Recommandation de l’Autorité de régulation des télécommunications relative à une offre de liaisons louées par France Télécom aux opérateurs pour permettre a ces derniers d’assurer la desserte de leurs clients / 25 juillet 2001

La recommandation en téléchargement

I. La concurrence sur le marché des services à haut débit

Dans le courant de l’année 2000, l’Autorité de régulation des télécommunications a réalisé une étude portant sur la situation de concurrence du marché des services à haut débit, définis comme les services de transport de données qui s’appuient sur la desserte en fibre optique de sites, qu’il s’agisse de services traditionnels de liaisons louées à haut débit (34 Mbit/s, 155 Mbit/s, voire plus) ou de services commutés utilisant les protocoles ATM et IP, à partir de 10 Mbit/s.

De cette étude (synthèse jointe en annexe), il est ressorti que :

  • la desserte locale et régionale en fibre optique reste en pratique assurée exclusivement par France Télécom, en dehors d’une zone limitée à Paris intra muros et La Défense ;
  • dans les départements limitrophes de Paris (1ère couronne) ainsi que dans les agglomérations de Bordeaux, Grenoble, Lille, Lyon, Marseille, Nantes, Nice, Rouen, Strasbourg et Toulouse, des opérateurs ont installé des points de présence de réseaux longue distance et des boucles optiques locales ; toutefois, compte tenu de la dispersion des sites des clients par rapport aux centres villes où ces boucles sont déployées, un grand nombre de clients ne peut être desservi par les opérateurs alternatifs ;
  • sur le reste du territoire, y compris le reste de la région Ile de France, si les opérateurs alternatifs ont installé des points de présence dans le cadre du déploiement de leurs réseaux longue distance, ils n’ont pas pour autant construit de desserte optique à partir de ces points de présence.

Ainsi, il apparaît que les opérateurs autres que France Télécom ne peuvent, dans une grande majorité de cas, connecter leurs réseaux aux sites de clients potentiels sans avoir recours aux services à haut débit de France Télécom.

II. L’offre de liaisons louées de France Télécom aux opérateurs tiers

II.1 Le régime réglementaire des liaisons louées aux opérateurs

Au titre de l’article D. 99-9 du code des postes et télécommunications, les liaisons louées fournies entre opérateurs relèvent du régime réglementaire de l’interconnexion. En cas de litige sur les prix, les opérateurs peuvent saisir l’Autorité au titre de l’article L. 36-8 du code.

Lorsque France Télécom fournit ces liaisons, elle doit respecter le principe d’orientation des tarifs vers les coûts, puisqu’elle a été désignée comme un " organisme exerçant une influence déterminante sur le marché des liaisons louées ", conformément à la décision de l’Autorité n° 00-1328 du 15 décembre 2000.

Au titre de l’article D. 99-16, l’Autorité peut demander à France Télécom, après consultation du comité de l’interconnexion, d’ajouter ou de modifier des prestations inscrites à son catalogue d’interconnexion, en vue du respect notamment du principe d’orientation des tarifs vers les coûts, ou afin de répondre à la demande de la communauté des opérateurs.

II.2. Les offres de liaisons louées de France Télécom aux opérateurs tiers

A ce jour, France Télécom, dans ses offres aux opérateurs, distingue plusieurs catégories de liaisons.

II.2.1. Pour les liaisons jusqu’à 2 Mbit/s

Des " liaisons louées partielles " (LLP) sont fournies dans le cadre des conventions d’interconnexion (offre dite " commerciale " par France Télécom), pour des capacités de 64 à 1920 kbit/s : elles relient un site client de l’opérateur tiers à un équipement, nommé " brasseur " du réseau de France Télécom. L’Autorité a pu constater que les prix proposés par France Télécom aux opérateurs sont entre 10 % et 25 % moins chers que les prix des liaisons fournies aux clients finals, en fonction des distances et des débits.

Les LLP sont complétées, dans la majorité des cas, par le service d’aboutement de liaisons (LA) d’une capacité de 2 Mbit/s, qui relie le brasseur du réseau de France Télécom au PoP (point de présence) de l’opérateur tiers ; ce service est inscrit au catalogue d’interconnexion de France Télécom.

Chacun de ces deux éléments (LLP et LA) fait l’objet d’une tarification fonction de la capacité mais également fonction de la distance :

  • d’une part, entre le brasseur et le site du client (LLP) ;
  • d’autre part, entre le PoP de l’opérateur tiers et le brasseur de France Télécom (LA) ;

La tarification de ces liaisons rend souvent cette solution économiquement inefficace, compte tenu de la localisation géographique des brasseurs et de la tarification de ces deux éléments. C’est pourquoi les opérateurs ont le plus souvent recours à des offres de détail de liaisons louées, in fine moins chères, car leur tarification est fondée, outre sur la capacité, sur la distance directe à vol d’oiseau entre les sites clients, sans prendre en compte la localisation du brasseur.

Dans certains cas, peu fréquents, les équipements de l’opérateur alternatif sont installés dans les locaux de France Télécom (colocalisation) : dans ce cas, seule une offre de liaison louée partielle est nécessaire à cet opérateur pour terminer son offre.

