Réponse de l'Autorité de régulation des télécommunications au livre vert de la Commission européenne sur la politique en matière de spectre radioélectrique / 2 avril 1999

1er Point Planification stratégique de l'utilisation des radiofréquences
(p. 19 du Livre vert)

1(a) La planification stratégique de l'utilisation du spectre répond-elle aux besoins des utilisations commerciales et non-commerciales, notamment dans le domaine des communications mobiles et personnelles, de la radiodiffusion, des transports et de la R&D ?

  • Il est permis de douter que que le cadre communautaire soit le seul pertinent pour assurer l'adéquation entre les besoins, commerciaux ou non, et l'allocation des différentes parties du spectre.
  • C'est en effet au niveau le plus élevé, celui de la C.M.R. de l'U.I.T., que les négociations les plus stratégiques se déroulent ; s'agissant de l'Europe, la préparation de positions communes pour la CM.R., aussi bien que la planification sont actuellement assurées par la C.E.P.T./ERC.
  • Or, la CEPT remplit son rôle d'une manière qui semble satisfaisante. Elle présente en effet de nombreux avantages, au nombre desquels :

  • La définition concertée des objectifs de planification, qui prend en compte les besoins des utilisateurs du spectre (ETNO, par exemple) et associe la Commission européenne ;
  • La prise en compte des utilisations commerciales (réseaux d'opérateur, réseaux professionnels,...) et non-commerciales (services scientifiques, systèmes de défense, réseaux des Administrations, ....) ;
  • L'avantage que représente à l'UIT l'expression coordonnée de 43 voix (sur environ 170) ;
  • La souplesse offerte par l'absence d'obligation de signature pour un Etat désireux de rester à l'écart d'une recommandation ;
  • La prise en compte de l'opinion des pays d'Europe centrale et orientale.

  • Le poids politique des quinze Etats de l'U.E. est par ailleurs déterminant dans le processus de décision de la CEPT. Aucun intérêt collectif majeur des Quinze ne sera affecté dans ce cadre.
  • Au contraire, un interventionnisme excessif des institutions européennes pourrait être mal perçu par les autres membres de la CEPT et nuirait à l'objectif -hautement souhaitable - d'une planification à l'échelle du continent européen.
  • De plus, une procédure plus rigide de planification à Quinze ralentirait le processus de décision, alors que le Livre vert recherche au contraire une accélération.
  • Plus fondamentalement, on peut s'interroger sur la pertinence de la recherche d'une “harmonisation” à l'échelle de l'U.E. (cf. critique explicite du fait que " des divergences subsistent entre les politiques de planification du spectre des différents Etats membres ", alors que le concept de “planification” (celui du projet DSI de la C.E.P.T.) répond mieux aux préoccupations des Etats membres, soucieux de préserver certaines prérogatives dans le cadre de la subsidiarité.

En réponse à la question du Livre vert, une amélioration du processus de planification semble devoir être recherchée par une coordination communautaire souple et rapide, soit périodique, soit cas par cas. Une plus grande association des utilisateurs du spectre à la préparation des réunions CEPT/ERC pourrait être proposée.

1(b) Quelles informations mettre publiquement à la disposition des industriels et des décideurs en matière d'attribution et d'assignation des fréquences, ainsi qu'en matière d'octroi des licences ? Où doit-on rassembler ces informations et de quelle façon les présenter dans la Communauté européenne ?

  • L'attribution des bandes de fréquences aux services de radiocommunications et l'identification des administrations ou autorités gestionnaires de ces bandes sont rendues publiques en France à travers le tableau national de répartition des bandes de fréquences, publié par l'Agence nationale des fréquences. Ce tableau doit être mis à jour régulièrement pour répondre aux besoins d'information des utilisateurs et des industriels, ainsi que l'a récemment rappelé l'Autorité dans un avis n° 99-22 du 6 janvier 1999 ;
  • Les assignations de fréquences aux opérateurs et autres utilisateurs du spectre font l'objet de décisions de l'Autorité. Ces décisions sont rendues publiques à travers une mention au Journal officiel et une mise en ligne sur le site Web de l'Autorité. Plus généralement, l'Autorité s'attache à définir un schéma directeur d'utilisation des bandes de fréquences pour les télécommunications civiles dont elle a la gestion, en concertation avec les acteurs concernés, industriels, opérateurs, et utilisateurs, au sein de la Commission consultative des radiocommunications créée par la loi à cet effet.


