Communiqué de presse - Arcep

7 ème séminaire de FRATEL, Tunis, 27 et 28 avril 2010 sur «La neutralité des réseaux».

Tunis, le 28 avril 2010

A l’invitation de l’Instance nationale des télécommunications de Tunisie (INTT), le 7ème séminaire de FRATEL a réuni à Tunis (Tunisie), les 27 et 28 avril 2010, 80 participants, représentant 16 régulateurs membres du réseau francophone de la régulation des télécommunications et des acteurs du secteur des télécommunications, afin de partager leurs expériences sur « la neutralité des réseaux ». M. Hassoumi Zitoun, Président de l’INTT, et de FRATEL en 2010, après être revenu sur la pérennité et l’importance des actions instaurées au sein de FRATEL, a souligné notamment la place des TIC dans l’économie (11% du PIB tunisien en 2009), l’émergence des réseaux de nouvelle génération et l’omniprésence de l’internet dans la société. Il a par ailleurs insisté sur l’importance d’une réflexion structurée sur le rôle que peuvent avoir les régulateurs sectoriels en charge des télécommunications en matière de neutralité des réseaux au profit du développement économique et social.
   
La première table ronde, présidée par M. Mathurin Bako, Président de l’ARCE du Burkina Faso, a porté sur les pratiques de gestion du trafic des opérateurs face à la congestion que connaissent les réseaux sur lesquels se multiplient les applications, de plus en plus consommatrice de débit, et qui peuvent apparaître comme discriminatoires. M.  Stéphane Piot, consultant chez Analysys Mason, a insisté sur les trois principes de gestion du trafic : non discrimination, différenciation et transparence, pour présenter une définition de la neutralité de l’accès aux contenus, qui doit être centrée selon lui sur la possibilité des utilisateurs à accéder à l’ensemble des contenus et applications sur internet et sur les enjeux techniques et économiques (financement des réseaux) nouveaux, qui en découlent. M. Marc Lebourges, Directeur des Affaires règlementaires du groupe Orange, a indiqué que pour le groupe, la situation actuelle est inefficace car les abonnés financent seuls selon lui les investissements dans le réseau. La situation doit être inversée sur la chaîne de valeur et les coûts variables doivent être assumés par les émetteurs de trafic. C’est pourquoi les obligations réglementaires doivent être étendues aux offreurs des services internet. Mme Claire Audin, associée du cabinet Clarity, a rappelé qu’en Afrique francophone et au Maghreb, l’absence de peering national ou régional, du à la faiblesse des ISP locaux, représente un handicap qui augmente les besoins en capacités internationales, et donc les coûts, tout en freinant le développement de l’hébergement de contenus locaux. Au-delà des problématiques d’accès et de contenus, la définition du statut des fournisseurs de contenus est un enjeu actuel pour les régulateurs du réseau FRATEL. Mlle Sihem Trabelsi, de l’INTT  a indiqué que le cadre réglementaire tunisien de 2008 impose clairement une neutralité vis-à-vis des services (licence universelle : licence globale, technologiquement neutre). Enfin, M. Dominique Roux, Président de Bolloré Télécom, a témoigné de l’expérience de son groupe en Afrique et a retenu l’idée que la neutralité était une question globale et internationale.

Au cours des débats, les participants ont souligné la question des services et applications sensibles, qui nécessitent un débit élevé et qui doivent bénéficier d’un traitement différencié et être prioritaire en terme de débit. M. Lebourges a rappelé qu’une manière de pallier la congestion des réseaux serait de faire payer le consommateur pour la qualité du débit qu’il souhaite, ce qui selon M. Piot est aujourd’hui possible grâce à des techniques de mesure précises du débit réel : la transparence de ces chiffres serait un outil concurrentiel efficace, en terme de  qualité de service.

