Rapport sur le marché des infrastructures de desserte en fibres optiques haut débit / février 2002 (publié en octobre 2002)


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Sommaire

Introduction générale

Le marché des entreprises et des collectivités publiques

I. La délimitation et l’estimation des marchés pertinents
I.1 La délimitation en terme de services
I.2 La délimitation en terme géographiques
I.3 L’estimation des marchés pertinents

II. Analyse du fonctionnement du marché
II.1 La demande
II.2 L’offre
II.3 La mesure du degré de concurrence

III. Les perspectives sur les marchés et les préconisations
III.1 Les perspectives sur les marchés à haut débit
III.2 Les recommandations

Le marché des Fournisseurs d’Accès à Internet

I. La délimitation du marché pertinent
I.1 La délimitation en terme de services
I.2 La délimitation géographique
I.3 L’estimation du marché

II. Analyse du fonctionnement du marché

III. Les perspectives

Le marché des opérateurs

I. La délimitation du marché pertinent
I.1 La délimitation en terme de services
I.2 La délimitation géographique
I.3 Estimation des marchés de services de transport à haut débit

II. Analyse du fonctionnement du marché
II.1 La demande
II.2 L’offre des opérateurs

III. Les perspectives

 

Introduction générale

Les infrastructures de desserte (ou d’accès) en fibre optique servent de moyens de raccordement des clients pour leur délivrer des services à haut débit ; elles correspondent à la partie du réseau de l’opérateur située entre le site du client et le point de concentration le plus proche du réseau de l’opérateur (à partir duquel commence le réseau général). Ces infrastructures sont intégrées dans le marché plus vaste des services à haut débit. Les infrastructures de desserte en fibre optique peut servir de support à différentes couches d’infrastructures et de services qui s’adressent à des clientèles différentes :

Le génie civil, la vente ou la location de fourreaux ou de fibres noires se situent en amont du marché que nous considérons : ce sont des infrastructures passives qui interviennent dans les conditions de déploiement des réseaux des opérateurs (fonction de coût).

Le rapport étudie les deux couches supérieures sur les accès en fibre optique :
     - la vente de capacités de transport ;
      - la vente de services et d’applications à haut débit.

Le rapport est découpé selon les trois clientèles consommant ces services qui caractérisent trois marchés distincts. Cette séparation des marchés selon leur clientèle se justifie parce que les acteurs de ces trois marchés sont différents (que ce soit les acheteurs et les vendeurs), les services consommés sont différents et les conditions réglementaires sont différentes. On étudiera les trois marchés suivants :
      - le marché final des entreprises et des collectivités/établissements publics (Partie I);
      - le marché des fournisseurs d’accès à Internet (Partie II) ;
      - le marché des opérateurs titulaires de licences (Partie III).

Les marchés des services de desserte en fibre optique à haut débit sont estimés à environ 2,66 milliards d’euros en 2001 (soit plus de 17 milliards de francs).

pour visualiser le tableau cliquez sur l'image

 

Le marché des entreprises et des collectivités publiques
__________

I. La délimitation et l’estimation des marchés pertinents

La fibre optique sert de technologie de raccordement dans le réseau de desserte pour des services à hauts débits :

      - pour les débits supérieurs à 10 Mbit/s : la fibre optique domine très largement ;

      - entre 2 et 10 Mbit/s (5*2Mbit/s) : la fibre optique est en concurrence avec d’autres technologies (boucle locale radio et xDSL), qui sont actuellement préférées par les opérateurs pour des questions de coûts ; à terme, si la substitution se confirme, les raccordements en fibre optique ne pourraient concerner que les débits supérieurs à 10 Mbit/s ;

      - au-dessous de 2 Mbit/s : la fibre optique n’est pas rentable.

Pour le moment, la substitution des autres technologies (boucle locale radio et xDSL) à la fibre optique pour la gamme de débits du réseau de desserte compris entre 2 et 10 Mbit/s n’est pas encore généralisée : aussi, cette gamme de débits est maintenu dans le marché pertinent.

      I.1. La délimitation en terme de services

On distingue deux marchés pertinents en terme de services :

      - l’accès à Internet à 2Mbit/s et plus (1) ;

      - les services de transmission de données commutés ou non commutés entre sites de l’entreprise, avec au moins un raccordement à 2 Mbit/s et plus. On a considéré qu’il suffisait qu’un seul site soit raccordé à haut débit pour que le service de transmission dans son ensemble entre dans le champ de cette enquête.

Des services nouveaux sont apparus qui intègrent les deux fonctionnalités de l’accès à Internet et des services de transmission de données commutés ou non commutés entre sites de l’entreprise, notamment les réseaux privés virtuels IP; cette évolution semble encore trop récente pour éliminer la distinction entre les deux marchés.

Un découpage supplémentaire des services de transmission de données entre services commutées et non-commutées, selon les protocoles, selon les débits de raccordement (2Mbit/s, 10 Mbit/s, 34 Mbit/s, 155 Mbit/s, etc…) ou la topologie du réseau (point à point, point à multi-point, boucle privative ou avec une partie du réseau d’entreprise traversant le réseau général de l’opérateur) n’a pas été retenu. Par exemple, le choix de la topologie du réseau est un problème incombant aux opérateurs dans l’optimisation de leur solution, en réponse aux besoins exprimés lors des appels d’offres plus qu’un critère pertinent de segmentation de la demande des entreprises et collectivités publiques, qui reste un critère prégnant pour la délimitation du marché pertinent en terme de services. Par contre, un découpage des services de transmission de données commutées ou non commutées entre sites de l’entreprise en quatre sous marchés distinguant les liaisons louées, les interconnexions de réseaux locaux, les liaisons vers des centres de production informatiques et les services de transmission de données commutés multi-sites a une pertinence en terme de segmentation de la demande pour certains interlocuteurs et pas pour d’autres. Dans le cadre de cette enquête, on a maintenu tous ces services dans le même marché.

       I.2. La délimitation en terme géographiques

Sur le plan géographique, les conclusions de l’étude conduite en 2000 sont confirmées ; on distingue deux types de zones aux conditions de concurrence dissemblables au niveau de l’accès :

      - des zones avec des infrastructures de raccordement alternatives à France Télécom (marché de l’accès concurrentiel) : les centres d’affaires des dix premières agglomérations de France (en nombre d’habitants et en potentiel économique) où se trouvent des boucles métropolitaines optiques d’entreprises déployées par des opérateurs nouveaux entrants ;

      - des zones sans infrastructures de raccordements alternatives à France Télécom (marché de l’accès non concurrentiel) : le reste du territoire, à de rares exceptions près.

N.B. : les zones géographiques de la boucle locale radio et les technologies xDSL (débits de 2 à 10 Mbit/s) ont été confondues avec celles des boucles métropolitaines optiques d’entreprises.

Croiser critère du service et critère géographique conduit à déterminer cinq marchés pertinents :
      - deux marchés pour les services d’envergure locale à plus de 2 Mbit/s exclusivement dans les zones avec infrastructures alternatives ;
      - deux marchés pour les services d’envergure locale à plus de 2Mbit/s avec au moins un raccordement dans une zone sans infrastructure alternative ;
      - un marché regroupant tous les services d’envergure régionale ou nationale avec au moins un raccordement à plus de 2 Mbit/s

I.3. L’estimation des marchés pertinents

      - deux marchés pour les services d’envergure locale à plus de 2 Mbit/s exclusivement dans les zones avec infrastructures alternatives (évaluation en millions d’euros)

Services

2000

2001

Variation (%)

Accès à Internet de plus de 2 Mbit/s

76,2

ND

-

Services de transmission " locaux " entre sites de plus de 2 Mbit/s
liaison louée entièrement dans la zone
boucle locale privative d’entreprises
interconnexion de réseaux locaux entièrement dans la zone

84,2

131,1

+56%

Source : ART, Pierre Audoin Conseil (pour l’accès à Internet à plus de 2 Mbit/s), Opérateurs.

L’estimation en terme de capacités installées est importante pour ce marché d’infrastructures et permet de compléter l’estimation en valeur. Elle s’est faite à partir de deux indicateurs pertinents pour le marché des entreprises et collectivités publiques: le nombre de boucles métropolitaines optiques d’entreprises (c’est-à-dire celles qui raccordent effectivement les sites des entreprises et collectivités publiques) déployées par des opérateurs nouveaux entrants et le nombre de sites raccordés en fibre optique dans les différentes zones géographiques. Le tableau précédent présente la situation de déploiement des boucles métropolitaines optiques d’entreprises détenues par les opérateurs nouveaux entrants dans les grandes agglomérations en France. Pour avoir une vision complète des capacités installées, il faudrait ajouter les boucles déployées par l’opérateur historique dans ces zones aux boucles déployées par les opérateurs nouveaux entrants. Le nombre de sites raccordés dans les zones avec infrastructures alternatives (y compris les sites raccordés par France Télécom) atteint 7 765 à la fin de l’année 2001. Le nombre de sites raccordés, indicateur important pour de nombreux interlocuteurs, apporte une appréciation du nombre de sites pouvant potentiellement entrer dans le marché des hauts débits et non pas celui des sites effectivement opérationnels pour ce marché puisque de nombreux sites raccordés par fibre optique ne servent encore qu’à transporter de la voix.