II.2.2. Pour les liaisons au-delà de 2 Mbit/s

Dès lors que les besoins des opérateurs excèdent 2 Mbit/s par liaison, France Télécom ne fournit aucune offre spécifique aux opérateurs ; ils doivent donc avoir recours à l’offre de France Télécom inscrite à son catalogue de détail, selon des conditions contractuelles et tarifaires identiques à celles d’un client final.

III. La situation française par rapport au projet de recommandation de la Commission européenne

La Commission européenne a publié, fin 1999, un projet de recommandation relative aux tarifs des liaisons fournies par les opérateurs historiques aux opérateurs nouveaux entrants. Cette recommandation constitue une référence utile pour fournir une indication sur les meilleures pratiques européennes pour certaines catégories de liaisons.

En ce qui concerne le contexte des objectifs de ce projet de recommandation de la Commission, qui vise à permettre aux opérateurs tiers de compléter leurs offres de liaisons louées, il y a lieu de considérer que la prestation fournie par France Télécom doit permettre de relier le POP d’un opérateur tiers au site de son client, en lui évitant d’être handicapé par certains coûts inhérents à la topologie du réseau de l’opérateur historique.

IV. Recommandation de l’Autorité ()

L’offre de France Télécom, en matière de liaisons louées, devrait être complétée au regard des obligations afférentes à un opérateur exerçant une influence significative sur ce marché.

IV.1. Catégories de liaisons visées par la présente recommandation

Compte tenu du constat réalisé par l’Autorité sur l’état de développement du marché en 2000, il apparaît que l’offre concurrentielle de liaisons louées reste de fait limitée au tronçon longue distance des liaisons à haut débit. Dès lors, la fourniture par France Télécom de liaisons louées d’interconnexion partielles, de moyenne et de courte distance, se révèle indispensable pour permettre aux opérateurs nouveaux entrants d’assurer la desserte de bout en bout des clients finals.

La Commission indique que " ces services d’interconnexion de lignes louées sont fournis par un opérateur à un autre opérateur pour l’accès aux locaux d’un client et constituent un segment de la ligne louée de bout en bout reliant les différentes installations du client ".

Ainsi, France Télécom doit fournir une prestation de liaison louée permettant de relier le PoP d’un opérateur autorisé au titre de l’article L. 33-1 du code des postes et télécommunications, au site de son client (cf. schéma du § II.2.2), tarifée sur la base de la distance à vol d’oiseau entre ces deux points (PoP - site client).

Il est estimé raisonnable de limiter cette offre de France Télécom à des liaisons de 50 kilomètres – mesurés à vol d’oiseau entre le POP de l’opérateur et le site du client – afin d’encourager un déploiement suffisant, par les opérateurs, de leurs réseaux sur l’ensemble du territoire (de 100 à 150 de points de présence).

Ces offres doivent porter sur des liaisons de 64 kbit/s à 2 Mbit/s, de 34 Mbit/s et de 155 Mbit/s.

IV.2. Tarification de ces liaisons louées aux opérateurs

Les tarifs de ces liaisons louées par France Télécom aux opérateurs tiers doivent respecter le principe d’orientation des tarifs vers les coûts pertinents pour l’interconnexion, définis dans la décision de l’Autorité n° 98-901 du 28 octobre 1998, établissant la nomenclature des coûts et précisant les règles de pertinence relatives à l’interconnexion, puisque France Télécom est désignée comme organisme puissant sur le marché des liaisons louées.

Sans préjuger d’une vérification approfondie qui résulterait d’une demande de règlement de différend ou de l’inscription au catalogue d’interconnexion de ces liaisons louées, suite à la mise en œuvre d’une procédure relevant de l’article D. 99-16 du code des postes et télécommunications, plusieurs raisons apparaissent qui font que les tarifs de ces liaisons louées fournies aux opérateurs devraient être sensiblement inférieurs, à prestation égale (débit, distance) aux tarifs de détail :

  • certains coûts, et notamment les coûts commerciaux, sont exclus du champ des coûts pertinents pour l’interconnexion ;
  • la constitution technique de ces liaisons, aux opérateurs tiers peut s’avérer différente de celles des liaisons louées à un client final ; en particulier elles peuvent éventuellement ne comporter qu’un seul segment local ;
  • en cas de colocalisation des équipements de l’opérateur tiers dans les locaux de France Télécom, le coût du tirage de jarretières entre le brasseur et le répartiteur transmission peut se révéler pertinent.

En conséquence, les tarifs de France Télécom pour ces liaisons fournies aux opérateurs tiers détenteurs d’une licence L. 33-1 devraient être minorés pour prendre en compte les éléments mentionnés ci-dessus.

Il conviendrait de prévoir, pour l’ensemble de ces liaisons, des conditions de qualité de service, y compris délais de livraison, et de garantie de temps de rétablissement (GTR) au moins identiques à celles qui existent dans le cadre des contrats aux clients finals (contrat Transfix ou Transfix 2.0).

Enfin, il apparaît nécessaire que la migration des contrats actuels Transfix concernant ces liaisons louées partielles vers les conventions d’interconnexion se réalise sans pénalités à l’issue du contrat ni frais techniques d’accès au service pour l’interconnexion lorsque ces liaisons existent déjà techniquement.

Rapport l'Autorité sur l'évaluation de la concurrence sur les services de transports de données à haut débitt


©Autorité de régulation des télécommunications - Juillet 2001
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