Présidée par M. Hermann Miasse de l’ART du Cameroun et introduite par M. Laurent Benzoni, Professeur à Sorbonne Universités et Associé chez TERA Consultants, la deuxième table ronde s’est concentrée sur les spécificités des réseaux mobiles au regard de la neutralité. M. Benzoni a insisté sur le fait que la résorption de la congestion sur les réseaux mobiles, compte tenu de la limitation des ressources en fréquences, sera plus complexe à mettre en œuvre que sur les réseaux fixes, et entraînera à priori la mise en place d’une régulation différente selon le type de réseau. M. Jens Kaessner, Avocat à l’OFCOM suisse, a souligné quant à lui le modèle actuel de financement d’internet, qui laisse les réseaux se développer sans impliquer les utilisateurs et les fournisseurs de contenus (les deux bouts de la chaîne de valeur), est efficace, tout comme il est raisonnable de laisser les opérateurs gérer leur trafic, comme c’est déjà le cas aujourd’hui, et tant qu’ils ne le font pas de manière anticoncurrentielle. M. Kahaled Ben Younes de Tunsiana, est revenu sur l’importance de développer les contenus nationaux ou locaux, pour les réseaux mobiles en particulier, afin de compléter l’offre internationale par des services adaptés à la demande des populations locales. Selon M. Olivier Duroyon, d’Alcatel-Lucent, l’intensité concurrentielle et l’ouverture du marché influencent le choix des autorités. Dans ce débat, l’approche de la régulation européenne est intéressante, car focalisée sur la protection du consommateur. La concurrence, associée à un certain niveau d’exigence de transparence reste la meilleure méthode pour résoudre les sous-investissements et la mauvaise gestion des réseaux.

Les participants ont interrogé les équipementiers sur leurs initiatives pour adapter les équipements mobiles aux nouveaux besoins en débit, en  rappelant que le fixe en Afrique est très limité et d’une qualité faible. L’innovation et la combinaison de différentes technologies doivent permettre aux réseaux mobiles d’offrir un accès à internet le plus complet possible. En terme de régulation, la complexité des réseaux liée à la convergence va entraîner un glissement vers une « soft regulation », pouvant se traduire par la définition d’orientations de la part du régulateur, reprises par les autorités de concurrence, qui peut compléter une autorégulation impulsée par le régulateur, afin de catalyser la réflexion des acteurs sur les pratiques qu’ils doivent mettre en œuvre dans le cadre d’échanges réguliers.

La troisième table ronde sur les enjeux concurrentiels d’une « imparfaite » neutralité des réseaux sur les marchés du haut débit et des contenus, présidée par M. Peter Rendov, Membre du Collège de la CRC de Bulgarie, a été introduite par un exposé de M. Nicolas Curien, Conseiller à l’ARCEP, qui a illustré l’imparfaite neutralité comme un optimum dans un monde imparfait, où les réseaux sont soumis à des contraintes. C’est pourquoi il conviendrait, afin de pérenniser la neutralité des réseaux, de définir un internet standard et proposer des offres premium que l’utilisateur devrait pourvoir moduler depuis sa box. Le régulateur doit impulser une co-régulation qui permettra aux acteurs de la chaîne de valeur de trouver ensemble un équilibre dans les mécanismes de financement au bénéfice de leurs intérêts respectifs. Mme Sylvie Forbin, Directrice des affaires institutionnelles de Vivendi, a rappelé que le défi à relever pour le groupe, compte tenu de la diversité de ses activités, est de négocier de nouveaux partenariats entre les différents acteurs de la chaîne de valeur. L’internet doit rester ouvert et une co-régulation comme le propose l’ARCEP en France devrait permettre de relever le défi. Mme Yasmina Ben Messaoud de l’ANRT du Maroc, a montré que le modèle économique actuel arrive à bout de souffle (cas BBC de priorisation des flux) et que les intermédiaires d’internet montent en puissance au détriment des opérateurs. Pour identifier de nouveaux relais de croissance il faut trouver un point d’équilibre entre les intérêts des différents acteurs de plus en plus interdépendants. Les régulateurs doivent assurer la transparence pour le consommateur et garantir que les contenus légaux soient acheminés de manière convenable. M. Clément Lambrinos, Consultants chez Polyconseil, s’est interrogé sur le financement du réseau de la boucle locale, pour souligner que dans le cas du fixe, le financement n’est pas lié au trafic transporté, tandis que, dans le cas du mobile, l’abonné doit payer à la consommation. L’eco-système est à repenser aujourd’hui, sous l’égide du régulateur et du législateur. 
Enfin, M. Hatem Boulabiar, de GET Wireless, a repris l’idée du besoin d’une redéfinition des mécanismes de financement entre les acteurs de manière co-réfléchie pour l’intérêt de chacun.

La prochaine réunion annuelle de FRATEL se tiendra au deuxième semestre de 2010 au Burkina Faso sur « les nouvelles questions de régulation posées par la prise en compte des contenus ».


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