Mesdames et Messieurs,
L’année 2000 sera-t-elle, pour le secteur des télécommunications, celles des ruptures ? Je comprends que de nouveaux acteurs y voient la confirmation ou l'apparition d'inflexions ou d'innovations majeures. J’y vois pour ma part la poursuite, et parfois l’aboutissement des efforts que nous avons entrepris depuis plus de trois ans.
Je voudrais vous en apporter le témoignage au travers des différents dossiers qui nous occupent actuellement et qui vont contribuer à transformer en profondeur le paysage des télécommunications dans notre pays comme dans l’ensemble de l’Europe.
Mais je voudrais d’abord revenir sur quelques principes de la régulation, telle que je la conçois et telle que nous l’exerçons au quotidien et dans la durée. Ils contribuent largement à l’établissement des règles du jeu, que vous m'invitez à évoquer.
I. Les règles du jeu
- Réguler avec le marché
Réguler, c’est d’abord réguler avec le marché. Réguler sans le marché reviendrait simplement à ignorer la réalité sur laquelle on est censé agir et dont chacun connaît la force. D’où l’importance de la concertation, dont je rappelle régulièrement qu’elle fait partie de nos principes fondamentaux. Le régulateur se doit donc d’être à l’écoute du marché : recueillir et entendre les arguments des multiples acteurs pour se forger sa propre conviction, avant de prendre les décisions qu’il estime justifiées pour le développement du marché dans son ensemble n'est, contrairement à ce qu'il m'arrive de lire, ni du suivisme des uns, ni de la captation par les autres. C'est tout simplement notre expression d'une régulation fondée sur l'expertise, nous nous y attachons, et sur l'indépendance à l'égard de tous, nous y veillons.
- La clarté et la visibilité
L'un des premiers devoirs d’un régulateur est d’apporter au marché toute la visibilité possible quant aux évolutions réglementaires et économiques.
L'intense travail d’observation des marchés engagé en 1999 en est une illustration. A partir de cette année, nous mettons en place, en complément de l'enquête annuelle auprès des opérateurs, dont les résultats seront publiés en novembre, une enquête trimestrielle qui apportera des données plus rapprochées sur le marché. Dès lors, par souci de simplification et d'harmonisation, l'observatoire des mobiles adopte une fréquence de parution trimestrielle, mais s'enrichit, à compter de sa prochaine publication début juillet, de nouvelles données portant sur les cartes prépayées, la répartition géographique des abonnés et la répartition des ventes selon les circuits de distribution.
Dois-je souligner que la transmission à l'Autorité des données connues des opérateurs fait de cet observatoire la seule référence permettant une analyse fondée et complète.
Je mentionne les différentes contributions que nous avons rendues publiques, dans le cadre de diverses consultations publiques et qui participent de cette démarche d’éclairage du marché : je pense en particulier à notre réponse à la consultation de la Commission sur la convergence ou à notre réponse à la consultation du Gouvernement sur la société de l’information, toutes deux éclairantes sur l'objectif d'une régulation des réseaux technologiquement neutre et harmonisée pour l'ensemble des réseaux.
Le rapport annuel d’activité, dont nous venons de publier l’édition 1999, y contribue également. Il permet à l’Autorité de rendre publiques ses propositions : par exemple, nous avons précisé cette année notre analyse sur les évolutions souhaitables de la procédure d’homologation des tarifs de France Télécom ou des dispositions relatives à l'intervention des collectivités territoriales. Tout cela n'a d'autre souci que d'apporter une contribution constructive, comme nous y invite la loi.
Il comporte également une évaluation quantitative du marché français, qui apparaît, à la fin de l’année 1999, comme un marché ouvert, et dont les évolutions s’inscrivent pleinement dans la dynamique européenne. Les tendances déjà amorcées en 1998 ont été confirmées et largement amplifiées en 1999 :
Avec une croissance en valeur de plus de 12%, le marché français des télécommunications a connu un véritable tournant en 1999. La concurrence est désormais effective sur un certain nombre de marchés, notamment là où les acteurs se sont positionnés dès l'ouverture : essentiellement les communications nationales et internationales, les cartes, ainsi que les services aux entreprises. Quant au téléphone mobile, en situation de concurrence depuis de nombreuses années, la compétition s'y est encore renforcée. Sur ces différents segments, les utilisateurs ont naturellement bénéficié de la diversification des services et de la baisse des tarifs, comme le montrent les données chiffrées qui figurent dans notre rapport d’activité 1999, publié lundi dernier.