  • En matière d'octroi des licences, les informations permettant de déposer des demandes d'autorisation sont rendues publiques sur le site Web de l'Autorité, que ce soit pour l'établissement de réseaux ouverts au public, de réseaux indépendants ou pour la fourniture du service téléphonique au public.
  • Lorsqu'il y a des contraintes liées à une rareté de la ressource en fréquences pour l'établissement de réseaux ouverts au public, l'Autorité propose au ministre chargé des télécommunications, qui les publie , les conditions dans lesquelles pourront être délivrées les licences, c'est-à-dire, par exemple, les termes d'un appel à candidatures.
  • Par ailleurs, la CEPT a entamé la création d'une table commune d'allocation des bandes de fréquences dont l'objectif est l'harmonisation de l'utilisation de ces bandes à l'horizon 2008, et dispose à travers des sites web de l'ERO et de l'ETO d'outils efficaces qui doivent permettre la mise à disposition des industriels concernés des informations concernant la situation dans les différents pays.

Il n'y a donc pas lieu de penser que des mesures supplémentaires doivent être prises en France pour l'information des acteurs, opérateurs, industriels ou utilisateurs.

1(c) Les politiques de réexploitation et de substitution doivent-elles faire partie intégrante de la planification stratégique de l'utilisation du spectre pour les services paneuropéens ? Quelles peuvent en être les modalités (acteurs à impliquer, calendrier) et dans quelle mesure une approche communautaire commune s'avère-t-elle nécessaire, par exemple en matière d'abandon progressif des services de radiodiffusion et de téléphonie mobile analogiques ?

  • La définition des “services paneuropéens” mériterait d'être précisée. Il existe en effet, d'une part, des services offerts sur l'ensemble du territoire de l'U.E. par un seul opérateur (par exemple : les services par satellite) et, d'autre part, des services semblables offerts par des opérateurs différents, dont seuls certains, comme le GSM, supposent une mobilité complète sur l'ensemble de l'U.E., les autres étant restreints à une aire géographique donnée (la boucle locale radio, par exemple). Les conséquences en termes d'octroi de licences et de régulation sont différentes dans chacune de ces hypothèses, ce qui devrait être précisé dans chacune des questions du Livre vert traitant de services “paneuropéens”.
  • Les politiques de réexploitation et de substitution devraient faire partie intégrante de la planification stratégique des fréquences pour assurer le succès du développement de services paneuropéens. Il est effectivement important, comme cela a été fait pour la radiotéléphonie et la radiomessagerie numérique, de prendre les mesures garantissant un démarrage coordonné des services paneuropéens dans les pays de l'Union européenne.

  • On doit néanmoins constater que ces mesures peuvent se révéler inopérantes à défaut de contraintes supplémentaires imposant un calendrier précis de substitution, c'est-à-dire de fermeture des réseaux d'ancienne technologie. Or de telles contraintes soulèvent des questions quant à leur base légale dans une économie où les normes ne peuvent s'imposer contre le marché.
  • En ce qui concerne la radiotéléphonie analogique, les réseaux français seront tous fermés à l'été 1999 et les fréquences des bandes 410 - 430 MHz et 440 - 470 MHz dans lesquelles ils fonctionnaient permettront de satisfaire les besoins des radiocommunications professionnelles pour des réseaux numériques de type TETRA ou TETRAPOL.

Les politiques de réexploitation et de substitution pourraient donc faire partie intégrante de la planification stratégique de l'utilisation du spectre pour les services paneuropéens, dès lors que ces derniers font l'objet d'une politique cohérente et coordonnée sur l'ensemble du marché européen.

2ème Point Harmonisation de l'attribution des radiofréquences (p. 20)

2(a) Des mesures spécifiques doivent-elles être prises par la Communauté pour garantir la disponibilité du spectre pour des applications paneuropéennes dans le domaine des télécommunications, de la radiodiffusion, des transports et des activités de R&D, ou est-il préférable de définir des critères permettant de déterminer les cas nécessitant une harmonisation du spectre ?