Les boucles métropolitaines optiques d’opérateurs n’ont pas été intégrées comme capacités pertinentes (substitution par l’offre) car elles ne nous paraissent pas pouvoir être utilisées sur le marché des entreprises et collectivités publiques dans le délai d’un an du test du monopoleur hypothétique (délai et coût de raccordement des entreprises et collectivités publiques élevés, nécessité de disposer d’équipes commerciales spécialisées pour adresser les besoins des entreprises et collectivités publiques). Par contre, à moyen terme, ce sont des infrastructures qui peuvent servir aux opérateurs qui les détiennent pour entrer sur le marché des entreprises et collectivités publiques.

      - deux marchés pour les services d’envergure locale à plus de 2Mbit/s avec au moins un raccordement dans une zone sans infrastructure alternative (évaluation en millions d’euros)

Services

2000

2001

Variation (%)

Accès à Internet de plus de 2 Mbit/s

Nég.

Nég.

-

Services de transmission " locaux " entre sites de plus de 2 Mbit/s
liaison louée entièrement dans la zone
boucle locale privative d’entreprises
interconnexion de réseaux locaux entièrement dans la zone

31,0

57,2

+84%

Source : ART, Opérateurs.

En terme de capacités installées, il n’y a pratiquement pas de boucles métropolitaines optiques d’entreprises détenues par des opérateurs nouveaux entrants dans ces zones sans infrastructures alternatives (par définition), à l’exception de celles déployées avec l’aide des collectivités territoriales (Besançon, Castres, Dijon, et quelques autres villes). Par contre, il y a des sites raccordés par fibre optique (quasiment exclusivement par l’opérateur historique donc). Leur nombre atteint 1 750. De même, seule une partie de ces sites consomme effectivement des services à hauts débits.

La répartition en chiffre d’affaires des différents marchés de services de transmission " locaux " entre sites d’entreprises et collectivités publiques de plus de 2 Mbit/s est la suivante en 2001 (N.B. : ce graphique n’incorpore pas le chiffre d’affaires de l’accès à Internet à plus de 2 Mbit/s).

      - un marché regroupant tous les services d’envergure régionale ou nationale avec au moins un raccordement à plus de 2 Mbit/s (estimation en millions d’euros)

Services

2000

2001

Variation
(%)

Services d’envergure régionale ou nationale avec un raccordement
à plus de 2 Mbit/s
liaison louée moyenne et longue distance
boucle régionale privative d’entreprise
interconnexion de réseaux locaux distants
transmission de données commutées multi-sites

1111,8

1 400

+ 25,9%

Source : INSEE, Opérateurs, ART et estimation pour l’année 2001. Pour la transmission de données commutées, les chiffres comprennent tout le trafic de données commutées, à l’exception du trafic X25

Les services d’envergure régionale ou nationale avec un raccordement à plus de 2 Mbit/s relient au moins deux sites d’une entreprise. Il s’agit des liaison louées de moyenne et longue distance (donc plus étendue que la dimension locale), de boucles privatives d’entreprises de dimension régionale, d’interconnexion de réseaux distants (et non plus d’interconnexion de réseaux locaux situés dans une même agglomération) et enfin de transmission de données commutées multi-sites (jusqu’à plusieurs dizaines voire centaines de sites) avec un raccordement au moins à plus de 2 Mbit/s, qui constituent le segment le plus important de ce marché. Pour l’opérateur fournisseur, il faut alors raccorder l’ensemble des sites de l’entreprise pour répondre à la demande du client, quelle que soit leur localisation géographique.

Sur ce marché des services d’envergure régionale ou nationale, que ce soit pour les liaisons louées, les boucles privatives d’entreprises, les interconnexions de réseaux locaux distants mais surtout pour les réseaux de transmission de données commutées multi-sites, le degré de concurrence est conditionné par le ou les raccordements de sites situés dans les zones sans infrastructures alternatives, même si le raccordement de certains sites de l’entreprise se fait dans une zone avec infrastructures alternatives (notamment le siège social des grandes entreprises dans le cas des réseaux d’entreprises de transmission de données commutées). Aussi, l’ensemble de ces services sont regroupés dans un seul marché géographique de dimension nationale.

On doit ajouter à cette estimation du marché une partie des réseaux indépendants des entreprises et collectivités publiques que ces dernières sont prêtes à externaliser. L’estimation de la part des réseaux indépendants qui pourraient être concernés par ce mouvement est difficile à établir.

Au total, les marchés de services de desserte en fibre optique à haut débit aux entreprises et aux collectivités publiques peuvent être estimés à un total de l’ordre de 1,3 milliard d’euros en 2000 et 1,66 milliard d’euros en 2001.

La frontière entre les services d’envergure locale et les services d’envergure régionale et nationale pour les services de transmission entre sites de l’entreprise est mouvante : elle résulte de la rencontre entre des besoins de l’entreprise en transmission de données entre sites et d’une offre des opérateurs qui peut conduire l’entreprise, de manière opportuniste, à segmenter ses besoins de transmission en lots d’envergure locale lorsqu’il existe des infrastructures dans une zone (par exemple en achetant des liaisons louées entre sites proches de cette zone). En fonction des calculs économiques effectués au niveau de l’entreprise et des opérateurs, la demande de transmission pour les mêmes sites va s’exprimer dans des contrats à envergure régionale ou nationale et non plus locale. L’apparition de services comme les réseaux privés virtuels IP, qui englobent les besoins locaux dans des contrats de dimension nationale et qui font basculer très vite l’expression d’un besoin de transmission d’un niveau local à un niveau national ; il y a donc une forte interdépendance entre les marchés d’envergure locale et ceux d’envergure régionale et nationale.


II. Analyse du fonctionnement du marché

      II-1. La demande

Jusqu’au milieu de l’année 2000, les opérateurs prévoyaient une montée rapide dans les débits consommés par les entreprises et collectivités publiques. Cette anticipation a favorisé l’installation de boucles métropolitaines optiques d’entreprises de la part des opérateurs. Cependant, cette montée des débits consommés ne s’est pas produite dans les proportions espérées par les opérateurs et surtout, elle est restée très circonscrite, jusqu’à présent, aux dix principales agglomérations de France, voire même aux quatre premières. Cela est notamment le cas pour l’accès à Internet, très largement dominé par des raccordements à moins de 2 Mbit/s sont quasiment tous localisés dans les dix premières agglomérations.

Certains opérateurs estiment que la demande potentielle pour des débits supérieurs à 2Mbit/s existe sur une grande partie du territoire et est actuellement bridée par des niveaux de prix " excessifs " : ils estiment notamment que la plupart des sites qui sont actuellement raccordés à des débits compris entre 128 Kbit/s et 2 Mbit/s consommeraient déjà des services à 2 Mbit/s et plus si les prix étaient plus proches du niveau concurrentiel. Pour ces opérateurs, l’installation de nouvelles boucles métropolitaines optiques d’entreprises sur d’autres agglomérations se justifie économiquement car la demande potentielle existe et ne se matérialise pas en consommation à cause de prix supérieurs au niveau concurrentiels. D’autres opérateurs pensent que la demande en débits supérieurs à 2 Mbit/s reste très concentrée dans les dix plus grandes agglomérations et ne s’est pas encore diffusée sur l’ensemble du territoire où les débits " standards " réclamés sont plutôt de l’ordre de 128 Kbit/s ou de 256 Kbit/s. Pour ces opérateurs, l’installation de nouvelles boucles métropolitaines optiques d’entreprises sur d’autres agglomérations ne se justifie pas économiquement, car il n’y a pas de demande potentielle à des prix concurrentiels.

En 2002, les sites consommant déjà des raccordements à plus de 2 Mbit/s, généralement par fibre optique, sont principalement situés dans les dix plus grandes agglomérations, avec une polarisation sur les quatre premières agglomérations (notamment pour l’accès à Internet) : ce sont les sièges sociaux des grandes entreprises et des banques, moins fréquemment ceux des Ministères et des administrations centrales, des salles de marché du secteur bancaire à Paris, des agences de taille nationale de quelques rares secteurs d’activité (quelques grandes banques et compagnies d’assurances), les sites des entreprises de certains secteurs d’activité comme les chaînes de télévision, les sociétés Internet (dot.com) et les cabinets d’architecture ou de design. Dispersés dans la région parisienne et dans les départements limitrophes, on trouve des sites de production informatique et leurs sites de back-up. Pour le reste, on trouve les sites des usines de certaines branches de l’industrie (comme l’automobile, l’aérospatiale) ayant besoin de raccordements à plus de 2 Mbit/s très dispersés sur le territoire français, généralement situés à la périphérie des villes ou même à la campagne, les sièges sociaux de quelques grandes entreprises qui peuvent se situer dans des agglomérations plus petites ainsi que, rarement, des sites des secteurs d’activités cités précédemment (chaînes de télévision, dot.com, cabinets d’architecture ou de design) se trouvant dans des agglomérations plus petites.