Ainsi, la croissance du volume des communications locales, +4,8%, recouvre deux tendances distinctes : une baisse des communications locales hors Internet (-4%), et une croissance forte des communications d’accès local à Internet (+153,2%).
La baisse des prix s'est effectivement accélérée en 1999. Elle s'établit à 7% pour le prix moyen des communications fixes. Elle est particulièrement sensible sur les marchés en forte concurrence : les communications interurbaines (-22,2%), les communications internationales (-19,9%) et le téléphone mobile : de 4% à 14% selon les types d'abonnements, comme le montrent les paniers de consommation établis par l'Autorité.
- Un dialogue avec l'ensemble des acteurs
La régulation suppose un dialogue constant, non seulement avec les opérateurs de télécommunications, mais également avec l’ensemble des acteurs qui interviennent dans la formation du marché : les industriels, les fournisseurs d’accès et de services, les distributeurs et, bien entendu, les consommateurs.
Même si tous ne font pas l’objet d’une régulation spécifique, chacun joue un rôle déterminant sur le marché retient toute notre attention. A titre d’exemple, lorsqu’en 1999 nous avons conduit une table ronde pour établir les conditions d’une baisse des tarifs d’accès à Internet, nous avons réunis aussi bien les opérateurs, les fournisseurs d’accès et les associations d’utilisateurs.
- La rapidité de l'action face aux attentes du marché
Je suis également conscient de la nécessité, pour le régulateur, de prendre des décisions rapidement afin de répondre aux attentes d’un marché qui évolue constamment, quelles que soient la complexité et la technicité de ces décisions. J’indique à cet égard que, cette année, nous poursuivons l’objectif d’une approbation anticipée du catalogue d’interconnexion de France Télécom par rapport aux années précédentes.
- La recherche de l'équilibre entre l'approche juridique, l'approche économique et les objectifs généraux de la politique publique
La régulation, c’est aussi la recherche permanente d’un équilibre et d’une complémentarité entre plusieurs approches :
- une approche économique, car il s’agit de permettre le développement d’un marché dans un cadre concurrentiel ; cela suppose une connaissance approfondie des données économiques : notamment la formation des coûts et des prix ;
- une approche juridique car réguler un marché c’est appliquer un cadre législatif et réglementaire ; ainsi, l’établissement des conditions de sélection des candidats pour les licences UMTS s’inscrit dans un processus défini par la loi ;
- une approche qui, au delà même des textes, s’attache à intégrer les orientations données par les pouvoirs publics ; la prise en compte des objectifs de couverture du territoire en est un bon exemple.
- La place du règlement des différends
L’exercice de la régulation, c’est la mise en œuvre d’un certain nombre de compétences ; parmi celles-ci, le règlement des différends occupe une place importante ; Je rappelle que la loi a donné compétence à l’Autorité pour régler les litiges en matière d’interconnexion et d’accès aux réseaux, en matière de fourniture de services de télécoms sur le câble et pour ce qui concerne le partage des infrastructures. Cette compétence nouvelle pour une autorité administrative indépendante constitue une véritable innovation juridique d’inspiration économique.
Depuis 1997, l’Autorité a adopté 28 décisions de règlement de différends : 2 en 1997, 16 en 1998, 8 en 1999 et 2 en 2000. Certaines de ces décisions ont établi une forme de jurisprudence. Je pense plus particulièrement aux décisions de 1997 relatives aux réseaux du plan câble, confirmées par la Cour d’appel de Paris, ainsi qu’aux décisions plus récentes relatives aux appels entrant sur les réseaux de SFR ou de Cégétel entreprises. J'y ajoute la décision prise en janvier 2000 sur la sécurisation des interconnexions entre France Télécom et Télécom Développement, qui vient également d'être confirmée avec une particulière netteté par la Cour d'appel de Paris.
Dans l’esprit de la loi comme dans la pratique, cette compétence répond à deux objectifs :
- L'objectif de rapidité par rapport aux procédures contentieuses habituelles : L'arbitrage, telle qu’il est organisé, permet que les différends survenant entre les opérateurs soient traités de manière accélérée. En effet, l’Autorité dispose pour rendre sa décision, d’un délai maximum de 6 mois, ce qui est court compte tenu de la complexité juridique et technique que présente l’instruction des demandes.
L’Autorité s’est attachée à respecter ce délai et s’efforce souvent de rendre sa décision bien avant le terme des six mois. Ainsi, sur les 28 décisions rendues par l'Autorité, le délai moyen de traitement des demandes est de 111 jours, soit un peu moins de quatre mois.
- L'objectif de précision et d'approfondissement : dans un cadre juridiquement complexe, voire contraignant, nos décisions n'ont éludé aucune question ; nos motivations sont explicites.