  • Apparemment, seules sont visées des applications “paneuropéennes”, pour lesquelles une réelle harmonisation serait nécessaire (voir supra 1(c) la question de l'harmonisation).
  • Il est permis de s'interroger sur une définition restreinte aux Quinze de la notion de “paneuropéen”. La C.E.P.T. a en revanche pleine légitimité pour en traiter.
  • Concrètement, lorsque l'U.E. a activement promu la norme GSM, qui répond au critère “paneuropéen”, elle s'est fondée sur une décision préalable de l'ERC. On ne voit pas pourquoi il en irait différemment à l'avenir (cas de l'UMTS, qui, de plus, s'inscrit dans le cadre plus vaste de la norme IMT-2000 de l'U.I.T.).
  • Les besoins en matière d'“harmonisation” mériteraient d'être précisés, et il ne paraît pas en première analyse qu'ils soient identiques dans tous les cas. Plutôt que de parler d'harmonisation de façon générale, il serait préférable d'envisager une harmonisation par grands domaines d'application, en fonction des caractéristiques propres à chaque domaine.
  • Il faut conserver un équilibre entre l'expression des besoins du marché et la responsabilité des pouvoirs publics dans la définition des critères et des procédures d'attribution d'une ressource rare. Ce rôle des pouvoirs publics est indispensable à la sécurité juridique et à la prévisibilité du cadre réglementaire. Cet équilibre est actuellement réalisé dans une assez grande transparence (quoique perfectible) au sein de la C.E.P.T., et n'est pas incompatible avec des actions de nature plus contraignante dans le cadre de l'U.E. L'idée de définir a priori les cas où de telles actions seraient nécessaires ne semble pas tenir compte de la rapidité d'évolution du marché, face à laquelle il convient de conserver souplesse et réactivité du processus de décision. A cet égard, on peut s'interroger sur l'aptitude des institutions de l'U.E. (Commission, Conseil dans ses différentes formations) à traiter de façon cohérente un problème à multiples facettes (télécommunications, audiovisuel, transport, R&D...).
  • Il convient aussi de souligner que, si des mesures contraignantes étaient imposées aux Etats membres, il serait logique que la Commission européenne s'assure qu'elles soient respectées (cf. problèmes de mise en œuvre de la norme ERMES de radiomessagerie). Cela fait partie de son rôle de gardienne du traité et du droit dérivé.

En réponse à cette question, il ne paraît pas souhaitable d'ajouter un niveau de décision supplémentaire au processus actuel d'attribution, ni de couvrir ce dernier par des règles générales qui seraient propres à la seule Union européenne. La coordination à Quinze évoquée au point 1(a) paraît suffisante. En revanche, rien ne s'oppose à une réflexion, d'une part, sur les meilleurs moyens d'obtenir une application uniforme, dans la Communauté, des décisions de la C.E.P.T. [voir point 2(c)], et, d'autre part, sur une association plus étroite des industriels et opérateurs à l'élaboration de ces dernières.

2(b) Quand et sur la base de quels critères est-il nécessaire de définir des priorités et d'effectuer des arbitrages entre demandes incompatibles de fréquences pour les politiques communautaires de télécommunications, de radiodiffusion, des transports et de R&D ? Comment garantir une définition et un équilibre adéquats des intérêts commerciaux et publics dans ce processus ?

  • Les problèmes de priorité d'accès aux fréquences se posent le plus souvent sur un plan national, en cas d'incompatibilité entre des réseaux de télécommunications et d'autres réseaux (scientifiques, aéronautiques ou de défense). Les solutions devraient donc être définies au niveau des Etats membres, en application du principe de subsidiarité.

La réponse à cette question est en partie apportée par la réponse à la question 2(a). Pour le reste, il apparaît que la définition de priorités relève avant tout de décisions nationales. Il convient de noter aussi que la définition a priori de critères d'attribution prioritaire à l'échelle européenne paraît bien hasardeuse.

2(c) La mise en œuvre de mesures d'harmonisation du spectre, nécessaire pour la prestation de services paneuropéens, peut-elle être laissée à l'initiative des Etats membres ou doit-elle être imposée par le biais d'obligations légales ? La Communauté européenne doit-elle rassembler et publier les informations correspondantes dans les deux cas ?

