouverture à la concurrence, notamment car c’est à ce niveau que se fait l’accès à Internet. Depuis deux ans, L’Autorité a fait porter une bonne part de ses efforts sur ce point et a pris deux initiatives déterminantes : la boucle locale radio et le dégroupage de la boucle locale.

Le dégroupage

Le dégroupage de la boucle locale consiste à permettre aux nouveaux opérateurs d'accéder au réseau téléphonique existant pour fournir leurs services directement à leurs clients. Sa mise en œuvre est aujourd’hui indispensable au développement du marché, notamment en raison de l’arrivée des technologies ADSL, qui permettent d’accéder à Internet avec des débits élevés en utilisant le réseau téléphonique local.

Parallèlement à l’action conduite depuis deux ans par l’Autorité pour préparer la mise en place du dégroupage avec les opérateurs, des travaux se sont poursuivis pour en fixer le cadre juridique, tant au plan national qu'à l'échelon européen : le Gouvernement a publié, le 13 septembre, un décret important et utile ; la Commission européenne prépare de son côté un projet de règlement, c'est-à-dire un texte d'application immédiate dans notre droit national, pour assurer durablement le dégroupage. Son adoption est envisagée d’ici la fin de l'année, sous la présidence française.

La boucle locale radio

La boucle locale radio est une technologie qui substitue une liaison radio fixe à la voie filaire pour le raccordement des clients. Ce système est bien un enjeu majeur, puisqu’il permet lui aussi l’accès au haut débit. Il présente l’avantage d’une grande souplesse de mise en œuvre, requiert des investissements progressifs et permet une offre de gammes de services importante.

Le 11 juillet, nous avons rendu public les résultats de la procédure de sélection pour l’attribution de deux licences nationales, quarante quatre licences régionales (2 par région) et 8 licences dans les DOM. Sur ces 54 licences, 47 ont été délivrées le 4 août.

La diffusion de cette technologie favorisera le développement des services de télécommunications à haut débit à destination des professionnels et des PME, mais aussi des résidentiels.

Les montants des investissements prévus par l’ensemble des projets sélectionnés, soit 18 milliards de francs sur la période 2000-2004, et les créations d’emplois qui devraient en résulter, environ 6400, auront naturellement un effet favorable sur l’économie.

La préoccupation d’aménagement du territoire est au cœur du processus d’introduction de la boucle locale radio en France. Nous avons en effet placé au premier rang des critères de sélection l’ampleur et la rapidité de déploiements des réseaux.

Les opérateurs retenus sont ainsi soumis à des obligations de déploiement et de fourniture de services à haut débit. L’Autorité veillera à leur respect ; elle peut utiliser à cette fin les pouvoirs de sanction que lui confère la loi.

Deux opérateurs ayant obtenu une licence dans les régions Auvergne, Corse, Franche-Comté et Limousin, ainsi qu’un en Guyane, se sont désistés, parce qu’ils ne s’estimaient plus en mesure de faire face aux engagements de couverture qu’ils avaient souscrits. A la suite de ces désistements, j’ai donc transmis mardi 19 septembre au Secrétaire d’Etat à l’industrie une décision de l’Autorité proposant la publication d’un nouvel appel à candidatures pour l’établissement et l’exploitation de boucles locales radio dans ces régions et ce département.

Ainsi que je l’ai rappelé, les deux opérateurs nationaux seront en tout état de cause présents sur ces territoires et je ne doute pas de la venue de nouveaux candidats.

L’UMTS (Universal Mobile Telecommunications System)

L'Europe introduit actuellement la troisième génération de mobiles, qui va consacrer l'arrivée d'Internet et de nouveaux services interactifs sur le téléphone portable. L'Union européenne a en effet défini un calendrier commun à l'ensemble des Etats membres, fixant l'ouverture effective des services à partir de l'année 2002. Le succès du GSM, votre téléphone mobile actuel, constitue ainsi un atout important pour l'Europe, qui bénéficie d'une large avance sur les Etats Unis (150 millions d’utilisateurs en Europe contre 80 aux Etats-Unis au début de l’année). Dans ce contexte international, il est essentiel que les acteurs européens soient rapidement en mesure d’exploiter la nouvelle technologie.

