CONSULTATION PUBLIQUE SUR LE DEVELOPPEMENT DE LA CONCURRENCE SUR LE MARCHE LOCAL

4. Quels champs respectifs pour la réglementation et les négociations commerciales ?

4.1. Quel contenu de la réglementation ?

Cette question peut recouvrir plusieurs aspects et doit être analysée suivant les options évoquées : quelles prestations (revente, accès à la ligne, fourniture d'équipements de transmission, colocalisation) sont rendues obligatoires, quelles prestations font l'objet d'une offre standardisée, quelles prestations font l'objet de prix non discriminatoires, quelles prestations font l'objet de prix réglementés ? Que doivent recouvrir les relations commerciales ? La réglementation technique et la réglementation économique sont-elles
liées ?

Plus précisément la question du champ de la réglementation technique ne sera pas indépendante du niveau de tarifs réglementés : une contrainte trop forte sur les tarifs par exemple déporterait le problème vers des dimensions non tarifaires (délais de mise en oeuvre et qualité de service, par exemple), avec des coûts associés de régulation non négligeables.

Par ailleurs, il semble nécessaire que le cadre dans lequel évoluent les opérateurs soit suffisamment stable et prévisible afin de sécuriser leurs investissements et de les inciter à innover. Une action réglementaire doit donc éviter d'être créatrice d'incertitude, que ce soit pour les nouveaux entrants ou l'opérateur historique.

Q46. Dans quelle mesure une réglementation est-elle nécessaire ou souhaitable ? Quels enseignements tirer des expériences étrangères ? Le champ de la réglementation est-il le même selon les options évoquées ?

Q47. Le cadre réglementaire qui a été conçu dans un environnement où les principaux services de télécommunications étaient des services de voix est-il adapté dans le cas des hauts débits ?

Q48. Quelle doit être la portée de la réglementation et quelle place doit rester aux négociations commerciales ? Cette question peut concerner divers champs des relations entre les opérateurs :

- les prix
- la qualité de service
- les délais de mise en oeuvre
- les informations techniques sur la qualification des lignes
- les spécifications des équipements de transmission utilisés par l'un ou l'autre des opérateurs
Quel lien faire entre la réglementation des tarifs et la qualité de service ?
Quel rôle la réglementation, la régulation et la concertation doivent-ils jouer dans l'élaboration des règles tarifaires ?

4.2. Doit-on réglementer l'éligibilité à l'accès au dégroupage ?

Dès lors que la mise en oeuvre du dégroupage, ou la réglementation de toute option décrite en 3.1, est conçue comme une mesure visant à compenser le développement jugé insuffisant de la concurrence sur la boucle locale, se pose la question de l'éligibilité de l'accès à cette solution. Il pourrait en effet être légitime de considérer que dans la mesure où il existerait une infrastructure alternative à celle de l'opérateur historique, la question d'une obligation réglementaire de la mise en oeuvre d'une des options décrites en 3.1 n'est plus pertinente : le consommateur aurait en effet alors le choix entre plusieurs opérateurs et le but initialement recherché, le développement de la concurrence sur la boucle locale, serait atteint. Une telle approche nécessitera de pouvoir gérer les questions pratiques de définition de zones (contour précis des réseaux alternatifs versus enveloppe de ces réseaux) et de gestion temporelle des attributions entre plusieurs opérateurs. On peut en effet imaginer une situation dans laquelle une zone ne disposait pas initialement d'infrastructure alternative, où un opérateur a donc pu bénéficier du dégroupage, mais où une infrastructure alternative a été déployée ultérieurement.

Par ailleurs, il faut tenir compte de la variété des situations de référence. Dans certains cas, il s'agit seulement d'utiliser des lignes disponibles, au moins à court terme ; mais dans d'autres, il s'agit d'affecter une ressource rare ou de construire une ligne nouvelle, ou de mettre à niveau une ligne existante. Dans ces derniers cas, où des demandes de dégroupage donnent lieu à des investissements nouveaux de la part de l'opérateur historique (lignes non disponibles ou équipements xDSL spécifiques), les questions de qui décide les zones et du phasage des investissements sera posée. Cette question méritera, afin d'éviter que ces investissements ne soient sous-rémunérés pour l'opérateur historique, des engagements responsabilisants pour les bénéficiaires du dégroupage.