Les sites qui consomment des raccordement de débits moyens (entre 128 Kbit/s et 2Mbit/s) en 2002 sont majoritairement situés dans les 25-30 premières agglomérations françaises : c’est le cas des sièges " régionaux " des entreprises de service public (EDF, la Poste, la SNCF) ou des administrations (dans les chefs-lieux de région), les sièges sociaux des grosses entreprises moyennes, les agences régionales des banques ou des compagnies d’assurances. De même, on trouve des sites d’usines qui consomment des raccordements de débits moyens, dispersés sur une partie plus importante du territoire.

La consommation de services d’envergure locale est fortement concentrée dans les dix premières agglomérations de France, notamment dans la région parisienne et les agglomérations de Lille, Lyon et Marseille. A l’inverse, celle de la transmission de données commutées multi-sites, qui couvre l’ensemble du territoire, nécessite des raccordements à plus de 2 Mbit/s dans les dix premières agglomérations (à l’exception des usines), des raccordements à des débits moyens (entre 128 Kbit/s et 2 Mbit/s) dans les 25-30 premières agglomérations et des raccordements à bas débits sur le reste du territoire.

Pour leurs achats, les entreprises et collectivités publiques procèdent principalement par appels d’offres, ce qui leur permet à la fois de prendre connaissance des offres existantes, d’obtenir des propositions sur mesure (notamment pour les contrats de transmission de données commutées multi-sites) et de faire jouer la concurrence entre les opérateurs. Les entreprises et les collectivités encourent des coûts de économiques élevés de changement d’opérateurs et de solution technique -switching costs-, atteignant quelquefois 10% du montant du contrat (achats d’équipements ou pose de fibres, coût d’acquisition des nouvelles expertises, délais des appels d’offres longs mobilisant une équipe-projet sur une durée d’une année entre la préparation du cahier des charges et la phase de sélection). Ces switching costs créent chez les entreprises et collectivités publiques une certaine réticence à changer d’opérateurs et à fractionner les lots pour leurs besoins en transmission de données entre sites, notamment pour les contrats de transmission de données commutées multi-sites, même lorsqu’elles pourraient bâtir des lots avantageux sur les dix premières agglomérations en profitant d’une concurrence accrue entre opérateurs. Outre ces coûts de changement d’opérateurs, les entreprises et collectivités publiques montrent également une certaine réticence du fait de contrats de longue durée (trois années minimum voire cinq ans) favorisant une certaine inertie dans les architectures installées, de réticences psychologiques - les entreprises souhaitent limiter le nombre d’opérateurs avec lesquels elles traitent (pas plus de 2-3) car elles refusent de prendre des risques sur la qualité de la prestation et la pérennité du fournisseur et attendent souvent une concurrence supérieure -sur au moins les 25-30 premières agglomérations- pour revoir l’organisation de leurs achats (c’est notamment le cas dans des secteurs comme les banques, les entreprises de réseau, les administrations centrales). Cette inertie constitue une barrière à l’entrée sur le marché pour les opérateurs nouveaux entrants puisqu’ils doivent conquérir des clients qui sont déjà chez l’opérateur historique.

      
II-2. L’offre

Il y a actuellement une dizaine d’opérateurs présents sur le marché des entreprises et collectivités publiques en France pour les services d’envergure locale et services d’envergure régionale ou nationale. Les principaux sont Cable & Wireless, Cegetel, Colt, Completel, le groupe France Télécom, Siris, Worldcom présents sur les marchés national et international. Dans un second rang, on trouve Belgacom et Kaptech. Enfin, à l’international, il y a des opérateurs comme Global Pan European Crossing, KPN Qwest, Level 3 Com ou Télia qui font des contrats de transmission de données commutées pour des multinationales, à partir de Paris principalement.

Certains opérateurs ont implanté des boucles métropolitaines optiques d’entreprises entre 1996 et le milieu de l’année 2000, dans les dix premières agglomérations de France (à l’exception de Toulon). Ces boucles servaient de moyen d’entrer sur le marché des grandes entreprises (principalement), pour servir leurs besoins de services d’envergure locale à haut débit (accès à Internet, liaisons louées courte distance, interconnexions de réseaux locaux), mais aussi de transmission de la voix (ensemble de la téléphonie sortante et entrante, des services avancés). Jusqu’à aujourd’hui, tous les opérateurs ayant déployé une boucle métropolitaine optique d’entreprises ne rentabilisent pas leurs investissements avec les seuls services à haut débit d’envergure locale sans l’appoint de la voix car les marchés locaux de services à haut débit sont relativement étroits. La stratégie du déploiement de boucles métropolitaines optiques d’entreprises se heurte à des barrières à l’entrée très élevées (coûts fixes irrécupérables extrêmement lourds, risque financier du fait des déploiements a priori avant d’avoir des clients dans les zones couvertes).

Depuis le milieu de l’année 2000, on a assisté à l’arrêt du déploiement de boucles métropolitaines optiques d’entreprises, principalement du fait de l’absence de financements pour cette stratégie de déploiement et également, du fait d’un scepticisme des opérateurs vis-à-vis de la stratégie de concurrence par les infrastructures qui suppose de multiplier les déploiements de boucles métropolitaines optiques d’entreprises sur le territoire, pour raccorder directement les sites des clients, notamment dans des villes moyennes. Pour concurrencer l’opérateur historique, tous les opérateurs, même ceux qui ont commencé par déployer des boucles métropolitaines optiques d’entreprises -à l’exception d’un seul- cherchent désormais à mener une concurrence sur les services (qui permet aux opérateurs d’adresser le marché des services d’envergure régionale ou nationale, notamment l’important segment de la transmission de données commutées multi-sites et non plus uniquement celui des services d’envergure locale à hauts débits et de la voix) plutôt qu’une concurrence par les infrastructures.

Cette nouvelle stratégie ne repose pas sur le contrôle du le raccordement direct des sites des clients mais sur sa faculté à répondre à l’ensemble des appels d’offres émis, notamment aux gros contrats pour les réseaux de transmission de données commutées multi-sites. Les opérateurs doivent également déployer un réseau de données étendu (au moins dans les 25-30 premières agglomérations de France) afin que leurs POPs ne soient pas trop éloignés des sites à raccorder des clients.

Dans ce contexte, les opérateurs utilisent toutes les infrastructures existantes auxquelles ils peuvent avoir accès (propres ou louées à d’autres opérateurs) et les intègrent dans une offre de service à un client final. Dans les zones où de nombreuses infrastructures d’opérateurs nouveaux entrants sont déployées, cette stratégie ne pose pas de difficultés. Dans le reste du territoire, elle passe par l’achat massif de liaisons louées à France Télécom entre leurs POPs et les sites des clients.

Une analyse plus approfondie de la stratégie des principaux opérateurs identifie :

  • un opérateur d’infrastructures " pur ", Completel. Présent dans 9 agglomérations, c’est l’opérateur nouvel entrant le plus déployé. Avec cette stratégie, il n’est présent que sur ces marchés locaux, et n’est pas actif sur le marché national (pas de réseau de données national). Pour rentabiliser ses boucles, il offre des solutions de raccordements pour compte de tiers (bande passante et liaisons louées entre les POPs des opérateurs et leurs clients) ;

  • trois opérateurs qui évoluent rapidement de la concurrence en infrastructures vers la concurrence en services : il s’agit de Colt, Worldcom et Cegetel. La part de leur chiffre d’affaires réalisée via les services d’envergure locale diminue au profit de celle réalisée via les services d’envergure régionale ou nationale, notamment la transmission de données commutées mutli-sites. Colt est l’opérateur qui reste le plus orienté vers la concurrence en infrastructures puisque l’essentiel de son chiffre d’affaires est encore réalisé via des services d’envergure locale, notamment dans la région parisienne, et qu’il offre de solutions de raccordements pour compte de tiers. Pour Worldcom et surtout Cegetel, les services d’envergure locale représentent une partie de plus en plus réduite de leur chiffre d’affaires et ils ne vendent pas de liaisons louées pour compte de tiers. Pour ces trois opérateurs, l’évolution vers la concurrence en services s’est faite par le déploiement d’un réseau de données sur tout le territoire national et l’intégration de leurs boucles optiques d’entreprises dans leurs offres pour raccorder les sites des clients sur leurs boucles (Paris, Marseille et Lyon principalement), afin de réduire les coûts et d’être plus compétitifs sur le marché des services d’envergure régionale ou nationale. Colt et Worldcom s’appuient également sur leur réseau paneuropéen et leurs boucles déployées en Europe (voire aux Etats-Unis pour Worldcom) pour la partie internationale des contrats, ce qui leur permet de réduire encore le poids de leurs achats. Néanmoins, ces opérateurs demeurent acheteurs de solutions de raccordement pour l’essentiel des raccordements de sites d’entreprises et collectivités publiques lorsqu’ils répondent à des appels d’offres pour des services d’envergure régionale ou nationale (sur un appel d’offres moyen, 70% des raccordements de sites sont achetés, principalement sous forme de liaisons louées de France Télécom, avec toute la gamme des débits à partir de 128 Kbit/s) ;

