Appel à commentaires "Téléphonie sur Internet"
Les messages clés


Le développement d’offres de transfert de la voix fondées sur des technologies IP constitue un élément important de l’évolution du marché des télécommunications. Il pourrait contribuer à terme à modifier l’économie des réseaux et permettra des évolutions des offres de services. Il pourrait également conduire à remettre en question certains des principes qui encadraient le marché des télécommunications, notamment la séparation des régimes juridiques des données et de la voix et à prendre en compte la dimension internationale des offres.

Les architectures et les services associés doivent constituer les critères de la réglementation

A ce jour, le marché des technologies IP se concentre sur les réseaux privés et la partie transport de réseaux ouverts au public. Le service consistant à transmettre de la voix sur IP d’ordinateur à ordinateur, en substitution de la téléphonie classique, apparaît comme un marché de niche, à l’image du call-back il y a quelques années, dont la pérennité reste à démontrer. La compatibilité entre tous les équipements mis en oeuvre pour une communication donnée n’est assurée que par l’utilisation de bout en bout d’équipements propriétaires émanant d’un même fournisseur ou, avec certaines restrictions, dans le cas de l’utilisation d’équipements compatibles H.323. Il n’existe pas à ce jour d’équipements permettant de gérer des volumes de trafics comparables à ceux échangés sur les réseaux de téléphone et d’offrir un service de masse.

A moyen terme, l’interopérabilité avec le réseau téléphonique commuté, dont l’universalité n’est pas à moyen voire long terme remise en cause, apparaît indispensable, en attendant la généralisation de réseaux tout IP. L’UMTS et la prochaine génération de réseaux à satellites, en diversifiant l’offre de réseaux d’accès large bande et haut débit, permettront d’envisager des offres de raccordements IP natif sans le support intermédiaire de la commutation de circuits. De tels raccordements seront progressivement déployés sur l’ensemble des réseaux de transport et des réseaux d’accès existants.

A plus long terme, lorsque IP sera généralisé, la voix sur IP se développera au sein d’offres multiservices, et pourrait entraîner la marginalisation progressive du marché de la téléphonie vocale et de la commutation de circuits stricto sensu.

La nécessaire neutralité de la réglementation par rapport aux types d’infrastructures et aux technologies est un des principaux enseignements de cette consultation : la réglementation doit porter sur les services tels qu’ils sont perçus par l’utilisateur et non sur les technologies ou les types d’infrastructures qui les supportent. Des services identiques doivent faire l’objet d’une réglementation homogène.

La neutralité par rapport aux types d’infrastructures et aux technologies employées n’implique pas la neutralité par rapport aux architectures et elle n’est pas incompatible avec la réglementation des réseaux d’infrastructures.

La normalisation et des règles d’exploitation et d’information communes seront indispensables à la garantie d’une certaine qualité de service

Les normes : Les services existants sont fondés sur des technologies propriétaires. Les normes liées à la voix sur IP ne sont pas stabilisées : H.323, SIP, MGCP. Elles ne sont pas équivalentes en terme de service et ne prennent pas encore en compte toutes les contraintes du service téléphonique. Leurs degrés de développement respectifs varient. Si H.323 semble en avance sur ses concurrents, tous les autres standards restent crédibles.

La qualité de service : La qualité de service est relativement maîtrisée dans un environnement homogène tel que les réseaux IP d’opérateur et les réseaux privés. Ce n’est pas le cas de la qualité de service de bout en bout dans des réseaux hétérogènes, qui implique non seulement une gestion de la qualité de service dans chaque sous-réseau , mais également la connaissance des performances et des paramètres de qualité des différents réseaux empruntés.

Les opérateurs considèrent que des négociations purement commerciales ne permettent pas d’assurer une offre de services garantie de bout en bout et le respect de critères de qualité des réseaux interconnectés. L’insertion de clauses précises dans les cahiers des charges des opérateurs ou la réglementation des accords d’interconnexion entre les divers opérateurs seraient nécessaires à la garantie d’un niveau minimum de qualité de service des réseaux.

Le consommateur final doit également être informé de la qualité des produits qui lui sont proposés : des mesures de qualité des offres, en amont de leur commercialisation, par des organismes indépendants, visant à informer les consommateurs pourraient se révéler utiles.

La prise en compte plus précise par la réglementation de la qualité de service exigerait une compréhension commune des critères qui la sous-tendent, de véritables normes de réseau et d’interconnexion et l’élaboration de règles techniques.

réseaux, infrastructures, convergence

L’intégration RTCP/IP progressive portera sur les trois niveaux de réseau :

- réseau d’accès banalisé  : accès fixe haut débit et mobile haut débit (UMTS) ;
- réseau de transport résultant de l’intégration du réseau commuté et des réseaux de paquet (passerelles H.323), en attendant des réseaux tout IP ;
- mise en oeuvre de plateformes multiservices, mettant en oeuvre services de type réseau intelligent et de plateformes assurant la facturation, la messagerie, etc.