Au demeurant, la définition des services qui seront fournis dans le cadre de la troisième génération devra tenir compte des résultats du développement des services sur les réseaux GSM. L’UMTS doit trouver sa place et son marché au delà de celui des opérateurs mobiles de deuxième génération.

En France, l'Autorité a proposé au ministre chargé des télécommunications les conditions d'attribution des licences qui retiennent le principe d’une sélection comparative sur dossier. Le Gouvernement vient de les publier. La loi de finances en précisera les conditions financières pour les opérateurs qui seront choisis.

Ce dispositif poursuit plusieurs objectifs :

  • promouvoir le développement du marché du multimédia mobile, en particulier Internet ;
  • contribuer à l’aménagement et à la couverture du territoire pour répondre aux attentes du plus grand nombre ;
  • favoriser l’investissement et l’emploi pour stimuler la croissance ;
  • assurer une compatibilité avec les systèmes mobiles existants et permettre l’optimisation des fréquences disponibles ;

Les licences seront délivrées par le ministre au plus tard le 30 juin 2001.

L'appel à candidature comporte là encore un certain nombre d'obligations, notamment des obligations de couverture du territoire définies en pourcentage de la population couverte par les services de voix et de données au bout de 2 ans et au bout de 8 ans ; les opérateurs seront également soumis à des obligations en matière de partage des sites pour des raisons liées à l'environnement et à l'équilibre de la concurrence.

II. Le rôle des collectivités territoriales

Je le répète, l’aménagement du territoire fait partie des objectifs inscrits dans la loi de réglementation des télécommunications. Les préoccupations de l'Autorité rejoignent ainsi celles des collectivités, dans le cadre de leur mission d'animation et de développement du territoire. Je conçois notre rôle auprès des collectivités comme un rôle de conseil, notamment juridique, afin de leur permettre d’adapter la forme de leurs interventions dans plusieurs domaines.

1. La gestion du domaine public

La loi prévoit, pour les opérateurs titulaires de licences, le droit d’utiliser, dans certaines conditions, le domaine public pour installer leurs réseaux, ainsi que le droit d’installer et d’exploiter leurs équipements dans les parties collectives des habitations :

  • S’agissant du domaine public routier, les opérateurs bénéficient de droits de passage qui se traduisent par des permissions de voiries délivrées par l’autorité compétente (commune, département ou Etat), suivant la nature de la voie empruntée. Cette permission donne lieu au versement de redevances dont les montants ont été fixés par le décret du 30 mai 1997.
  • L’utilisation du domaine public non routier fait l’objet d’une convention entre l’autorité gestionnaire et les opérateurs dans des conditions transparentes et non discriminatoires. Elle peut donner lieu au versement de redevances raisonnables et proportionnées à l’usage du domaine.
  • Les opérateurs bénéficient également de servitudes, c’est-à-dire de droit d’accès aux immeubles et lotissements privés, ainsi qu’au sol et au sous-sol des propriétés non bâties afin d’installer leurs équipements de télécommunications. La mise en œuvre de la servitude suppose une autorisation du maire, agissant au nom de l’Etat. Les propriétaires doivent être informés préalablement et disposent d’un délai de trois mois au moins pour contester la décision. La décision finale appartient au président du tribunal de grande instance.

Les collectivités ne peuvent refuser le droit de passage aux opérateurs autorisés à exploiter un réseau ouvert au public (L. 33-1) ; l’opérateur doit déjà être autorisé pour effectuer sa démarche auprès de la collectivité.

Les collectivités territoriales ont bien une compétence clairement reconnue et précisément définie par la loi en matière de gestion du domaine public dans le secteur des télécommunications.