  • deux opérateurs qui sont uniquement des opérateurs de services et ne disposent pas de boucles métropolitaines optiques d’entreprises pour raccorder les sites de leurs clients : Siris et Cable & Wireless. Ils disposent d’un réseau national de transmission de données et un réseau paneuropéen via leur maison mère. N’ayant pas de boucles locales, ils achètent toutes leurs solutions de raccordements et la part des achats dans leurs réponses aux appels d’offres est donc élevée. Ils essaient de la réduire en proposant des solutions à valeur ajoutée intégrant plus de services (sécurisation et hébergement) et une forte spécialisation dans l’IP (réseaux privés virtuels IP notamment) pour Cable & Wiresless ;

  • France Télécom dont la stratégie sur le marché des services à hauts débits a également évolué : dans le milieu des années 90, France Télécom a effectué un pré-cablage de nombreuses zones d’affaires en fibre optique par anticipation d’une forte montée des besoins en débits des entreprises et des collectivités. Depuis 1996, France Télécom a réduit les raccordements de sites en fibre optique pour privilégier la mise au point d’offres de service adaptées aux besoins spécifiques des entreprises et collectivités publiques (gammes InterLan, MultiLan, SMHD), ce qui a encouragé de nouveaux raccordement par fibre optique de grandes entreprises et collectivités publiques, individuels cette fois-ci. Les raccordements se font donc désormais à la commande d’un service et les déploiements a priori dans l’ensemble d’une zone sont devenus extrêmement rares (néanmoins, souvent, les boucles optiques de France Télécom existent préalablement à la souscription au contrat, du fait des déploiements de la décennie 90).

  •  

    Le positionnement des opérateurs

    II.3 La mesure du degré de concurrence

    Sur le marché des services d’envergure locale

    - l’accès à Internet à plus de 2 Mbit/s : résultats issus de l’enquête Pierre Audoin Conseil de mars 2001 sur la consommation en services de télécommunications des grandes entreprises

    La part des entreprises et collectivités publiques faisant appel à une des sociétés du groupe France Télécom (France Télécom, Oléane, Equant) atteint 48%, niveau proche des parts de marché de France Télécom pour l’autre service d’envergure locale (les transmissions de données commutées ou no commtées entre sites à plus de 2 Mbit/s), sur les centres d’affaires des quatre agglomérations économiques de plus d’un million d’habitants. Hors le groupe France Télécom, c’est un marché peu concentré : les autres opérateurs ont des parts de marché inférieures à 20%. La position du groupe France Télécom sur le marché de l’accès à Internet à plus de 2 Mbit/s demeure donc très forte.

          - les services de transmission d’envergure locale entre sites à plus de 2 Mbit/s

    Les zones où la concurrence est vive et installée sont les centres d’affaires des quatre agglomérations économiques les plus importantes de France (plus de un million d’habitants) : Paris et périphérie proche (Paris intra-muros, La Défense, Neuilly, Nanterre, Puteaux, Issy-les-Moulineaux, Boulogne), le centre de Lyon (quartier de la Part-Dieu), le centre de Lille et le centre de Marseille. Ils cumulent plusieurs avantages : au moins trois grandes boucles métropolitaines optiques d’entreprises appartenant à des opérateurs nouveaux entrants apportant une pression à la baisse des prix (notamment des tarifs des liaisons à très haut débit, 34 Mbit/s et 155 Mbit/s dont les prix ont diminué de 30% en région parisienne et de 10-15% à Lyon et Marseille entre 2000 et 2001), une concentration de sites ayant des besoins de plus de 10 Mbit/s apportant des économies d’échelle pour les boucles installées, au moins trois solutions de raccordement pour compte de tiers, des offres de boucle locale radio et surtout xDSL, des barrières à l’entrée moins fortes que dans les autres agglomérations (offres de fibre noire, présence des galeries d’égouts sous les immeubles à Paris) et la présence de nombreuses boucles métropolitaines optiques d’opérateurs qui peuvent, à terme, servir de base pour raccorder des sites d’entreprises et collectivités publiques. Parmi ces centres d’affaires, les zones de l’Ile-de-France (Paris intra-muros, La Défense, Issy-les-Moulineaux, Boulogne) connaissent la plus forte concurrence comme l’attestent la forte part de marché gagnée par les nouveaux entrants, alors que dans les autres agglomérations (centres de Lyon, de Marseille et de Lille), le degré de concurrence est moins fort qu’à Paris et les parts de marché gagnées par les concurrents moins élevées.

    Dans les agglomérations où se trouvent d’autres boucles métropolitaines optiques d’entreprises (Nice, Strasbourg, Nantes, Toulouse, Bordeaux, Grenoble), qui sont les villes de France dont la population est comprise entre 450 000 et 1 million d’habitants (à l’exception de Toulon), la concurrence est moins vive et plus récente : le nombre de boucles d’opérateurs nouveaux entrants est de un ou deux et elles sont généralement moins étendues que dans les grandes agglomérations. Il y a une certaine concentration de sites fortement consommateurs de haut débit, mais elle est moins grande que dans les grandes agglomérations. Il existe des solutions de raccordements pour compte de tiers mais moins nombreuses, de même qu’il y a des solutions de raccordements par boucle locale radio et xDSL moindres que dans les grandes agglomérations. France Télécom y conserve une position concurrentielle dominante.

    Enfin, dans le reste de la France, à l’exception de villes comme Castres, Dijon ou Besançon où des boucles métropolitaines d’entreprises ont été déployées avec l’aide des collectivités territoriales, il n’y a que l’offre de l’opérateur historique, donc pas de concurrence (ce sont des zones qui ne représentent que 35% de la consommation effective en services de transmission d’envergure locale et où les sites consommateurs sont plus dispersés).

          Sur le marché des services d’envergure régionale ou nationale

    Sur le marché des services d’envergure régionale ou nationale, en terme de chiffre d’affaires, la part de marché estimée de l’opérateur historique est élevée (largement supérieure à 50%). C’est notamment le cas pour le segment des liaisons louées haut débit régionales ou nationales aux entreprises et collectivités publiques où France Télécom est quasiment le seul fournisseur. Seuls Worldcom et Colt proposent quelques contrats pour des sites situés sur leurs boucles, généralement entre Paris et Lyon. En effet, pour offrir des liaisons louées à haut débit, les nouveaux entrants doivent acheter des liaisons sur la partie de desserte (ou d’accès) entre les sites des clients et leur POP ce qui leur fait perdre toute compétitivité par rapport aux liaisons louées de bout en bout de France Télécom.

    Ces parts de marché élevées s’expliquent par une structure avantageuse de coûts grâce à un réseau très déployé qui lui confère un avantage comparatif dans les appels d’offres (part des coûts d’accès dans le total des coûts inférieure à celle des concurrents) et un contrôle sur le segment de la desserte aux sites des entreprises et collectivités publiques, y compris ceux de ses concurrents qui doivent lui acheter des liaisons louées pour raccorder leurs propres clients. Le contrôle du segment de la desserte, goulet d’étranglement de ce marché, est notamment un avantage décisif qui, explique et renforce le niveau de parts de marché atteint : le groupe France Télécom détient une position dominante sur le marché des services d’envergure régionale ou nationale.

    On peut notamment détailler les avantages concurrentiels du groupe France Télécom (France Télécom pour les services de transport, ses filiales Transpac/ Oléane et Equant sur le marché de détail aux entreprises et collectivités publiques) sur ses concurrents sur le segment de la transmission de données commutées multi-sites, qui est le segment le plus important du marché des services d’envergure régionale ou nationale :

          - une structure de coûts bien meilleure que les opérateurs nouveaux entrants avec un niveau de coûts d’accès (coûts dédiés au raccordement des sites du client final) et une part de ces coûts dans les coûts totaux inférieurs à ses concurrents, du fait de la plus grande capillarité de son réseau ; cet avantage est renforcé par le mécanisme des appels d’offres qui sont la règle sur ce marché permettant de baisser les propositions tarifaires initiales entre les tours de l’appel d’offres et de se situer à un niveau inaccessible pour la plupart des concurrents ;

          - un réseau général beaucoup plus amorti que celui des opérateurs nouveaux entrants et cumulant les trafics de nombreux clients, donc avec plus d’économies d’échelle ;

          - le groupe France Télécom est le fournisseur actuel de la plupart des entreprises et collectivités publiques ; le choix d’un autre opérateur se traduit par des switching costs élevés sur ce marché ce qui engendre une certaine réticence à changer d’opérateurs ; les concurrents sont donc confrontés à une barrière à l’entrée qui ne le concerne pas ;

          - même s’ils souscrivent aux contrats SMHD ou MultiLan HD pour les sites qu’ils ont du mal à raccorder (soit une partie des sites d’un contrat), les opérateurs nouveaux entrants ont du mal à concurrencer les filiales de France Télécom présentes sur le marché de détail car celles-ci bénéficient de remises plus importantes (plus gros acheteurs) et d’une utilisation optimisée des contrats SMHD ou Multilan HD (les filiales bénéficient pleinement des économies d’échelle de ces services, conçus pour raccorder l’ensemble des sites d’une entreprise).