L’interopérabilité avec le RTC reste l’élément fondamental. Certains acteurs prévoient la baisse progressive puis l’abandon des investissements dans les réseaux commutés classiques. D’autres croient en la pérennité du réseau téléphonique commuté.

La recherche d’une équivalence parfaite de fonctionnalités et d’une substituabilité totale des services entre les services Voix sur IP et Voix sur RTC pèsera sur l’économie des réseaux et services IP.

les terminaux : un élément critique de la chaîne de la valeur

Les terminaux constituent une condition nécessaire au déploiement et un élément critique de la chaîne de la valeur de la voix sur IP  :

    • Les fonctionnalités des terminaux, qui devront être au minimum celles dont disposent les terminaux téléphoniques, devront être harmonisées. Dans un contexte d’instabilité des normes, les terminaux, pour permettre l’interopérabilité, devraient supporter la plupart des normes possibles, et notamment H.323. Le marché restera donc celui des équipements propriétaires pour un certain temps encore.
    • Outre le coût de l’interopérabilité, le coût des terminaux sera lié aux exigences réglementaires auxquelles seront soumis les services1 au public de transfert de la voix sur IP.
    • Si la voix sur IP est offerte dans le cadre d’offres multiservices, les terminaux multimédia seront plus coûteux que les terminaux téléphoniques actuels, ce qui constitue un autre frein à ce déploiement dans le grand public.

Le coût, par rapport au terminaux téléphoniques, des terminaux tout IP sera, avec les incertitudes qui pèsent sur la qualité de service et l’interopérabilité, un des freins essentiels au déploiement des services de voix sur IP sur le marché du grand public.

Une chaîne de la valeur éclatée, qui a tendance à se concentrer entre les mains d’un petit nombre d’acteurs

Les éléments structurants du marché restent les infrastructures d’accès et les infrastructures longue distance et internationales. La multiplication des capacités sur les liaisons transatlantiques sera un élément clé de l’explosion des offres de services.

Les trois tendances de fond sont :

    • L’offre de voix sur IP fait l’objet d’initiatives opportunistes sur le marché de la longue distance à destination de pays ciblés. La pérennité de ces niches sera liée à l’inertie des tarifs longue distance et internationaux.
    • Les fournisseurs de services Internet visent principalement l’accès à Internet et ne sont pas des acteurs potentiels majeurs de la fourniture de services de voix sur IP. Leur équation économique est souvent résolue à l’aide de prestations complémentaires : développement de sites, offres d’hébergement, etc.
    • Sur les mobiles, le marché de l’accès et de la fourniture de services IP n’est pas significatif à ce jour.
    • Les principaux acteurs de la voix sur IP seront les opérateurs de télécommunications.

A terme, l’insertion dans la chaîne de la valeur de  chambres de compensations"2; devrait ouvrir le marché de la fourniture de capacités aux fournisseurs de services Internet aujourd’hui soumis aux accords d’échange de trafics qui se substituent peu à peu aux accords coopératifs (peering). Le contrôle de ce maillon de la chaîne deviendra un enjeu majeur pour les opérateurs de télécommunications. Cet élément n’est pas spécifique à la voix sur IP.

Liés dans un premier temps à l’interopérabilité avec le RTC, les coûts des solutions tout IP pourraient permettre à terme des économies importantes

Le développement des offres de transfert de la voix sur IP résulte d’un différentiel de structures tarifaires sur des segments de marché limités : longue distance, international. L’utilisation d’IP et l’introduction massive de la fibre optique contribueront à une tarification unique des communications indépendante de la distance.

Les facteurs de coût de la voix sur IP pour l’utilisateur final et pour l’opérateur sont le terminal multimédia3, l’accès à l’abonné, les capacités de transport (longue distance et international, interconnexions), les équipements spécifiques et les passerelles.

Le coût de la mise en oeuvre des solutions voix sur IP actuelles est lié au besoin d’interopérabilité avec le RTC. Cependant, à long terme, les réseaux tout IP qui devraient apparaître pourraient se révéler moins coûteux du fait de l’utilisation d’une plate-forme de transport unique.

Pour le transport longue distance, l’économie liée à l’utilisation de bout en bout d’une technologie orientée données est d’un rapport 1 à 2 voire 1 à 3 par rapport à la technologie commutée. En théorie, la voix peut alors être proposée au coût marginal. Cependant, au coût du transport doit être ajouté celui du service, des équipements nécessaires pour le gérer, de la commercialisation, de la facturation etc.

De façon générale, les acteurs s’accordent à considérer que la régulation doit favoriser l’émergence de nouveaux services et non pas des réductions de coûts passagères.

Des offres de services IP incluant la voix destinées avant tout au marché des entreprises

Les segments du marché sont d’une part, pour le grand public, les appels internationaux à prix réduits et les services de centres d’appels, liés notamment aux offres de commerce électronique et d’autre part, pour les entreprises, la téléphonie internationale, la téléphonie sur Intranet et les services multimédias.