Q49. Considère-t-on que l'accès dégroupé à la boucle locale devrait être un droit général bénéficiant à tous les opérateurs, ou être conditionné à l'absence de solution équivalente ? Dans quelle mesure l'existence d'infrastructures alternatives récemment déployées peut-elle réduire ce droit ?

4.3. Quel doit être l'horizon temporel de la réglementation ?

L'incertitude sur les perspectives de développement de la demande en services à haut débit, les incertitudes sur les perspectives de développement des technologies alternatives, l'idée défendue par certains que le dégroupage doit être considéré comme un mode d'accès initial aux abonnés, avant le déploiement d'un réseau en propre, posent la question de la durée de vie de la réglementation, ou du moins de l'existence de clauses de revoyure.

Un autre souci est que les principes tarifaires soient établis de façon aussi pérenne que possible, afin d'éclairer à long terme les opérateurs sur les méthodes employées. A l'intérieur de ces règles, les niveaux de coûts pourront naturellement évoluer en fonction du progrès technologique qui y est incorporé. A contrario, des clauses de révision fermes comme la fin prévue de l'obligation de dégroupage ou une augmentation prévue de ses prix pourraient ne pas améliorer la prévisibilité requise par les acteurs : elle risquerait de mettre artificiellement fin au dégroupage avant que les technologies alternatives ne soient viables ou bien générerait un engouement (ou une réticence) pour le dégroupage à court terme, au delà de l'intérêt réel qu'il présente pour les opérateurs. S'agissant en revanche des modalités techniques d'accès (notamment dans la révision des caractéristiques techniques des offres) des clauses de révision plus fréquentes sont sans doute nécessaires.

Q50. Quels aspects de la réglementation nécessitent une certaine pérennité ? Quels aspects de la réglementation nécessitent des clauses de révision fréquentes ?

5. Quelle réglementation ?

Le chapitre suivant aborde les sujets à examiner dans l'hypothèse où il serait décidé de réglementer l'accès à la boucle locale de l'opérateur historique sous une forme dégroupée.

5.1. Quels principes tarifaires ?

Les questions tarifaires sont a priori à aborder à plusieurs niveaux :

    - au niveau du choix des différentes options envisagées en 3.1.
    - au niveau des différentes catégories de coûts évoquées en 3.3.

Les groupes de travail de la CCRST n'ont pu entrer dans le détail de ces différents niveaux. Une réflexion approfondie sur les principes tarifaires nécessite d'ailleurs d'avoir suffisamment cerné les questions générales précédentes. Pour autant, faire un préalable des réponses à ces questions, et reporter totalement toute réflexion opérationnelle, serait prendre un grand risque. Dans ces conditions, il est apparu utile d'ouvrir un débat, même si ce qui est présenté reste très partiel, et limité au dégroupage au sens strict. Trois familles de principes tarifaires ont été examinés :

    - l'orientation vers les coûts de l'opérateur historique,
    - la référence aux coûts consentis par un entrant pour déployer son réseau (by-pass),
    - la marge perdue par l'opérateur historique en cédant la ligne ou le client au nouvel entrant.

Ces trois règles ne sont pas nécessairement les seules à considérer : la référence au prix de l'abonnement a d'ailleurs été citée aussi, mais elle est apparue, en tant que principe tarifaire, comme trop directement liée à la stratégie commerciale de l'opérateur historique.

Dans ces débats sur les principes tarifaires, plusieurs préoccupations sont apparues :

    - encourager l'investissement efficace et inciter l'opérateur historique à ne pas limiter volontairement la fourniture de l'accès à son réseau local : cette préoccupation pourrait conduire à privilégier une tarification égale à la marge perdue. Cette tarification serait cependant difficilement applicable, pour des raisons de faisabilité des calculs de marge perdue par l'opérateur historique, qui devrait être calculée sur un large panier de services, dont une partie est constituée de services hauts débits innovants dont la demande est mal connue ;

    - ne pas décourager l'investissement dans les réseaux alternatifs : cette préoccupation conduirait à privilégier une tarification par le coût du by-pass. Ceci ferait cependant disparaître un avantage essentiel de l'accès au réseau de l'opérateur historique, qui est de pouvoir faire bénéficier collectivement les opérateurs des économies d'échelle réalisées par l'opérateur historique sur son réseau local. Ceci poserait également des problèmes de faisabilité, puisque les références seraient extérieures aux coûts de l'opérateur historique ;

    - favoriser une utilisation efficace des infrastructures existantes et homogénéiser les conditions de concurrence entre opérateurs : cette préoccupation conduirait à une orientation des tarifs vers les coûts, principe déjà retenu pour l'interconnexion et le service universel.