    La faculté des opérateurs nouveaux entrants à concurrencer les offres de France Télécom augmente lorsque l’opérateur peut réduire la part des coûts de l’ " accès " ou du raccordement de sites dans leur offre. Cette  " contestabilité " augmente principalement lorsque l’opérateur peut intégrer ses propres solutions de raccordements (ce qui n’est possible que pour les opérateurs qui ont leurs propres boucles métropolitaines optiques d’entreprises) ou celles des opérateurs de boucles locale concurrents de France Télécom (ce qui n’est possible que dans les dix plus grandes agglomérations uniquement) ou lorsque les POPs de l’opérateur sont proches des sites des entreprises et collectivités publiques à raccorder (ce qui suppose d’avoir un réseau très déployé). Cette " contestabilité " peut également s’améliorer lorsque l’opérateur a la capacité d’intégrer des services à valeur ajoutée supplémentaires valorisés par les clients ou qu’une partie du contrat comprend des raccordements de sites à l’étranger, dans des zones où l’opérateur nouvel entrant est bien implanté.

    La volonté des opérateurs nouveaux entrants d’intégrer de nouveaux services et de réduire le poids des coûts de raccordement dans leur offre est illustrée par la montée en puissance des contrats de réseaux privés virtuels en IP où les opérateurs nouveaux entrants remportent une fraction plus importante de contrats que pour les réseaux Frame relay ou ATM (selon une étude du cabinet Cesmo de septembre 2001, ils représentent 2/3 des contrats de transmission de données signés avec des grandes entreprises à la fin de l’année 2001). En effet, en regroupant les besoins locaux des entreprises dans des zones où ils ne sont pas présents (accès à Internet ou interconnexion de réseaux locaux par exemple) à l’intérieur d’un contrat national, les opérateurs nouveaux entrants gagnent une plus grande marge de manœuvre (possibilités d’accepter des marges très faibles sur les sites proches de leurs infrastructures pour compenser le coût des sites éloignés, incorporation de plus de services).

    Cette " contestabilité " varie selon la configuration des réseaux d’entreprises. Les configurations les plus fréquentes des contrats de transmission de données commutées avec raccordements à hauts débits sont :

          - un réseau d’entreprise reliant des sites, dont le siège social, situés dans une grande agglomération et un ou plusieurs sites de production informatique excentrés ;

          - un réseau d’entreprise reliant des sites au sein d’une grande agglomération et plusieurs sites d’usines très excentrés en grande périphérie des villes ou à la campagne ;

          - un réseau de transmission de données commutées en étoile, généralement à " deux niveaux " : des sites nationaux comme le siège social ou les sites de production informatique, rattachés en étoile à des sites régionaux dans les 25-30 premières agglomérations, eux-mêmes rattachés en étoile à un grand nombre d’agences commerciales ou d’agences administratives locales situés dans des chefs-lieux de départements, communes, et quelquefois leur périphérie.

    Parmi ces configurations d’appels d’offres, l’étude a montré que la faculté des opérateurs nouveaux entrants à concurrencer les offres de l’opérateur historique n’existe que dans un nombre limité de cas, principalement grâce à l’intégration de leurs propres solutions de raccordement : ce sont les réseaux d’entreprises comportant des liens avec les sites de production informatique et les sites de back-ups (grandes banques, grosses entreprises industrielles), lorsque les sites ne sont pas trop éloignés de leurs POPs et certains contrats pour des réseaux en étoile (secteur bancaire, administrations, services publiques), généralement limités à un seul niveau (national – régional). Par contre, les contrats pour relier les sites de production informatique et de back-up très excentrés, les contrats dans le secteur industriel où il faut relier plusieurs usines dispersées et les réseaux en étoile avec un nombre important de sites dans des villes moyennes ou petites échappent encore largement aux opérateurs nouveaux entrants.

    La " contestabilité " relative des opérateurs nouveaux entrants a profité aux entreprises et collectivités publiques clientes qui ont obtenu des baisses de prix significatives sur les appels d’offres. La plupart des appels d’offres sont encore généralement gagnés par l’opérateur historique, qui a la possibilité de faire des baisses importantes entre les tours de l’appel d’offres, à des niveaux que les opérateurs nouveaux entrants ne peuvent pas suivre du fait du poids des dépenses liés à l’accès (les achats de liaisons louées pour raccorder les sites des clients représentent pour les opérateurs nouveaux entrants une moyenne 60-70% de la valeur du contrat, et rarement moins de 50% de celui-ci).

     

    III. Les perspectives sur les marchés et les préconisations

          III-1 Les perspectives sur les marchés à haut débit

    Une montée des débits de raccordement des sites en France paraît inéluctable à terme, bien que cet horizon ne soit pas facile à établir, de l’avis des acteurs du secteur. Cette montée en débits devrait avoir lieu par développement de nouveaux usages professionnels ; elle devrait se produire d’abord au niveau des sites locaux, des usines, des petites et moyennes entreprises par de nouveaux usages suscités par l’arrivée de débits intermédiaires (entre 128 Kbit/s et 2 Mbit/s) à des prix plus bas, du fait de la boucle locale radio et surtout des technologies xDSL. Par un effet boule de neige, l’augmentation des débits à un niveau local devrait entraîner une augmentation des débits de raccordement sur les sites régionaux et centraux qui devraient basculer à plus de 2 Mbit/s au lieu des débits compris entre 512 Kbit/s et 2 Mbit/s actuellement. Typiquement pour un réseau en étoile, si les sites locaux se raccordent en DSL, un raccordement en fibre optique du site régional devient rapidement nécessaire. L’apparition de besoins de raccordements à plus de 2 Mbit/s devrait donc concerner en premier lieu les 25-30 plus grandes agglomérations puis toucher les sites d’entreprises et collectivités publiques dans les chefs-lieux de départements (100 premières villes de France).

    L’estimation faite par les opérateurs au cours de la présente enquête du nombre de sites devant " rapidement " (certainement à l’horizon 2005) avoir besoin de raccordements à plus de 2 Mbit/s est de l’ordre de 20 000 sites (cf les 10 000 sites actuels environ raccordés par fibre optique, dont certains ne consomment pas de services à hauts débits). En matière de dispersion géographique de ces futurs besoins de raccordement à haut débit, la meilleure estimation en notre possession est celle effectuée lors de l’étude concurrentielle conduite en 2000 qui montre que 67% de ces sites ne peuvent pas être couverts par les infrastructures alternatives à haut débit existantes (les sites en périphérie des 10 premières agglomérations et dans le " reste du territoire " du tableau ci-dessous).

     

    Répartition des sites à forts
    besoins en débits*

    Paris intra-muros, Neuilly-sur-Seine, Puteaux, Courbevoie et Nanterre

    22%

    Départements limitrophes de Paris, Bordeaux, Grenoble, Lille, Lyon,
    Marseille, Nantes, Nice, Strasbourg, Toulouse

    32%

    dont centre des agglomérations

    11%

    dont périphérie

    21%

    Reste du territoire

    46%

    Source : Opérateurs
    * Cette estimation, réalisée il y a maintenant deux ans, doit être considérée avec précaution, selon les opérateurs eux-mêmes.

    Par rapport à ces besoins, actuels et futurs, la situation de l’offre des opérateurs est très contrastée d’une région à une autre : la concurrence sur les services d’envergure locale n’est pas menacée à Paris, Lyon, Marseille ou Lille. Elle paraît plus fragile dans les six agglomérations où l’opérateur historique n’a qu’un seul concurrent (Toulouse, Nantes, Nice, Strasbourg, Grenoble et Bordeaux). Dans le reste du territoire, les demandes de raccordement de plus de 2 Mbit/s qui vont apparaître ne seront vraisemblablement pas satisfaites à court-moyen terme par de nouvelles boucles métropolitaines optiques d’entreprises d’opérateurs nouveaux entrants, même dans les 15 agglomérations régionales suivantes dont le nombre d’habitants est compris entre 250 000 et 450 000 où les besoins de raccordement devraient apparaître rapidement.

    Les opérateurs de boucles métropolitaines optiques d’entreprises actuels ne déploieront pas de nouvelles boucles dans ces agglomérations du fait d’une absence durable de financements sur les marchés financiers et de la remise en cause de la stratégie de concurrence par les infrastructures dans ce type d’agglomérations. La satisfaction des demandes de raccordements à haut débit ne viendra pas non plus des opérateurs actifs sur le marché de la transmission de données commutées multi-sites qui réaliseront très peu de raccordements directs de sites d’entreprises et collectivités publiques à moyen terme lors de leurs réponses aux appels d’offres.

    En dehors de l’opérateur historique, qui est le seul à pouvoir maintenir un rythme élevé de raccordement partout sur le territoire au fur et à mesure que les besoins apparaissent, les possibilités de raccordement directs viendront de deux types d’opérateurs : des opérateurs de boucle locale radio et de xDSL pour les débits compris entre 2 et 10 Mbit/s -ce qui ne règle pas le problème des débits supérieurs à 10 Mbit/s-, et des opérateurs ayant déployé des boucles métropolitaines optiques d’opérateurs (voir Partie III sur le marché des opérateurs). Ces opérateurs (carriers) ne devraient faire leur entrée sur le marché des entreprises et collectivités publiques que par des raccordements pour compte de tiers, de manière progressive. Ils se contenteront certainement d’effectuer desraccordements à des débits supérieurs à 34 Mbit/s (seuls raccordements directs pouvant leur assurer une certaine rentabilité) durant quelques temps.

