Mesdames et Messieurs,
Bienvenue à toutes et à tous, tout particulièrement à ceux qui, pour nous rejoindre, ont fait le déplacement de l’étranger. Je suis heureux, au nom de l’ensemble du Collège de l’ARCEP, de vous accueillir pour ces " 12èmes Entretiens de l’Autorité ", consacrés aux problématiques que l’évolution rapide du secteur des communications électroniques vers le très haut débit suscite en termes d’investissement, d’innovation, de concurrence, et de régulation.
Il s’agit d’un sujet d’une très grande actualité, puisque c’est aujourd’hui même que le président de la République présente le Plan du Gouvernement pour le développement de l’économie numérique. Par ailleurs, c’est vendredi dernier que l’ARCEP a rendu publiques ses premières recommandations en matière de mutualisation de la parie terminale des réseaux en fibre optique, suite à la loi de Modernisation de l’Economie du 4 août 2008 et suite aux retours de la consultation publique que l’Autorité a lancée sur ce sujet en mai 2008.
Il n’est pas de bonne régulation sans réflexion, sans concertation, ni sans débat. La présente manifestation participe de ce principe en réunissant un panel international d’experts d’origines très diverses, qui tous contribuent au déploiement du très haut débit, à travers leurs actions ou leurs analyses. Ainsi, je me réjouis de voir ici rassemblés des acteurs de l’industrie, des confrères régulateurs, des représentants de la Commission Européenne, des élus, des membres d’associations de consommateurs, des économistes de renom, des consultants… et je suis certain que cette liste est loin d’être exhaustive. La diversité et la qualité des intervenants à ces Entretiens manifestent clairement la hauteur des enjeux.
Je tiens tout particulièrement à saluer Monsieur Kanichiro Aritomi, ex vice-ministre au Ministère japonais de l’Intérieur et des Communications, avec qui j’ai déjà eu le grand plaisir de collaborer et qui est spécialement venu du Japon pour nous transmettre la richesse de son expérience. Je remercie également vivement Madame Neelie Kroes, Commissaire européenne à la concurrence, qui malgré un emploi du temps extrêmement chargé, a tenu à être présente parmi nous cet après-midi, pour la clôture de nos travaux.
Quatre grands thèmes seront successivement abordés au fil de la journée.
Le premier thème est celui du " modèle " de développement technico-économique des réseaux à très haut débit. Dans les pays européens, en Asie, et aux Etats-Unis, des spécificités de territoire et de population, des choix technologiques différents, ainsi que des jeux d’acteurs variés, ont parallèlement conduit à des structures industrielles différentes sur le marché du haut débit sur cuivre. C’est à partir de ces points de départ distincts que prennent aujourd’hui racine les trajectoires de développement du très haut débit. Il en résulte que, au moins transitoirement, plusieurs modèles alternatifs d’évolution du très haut débit, différant selon les technologies mises en œuvre, selon les organisations concurrentielles, et selon les schémas de régulation, verront simultanément le jour dans différentes régions du monde. La question reste ouverte de savoir si un modèle universel du très haut débit est plausible sur le long terme, ou si au contraire, la couverture en fibre optique et la fourniture de services à très haut débit sera réalisée selon des modalités diverses, reflétant les disparités nationales. Pour éclairer cette première problématique, nous écouterons avec grand intérêt les points de vue d’experts venus du Japon, des Etats-Unis et d’Europe.
Le deuxième thème se rapporte à la concurrence par les infrastructures, ce stimulant de la concurrence en services, que le déploiement des réseaux à très haut débit permet de prolonger jusque dans la boucle locale. L’ère de la fibre succédant à celle du cuivre, tous les opérateurs, l’historique comme les alternatifs, vont accéder au client final par l’intermédiaire de leurs propres infrastructures, jusqu’à un point de mutualisation au-delà duquel l’infrastructure installée par le premier arrivant sera ouverte aux suivants. Le processus de couverture du territoire sera progressif et le fibrage des grandes agglomérations, qui interviendra en premier n’obéira pas aux mêmes règles d’ingénierie que celui, ultérieur, des zones moins denses. La tâche du régulateur est de favoriser les déploiements en adoptant une combinaison adaptée de régulation asymétrique, pour l’accès au génie civil, et de régulation symétrique, pour la mutualisation de la partie terminale. Cette régulation adaptative devra tenir compte des disparités géographiques, qui influent sur les incitations privées à investir ; elle devra par ailleurs très vraisemblablement faire appel au relai de l’investissement public, selon le modèle déjà expérimenté avec un très grand succès pour le haut débit sur ADSL. Quelle est la taille efficace d’un oligopole en infrastructures, comment organiser cette forme de concurrence sur un territoire aux caractéristiques disparates, et comment en assurer la pérennité ? Autant de questions que le régulateur doit se poser avec une marge suffisante d’anticipation. Pour en débattre, la seconde session de la matinée rassemblera des régulateurs, des opérateurs, des décideurs publics locaux, ainsi qu’un analyste financier.
Le troisième thème a trait à la boucle vertueuse qui, partant de l’innovation, mène à l’investissement, et crée de la concurrence, à nouveau source d’innovation. A ce sujet, deux remarques sont importantes. Premièrement, la boucle est d’autant plus vertueuse que le rythme de l’innovation est soutenu, comme c’est le cas dans le secteur des communications électroniques ; le mariage de la concurrence et de l’investissement est sans doute moins heureux dans des secteurs où le progrès technique est lent. Deuxièmement, le mécanisme vertueux s’appuie sur la transition technologique du cuivre vers la fibre : c’est parce que la régulation asymétrique de l’accès à la boucle locale en cuivre de l’opérateur historique a permis d’instaurer un degré satisfaisant de concurrence, que l’investissement simultané de plusieurs acteurs dans des boucles locales en fibre est aujourd’hui réalisable sous une régulation plus symétrique. Ces questions seront approfondies en début d’après-midi avec l’aide d’un panel d’économistes qui réagiront notamment à une interview filmée accordée à l’Arcep par Philippe Aghion, professeur à Harvard et spécialiste mondialement réputé de l’économie de l’innovation.
Le quatrième thème, enfin est celui des relations synergiques entre réseaux et contenus. C’est désormais presque une lapalissade que d’affirmer que le jeu entre les deux industries est du type gagnant-gagnant, puisque les contenus apportent du trafic aux réseaux et que les réseaux apportent un surcroît d’audience aux contenus. Mais, pour que des gains se réalisent effectivement des deux côtés, sans oublier le troisième côté, celui du consommateur, encore faut-il que s’établissent des partenariats efficaces et adaptés, reposant sur un juste partage de la valeur. Parmi les questions stratégiques figurent celle des exclusivités de distribution, celle de la neutralité d’Internet, ou encore celle de la protection de la propriété intellectuelle. Pour aborder ces thèmes essentiels, des représentants éminents de chacune des deux industries, le président de France Télécom et celui de Canal +, introduiront la seconde session de cet après midi. Leurs interventions seront suivies d’une table ronde dans laquelle seront représentés les points de vue de l’usager final, du citoyen et du politique.
Enfin, je rappelle que Neelie Kroes, qui initialement devait introduire la seconde session de la matinée, interviendra en fin de journée, en conclusion de nos travaux.
Avant de laisser maintenant la parole à Joëlle Toledano, qui va animer la première session, je tiens à vivement remercier l’ensemble des intervenants à ces Entretiens qui nous ont fait l’honneur de contribuer à la réflexion et au dialogue sur ces questions d’importance.
Bonne journée et bons travaux,
Je vous remercie de votre attention.