Q51. Quelles préoccupations prioritaires doivent guider l'élaboration de principes tarifaires ?

Q52. Quels principes tarifaires recommander ?

5.2. Comment éventuellement mettre en oeuvre l'orientation vers les coûts ?

L'orientation des tarifs vers les coûts a donné lieu, dans le cadre réglementaire français, à des règles précises appliquées aux calculs des tarifs d'interconnexion et du coût du service universel. A cet égard, les principes de pertinence et d'efficacité utilisés pour le calcul des tarifs d'interconnexion, et les principes d'évitabilité utilisés pour le service universel, de même que la référence aux meilleures technologies industriellement disponibles constituent une référence utile pour la mise en oeuvre de l'orientation vers les coûts de l'accès à la boucle locale.

Cependant, même compte tenu de ces références, un certain nombre de questions tarifaires restent encore très ouvertes et peuvent, dans l'hypothèse où le principe d'orientation vers les coûts serait privilégié, avoir un impact important sur les tarifs.

Ces questions se posent a priori pour les catégories de coûts suivantes :

    - coûts des équipements de télécommunications du réseau local
    - coûts des équipements spécifiques de type xDSL
    - coûts de génie civil du réseau local
    - coûts commerciaux liés à la gestion des abonnés

Elles peuvent être résumées de la façon suivante :

    - Faut-il considérer la séquence historique des investissements constatée ou le renouvellement à neuf du réseau ? Dans le premier cas, les amortissements consentis bénéficient aux entrants, donc au développement de la concurrence, dans le deuxième cas, on se rapproche d'une notion de " by-pass " (même si l'on tient compte des économies d'échelle et de densité) ?

    - Comment prendre en compte le progrès technique passé et à venir dans la valorisation des équipements et leur amortissement ?

    - Faut-il considérer les équipements effectivement déployés dans le réseau ou des références d'équipements exogènes ? Cette question mérite-t-elle une attention particulière si les équipements de transmission xDSL sont mis en oeuvre par l'opérateur historique comme dans les options d'accès au débit ?

    - Faut-il considérer la topographie du réseau effectivement déployé ou une topographie optimale ?

    - Quelle unité de coût est la plus pertinente : la ligne, la zone de raccordement au point de concentration, au sous répartiteur ou au répartiteur, ou une zone urbaine plus large ? Comment dans ce cadre prendre en compte les coûts fixes de génie civil ?

    - Comment calculer et partager les coûts de la bande passante dans les sous-options où le débit est partagé entre plusieurs opérateurs ?

    - Selon quels critères d'efficacité et selon quelles règles d'allocation comptable considérer les coûts commerciaux liés à la gestion des abonnés ? Cette question revêt une importance particulière pour les options de revente. Dans le même ordre d'idée, la question peut être posée d'une éventuelle contribution supplémentaire, pour les coûts de boucle locale qui ne sont pas totalement couverts par l'abonnement : on retrouve ici une partie de la question du déficit d'accès qui a déjà été soulevée dans le cadre des débats sur l'interconnexion.

Q53. Dans quelle mesure les réponses aux questions ci-dessus vous semblent-elles un préalable à la mise en oeuvre du dégroupage ?

Q54. Quelle est votre appréciation des questions ci-dessus ?

5.3. Les tarifs du dégroupage doivent-ils être péréqués ?

    Le fait que les tarifs du dégroupage soient ou non péréqués aura de fortes conséquences sur la demande de dégroupage des entrants, et, partant, sur les utilisateurs et l'opérateur historique. La question de la péréquation se pose à la fois au niveau national (tarif unique sur le territoire ou tarifs différenciés par zones) et au niveau local (tarif moyen dans une zone ou tarif à la ligne).

Des tarifs dépéréqués au niveau national auraient l'avantage de refléter la réalité des coûts, et de fournir le bon signal aux opérateurs quant aux possibilités de recourir à des investissements alternatifs. De manière cohérente, cette dépéréquation semble être privilégiée par les opérateurs qui plaident en faveur de l'orientation vers les coûts des tarifs. Des tarifs dépéréqués aviveraient probablement la concurrence dans les zones denses, ce qui mettrait l'opérateur historique en situation difficile s'il est strictement contraint par une obligation de péréquation géographique de ses tarifs. Cependant, cet effet est limité par deux facteurs : d'une part, si les tarifs au sein d'une zone sont moyennés, les possibilités de discriminer les abonnés pour le nouvel entrant seront limitées ; d'autre part l'opérateur historique peut développer des options tarifaires ciblées sur un profil de clientèle plutôt représentatif de certaines zones. De même, la dépéréquation géographique au niveau national renforcerait la concurrence vis à vis des opérateurs de réseaux câblés.