    • Les facteurs de croissance sont  :

- la généralisation du protocole IP, qui devient le protocole fédérateur, et la flexibilité qu’il permet (arbitrage qualité/coûts notamment) ;
- sur le marché entreprises, la disponibilité des techniques de voix sur IP et l’intégration de modes de travail en réseau qui favoriseront les utilisations voix sur IP liées à des services multimédia. Il s’agit notamment du développement des Intranet et Extranet et des applications de commerce électronique, entre entreprises ;
- la baisse de prix de la bande passante, une réglementation concurrentielle adaptée ;

    • Les freins restent :

- le coût et la réglementation de la boucle locale,

- les investissements récents dans le service téléphonique classique,
- la qualité de service, la sécurité et la disponibilité,
- le manque d’annuaire apparaît comme un point véritablement bloquant pour les entreprises
- la résistance du public liée notamment au manque de simplicité, de convivialité et de transparence des offres actuelles et enfin le coût des terminaux.

Les réticences d’origine " réglementaire " sont volontiers évoquées.

Les facteurs susceptibles de favoriser la substitution du service téléphonique commuté par la voix sur IP sont le développement d’accès Internet haut débit et, le cas échéant, la perspective d’offres d’interconnexion réseaux de données/réseaux commutés.

La numérotation et les annuaires

L’attribution de ressources en numérotation pour la voix sur IP au sein des plans nationaux est une perspective satisfaisante pour l’ensemble des acteurs. Le plan de numérotation E.164 doit rester le garant de toute initiative crédible. La portabilité des numéros est essentielle.

L’approche nationale de l’annuaire universel, limitée au service téléphonique classique, ne répond pas aux attentes des acteurs qui réclament un lien entre numéro, adresse géographique, adresse courrier électronique, localisation etc.

interconnexion, interfaces

Le modèle Internet coopératif, fondé sur les accords de transit (peering) semble avoir atteint ses limites. Le caractère structurant pour l’offre de services au public de l’existence d’une offre d’interconnexion données est désormais mis en avant. Le problème dépasse celui, stricto sensu, de la voix sur IP et est lié notamment à l’introduction du GPRS et surtout de l’UMTS.

Le lien entre qualité de service et interconnexion est souligné. Les accords d’interconnexion doivent être généralisés aux réseaux et services de données. Les règles d’interconnexion doivent inclure des engagement de performances en terme de qualité des réseaux traversés.

Le choix des différents protocoles n’est pas neutre au niveau de l’interconnexion, du fait notamment des différents critères de qualité associés. Il faut promouvoir les normes permettant l’interconnexion de réseaux et notamment H.323 et MGCP, en adaptant les seuils pour prendre en compte la spécificité d’IP.

En conclusion, la réglementation de la voix sur IP participe à l’évolution du service. Elle doit être cohérente avec l’existant et au niveau international

De façon générale, les acteurs s’accordent sur les points suivants :

1 - Le cas particulier de la voix sur IP souligne que la réglementation et la régulation doivent être indépendantes des technologies et du type d’infrastructures. La séparation réseaux/services n’est pas remise en question, pas plus que le régime réglementaire des réseaux de télécommunications ouverts au public, d’ores et déjà indépendant du type d’infrastructures, des technologies utilisées, et des contenus transportés (données ou voix).

2 - Lorsqu’ils s’avèrent substituables, le service de téléphonie au public et les services de voix sur IP doivent faire l’objet d’une même approche réglementaire. Il s’agit d’éviter que des offres plus ou moins équivalentes à la téléphonie au public, qui offriraient une " moindre " qualité de service, tout en ne supportant pas les contraintes réglementaires du service téléphonique au public ne bénéficient des mêmes avantages en terme d’accès aux ressources, de tarifs d’interconnexion, etc. L’équilibre entre droits et devoirs doit être préservé et les investissements réalisés dans le contexte réglementaire issu de la loi de 1996 être rentabilisés.

3 - Le cas de la voix sur IP souligne également que le régime des réseaux d’infrastructures ouverts au public, doit être indépendant du contenu (communication au public ou correspondance privée).

4 - Les droits et obligations doivent être proportionnés aux investissements.

5 - Une réflexion sur l’homogénéisation des régimes réglementaires des données et de la voix est nécessaire.

6 - Enfin, les dispositions prises par les différents États pour encadrer la voix sur IP doivent être aussi semblables que possible entre elles. Toute initiative crédible doit se situer au moins à l’échelon européen. La libéralisation du marché européen ne doit pas profiter aux pays tiers bénéficiant d’un accès privilégié, générant des effets d’aubaine et des marchés sans lendemain. La domination doit s’apprécier sur un marché global non limité, au plan géographique, à l’échelon national.

7 - En ce qui concerne les contraintes réglementaires (secret des correspondances, confidentialité, appels d’urgence, etc.), la normalisation est indispensable et doit constituer une préoccupation prioritaire à court terme.




1- par exemple : continuité du service
2- par exemple : les « clearing houses » dans le modèle d’affaire Tiphon
3- les achats de micro-ordinateurs par les résidentiels sont en grande partie des renouvellements ; le nombre de « nouveaux abonnés » est donc relativement faible ; En outre, le turn-over des clients des ISP et IAP est important, ce qui fausse les évaluations


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