  • S'il ne s'agit que des services de nature réellement paneuropéenne, comme le GSM et l'UMTS, des mesures sont déjà prises (ou à prendre) au niveau de l'Union européenne pour mettre en œuvre de façon uniforme les décisions adoptées par l'ERC.
  • Dans les autres cas, il n'y a pas de raison impérieuse de transposer les décisions d'attribution du spectre dans le droit communautaire, d'une façon qui serait contraignante pour les Etats.
  • Mais la Commission garde un pouvoir d'initiative important, qu'elle pourrait utiliser, par exemple, en confiant à l'ERC un mandat en vue d'exécuter des travaux plus techniques, avec une obligation claire de résultat.
  • Les acteurs intéressés ont déjà accès à l'information sur les mesures discutées au sein de l'ERC. Davantage de publicité pourrait en revanche être faite sur la mise en œuvre effective de ces mesures par les différents Etats. En France, la table nationale des fréquences est publique.

Sur ce point, il n'y a pas lieu de changer la pratique actuelle, sous réserve de certaines améliorations de la publicité des mesures nationales. S'agissant de l'aspect le plus essentiel de la question de la Commission - le caractère obligatoire des mesures d'harmonisation relatives aux services paneuropéens -, l'exemple du GSM montre qu'il n'y a pas d'antagonisme entre la politique communautaire et le processus de décision de l'ERC.

La Commission pourrait toutefois donner plus fréquemment mandat à l'ERC d'exécuter des travaux techniques, avec une obligation de résultat.

3ème point Assignation du spectre radioélectrique et autorisation (p. 22)

3(a) Quel serait l'impact global sur la concurrence de divergences entre les Etats membres quant à la disponibilité du spectre pour les services paneuropéens ?

  • Le Livre vert laisse entendre que des régimes nationaux différents, quant à la durée des autorisations ou à la quantité de fréquences assignées aux opérateurs, créeraient des distorsions de concurrence. Cette pétition de principe ne semble pas tenir compte du fait que les conditions de concurrence sont appréciées sur chacun des marchés nationaux pertinents, et non à l'échelle de l'Union européenne. L'Autorité n'a pas connaissance de plaintes reprochant au régime français de constituer une entrave à l'accès d'opérateurs d'autres pays sur le marché.
  • S'agissant des services “paneuropéens” (voir remarque au point 1(c)), la différence de disponibilité des fréquences entre les pays membres n'est pas une difficulté majeure, dès lors qu'il existe un minimum de fréquences harmonisées ( bande cœur), qui permet l'exploitation dans chaque pays de ces services.
  • Les besoins en spectre pour le développement de tels services dans un pays donné dépendent par contre de la taille et de la répartition géographique de la population considérée.
  • De la même manière, sur un plan national, l'attribution de fréquences à un opérateur doit être considérée au regard des ressources globales dont il dispose déjà, afin d'établir les conditions d'une concurrence équitable.
  • L'identification de spectre harmonisé destiné à l'émergence de services paneuropéens devrait continuer à être coordonnée par la CEPT, avec l'impulsion éventuelle communautaire citée au 2ème point ; en revanche la quantité de spectre à assigner aux opérateurs doit être laissée à l'appréciation des Etats membres.

Le problème évoqué par cette question ne semble pas d'actualité. La récente décision du Parlement européen et du Conseil des ministres sur l'introduction coordonnée dans la Communauté du système UMTS, qui donne mandat aux organes de la C.E.P.T. pour l'harmonisation des fréquences, illustre bien la capacité de l'Union européenne à traiter les questions posées par les services paneuropéens.

En outre, l'appréciation des problèmes de concurrence liés à l'assignation des fréquences doit continuer à se faire au niveau national, même lorsqu'il existe une dimension paneuropéenne.

3(b) La Communauté européenne doit-elle trouver un accord définissant les mécanismes d'assignation de fréquences qui favorisent l'utilisation la plus efficace du spectre en fonction des différents types de services ?