- Un dialogue européen très fort
L'Europe représente, depuis l'origine, une dimension essentielle de la régulation. Nous appliquons une réglementation harmonisée au plan communautaire afin de construire un marché européen, capable de rivaliser avec les marchés nord américain ou asiatique. Nous avons quelques atouts pour réussir ce pari, et quelques échéances à ne pas manquer : en particulier, le réexamen des directives engagé en 1999 et maintenant entré dans une phase active.
L'Autorité, qui a rendu publique au début de l'année sa contribution au débat lancé par la Commission, participe activement à ce processus pour l'expression de la position française et pour une compréhension harmonisée avec tous les régulateurs européens. Elle a ainsi adhéré aux orientations essentielles qui se dégagent d'ores et déjà : simplification des procédures, maintien d'une régulation spécifique qui participe à l'établissement d'une concurrence effective et générale, et confirmation de la place essentielle du service universel. La France, qui va assurer dans quelques jours la présidence de l'Union, aura un rôle déterminant à jouer dans la préparation du nouveau cadre.
II. Les enjeux de l’année 2000
1. Le dégroupage
Après avoir pris l'initiative d'une consultation publique l'an passé et de la mise en place d'un groupe de travail cette année, l'Autorité poursuit avec constance son action en vue de la mise en œuvre du dégroupage de la paire de cuivre début 2001. Le programme retenu avec les opérateurs prévoyait la mise en œuvre d’expérimentations début juillet. Ce processus, qui va se dérouler en deux phases successives, débutera comme prévu le 3 juillet sur 7 sites déjà identifiés, chaque opérateur ayant accès à un site ; la seconde phase doit débuter fin septembre ; les opérateurs auront alors accès à deux sites. 27 opérateurs se sont d'ores et déjà déclarés candidats aux expérimentations. Des licences expérimentales ont été instruites pour donner la possibilité à de nouveaux acteurs de participer à cette phase expérimentale.
Ces expérimentations ont pour objet de tester les différentes composantes de la prestation d'accès à la paire de cuivre, à partir de principes établis dans les groupes de travail : les modes de colocalisation dans les bâtiments de France Télécom, les processus opérationnels de commande et de livraison de lignes, ainsi que la possibilité d’utiliser de multiples technologies sur les paires de cuivre sans risque d'interférences.
Pour atteindre l'objectif de mise en œuvre de l'accès à la paire de cuivre au 1er janvier 2001, il est nécessaire que l’ensemble des conditions techniques et financières soient définies suffisamment à l’avance : cette visibilité est indispensable aux acteurs qui doivent planifier leurs investissements, de manière à être en mesure de proposer des offres commerciales dès le début de l’année prochaine. Ceci suppose en particulier que les opérateurs disposent le plus tôt possible d’informations précises sur la géographie du réseau local et sur les possibilités de colocalisation, ainsi que sur les conditions tarifaires qui seront retenues pour le dégroupage. L'Autorité s’attachera à ce que les acteurs disposent de la visibilité nécessaire sur ces aspects.
A cet égard, le bilan de la première phase d’expérimentation, et les divers travaux menés par le groupe serviront de support à l’élaboration de lignes directrices fixant les principes techniques et opérationnels de ce projet.
Sur le plan tarifaire, les travaux sont conduits de façon à disposer d’une première fourchette de tarifs à l’automne 2000. En parallèle, sur la base des dispositions réglementaires et des discussions menées avec les opérateurs, des lignes directrices viendront préciser la méthode d’évaluation des tarifs retenue.
Je tiens à saluer la contribution de l'ensemble des participants, dont celle de France Télécom. L'implication de tous et l'approche constructive de chacun ont jusqu'à présent permis de bien progresser, conformément aux objectifs. Elles sont de bon augure pour le franchissement des étapes ultérieures, pour lesquelles je ne méconnais pas les difficultés qui restent à lever.
Parallèlement, le Secrétaire d’Etat à l’industrie a annoncé la préparation d'un décret pour établir le principe du dégroupage et en fixer le cadre réglementaire. L'adoption de ce texte complètera les conditions nécessaires à la mise en œuvre effective du dégroupage à partir de l'année prochaine, selon le calendrier prévu avec les acteurs et conformément à la récente recommandation européenne.