          III.2 Les recommandations

    Sur les deux marchés des services d’envergure locale et des services d’envergure régionale ou nationale, la question cruciale pour favoriser le passage vers le haut débit des entreprises et des collectivités et l’arrivée d’une concurrence plus forte et plus novatrice sur les services est celle de l’abaissement des coûts de l’accès (ou des coûts de raccordement). Cette question se pose de manière particulièrement vive dans les zones sans infrastructures alternatives.

    On peut avancer les trois préconisations suivantes pour favoriser cette baisse des coûts de raccordement:

          - une première réponse repose sur la mise en place, conformément aux recommandations de la Commission européenne, d’une offre d’interconnexion des liaisons louées entre le site du client et l’opérateur nouvel entrant par France Télécom sur l’ensemble de la gamme des débits de raccordements de clients finaux sur le marché (de 128 Kbit/s à 155 Mbit/s) ; cela a été fait avec les décisions 02-146 et 02-147 portant respectivement sur une offre d’interconnexion de liaisons louées de France Télécom dans son catalogue et sur le différend opposant MFS Communications à France Télécom relatif à la fourniture par France Télécom de liaisons louées aux opérateurs tiers ; il sera intéressant de vérifier l’impact concurrentiel de ces décisions sur le marché des services d’envergure régionale ou nationale et particulièrement son segment le plus important, celui de la transmission de données commutées multi-sites, notamment lors de la vérification devant intervenir au bout de 18 mois, comme stipulée par la décision 02-147 ;

          - la seconde solution est le développement de solutions du type boucle locale radio et de xDSL au-delà des 10 premières agglomérations (notamment de dégroupage permettant une réelle concurrence). Le déploiement des technologies de débits " intermédiaires " (de 128 Kbit/s à 4*2 Mbit/s), notamment les technologies xDSL, permettra d’abaisser le coût économique du raccordement des sites de moyen débit sur le marché des services d’envergure régionale et nationale. Il devrait être également l’élément déclenchant de la montée en débits consommés par les entreprises et collectivités publiques qui fera apparaître des besoins de raccordements par fibre optique supplémentaires justifiés économiquement dans un grand nombre d’agglomérations sur le territoire ;

          - la troisième solution, qui ne pourra avoir des effets que plus tardivement, est de favoriser l’abaissement des barrières à l’entrée des opérateurs proposant la commercialisation de liaisons louées pour compte de tiers pour raccorder les sites des entreprises et collectivités publiques : on peut notamment explorer les possibilités de mise à disposition des fourreaux de l’opérateur historique aux opérateurs qui en font la demande.

    L’intervention des collectivités territoriales sur les conditions de raccordement et sur les marchés à haut débit pourrait se faire principalement par l’harmonisation et la facilitation des conditions de déploiement sur l’ensemble du territoire des opérateurs pour abaisser leurs barrières à l’entrée sur le marché des hauts débits (attribution des droits de passage, signature des conventions de partage).

    En ce qui concerne la procédure d’homologation tarifaire, pour les services d’envergure locale de l’opérateur historique (liaisons louées 2 Mbit/s, 34 Mbit/s et 155 Mbit/s, Interlan 1.0 et 2.0, réseaux métropolitains et SMHD en dehors de la région parisienne), l’existence d’une concurrence établie sur Paris intra-muros, La Défense, Boulogne, Issy-les-Moulineaux, les centre-villes de Lyon, Marseille, et de Lille permet de s’interroger sur la nécessité de maintenir l’homologation tarifaire sous sa forme actuelle. Toutefois, une sortie du champ de l’homologation de tels services, alors circonscrite à des zones géographiques limitées, pourrait poser des difficultés concurrentielles du fait de la dominance de l’opérateur historique sur le marché connexe des services offerts sur le reste du territoire. Un tel risque a d’ailleurs été identifié par l’Autorité dans son avis n° 02-271 sur les liaisons louées hauts débits à 34 Mbit/s et 155 Mbit/s(2). La simple procédure d’information de l’Autorité, qui se substituerait à la procédure d’homologation ne paraît pas suffisante pour prévenir ces risques.

    La levée de l’homologation tarifaire sur les autres localités de l’Ile-de-France, Nice, Toulouse, Nantes, Strasbourg et Grenoble est prématurée avant que l’existence d’une concurrence durable ne soit confirmée. Dans le reste du territoire, la concurrence n’existe pas et l’homologation tarifaire des services d’envergure locale n’est pas envisageable.

    Pour les services de l’opérateur historique d’envergure régionale ou nationale, en ce qui concerne le service Inter San, la localisation d’un grand nombre de sites de production informatique à l’extérieur des zones actuelles de raccordement des opérateurs nouveaux entrants rend la sortie de l’homologation tarifaire prématurée.

    De même, la procédure d’homologation tarifaire sur les services de transport comme Multilan HD et SMHD en région parisienne qui servent de support aux services de transmission de données, doit être maintenue à plusieurs égards :

          - les opérateurs nouveaux entrants ne sont pas encore en mesure de s’appuyer sur des architectures leur permettant de concurrencer la structure de coûts de France Télécom (part des coûts d’accès faible par rapport aux coûts du réseau général). Il sera important de vérifier s’ils y parviennent avec l’offre d’interconnexion des liaisons louées mise en place ;

          - la situation sur le marché (difficultés financières et grande spécialisation des opérateurs) accentue le risque de prédation : la conduite de tests de prédation est importante pour veiller à l’établissement d’une concurrence durable sur ce segment de marché porteur.

     

     

    Le marché des Fournisseurs d’Accès à Internet
    __________

     

    Les besoins des Fournisseurs d’Accès à Internet étudiés sont ceux des FAI qui sont présents sur les marchés résidentiels et professionnels ; sur le marché des entreprises et collectivités publiques, dès les grosses PME, ce sont les opérateurs qui adressent directement ce marché comme on l’a vu en Partie I (à l’exception de Compuserve, du groupe AOL).

    I. La délimitation du marché pertinent

          I.1 La délimitation en terme de services

    Les besoins en services à haut débit avec raccordements en fibre optique sont de trois sortes :

          - des capacités de desserte pour raccorder les POPs des réseaux des opérateurs effectuant la collecte (RTC ou IP) avec leurs points de concentration de trafic; lorsque les points de concentration du trafic sont colocalisés chez les opérateurs de collecte, ce besoin disparaît ;

          - du transit IP vers le backbone Internet mondial (achat de connectivité IP) qui se fait dans des netcenters ou par interconnexion directe avec d’autres réseaux de FAI (peering) ;

          - des capacités de desserte vers des sites d’hébergement d’équipements (serveurs) ; généralement, les équipements des Fournisseurs d’Accès à Internet sont aujourd’hui colocalisés chez un opérateur et ce besoin disparaît.

    Tous ces services se font par des liaisons à haut débit, avec des raccordements en fibre optique, incontournables (à partir de 2 Mbit/s mais souvent supérieurs à 34 Mbit/s, voire au-delà, 155 Mbit/s et 622 Mbit/s).

          I.2 La délimitation géographique

    Que ce soit pour les liaisons avec les opérateurs assurant la collecte ou le transit IP, le plus gros marché (plus de 95% certainement) se trouve sur les lieux d’implantation des infrastructures des Fournisseurs d’Accès à Internet de taille nationale dans la région parisienne (Paris et département des Hauts de Seine à La Défense, Boulogne, Nanterre).

    Il existe également des marchés locaux avec des Fournisseurs d’Accès à Internet régionaux adressant généralement le marché professionnel dans leur région. Ces Fournisseurs d’Accès à Internet sont, dans les grandes agglomérations, colocalisés dans les netcenter des opérateurs assurant la collecte, généralement situés en centre-ville des grandes agglomérations (Lille, Lyon, Marseille, Nantes). Ces FAI régionaux, colocalisés ou non, achètent également des prestations de collecte IP auprès de ces mêmes opérateurs.

    Le marché des fournisseurs d’accès à Internet se compose donc de quatre marchés :

          - le marché des liaisons entre POPs d’opérateurs et points de concentration du trafic des Fournisseurs d’Accès à Internet dans la région parisienne ;

          - le marché du transit IP dans la région parisienne ;

          - le marché des liaisons entre POPs d’opérateurs et points de concentration du trafic des fournisseurs d’accès à Internet en Province pour les Fournisseurs d’Accès à Internet non colocalisés ;

          - le marché du transit IP entre les FAI régionaux et le backbone Internet mondial

          I.3 L’estimation du marché

          Le marché des liaisons entre POPs des opérateurs assurant la collecte et points de concentration du trafic des Fournisseurs d’Accès à Internet

    L’estimation du marché des liaisons entre POPs assurant la collecte et points de concentration du trafic des Fournisseurs d’Accès à Internet n’a pu être conduite dans le cadre de cette enquête. Néanmoins, dans la région parisienne,  l’étude a permis de constater que le marché des liaisons entre POPs d’opérateurs assurant la collecte et points de concentration du trafic des Fournisseurs d’Accès à Internet était en train de se réduire fortement par intégration verticale entre Fournisseurs d’Accès à Internet et opérateurs de télécommunications assurant le service de collecte. Après ces opérations d’intégration verticale, les besoins des FAI sont généralement satisfaits en interne (cf l’enquête sur la collecte de trafic Internet bas débit). Il faudra néanmoins voir si un nouveau marché ne réapparaît pas avec la progression des besoins de collecte du trafic ADSL des Fournisseurs d’Accès à Internet et en étudier le fonctionnement.