2. La mise à disposition d’infrastructures passives

Depuis plusieurs années, de nombreuses collectivités territoriales se sont trouvées confrontées à une absence d'offres permettant, pour leurs administrés ou pour elles-mêmes, de réduire le prix des communications ou de répondre, dans des conditions raisonnables, aux besoins d'accès à haut débit.

Cette situation doit conduire à donner aux collectivités territoriales une réelle marge d'initiative, tout en les incitant à la prudence au moment où les opérateurs vont déployer des réseaux à haut débit pour mieux irriguer les territoires, avec le déploiement, grâce au dégroupage et à la boucle locale radio.

L’article L. 1511-6 du code général des collectivités territoriales prévoit que les collectivités territoriales peuvent, sous certaines conditions, mettre des fibres noires (ou fibre nues ou infrastructures passives) à la disposition des opérateurs de réseaux ouverts au public. Cette possibilité leur est ouverte "dès lors que l'offre de services ou de réseaux de télécommunications à haut débit qu'[elles] demandent n'est pas fournie par les acteurs du marché à un prix abordable ou ne répond pas aux exigences techniques et de qualité qu'[elles] attendent".

Le texte prévoit également "la mise en œuvre d'une procédure de publicité permettant de constater la carence et d'évaluer les besoins des opérateurs" et limite à une période de huit ans la durée d'amortissement des investissements pris en compte pour évaluer le prix de la location. Parallèlement, il exclue la possibilité pour les collectivités de devenir opérateur.

Paradoxalement, la procédure définie par la loi pour mettre en œuvre le principe affirmé est d’ores et déjà apparue aux élus comme une restriction du champ de leurs interventions. C'est en tout état de cause ce qui ressort du bilan de l’application de l’article L. 1511-6.

Ce dispositif législatif, dont l'interprétation est complexe, mérite assurément d'être précisé, dans le souci d'apporter une visibilité et une sécurité juridiques plus grandes aux collectivités territoriales.

L’Autorité a identifié trois points particuliers qui pourraient faire l'objet d'une amélioration. De son côté, le Gouvernement a indiqué que les objectifs de ces propositions seraient pris en compte dans le cadre du projet de loi sur la société de l’information :

  • On peut d'abord s'interroger sur la notion de carence de l'initiative des opérateurs mise en avant par l’article L. 1511-6, dont la mise en œuvre pratique est difficile dans le cadre de la procédure définie.
  • Ensuite, la procédure de publicité "ad hoc" à mettre en œuvre peut légitimement susciter des interrogations de la part des élus, dont les délibérations constituent à l'évidence des décisions publiques. Il conviendrait à tout le moins d'en préciser les objectifs et la nature.

Il apparaît aujourd’hui que l’une des principales difficultés pour certaines collectivités réside dans le recensement des besoins en réseaux et services de télécommunications sur leur territoire. C’est pourquoi, plutôt que de mettre l’accent sur le constat de carence dans le cadre de la procédure préalable à la pose de fibres noires, il serait sans doute préférable d’insister sur l’identification effective des besoins et des solutions correspondantes, ce qui présenterait l’avantage d’introduire une plus grande souplesse dans la mise en œuvre de cette procédure et permettrait de n’écarter aucune solution.

  • Enfin, la limitation à 8 ans de la période d'amortissement des investissements pris en compte pour la fixation du tarif de location constitue une mesure exorbitante du droit commun ; elle est ressentie par les élus comme une contrainte supplémentaire qui limite de fait les initiatives des collectivités en augmentant artificiellement le prix de location. En effet, le coût d'installation des fibres noires est constitué, pour l'essentiel, du coût des travaux de génie civil, amortis sur une durée beaucoup plus longue.