2. Boucle locale radio - UMTS : qu'est-ce que la soumission comparative ?
Nous allons bientôt rendre publics les résultats de l'appel à candidatures pour l'attribution des licences de boucle locale radio. Je sais que la tension monte et qu'une certaine impatience se manifeste chez des candidats, soucieux de convaincre qu'ils sont les meilleurs. Cela ne changera en rien les résultats à venir, pour lesquels l'Autorité n'a pas encore arrêté sa décision et ne fera aucun commentaire avant leur publication. Par ailleurs, nous avons transmis au Gouvernement le 7 mars 2000, une proposition pour sélectionner les candidats pour l'attribution de licences mobiles de troisième génération. Après une réflexion complémentaire, consécutive aux enchères conduites au Royaume-Uni, les principes de sélection contenus dans cette proposition ont été confirmés.
Dans les deux cas, le principe de la soumission comparative, parfois appelée "sélection sur dossiers", a été retenu, de préférence à des enchères purement financières. Je voudrais revenir un instant sur les raisons de ces choix et sur leur signification :
Sur le plan des principes, les enchères purement financières sont parfois présentées comme un modèle de sélection concurrentielle par le marché or il existe quatre conditions théoriques pour déterminer une situation de concurrence :
- l’atomicité de l’offre et de la demande : aucun acteur ne doit être en position d’influencer les évolutions du marché ;
- l’homogénéité des produits : aucun élément de différenciation ne doit exister;
- la transparence de l’information sur les prix, les concurrents et leurs positions relatives ;
- la liberté d’entrer et de sortir du marché.
A l’évidence, l’ensemble de ces conditions ne sont pas réunies dans une situation d’enchères pour les licences UMTS ; en particulier, les opérateurs mobiles en place ne sont pas véritablement libres de sortir de la procédure comme ils l’entendent.
Par ailleurs, au regard de la transparence et de la sélection des candidats sur une base objective, je tiens à préciser que la procédure de soumission comparative permet de diversifier les critères. En ce sens, elle est adaptée et pertinente au regard de l’objectif de développement d’un marché sur lequel un certain nombre d’incertitudes demeurent.
Cette approche, au demeurant retenue dans de nombreux pays, conduit les candidats à concourir non pas sur un critère purement financier, mais sur des critères tels que la couverture, la qualité de service, l’aménagement du territoire, la rapidité de déploiement, qui impliquent des investissements lourds et des créations d’emplois substantielles.
Ainsi comprise, la procédure retenue correspond à une compétition sur des enjeux permettant de favoriser le développement économique général et pleinement conformes aux objectifs fixés par la loi.
La diversité des critères est certes plus complexe à instruire, n’est pas un obstacle à la mise en œuvre rigoureuse d’une procédure objective. A partir du moment où les critères sont clairement définis, où les dossiers sont précisément présentés et où les résultats sont largement publiés, celui qui conduit la procédure est tenu d’appliquer les règles qu’il a lui même fixées.
3. L’Internet mobile et le protocole WAP
L’année 2000 aura été marquée par l’arrivée de nouvelles technologies de réseaux et services qui vont permettre d’adapter la fourniture de services Internet à l’environnement mobile. Je pense plus particulièrement au GPRS et au protocole WAP. Le processus se poursuivra avec l’introduction de la troisième génération de mobiles : l’UMTS.
La migration vers de nouveaux services intégrant plus largement les technologies fondées sur le protocole Internet va progressivement déplacer le " centre de gravité " des réseaux mobiles de la voix vers les données. Selon certaines études, en 2003, le trafic cellulaire serait réparti de façon équivalente entre la voix et les données. Cette migration suppose plusieurs étapes techniques, économiques et réglementaires.
Sans attendre l’arrivée de plus hauts débits sur l’interface radio des réseaux mobiles avec l’introduction du GPRS et de l’UMTS, les premiers services du type " Internet mobile " sont désormais commercialisés sur les réseaux GSM. Le téléphone portable se transforme en intégrant notamment un nouveau protocole de communication, le WAP, et un navigateur ; il permet l’accès à de nouveaux services et propose un contenu adapté à l’environnement mobile. Contrairement à l’approche initiale associant téléphone portable et micro-ordinateur, la transition vers l’Internet mobile est maintenant lancée sur la base du marché des téléphones portables.
L’introduction de services de type Internet mobile avec le protocole WAP suppose non seulement le renouvellement du parc de terminaux mais également l’utilisation de nouveaux équipements en périphérie des réseaux mobiles ou du réseau fixe pour assurer la transition entre l’environnement des réseaux commutés mobiles ou fixes et les réseaux utilisant le protocole Internet et gérer le dialogue entre les terminaux et des plates-formes de services ad hoc. Ces équipements sont déployés soit par les opérateurs mobiles, soit par des fournisseurs de services. En effet, dans l’esprit de l’Internet, de nombreux acteurs développent leur propre bouquet de services et de contenus indépendamment des opérateurs mobiles.