    Le marché des liaisons entre POPs d’opérateurs et points de concentration du trafic des Fournisseurs d’Accès à Internet en Province est un marché dont le poids dans le marché total se contracte fortement, à mesure que le nombre de Fournisseurs d’Accès à Internet régionaux se réduit et que les FAI régionaux se colocalisent afin de réaliser des économies chez les opérateurs assurant la collecte.

          Le marché du transit IP

    Le marché du transit IP était estimé à 120,8 millions d’euros en 2000 et 160,4 millions d’euros en 2001 selon une étude de l’Idate. Cette estimation englobe à la fois la part (prépondérante) consommée par les Fournisseurs d’Accès à Internet nationaux installés dans la région parisienne et celle des Fournisseurs d’Accès à Internet régionaux qui se fournissent localement.


    II. Analyse du fonctionnement du marché

    Les Fournisseurs d’Accès à Internet de dimension nationale ont installé leurs infrastructures à Paris et dans la première couronne pour bénéficier d’une proximité avec les POPs des opérateurs assurant la collecte et de la concurrence entre ces opérateurs, notamment de la présence de plusieurs opérateurs en mesure de POPer directement les sites des FAI et du choix existant de plusieurs opérateurs pour être colocalisés à moindre coût. Ces Fournisseurs d’Accès à Internet sont relativement satisfaits de l’évolution du marché qui se traduit par un prix bas des liaisons entre leurs points de concentration et les POPs des opérateurs grâce à la multiplication des offres de liaisons louées par les opérateurs ayant déployé des boucles métropolitaines d’opérateurs dans la région parisienne.

    Ainsi, les prix des liaisons dont bénéficient les FAI dans la région parisienne ont connu une baisse importante entre 2000 et 2001, de l’ordre de 20% (prix des liaisons à 155 Mbit/s passés de 6 200 à 5 000 euros entre fin 2000 et fin 2001, et prix des liaisons à 622 Mbit/s passés de 15 000 à 13 000 euros entre fin 2000 et fin 2001).

    Sur le marché de la connectivité IP en région parisienne, les Fournisseurs d’Accès à Internet sont également satisfaits de la situation concurrentielle dans les netcenters : les prix ont beaucoup baissé et les coûts de changement d’opérateurs (switching costs) sont très bas grâce à la présence d’au moins huit opérateurs internationaux dans les netcenters parisiens (Téléhouse 1 et 2, Sphinx, Interxion). Ainsi, les prix sur le transit IP ont baissé très fortement entre fin 1999 et 2001 (le prix moyen du Mbit/s - pour 50 Mbit/s achetés - est passé de 685 euros par mois à fin 1999 à 300 euros par mois à fin 2000 et 200 à 220 euros par mois à fin 2001) avec des niveaux de marges extrêmement réduites pour les opérateurs. Depuis la fin de l’année 2001 et le début de l’année 2002, il semblerait que les prix se soient stabilisés du fait des difficultés de certains opérateurs internationaux et de l’absence de nouvelles entrées sur le marché. Toutefois ils s’établissent à des niveaux comparables à ceux de villes comme Londres ou New York. Selon une étude conduite par l’Idate, le marché du transit IP en 2000 et 2001 était peu concentré (France Télécom n’y aurait qu’une part de marché de 15%).

    La situation concurrentielle sur les marchés régionaux, notamment pour le transit IP n’a pas été étudiée de manière approfondie dans le cadre de cette enquête. On peut néanmoins estimer que les Fournisseurs d’Accès à Internet régionaux présents dans les trois premières agglomérations hors Paris (Lyon, Lille et Marseille) bénéficient de la proximité d’un nombre élevé d’opérateurs, notamment les opérateurs ayant déployé des boucles métropolitaines optiques d’entreprises qui sont fortement présents en centre-ville. Dans les 20 agglomérations suivantes, les opérateurs présents sont moins nombreux et plus éloignés des sites des Fournisseurs d’Accès à Internet, ce qui rend la situation moins favorable aux Fournisseurs d’Accès à Internet, lorsqu’ils ne se sont pas colocalisés.


    III. Les perspectives

    En matière de liaisons entre points de concentration du trafic des Fournisseurs d’Accès à Internet et les POPs des opérateurs de collecte en région parisienne, le marché des Fournisseurs d’Accès à Internet des liaisons va continuer à se réduire pour ne concerner que les seuls besoins des Fournisseurs d’Accès à Internet non intégrés à des opérateurs titulaires de licences. Ceux-ci vont continuer à bénéficier de la présence de nombreuses boucles optiques métropolitaines d’opérateurs dans la région parisienne pour se fournir à des prix bas.

    En ce qui concerne le transit IP pour les Fournisseurs d’Accès à Internet nationaux en région parisienne, le marché connaît actuellement une consolidation. Même si les prix du transit IP peuvent subir une petite remontée consécutivement à ce mouvement de consolidation, le marché demeurera certainement concurrentiel du fait de la présence de quatre ou cinq opérateurs solides.

     

    Le marché des opérateurs
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    I. La délimitation du marché pertinent

    Contrairement au marché des entreprises et collectivités publiques, pour la clientèle des opérateurs, il y a une segmentation claire de la demande entre des besoins en terme de capacités de transport sur le marché intermédiaire et les services ou les applications ajoutés à ces capacités qui sont commercialisés sur le marché final. Les besoins des opérateurs de télécommunications se situent au niveau des capacités de transport (bande passante, liaisons louées) qu’ils achètent à d’autres opérateurs (carriers).

          I.1 La délimitation en terme de services

    Les besoins des opérateurs en capacités de desserte à haut débit avec raccordements en fibre optique sont de trois sortes :

          - des capacités de desserte achetées à d’autres opérateurs pour raccorder leurs propres clients finaux, entreprises et collectivités publiques, pour leur fournir des services à haut débit. Ce sont généralement via des liaisons louées ;

          - des capacités de desserte, pour le backbone du réseau de l’opérateur acheteur (externalisation de backbone) pour raccorder leurs POPs. Ces capacités sont généralement de la bande passante ou des liaisons louées point à point (de 2Mbit/s pour les opérateurs mobiles à des longueurs d’onde pour les opérateurs fixes sur les routes les plus importantes) ;

          - des capacités de desserte pour leurs besoins d’interconnexion (liaisons de raccordement) voix, Internet ou données entre leurs POPs et d’autres opérateurs : points de commutation de France Télécom (PRO, CAA, points de concentration du trafic ADSL, répartiteurs, brasseurs), POPs des autres opérateurs, carrier hotel, stations de base des opérateurs de boucle locale radio, sur de courte distance (généralement moins de 5 kilomètres avec un maximum à 50 kilomètres). Ces capacités sont généralement point à point, complétées d’offres de colocalisation et d’hébergement d’équipements.

    On n’étudiera pas le segment du raccordement des clients finaux qui est le segment en amont du marché de détail des entreprises et des collectivités publiques (principalement du marché des services d’envergure régionale et nationale). Le fonctionnement de ce segment de marché a déjà été traité dans la partie I.

          I.2 La délimitation géographique

    Tout comme pour le marché des entreprises et des collectivités publiques (Partie I), le périmètre géographique pertinent pour les conditions de concurrence est déterminé par la présence d’infrastructures d’opérateurs nouveaux entrants (ici des carriers) concurrentes aux services de France Télécom. Il s’agit des boucles métropolitaines optiques d’opérateurs. Elles se trouvent généralement dans un périmètre plus ou moins large autour des PRO de France Télécom, dans les 25-30 premières villes de France. Sur le reste du territoire, il y a très peu d’infrastructures de carriers concurrentes à celles de l’opérateur historique.

    Les quatre marchés pertinents du point de vue des services et des zones géographiques sont :

          - les capacités de desserte pour les besoins d’interconnexion (liaisons de raccordement) dans les 25-30 premières agglomérations ; on peut distinguer le marché parisien car il est le siège du marché international (bande passante internationale) depuis la France ;
          - les capacités de desserte pour les besoins d’interconnexion (liaisons de raccordement) des opérateurs dans le reste du territoire ;
          -
    les capacités de desserte pour les besoins propres des réseaux backbone des opérateurs (externalisation de backbone) dans les 25-30 premières agglomérations ;
          - les capacités de desserte pour les besoins propres du backbone des opérateurs (externalisation de backbone) dans le reste du territoire.