J'insiste pour finir sur le fait que la mise à disposition d'infrastructures passives doit respecter les règles de la concurrence et ne saurait en tout état de cause s'établir au bénéfice d'un unique opérateur. Il convient de veiller ainsi à ce que les conditions de mise en œuvre d’une initiative d’une collectivité ne conduisent pas en fait à réduire la concurrence qui, si elle n’est pas une fin en soit, constitue bien le moyen d’offrir des prestations répondant aux besoins des administrés et tenant compte de l’intérêt des territoires.

3. La couverture du territoire

Au sein de la problématique d’aménagement du territoire, les objectifs de couverture du territoire par les réseaux et services de télécommunications sont une dimension importante de la politique publique, souvent mise en avant par les élus et les responsables territoriaux à propos de la couverture par les réseaux de téléphonie mobile.

A cet égard, si les obligations de couverture qui figurent dans les autorisations des trois opérateurs mobiles ont largement été dépassés, la problématique de la couverture de réseaux mobile demeure d’actualité. En effet, l’objectif était de couvrir 85% de la population au à la fin de l’année 1998 et 90% au 1er juillet 2000. La couverture se situe aujourd’hui entre 97% et 98% de la population.

Mais, eu égard aux attentes légitimes des consommateurs à mesure que le marché se développe, il faut s’interroger sur la nécessité d’une couverture complète de la population, sur le lieu de résidence comme en déplacement, alors même qu’elle représente un coût élevé pour les opérateurs car elle suppose l’installation d’un grand nombre de relais supplémentaires.

Certaines collectivités ont manifesté le souhait de contribuer directement à compléter cette couverture, en investissant dans des infrastructures pour les mettre à la disposition des opérateurs. Cette démarche se rapproche, dans son principe, de celle qui consiste, pour une collectivité, à installer des fibres noires pour les mettre à la disposition des opérateurs, dans le cadre prévu par l’article L. 1511-6 du code général des collectivités territoriales. Toutefois, dans la mesure où ce texte prévoit que cette intervention des collectivités est destinée à satisfaire les besoins en services à haut débit, une incertitude juridique pèse sur de telles initiatives. En tout état de cause, celles-ci sont légitimes dans la mesure où elles ne conduisent pas à des pratiques discriminatoires entre les opérateurs présents sur le marché. Les modifications du code général des collectivités territoriales prévues par le Gouvernement à la suite des propositions faites, entre autres, par l’Autorité, pourraient intégrer cette dimension.

Il appartient aux collectivités territoriales de privilégier dans l’immédiat des solutions pragmatiques. La loi prévoit que les collectivités peuvent inciter les opérateurs à partager leurs installations lorsque cela ne nuit pas au droit de passage des opérateurs. Les collectivités peuvent ainsi encourager les opérateurs mobiles à partager des infrastructures, donc des pylônes, voire à trouver des solutions d’itinérance (de roaming ou d’acheminement mutualisé des appels), lorsque cela est possible. Pour sa part, l’Autorité a retenu de telles solutions, notamment pour l’UMTS.

L'interrogation sur la couverture du territoire apparaît également à propos de la fourniture d'Internet à haut débit, alors qu'on peut légitimement s'interroger sur l'éventualité d'une "fracture numérique" entre ceux qui vont disposer rapidement de ces nouvelles technologies et ceux qui n’y auront pas accès.

Ainsi, la question de la couverture du territoire s'est posée à l'occasion de la préparation des appels à candidatures pour la boucle locale radio et l’UMTS. Je rappelle à cet égard que, dans les deux cas, le taux de couverture est l’un des critères les plus importants de la notation des candidats.

4. Les réseaux câblés

L'harmonisation du régime juridique des réseaux

L'Autorité partage la préoccupation des collectivités de favoriser le développement d'offres de télécommunications sur les réseaux câblés. Celle-ci s'inscrit dans le cadre des travaux que nous poursuivons depuis plus de 3 ans pour favoriser le développement de la concurrence sur la boucle locale par le développement d'infrastructures alternatives mais aussi par une réelle valorisation des infrastructures existantes permise aujourd'hui par la convergence des technologies.