Différents modèles économiques ou environnements de services sont étroitement associés aux multiples architectures déployées ou envisageables ; des goulets d’étranglement peuvent également être soit introduits par différents acteurs présents dans la chaîne de valeur, soit se constituer par des limites de ressources ou de capacité.
Les premières offres de services WAP des opérateurs mobiles se caractérisaient par une ouverture contrôlée et limitée vers les services proposés par d’autres fournisseurs ; ainsi, les opérateurs se positionnent également comme des fournisseurs d’accès.
Cette approche ne permettait pas le libre choix du fournisseur d’accès vers ces services. Dans un environnement mobile où la visibilité du service et la facilité d’accès en termes d’ergonomie, ainsi que la fourniture d’un bouquet de services adapté au profil du consommateur constituent des atouts pour le succès du service, cette situation n’est pas favorable à l’émergence des services tiers.
Ainsi, la récente initiative prise par France Télécom de lancer la commercialisation de 5 millions de terminaux WAP a entraîné de vives réactions de la part de concurrents potentiels ; ceux-ci ont en effet considéré que les conditions d’introduction sur le marché de cette nouvelle technologie comportaient des entraves à la concurrence en raison du verrouillage des terminaux.
Saisi par la société Wappup, le Tribunal de Commerce de Paris a, dans un jugement rendu le 30 mai 2000, directement fixé les conditions dans lesquelles France Télécom était autorisé à commercialiser ces téléphones mobiles, conditions parmi lesquelles figure la possibilité de choisir un fournisseur d’accès à Internet au gré de l’utilisateur moyennant quelques manœuvres simples.
Les opérateurs mobiles ont donc examiné les adaptations qu'ils estimaient devoir apporter à leur offre au regard de ce jugement.
J'observe que les solutions apportées par France Télécom pour se conformer au jugement du Tribunal de Commerce n'ont pas satisfait la société Wappup, qui a engagé une nouvelle procédure. Il nous appartient d'en attendre le résultat.
Quoi qu'il en soit, nous avions, voici trois mois, créé au sein de l’Autorité un groupe de projet chargé de réfléchir à la problématique de l’Internet mobile. Ces réflexions nous ont permis de replacer la question du verrouillage dans le cadre beaucoup plus large de l’arrivée d’Internet sur les mobiles ; une telle démarche conduit à mettre en évidence les nombreuses questions sous-jacentes à cette problématique, et en particulier :
- la bataille des bouquets de services et l’enjeu de la page d’accueil dans les terminaux mobiles ;
- Le contrôle, par les opérateurs mobiles, de l’émergence et de l’évolution des services tiers;
- La multiplicité et l’évolution des architectures ;
- L’existence de freins aux usages et l’adaptation des principes de facturation aux nouveaux services dans le cadre du GSM pour éviter un coût excessif d’utilisation ;
- les conditions d’accès et d’interconnexion aux réseaux mobiles ;
- la facturation pour le compte de tiers
- les conditions de l’émergence de nouveaux acteurs
Ainsi, les problèmes posés par le développement de ce nouveau marché concernent non seulement les terminaux mais également les architectures et les relations qui doivent s’établir entre les réseaux mobiles et les fournisseurs de services. C’est pourquoi je prendrai, dès le mois de juillet, l’initiative de réunir autour d’une même table les opérateurs de réseaux mobiles et des représentants des fournisseurs de services de façon à rechercher ensemble les meilleures solutions pour développer ce nouveau marché.
Conclusion
Je ne crois pas m’avancer beaucoup en vous annonçant que l’année 2000 risque d’être encore riche en événements pour le régulateur ; comme vous pouvez le constater, notre programme de travail demeure particulièrement chargé et je ne doute pas que de nouvelles questions vont nous occuper avant la fin de l’année :
Je ne pense pas seulement à l’approbation du catalogue d’interconnexion ou à la fixation des charges de service universels, qui demeurent des temps forts de la régulation ; nous préparons également d’importants travaux, notamment sur la portabilité, qui doit être mise en œuvre de façon complète au 1er janvier 2001, ainsi que sur les questions relatives au régime d’interconnexion des opérateurs mobiles et au niveau tarifaire des appels entrants, à l’Internet mobile, ou à la situation des opérateurs dits "mobiles virtuels". Tous ces dossiers contribuent à renouveler au quotidien la régulation, mais ils ne modifient en rien notre objectif majeur : l’établissement de conditions de concurrence équitables sur l’ensemble du marché, en vue de sa croissance.
Je vous remercie de votre attention.