  • Pour des services sans dimension paneuropéenne, le choix des procédures d'assignation est de la responsabilité des Etats membres. Ceci n'exclut cependant pas, dans des cas spécifiques, la définition de mécanismes communs, dans le strict respect de la subsidiarité.
  • Il importe par contre de se demander en quoi l'application d'un mécanisme d'assignation unique serait garante d'une plus efficace utilisation du spectre (efficacité qui ne peut être évaluée qu'a posteriori).
  • La confrontation des expériences de différents Etats membres serait sans doute très utile à cet égard. Il est néanmoins peu probable qu'un mécanisme unique prédéfini puisse répondre de manière optimale aux spécificités nationales.
  • La coordination entre Etats pour l'attribution de bandes aux services selon un calendrier précis est essentielle. Le mécanisme d'assignation proprement dit semble tout à fait secondaire.

La pertinence de la question posée n'apparaît pas clairement ; il convient d'étudier plus en détail les cas où une coordination communautaire, plutôt qu'un mécanisme centralisé, pourrait apporter des avantages en termes d'utilisation optimale du spectre.

3(c) Quelle est la conséquence des divergences de mécanismes nationaux d'assignation de fréquences sur les services paneuropéens ? Quel est le mécanisme le mieux adapté pour assurer des services paneuropéens ? Dans quelle mesure une approche communautaire est-elle nécessaire en la matière ?

  • L'utilisation la plus efficace et rationnelle du spectre doit demeurer le principe directeur des procédures d'attribution.
  • L'harmonisation des bandes de fréquences destinées aux services réellement paneuropéens reste essentielle au regard des mécanismes d'assignation des fréquences visant, quel que soit le mode retenu, à optimiser l'utilisation du spectre.
  • En ce qui concerne les services paneuropéens par satellites tels que les S-PCS, la CEPT a établi une procédure de revue d'étapes qui lie allocation de fréquences et octroi d'autorisations. Des accords d'itinérance (roaming) signés entre opérateurs GSM deux à deux ont permis d'assurer le développement des services mobiles complétement paneuropéens, voire mondiaux.

  • L'incitation (au travers des dispositions à inclure dans les licences par exemple) à la conclusion d'accords d'itinérance entre opérateurs de différents pays, peut être un bon moyen d'assurer la fourniture effective de services paneuropéens.
  • Face aux régimes actuels (procédure d'appel à candidatures, traitement séquentiel des demandes), la technique des ventes aux enchères n'a pas encore fait l'objet d'une évaluation économique, juridique et technique concluante dans le contexte français et sur la base de l'expérience déjà acquise par les Etats qui l'ont mise en œuvre. Aux Etats-Unis, l'achat de fréquences par enchères a conduit certaines firmes à de graves difficultés.

La recherche d'une harmonisation des procédures d'assignation des fréquences contredirait le principe de subsidiarité. L'étude des procédures de mise aux enchères doit être davantage approfondie avant d'envisager leur application.

3(d) Quel impact les charges et redevances, y compris les frais de réimplantation, associés à l'utilisation du spectre radioélectrique, auront-ils sur le développement des services et sur l'état de la concurrence ?

  • La directive 96/02/CE sur les réseaux et services mobiles limite le montant des redevances à percevoir à ce qui est nécessaire pour une bonne gestion du spectre.
  • L'impact des charges relatives à l'utilisation du spectre doit nécessairement être associé à une démarche incitative de la bonne utilisation du spectre. Il faut donc trouver un juste niveau, qui ne soit ni une barrière au développement des services, ni préjudiciable à la bonne utilisation du spectre. Les modalités de mise en œuvre (taxes et redevances, enchères) sont de ce point de vue “secondaires ”.
  • Toutefois, l'objectif du seul gain budgétaire (maximisation des recettes) peut conduire à gêner considérablement le dynamisme du marché.
  • Le consommateur peut se trouver pénalisé si l'opérateur a payé trop cher les fréquences qui lui ont été assignées. A l'inverse, si l'opérateur n'est pas incité à utiliser les fréquences de manière efficace, la qualité du service offert (couverture, disponibilité, ...) peut s'en ressentir au détriment du client.

Voir 3(c) : les charges et redevances représentent une contrepartie raisonnable, et limitée à ce qui est nécessaire pour une bonne gestion du spectre, de l'utilisation commerciale d'une ressource rare et publique. Ce dispositif paraît, sous réserve d'une étude concluante sur le sujet, plus équitable que celui de la mise aux enchères.