Des tarifs péréqués au niveau national pourraient permettre de développer la concurrence, pour l'accès aux hauts débits notamment, dans des zones de densité plus faible en réduisant les tarifs pour l'accès aux services à haut débit dans des zones, qui ne sont pas couvertes par les réseaux câblés.

D'un point de vue de faisabilité, il apparaît que les outils développés pour le service universel permettraient le calcul de tarifs dépéréqués géographiquement. Le calcul de tarifs par catégories fines de ligne pourrait également en théorie être conduit (longueur, nombre d'éléments de réseau traversés, type de génie civil), mais il supposerait de pouvoir vérifier, dans le réseau de l'opérateur historique, l'adéquation entre la ligne proposée et la catégorie de tarif pratiquée.

Q55. Comment apprécier les effets de la péréquation / dépéréquation des tarifs du dégroupage ? Quelle règle recommander ?

5.4. Quels effets sur le service universel ?

    Le groupe a mené ses travaux en se plaçant dans le cadre défini par la loi de réglementation des télécommunications du 26 juillet 1996 dans lequel le champ du service universel n'inclut pas la fourniture de services à hauts débit. Pour autant, le groupe est conscient que les enjeux territoriaux et de cohésion sociale sous-tendus par la question du développement de la concurrence sur la fourniture de services à haut débit méritent d'être examinés par tous les acteurs concernés par la boucle locale.

Dans le cadre réglementaire actuel, c'est principalement au travers du coût de la péréquation géographique que le coût du service universel pourrait être affecté par la mise en oeuvre du dégroupage. Une première question de principe pourrait être de savoir si la fourniture de services de téléphonie par un entrant sur une ligne d'accès louée à France Télécom remplit les obligations de service universel de France Télécom : la réponse semble plutôt négative dans le cadre de la définition actuelle du service universel. La question se posera également de savoir comment un utilisateur ayant recours aux services d'un opérateur nouvel entrant sur une ligne dégroupée, pourra, s'il le souhaite, obtenir de nouveau pour les services de téléphonie vocale la fourniture du service universel de la part de l'opérateur historique. La question du statut de la ligne dégroupée au regard des obligations de service universel aura également un impact sur la méthode retenue pour évaluer le coût de la péréquation géographique, et donc sur son niveau.

Il est difficile de déterminer dans quelle ampleur le coût du service universel serait affecté par la mise en place du dégroupage même si l'on peut penser qu'il serait augmenté. Le fait que le dégroupage facilite l'écrémage des clients de l'opérateur historique par les entrants serait pris en compte de deux façons différentes :

    - de façon indirecte et ex-post par une baisse des recettes moyennes par abonné. Cet effet serait probablement faible : cet écrémage ne sera pas pris en compte comme une perte de recettes sur les abonnés potentiellement " perdus " ; il serait moyenné sur l'ensemble des abonnés dans le cadre de la méthode actuelle, une fois que cet écrémage aura été constaté ;

    - de façon beaucoup plus directe dans la méthode même de calcul : le capacité de discriminer les abonnés par leur consommation serait alors prise en compte dans le comportement d'un opérateur agissant dans les conditions de marché, ce qui pourrait augmenter le coût des abonnés non rentables.

Par ailleurs, les transferts éventuels de recettes et de coûts commerciaux, dans les options de revente notamment, seront pris en compte dans l'analyse des coûts pertinents et efficaces de l'opérateur de service universel.

En tout état de cause, il apparaît que les méthodes de calcul du coût de la péréquation géographique seront aisément adaptables aux modifications de contexte issues de la mise en oeuvre éventuelle des différentes options de dégroupage.

Q56. En quoi la méthode et les règles de calcul du coût du service universel doivent elles être adaptées à la mise en oeuvre des différentes options évoquées en 3.1. ?

Q57. Quels enseignements tirer des expériences étrangères concernant les enjeux territoriaux du dégroupage ?


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