           I.3 Estimation des marchés de services de transport à haut débit

    Pour l’ensemble des quatre marchés cités, les tableaux ci-après décrivent respectivement sa valorisation (en chiffres d’affaires) et les infrastructures existantes (estimation des capacités de production actives).

    Les opérateurs de boucles métropolitaines optiques d’opérateurs ont déployé des infrastructures dans les 25-30 premières agglomérations (au moins). La longueur des boucles déployées varie d’une agglomération à l’autre.

     

    II. Analyse du fonctionnement du marché

          II.1 La demande

          Le marché des capacités de desserte pour le backbone des opérateurs

    La localisation des besoins de capacités de desserte varient selon le type d’opérateurs :

          - les infrastructures des opérateurs mobiles à raccorder sont dispersées sur une grande partie du territoire ;

          - les infrastructures des opérateurs de téléphonie fixe et de données restent encore concentrées dans les 25-30 premières agglomérations, même si elles s’étendent ;

          - les infrastructures des opérateurs de boucle locale radio sont moins concentrées que celles des opérateurs de téléphonie fixe ou de données. Elles se trouvent dans les 20 premières agglomérations pour les opérateurs titulaires de licence nationale et sont plus diffuses sur le territoire pour les opérateurs ayant des licences régionales ;

          - les infrastructures des cablo-opérateurs sont dispersées sur tout le territoire, avec des têtes de réseaux installés souvent dans de très petites communes (historique du plan câble). Les besoins de capacités de desserte de backbone des cablo-opérateurs comportent des raccordements de ces têtes de réseau reliées à des capacités de transport de l’opérateur transporteur vers un point de concentration du cablo-opérateur, qui est souvent situé à Paris ou dans la région parisienne.

    La demande de capacités de desserte pour les besoins du réseau backbone est souvent conjoncturelle, notamment celle émanant des opérateurs de téléphonie fixe et de données  : elle dépend de la progression de la capillarité des réseaux des opérateurs, qui évolue avec l’avancée de l’ouverture à la concurrence (via le dégroupage ou l’ouverture de la zone locale de tri) et elle est souvent provisoire avant que les opérateurs n’investissent dans leurs propres infrastructures, en remplacement des capacités louées auparavant.

    En valeur, la demande de capacités de desserte pour les besoins du réseau backbone est dominée par les besoins des opérateurs mobiles. Cette tendance va certainement s’accentuer avec l’arrivée de la troisième génération mobile qui suppose le déploiement d’un plus grand nombre d’antennes.

          Le marché des capacités de desserte pour l’interconnexion (liaisons de raccordement)

    L’étude nous a conduit à nous intéresser particulièrement aux besoins des opérateurs de téléphonie fixe et de données. Pour ces opérateurs, le périmètre géographique de leurs besoins ne cesse de s’élargir au fur et à mesure de la progression de la capillarité de leur réseau : le marché était d’abord limité aux zones autour des PRO de France Télécom où se trouvent l’essentiel des POPs des opérateurs pour les opérateurs fixes ; puis il s’est élargi aux périmètres autour de la majorité des CAA de France Télécom dans le cadre de l’ouverture de la zone locale de tri pour les appels locaux avec le besoin de raccordement des POPs existants des opérateurs avec ces CAA ; ensuite, le périmètre va s’étendre aux zones autour des répartiteurs de France Télécom dans les grandes agglomérations pour les besoins du dégroupage et de la revente et des points de concentration du trafic DSL ; on peut noter qu’il y aura des recoupements importants entre les zones autour des CAA et celles autour des répartiteurs concernés par le dégroupage du fait de colocalisations de répartiteurs au niveau des CAA et de la polarisation du dégroupage dans les grandes villes.


          II.2 L’offre des opérateurs

    On a distingué deux catégories d’opérateurs de boucles métropolitaines d’opérateurs offrant des capacités de transport haut débit : les opérateurs présents sur le marché national  et ceux présents sur le marché international.

    Il y a deux opérateurs principaux qui concurrencent l’opérateur historique sur le marché national : LD Com et Télécom Développement. Ils adressent les besoins en capacités de desserte des opérateurs par le biais de leurs boucles métropolitaines SDH à très haut débit déployées dans les 25-30 premières agglomérations (généralement à proximité des PRO de France Télécom) où se trouvent les besoins principaux de leurs clients, notamment de leurs clients " privilégiés " en 2001. Les autres opérateurs actifs sur le marché des capacités de desserte haut débit aux opérateurs sont présents à Paris principalement et, dans une moindre mesure, à Lyon et Marseille (Colt et Completel).


           II. 3 L’estimation du degré de concurrence

          Le marché des capacités de desserte pour le backbone des opérateurs

    Pour le marché des capacités nationales de desserte pour les besoins du backbone des opérateurs de téléphonie fixe et de données, la concurrence existe sur les 25-30 premières agglomérations de France depuis l’année 2001 par la présence de trois opérateurs (LD Com, France Télécom et Télécom Développement). Les prix y sont inférieurs dans les agglomérations de Paris, Lyon et Marseille par rapport aux 22-27 autres agglomérations du fait d’un degré de concurrence supérieur du à la présence, en plus des trois opérateurs cités, de boucles métropolitaines optiques d’autres opérateurs dans ces agglomérations, notamment de Colt et de Completel ; la concurrence existait d’ailleurs dans ces agglomérations avant l’année 2001. Dans les 22-27 autres agglomérations, les prix sont supérieurs et relativement uniformes d’une ville à l’autre ; la concurrence se fait entre France Télécom, LD Com et Télécom Développement depuis l’année 2001. Du fait de l’existence de ces possibilités de raccordement dans les 25-30 premières agglomérations, les tarifs des liaisons louées longue distance sur le marché des opérateurs ont également baissé, notamment entre Paris, Lyon et Marseille.

    Pour les besoins de capacités à l’international, les prix ont fortement baissé au cours des années 1999-2001. Ce marché, fortement concentré dans l’agglomération parisienne y bénéficie de la présence de nombreuses boucles métropolitaines optiques d’opérateurs.

          Le marché des capacités de desserte pour l’interconnexion 

    Pour les liaisons de raccordement, la concurrence a réellement démarrée au cours de l’année 2001, avec l’arrivée de LD Com sur ce marché, qui a entraîné l’entrée de Télécom Développement également dans ce marché (cf l’enquête sur le marché de l’interconnexion). Cette concurrence se reflète dans la baisse des prix des liaisons de raccordement sur les 25-30 premières agglomérations. Les prix de marché à Paris, Lyon et Marseille sont inférieurs au reste de la France.

     

    III. Les perspectives

    Le développement de la concurrence sur le marché des opérateurs dépend du déploiement des infrastructures des opérateurs de boucles métropolitaines optiques d’opérateurs, lui-même fortement conditionné par l’existence d’une demande de la part des opérateurs présents sur les marchés de détail. Le déploiement actuel, stabilisé aux 25-30 premières agglomérations, progressera au-delà grâce aux deux besoins moteurs suivants : l’ouverture de la zone locale de tri et les nouveaux besoins de collecte au niveau des CAA qu’elle va entraîner et surtout le dégroupage et le raccordement aux répartiteurs de l’opérateur historique.

    Selon de nombreux opérateurs, les collectivités territoriales semblent avoir un plus grand rôle à jouer sur le marché des opérateurs que sur le marché des entreprises et collectivités publiques dans la mise à disposition d’infrastructures de réseau passives dans les agglomérations où les opérateurs ne viendront pas spontanément (location de fourreaux ou de fibre noire, aménagement puis location d’espaces), notamment dans le cadre du dégroupage (et, de manière plus modeste semble-t-il, pour favoriser le déploiement des opérateurs de boucle locale radio). Il est assez difficile à ce stade d’établir la limite du déploiement de ces deux technologies " dans des conditions de marché " et donc de délimiter un espace où l’intervention complémentaire des collectivités pourrait se faire de manière profitable pour la collectivité (amélioration du surplus social supérieur aux coûts). D’ores et déjà, il semble que les collectivités territoriales puissent intervenir utilement dans le déploiement des opérateurs à la périphérie des 25-30 premières agglomérations, notamment dans les zones industrielles.

     

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    (1) la fibre optique peut également être utilisée comme technologie de raccordement pour des services à bas débit comme le service téléphonique. Certains opérateurs ont développé un modèle économique où le raccordement en fibre optique constitue l'avantage comparatif pour servir l'ensemble des besoins locaux des clients, y compris les services à bas débit. Néanmoins, il nous semble que, sur le marché, l'utilisation de la fibre optique pour le service téléphonique se différencie clairement du point de vue de la demande de son usage pour les services à hauts débits. On peut exclure le raccordement en fibre optique pour le service téléphonique du marché pertinent de cette étude.

    (2) Avis n° 02-271 du 2 avril 2002 sur les décisions tarifaires numéros 2001633 et 2001637 relatives à l'évolution des tarifs des liaisons louées hauts débits à 34 Mbit/s et 155 Mbit/s. L'Autorité a identifié des tarifs anormalement bas sur Paris et La Défense, conduisant à des recettes inférieures aux coûts, alors que, sur le reste du territoire, les tarifs proposés permettaient de dégager une marge nettement positive.


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