3 (e) L'assignation du spectre doit-elle être dissociée de l'attribution de licences ou d'autorisations de services ? Quel serait l'impact d'un marché secondaire du spectre sur la fourniture de services, similaires ou non, et quelles garanties prévoir à cet égard ?

  • La délivrance des autorisations d'établissement de réseaux et de fourniture de services (licences) et l'attribution des ressources spectrales correspondantes aux opérateurs autorisés, naturellement complémentaires, doivent être faites séquentiellement. En effet, l'attribution de la licence apporte une garantie de pérennité aux investissements financiers nécessaires à l'établissement des réseaux des opérateurs, alors que l'attribution séparée de la ressource en fréquences correspondante, permet de répondre, souvent en plusieurs étapes, aux besoins évolutifs de l'opérateur tout en conservant la souplesse nécessaire à une gestion optimisée des fréquences.
  • En France, les fréquences ne sont pas cessibles. La séparation de l'autorisation de services et de l'attribution des fréquences permet de réguler la quantité de spectre nécessaire à chaque opérateur autorisé, tout au long de la durée de l'autorisation, rendant superflue la création d'un marché secondaire des fréquences, qui ne paraît ni justifiée, ni plus efficace au regard de la gestion du spectre qu'effectue le régulateur.
  • Il est toutefois permis de s'interroger sur l'introduction d'éléments supplémentaires de souplesse, lorsque le lien entre autorisation de fréquences et licences est ténu, voire inexistant (transport par faisceaux hertziens, par exemple), sous réserve que les conditions concurrentielles soient respectées et que les parties inutilisées du spectre soient remises à disposition de la puissance publique.

La question d'un marché secondaire suppose une modification majeure du statut juridique des autorisations d'usage des fréquences en France. Ce changement ne paraît pas motivé par un besoin pressant, compte tenu des possibilités déjà offertes, sous le contrôle de l'Etat, par le régime actuel. L'introduction de davantage de souplesse mérite cependant d'être étudiée pour certaines situations et sous réserve de conditions précises (règles de concurrence et retour à l'Etat des fréquences inemployées).

4ème point Equipements radioélectriques et normes (p.24)

4(a) Est-il nécessaire d'améliorer le lien existant entre l'élaboration de normes et l'harmonisation de l'attribution des fréquences pour les services paneuropéens dans le domaine des télécommunications, des transports et de la R&D ?

  • Dans un contexte de marché ouvert au niveau mondial, plusieurs normes, voire plusieurs standards propriétaires sous réserve de publication des interfaces, peuvent répondre aux exigences d'un même service et ce dans les différents domaines des télécommunications (du système paneuropéen aux appareils à faible puissance,...). Ainsi, les normes élaborées par l'ETSI, qui a été créé, entre autres, pour répondre aux demandes des industriels, sont de plus en plus l'objet d'une concurrence de la part de standards élaborés au sein de forums variés regroupant principalement des entreprises, sans compter les standards de fait imposés par le marché ou d'autres organismes de normalisation. L'élaboration en commun de normes pour les systèmes mobiles de troisième génération reste à ce jour une exception.
  • Cette situation aboutit à une obligation de coexistence de différents standards ou normes au niveau européen, voire national, dans une bande de fréquences désignée par la CEPT pour un service donné. Elle renforce ainsi le rôle de la CEPT qui doit collaborer suffisamment en amont avec les organismes de normalisation ou forums afin de définir, pour une bande de fréquences donnée et un service donné, les règles de coexistence et de compatibilité entre les différents standards ou normes concurrents. Le domaine des satellites est un exemple significatif dans lequel cette approche a déjà été mise en oeuvre. Si la collaboration actuelle entre l'ERC et l'ETSI peut, à cet égard, apparaître satisfaisante (MoU ERC/ETSI), la CEPT doit cependant s'ouvrir plus largement aux forums industriels pour répondre à cette nouvelle exigence du marché.
  • Parallèlement, les accords OMC limitent désormais les possibilités d'intervention de la Commission européenne dans le domaine de la politique industrielle. Ainsi, pour ce qui concerne le domaine des fréquences, les actions communautaires en vue de promouvoir des services paneuropéens via des normes européennes données, telles qu'elles ont été entreprises par le passé (Directives et recommandations du Conseil pour le GSM, ERMES ou le DECT), pourraient dans le cadre de l'OMC faire l'objet de contestations de la part de pays tiers. Ceci explique, par exemple, l'ouverture du marché européen à d'autres normes que Tetra pour les services de réseaux privés numériques (RPN).
  • En outre, la Commission européenne a fortement réduit le soutien qu'elle apportait autrefois à l'élaboration et à la mise en œuvre des normes ETSI. La nouvelle directive sur les équipements terminaux (RTTE) tend à favoriser l'innovation technologique et les besoins d'une économie de marché.