A cet égard, les possibilités offertes par les réseaux câblés existants sont considérables. L'état actuel de développement de ces réseaux permet potentiellement à plus de 8 millions de foyers français d'accéder aux services du câble. 2,9 millions de foyers sont aujourd’hui abonnés à l'un au moins des services offerts sur ces réseaux.

Des difficultés subsistent encore aujourd'hui en raison de l'existence d’un double régime juridique applicable aux réseaux câblés - celui de l'audiovisuel et celui des télécommunications - dans un contexte de convergence technologique. Par exemple, les dispositions propres à ces deux régimes distincts empêche la fourniture de services audiovisuels sur les réseaux autorisés en tant que réseaux de télécommunications et rend impossible l'attribution de fréquences radioélectriques pour les réseaux destinés à fournir des services mixtes, à la fois de télécommunications et audiovisuels. Aussi, l'Autorité souhaite qu'une distinction claire entre régulation des contenus et régulation des réseaux soit établie. Nous avons proposé au Gouvernement la mise en œuvre d’une harmonisation des régimes juridiques pour l'ensemble des réseaux audiovisuels et des réseaux de télécommunications. Le droit des télécommunications serait ainsi le cadre commun le plus adapté pour fournir un régime d'autorisation harmonisé à l'ensemble des réseaux.

Collectivités territoriales et réseaux câblés

Les collectivités territoriales sont également confrontées à la coexistence de ces deux cadres juridiques distincts, l'un prévoyant pour elles des droits spécifiques dans le domaine des services audiovisuels, et l'autre prévoyant un régime de concurrence qui restreint le champ de leurs interventions dans les activités de télécommunications. Elles sont donc souvent conduites à s'interroger, dans le cadre de l'exercice des compétences qu'elles possèdent vis-à-vis des réseaux câblés, sur la sécurité juridique des initiatives qu'elles prennent visant à permettre la fourniture de services de télécommunications sur ces réseaux.

Ces difficultés sont encore plus grandes pour celles qui ont choisi par le passé d'assumer elle-même l'exploitation de réseaux câblés. En effet, l'article L. 1511-6 du code général des collectivités territoriales ne permet pas aux collectivités et aux organismes qui en dépendent d'exercer les activités d'opérateur de réseau de télécommunications et de fournisseur de services de télécommunications, ce qui leur interdit par exemple de fournir des services d'accès à Internet ou de téléphonie ou encore des prestations de transport pour le compte d'autres fournisseurs de services de télécommunications sur leurs réseaux.

Dans de tels cas, il serait sans doute préférable, dans l'intérêt même des communes concernées, et pour répondre à la demande des administrés, que celles-ci ne continuent pas à exploiter elle-même leur réseau, voire qu'elles s'en dessaisissent, moyennant juste rémunération, afin que leurs administrés puissent effectivement bénéficier de ces nouveaux services. La question mérite d'être examinées avec soin compte tenu des difficultés juridiques qui s'y attachent. Une telle solution contribuerait cependant à l'aménagement du territoire et au développement des communes concernées.

Conclusion

En conclusion, l’Autorité est à la disposition des collectivités territoriales pour les accompagner dans la conduite de leurs projets, sur l’ensemble de ces questions, mais également sur d’autres que je n’ai pu aborder aujourd’hui, comme par exemple l’établissement d’un réseau indépendant.

Par ailleurs, sur la question plus précise de la couverture du territoire, je précise que la réflexion de l’Autorité s’inscrit en pleine complémentarité avec celle entamée par le gouvernement, qui remettra au Parlement d’ici quelques mois, comme la loi le prévoit, un rapport sur le bilan de la couverture mobile. L’Autorité s’attachera, avec les opérateurs et les pouvoirs publics, à définir les solutions les mieux adaptées.

Je vous remercie de votre attention