A cet effet, tout en rappelant (considérant 23) l'intérêt, pour un marché compétitif, d'une harmonisation des interfaces entre les équipements terminaux et les réseaux, la directive ouvre la possibilité pour les opérateurs de définir les caractéristiques techniques des interfaces supportées par leurs réseaux. Cela crée donc une concurrence effective entre les différentes normes dans un contexte réglementaire qui doit en assurer la coexistence. Dans ces conditions, il n'y a pratiquement plus d'arbitre public de la normalisation.

Or, il est possible que les intérêts de la puissance publique (gestion du trafic aérien, télématique appliquée aux transports) ou le développement de services paneuropéens nouveaux justifient une meilleure coordination entre les travaux menés dans les différentes enceintes. La Commission a là un rôle à jouer.

En matière de normalisation, une plus grande implication de la Commission européenne dans l'élaboration et la mise en œuvre permettrait de donner davantage de sécurité juridique au marché et de mieux protéger les consommateurs. Elle assurerait la cohérence des actions menées par l'ETSI et d'autres enceintes de normalisation.

4(b) Quelles dispositions prendre pour s'assurer que toutes les potentialités de la politique communautaire en matière d'équipements hertziens soient supportées par une action appropriée en matière de gestion des fréquences radio ?

  • Au sein de l'Union européenne, la principale préoccupation devrait rester celle de la protection des consommateurs, qui doivent être avertis que certains équipements achetés dans un pays de l'U.E. ne pourront fonctionner dans d'autres pays s'ils utilisent des fréquences non harmonisées.
  • Plus généralement, dans le domaine de l'harmonisation des fréquences, les Etats membres ont, d'ores et déjà, un rôle moteur au sein de la CEPT.

Cependant, sous l'impulsion d'un volontarisme constructif de la Commission, une collaboration accrue des Etats membres dans cette instance, à travers la promotion de services et d'un marché paneuropéen, ne peut être que favorable au rayonnement, au delà de l'Union, d'une politique communautaire en matière d'équipements hertziens.

La corrélation entre politique de gestion du spectre et politique en matière d'équipements paraît forte. Il appartient aux Etats de la Communauté européenne, avec l'aide de la Commission, de s'assurer que les décisions prises dans le cadre de la CEPT coïncident avec les intérêts industriels.

5ème Point Cadre institutionnel de la coordination en matière de spectre radioélectrique (p.25)

5(a) Vu la nécessité de disposer dans la Communauté européenne d'un environnement prévisible pour l'utilisation du spectre, le cadre de coordination du spectre présente-t-il un degré d'ouverture, de transparence et de sécurité suffisant ? Peut-on déterminer aisément dans quels domaines et sur la base de quels principes établir le besoin d'harmonisation du spectre et la prise de positions au niveau de la Communauté ?

  • La référence dans le Livre vert à l'application des règles de concurrence communautaires pour assurer un réaménagement des fréquences ne paraît pas pertinente. Les règles d'attribution actuelles prennent en compte les objectifs de concurrence.
  • Les utilisateurs sont étroitement associés au processus de planification de l'ERC et aux décisions nationales.
  • La définition a priori de règles de priorité pour l'utilisation du spectre n'aurait pas de sens à l'échelle de la seule Union européenne. Les organes compétents sont la CMR et l'ERC, et c'est à juste titre que les utilisateurs se tournent vers ces organismes. En outre, au niveau national, des principes autonomes doivent pouvoir être mis en œuvre dans le cadre de la subsidiarité.
  • Le cadre de l'ERC paraît suffisant sur ce point. L'Europe a su jusqu'ici anticiper le besoin d'harmonisation des fréquences (GSM, S-PCS, UMTS, ....). Les Etats membres de l'Union européenne, individuellement et collectivement, semblent trouver leur place sans difficulté dans ce schéma. Ces Etats sont souvent d'une manière naturelle les principaux acteurs dans la définition des positions CEPT et ont toujours un rôle moteur en matière de proposition.

Il ne semble pas y avoir de motif sérieux à modifier le système actuel de planification et d'allocation, dans lequel la Commission européenne et les parties intéressées peuvent exprimer leurs préoccupations respectives. Toute mesure visant à améliorer la transparence du processus mériterait cependant un examen attentif.

5(b) Est-il nécessaire de définir préalablement un accord au niveau communautaire pour aboutir à l'harmonisation du spectre, ou suffit-il de coordonner la position des Etats membres au sein de la CEPT sur une base technique et ponctuelle ?

  • Une coordination préalable des Etats membres de l'U.E. risque de déstabiliser le mode de fonctionnement des travaux de la CEPT, qui a, jusqu'à présent, plutôt fait preuve de son efficacité en ce qui concerne la gestion prospective du spectre hertzien.

  • La participation de la Commission en tant que conseiller aux travaux de la CEPT permet à ses représentants d'intervenir lorsqu'ils jugent qu'une coordination de la position des Etats membres serait utile. Une approche souple ou adaptée en fonction du sujet paraît la plus appropriée.

Compte tenu de ce qui a été dit en réponse aux points 1(a), 2(a) et 2(b), la coordination des Etats membres semble largement suffisante pour assurer la prise en compte des intérêts communautaires. La Commission européenne devrait utiliser plus systématiquement les pouvoirs de coordination dont elle ispose.

5(c) Dans quels forums élaborer les positions communautaires nécessaires pour les négociations en matière de spectre entre la Communauté et ses partenaires commerciaux ?

  • Le processus d'élaboration de positions communes par la CEPT est effectivement long, en raison notamment du fait qu'il doit prendre en compte les intérêts des pays européens hors U.E.
  • Comme il a été dit en réponse à la question 1(a), l'expression d'une position commune à 43 pays est un atout qu'il convient de préserver. Par ailleurs, une attitude coordonnée des Quinze est de nature à orienter de façon décisive les travaux de la CEPT.
  • Il semble que les instruments juridiques dont dispose l'Union (Directives, Décisions, ....) soient suffisamment contraignants, une fois adoptés, pour empêcher les Etats membres de prendre des positions contraires à l'intérêt communautaire.
  • Le Traité a doté la Commission de pouvoirs propres importants, lui permettant d'enclencher une action efficace dans les négociations avec les tiers.

La coordination communautaire avant et pendant les réunions de la CEPT serait de nature à renforcer la cohésion des Quinze. La Commission pourrait utiliser plus systématiquement ses pouvoirs de coordination, lorsque cela n'alourdit pas le processus d'élaboration des positions de la CEPT (cf point 1(a)).

5(d) Des procédures doivent-elles être introduites pour garantir le soutien par les Etats membres des positions de la CEPT au sein de l'UIT/CMR, notamment vu la nécessité de défendre les intérêts de la Communauté sur la scène internationale ?

  • En tout état de cause, il ne semble ni nécessaire, ni souhaitable d'instaurer une nouvelle procédure qui viendrait s'ajouter ou se substituer au mécanisme de “proposition européenne commune”, qui a donné un poids significatif aux positions soutenues par les pays européens lors des CMR, mais qui gagnerait peut-être à être renforcé ou étendu.

L'hypothèse dans laquelle les Etats membres de l'U.E. agiraient de façon divergente au cours des CMR est très excessive et ne justifie pas une procédure coercitive, qui viendrait s'ajouter aux mécanismes existants.


©Autorité de régulation des télécommunications - avril 1999
7, Square Max Hymans - 75730 PARIS Cedex 15
Téléphone : +33 1 40 47 70 00 - Télécopie : +33 1 40 47 71 98